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Date : 20050901

Dossier : IMM-4313-05

Référence : 2005 CF 1196

Montréal (Québec), le 1er septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DE MONTIGNY

ENTRE :

PARMOD KUMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]     Par la présente requête, le requérant cherche à obtenir le sursis de l'exécution d'une mesure de renvoi émise contre lui, ainsi que la prorogation du délai de dépôt du dossier du requérant. Cette requête se greffe à une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de l'agent d'immigration rejetant la demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR), rendue le 23 juin 2005. Le départ du Canada a été fixé au mercredi 7 septembre 2005.


[2]     Le requérant est un citoyen Hindou du Punjab en Inde. Il prétend avoir été victime d'extorsion en Inde par les membres du groupe AISSF Bittu. Après avoir portéplainte à la police, il aurait fait l'objet d'une arrestation et l'on aurait pris ses empreintes digitales. Suite à l'enquête des autorités policières, deux personnes furent arrêtées. En guise de représailles, le requérant et sa famille auraient été persécutés par les membres du groupe AISSF Bittu. Il s'est donc d'abord réfugié à Haryana, en Inde, puis s'est enfui en Allemagne suite à l'arrestation de sa mère.

[3]     L'Allemagne ayant refusé de lui accorder le statut de réfugié, le requérant a présenté une demande d'asile à son arrivée au Canada, le 26 décembre 1999.

[4]     Le 9 janvier 2001, la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) rejetait sa demande. La demande d'autorisation et de contrôle judiciaire déposée par le requérant en cette Cour a été rejetée le 4 septembre 2001.


[5]     Par la suite, le requérant a déposé une demande d'appartenance à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugiés (DNRSRC), laquelle s'est muée en demande dvaluation des risques avant renvoi (ERAR) avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi). Il a également déposé une demande d'exemption de visa pour motifs humanitaires.

[6]     Le 12 juillet 2005, le requérant a reçu en personne les décisions négatives en regard de sa demande ERAR et de sa demande d'exemption de visa pour motifs humanitaires, ainsi qu'un avis l'informant de la date de son renvoi. L'agent d'immigration chargé de l'examen de ces demandes a d'abord noté que les prétentions du requérant étaient essentiellement les mêmes que celles qu'il avait fait valoir devant la CISR. Quant à la nouvelle preuve soumise (l'affidavit d'un Sarpanch et cinq lettres d'appui), il a considéré qu'il s'agissait de témoignages intéressés ( « self-serving » ). Enfin, il a conclu que la preuve documentaire ne permettait pas dtablir que le requérant ferait face à un risque personnel et objectivement identifiable s'il devait retourner en Inde, puisque les confrontations violentes entre les militants Sikhs et les autorités indiennes étaient maintenant choses du passé.


[7]     Il convient dans un premier temps de se pencher sur la demande de prorogation de délai. Il est bien établi que c'est au requérant qu'il revient de fournir une raison valable pour justifier son retard (Semenduev c. M.C.I., [1997] A.C.F. No. 70 (C.F.); Buhalzev c. M.C.I., [1999] A.C.F. No. 1098 (C.F.)). En l'occurrence, le requérant n'a présenté aucun argument, oralement ou par écrit, pour tenter d'expliquer son délai à déposer son dossier au soutien de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire.

[8]     En l'absence d'un affidavit établissant les raisons pour lesquelles une prorogation de délai est demandée, il m'est difficile d'exercer ma discrétion en faveur du requérant. Au moment du dépôt de la demande d'autorisation, le procureur du requérant savait que le délai pour présenter celle-ci était de trente jours. Or, rien ne me permet de croire que le retard découle d'un événement imprévu et hors du contrôle du requérant. Pour ce seul motif, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire devrait être rejetée, auquel cas la demande de sursis doit subir le même sort.

[9]     Quoiqu'il en soit, et en supposant même que la demande de sursis puisse être examinée, je ne pourrais y faire droit puisque j'estime que le requérant n'a pas satisfait aux trois critères établis par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Toth c. M.E.I., 86 N.R. 302. Ces critères, importés de la jurisprudence développée en matière d'injonction, peuvent snoncer comme suit : 1) l'existence d'une question sérieuse; 2) un préjudice irréparable; et 3) lvaluation de la balance des inconvénients.


