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Date : 20001019


Dossier : T-1640-00

T-1641-00

ENTRE :




LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et BRUCE HARTLEY


demandeurs


et



LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA


défendeur


ET :


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

MERIBETH MORRIS, RANDY MYLYK et EMECHETE ONUOHA


demandeurs


et




LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

et DAVID PUGLIESE


défendeurs






     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN


INTRODUCTION


[1]      Les présents motifs portent sur deux requêtes entendues conjointement

relativement aux dossiers de la Cour T-1640-00 et T-1641-00. Je commence en résumant les requêtes en cause. J'expose ensuite les faits pertinents relatifs à chaque affaire, ce qui établit le fondement des conclusions qui suivent.

LES REQUÊTES ET LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]      Les demandeurs cherchent à empêcher le défendeur d'exécuter les subpoenas

duces tecum contre les personnes demanderesses dans les deux affaires jusqu'à ce qu'il soit statué sur les demandes de contrôle judiciaire relatives à ces subpoenas. Le défendeur cherche à faire radier la demande dans les deux affaires.

[3]      Des demandes ont été faites en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C.

(1985), ch. A-1 (la Loi) en vue de la production de documents par le Bureau du Conseil privé (le BCP) et par le ministère de la Défense nationale (MDN), deux institutions fédérales auxquelles la Loi s'applique. Les responsables des deux ministères ont refusé de transmettre en tout ou en partie des copies de l'agenda du Premier ministre et des procès-verbaux des réunions de gestion du « M5 » du ministre de la Défense nationale au motif que les documents relevaient du Cabinet du Premier ministre (CPM) et du cabinet du ministre de la Défense nationale, respectivement. Les demandeurs prétendent que les documents demandés relèvent du CPM et du cabinet du ministre de la Défense nationale parce que ceux-ci ne sont pas des « institutions fédérales » au sens de l'article 2 de la Loi. Ils soutiennent que les documents ne sont pas visés par la Loi et que le Commissaire à l'information (le Commissaire) ne peut pas y avoir accès.

[4]      La requête pour mesures de redressement provisoires présentée par les

demandeurs soulève cinq questions fondamentales :

     a)      Est-il raisonnablement soutenable que les documents visés par les demandes de communication, et maintenant sollicités par le Commissaire, ne relèvent pas des institutions fédérales pertinentes, soit le BCP et le MDN?;
     b)      Est-il raisonnablement soutenable que les personnes demanderesses n'ont aucun témoignage pertinent à rendre relativement à la question examinée par le Commissaire, soit la question de savoir si le refus des institutions fédérales, le BCP et le MDN, de fournir les documents demandés était valide?;
     c)      Les demandeurs subiront-ils un préjudice irréparable si des mesures de redressement provisoires ne sont pas accordées avant qu'il soit statué sur les demandes de contrôle judiciaire? En particulier, les demandeurs subiraient-ils un préjudice irréparable s'ils étaient tenus de témoigner et de transmettre les documents au Commissaire avant qu'il soit statué sur leurs demandes de contrôle judiciaire?;
     d)      La prépondérance des inconvénients favorise-t-elle une ordonnance de mesures de redressement provisoires?;
     e)      La Cour devrait-elle permettre que le Commissaire soit désigné à titre de défendeur?;
[5]      Les requêtes en radiation présentées par les défendeurs soulèvent trois questions

principales :

     a)      La Cour devrait-elle radier le paragraphe 2a) des avis de demande au motif que les demandes sont prématurées ou irrecevables en raison de l'existence d'une procédure subsidiaire adéquate?;

                                        

     b)      La Cour devrait-elle radier les paragraphes 2b), c) et d) des avis de demande au motif que le redressement recherché est frivole et vexatoire et qu'il est dénué de toute chance de succès?;
     c)      La Cour devrait-elle radier les autres paragraphes des avis de demande si le redressement principal recherché en l'espèce est radié?

LES FAITS : LE DOSSIER DE LA COUR T-1640-00

[6]      Le 28 juin 1999, le BCP a reçu six demandes présentées en vertu de la Loi. Aux

termes de la Loi, ces demandes visaient la communication de l'agenda quotidien du Premier ministre pour les années 1994 à 1998 (ou les années financières correspondantes) et pour l'année financière 1999 jusqu'à la date de la demande.

[7]      Le BCP a informé la personne qui a fait les demandes de communication qu'en ce

qui concernait cinq de ses demandes, il ne disposait d'aucun document. Relativement à la sixième demande, le BCP n'a ni confirmé ni nié l'existence de documents liés à l'objet de la demande, mais il a dit que si de tels documents existaient, ils devaient être entièrement exemptés à titre de renseignements personnels en vertu du par. 19(1) de la Loi.



[8]      La personne qui a fait les demandes de communication a alors déposé une plainte

auprès du Commissaire, soutenant qu'on ne lui avait pas transmis les documents demandés. En vertu des alinéas 30(1)a) et f) de la Loi, le Commissaire était tenu de faire enquête. Le Commissaire a donné avis de ces plaintes et en a fourni des résumés au BCP.