[10]                        S'agissant de la question sérieuse, la prétention du requérant est essentiellement à l'effet que l'agent ERAR a erré en n'accordant aucune crédibilité à l'affidavit du Sarpanch pour le motif que cette lettre avait été écrite quelques jours seulement après que le requérant eut été avisé de la possibilité de présenter une demande ERAR. Cela démontrerait, selon l'avocat du requérant, que les ressortissants du Punjab n'ont aucune chance dtablir qu'ils sont persécutés à moins dtre des militants bien en vue ( « high profile » ).

[11]                        Outre le fait qu'une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur la décision dont la légalité est attaquée, l'avocat n'a pas réussi à me démontrer qu'il avait quelque chance dtablir que la décision rendue par l'agent ERAR était manifestement déraisonnable.

[12]                        Il est bien établi que la procédure ERAR n'est pas un mécanisme d'appel, ni un palier de révision des décisions de la CISR. Ce programme n'a pour seul objet que dvaluer les risques auxquels une personne pourrait être exposée à la suite de son renvoi vers son pays d'origine, àla lumière de faits nouveaux qui seraient survenus depuis la décision rendue sur sa demande d'asile. L'alinéa 113a) de la Loi, de même que le paragraphe 161(2) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, ne laissent planer aucune ambiguïté sur ce sujet.


[13]                        En l'occurrence, l'agent ERAR a souligné dans sa décision que la demande d'examen des risques avant renvoi du requérant était basée essentiellement sur les mêmes faits que ceux allégués devant la CISR. Il était donc justifié de ne considérer que les éléments de preuve survenus depuis le rejet de la demande par la CISR, comme le prévoit l'alinéa 113a) de la Loi.

[14]                        Quant à l'affidavit du Sarpanch, qui constituait la seule nouvelle preuve déposée devant lui, l'agent ERAR a donné plusieurs raisons pour ne lui accorder aucune valeur probante. Il lui appartenait de procéder à cette évaluation, et sa décision à cet égard n'est certes pas déraisonnable.

[15]                        En bout de ligne, l'agent ERAR a conclu qu'il n'y avait pas de fondement objectif à la crainte du requérant. Il a tenu compte d'une preuve documentaire variée et convaincante, en plus de noter que le requérant ne pouvait être d'un quelconque intérêt pour les autorités puisqu'il ntait pas un militant actif ou soupçonné d'activités subversives.    Sans compter qu'il a quittéle pays depuis neuf ans. Dans ce contexte, l'agent ERAR pouvait certainement préférer la preuve documentaire objective à l'affidavit d'un Sarpanch dont la crédibilité était douteuse.


[16]                        Compte tenu de ce qui précède, j'en arrive àla conclusion que le requérant n'a pas démontré l'existence d'une question sérieuse à débattre.

[17]                        Cette conclusion servirait à elle seule àdisposer de la présente demande. Par ailleurs, le requérant n'a pas réussi non plus à établir qu'il subirait un préjudice irréparable si sa demande de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi était rejetée. Il a eu l'occasion de faire valoir ses arguments à plusieurs reprises, et chaque fois, ses prétentions ont été rejetées. Des allégations déjà analysées par les tribunaux ne peuvent étayer une prétention à l'effet qu'il existe un préjudice irréparable (Akyol c. M.C.I., [2003] C.F. 931).

[18]                        Finalement, la balance des inconvénients penche en faveur de l'intérêt public à ce que le processus d'immigration prévu par la Loi suive son cours. Il faut toujours garder à l'esprit que le paragraphe 48(2) de la Loi impose à l'intimé l'obligation d'exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent. En l'espèce, rien ne me permet de conclure qu'il faille surseoir à cette mesure.

[19]                        Pour ces motifs, la demande de sursis est rejetée.

ORDONNANCE


LA COUR ORDONNE que la demande de sursis soit rejetée.

« Yves de Montigny »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-4313-05

INTITULÉ:                                         PARMOD KUMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'UDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'UDIENCE :                 le 29 août 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :                      le 1er septembre 2005

COMPARUTIONS:

Olivier Chi Nouako                                                     POUR LE DEMANDEUR

Annie Van Der Meerschen                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Olivier Chi Nouako                                                     POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)


John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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