[9]      La coordonnatrice de l'accès à l'information du BCP a envoyé une lettre à

l'enquêteur du Commissaire le 5 octobre 1999 pour expliquer les actes du BCP. Elle n'a eu aucune nouvelle avant le 2 août 2000.     

[10]      Le 2 août 2000, le sous-commissaire a écrit au chef de cabinet du Premier ministre

pour lui faire part de sa préoccupation relative au fait que [traduction] « [l]e Premier ministre était d'avis que son cabinet n'était pas visé par la Loi sur l'accès à l'information » .

[11]      Un subpoena daté du 11 août 2000 a été délivré à Bruce Hartley, l'adjoint exécutif

du Premier ministre. Ce subpoena exigeait qu'il apporte et produise à l'audience les documents et choses qui suivent :

[TRADUCTION] Tous les documents relevant du Premier ministre du Canada qui contiennent des renseignements relatifs aux documents suivants ainsi qu'une copie de ces documents :
les agendas du Premier ministre sous format électronique, imprimé ou autre, du 1er janvier 1994 au 25 juin 1999.


[12]      Les personnes qui ont fait les demandes de communication sollicitaient les agendas

du Premier ministre. Ceux-ci sont archivés sous format électronique au CPM. Ils sont créés et tenus sous la surveillance du demandeur Bruce Hartley. Ils contiennent des renseignements relatifs à l'ensemble des activités du Premier ministre, notamment les réunions du Cabinet et du caucus, les contacts étrangers et diplomatiques, les activités du Parti libéral ainsi que les rendez-vous personnels et les rencontres familiales. L'agenda portant sur une journée donnée peut inclure certains de ces points et énumérer ou non l'ensemble des activités du Premier ministre ce jour-là.

[13]      Les agendas du Premier ministre sont créés sur un seul ordinateur situé dans le

bureau de M. Hartley. Seuls M. Hartley et son adjoint peuvent modifier le programme d'agenda électronique sur cet ordinateur. Certains membres du personnel dans le CPM ont accès aux agendas pour lecture seulement, et personne à l'extérieur du CPM ne peut y avoir accès. Les agendas sont archivés de temps à autre, mais seuls M. Hartley et son adjoint ont accès à ces dossiers.

[14]      Les agendas constituent le moyen par lequel le Premier ministre et M. Hartley

communiquent en vue de gérer le temps du Premier ministre. L'agenda est un plan du déroulement prévu de la journée du Premier ministre. Selon M. Hartley, une modification de l'horaire du Premier ministre se produisant dans une journée donnée peut être inscrite ou non dans l'agenda.

[15]      Les copies de l'agenda du Premier ministre sont transmises aux principaux

responsables du CPM. Une copie de l'agenda du lendemain, qui peut être mise en forme en partie, est télécopiée à certains responsables. En outre, une copie de l'agenda indiquant seulement les endroits que visitera le Premier ministre est fournie à la Gendarmerie royale du Canada.

[16]      Jusqu'à il y a environ douze mois, M. Hartley avait comme pratique de télécopier

une copie de l'agenda du lendemain au greffier du Conseil privé. Cette copie était fournie uniquement en vue d'informer le greffier et son adjoint exécutif. Selon M. Hartley, il était convenu que l'agenda était détruit après avoir été utilisé cette journée-là. Ainsi, les seules copies archivées des agendas se trouvent dans le CPM même. Ces copies comportent les modifications intégrant tout changement d'horaire survenant au cours d'une journée donnée. Ces modifications n'ont jamais été fournies au greffier du Conseil privé.

[17]      Le demandeur M. Hartley est l'adjoint exécutif du Premier ministre du Canada. Il a

été nommé par le Premier ministre et occupe son poste à la discrétion de ce dernier. Il est considéré comme faisant partie du [traduction] « personnel exempté » du Premier ministre, de sorte qu'il n'est pas un « fonctionnaire » . Il n'est pas un employé ou un fonctionnaire du BCP. Les responsables du Conseil privé ne peuvent donner aucune directive à M. Hartley, et ce dernier n'a pas le pouvoir de leur donner des ordres.


[18]      Les responsabilités de M. Hartley consistent à fournir de l'aide et des

conseils au Premier ministre sur les questions de gestion quotidienne, de politique et de communications. Il aide le Premier ministre à gérer son horaire pour faire en sorte que son temps soit utilisé efficacement. Il gère également la circulation des documents reçus du BCP. Personne dans le BCP, pas même le greffier du Conseil privé, ne peut exiger que M. Hartley lui fournisse les agendas. M. Hartley n'a aucune connaissance des documents relevant du BCP.

LES FAITS RELATIFS AU DOSSIER DE LA COUR T-1641-00

[19]      Le 12 novembre 1999, le MDN a reçu une demande de communication des

procès-verbaux ou des documents découlant des réunions de gestion du M5 pour 1999. L'expression « M5 » est utilisée pour décrire les réunions informelles tenues entre le ministre de la Défense nationale, les principaux membres (exemptés) du personnel de son cabinet, le sous-ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de la Défense.

[20]      Le 15 février 2000, le directeur intérimaire de l'accès à l'information et de la

protection des renseignements personnels au MDN a informé la personne ayant demandé la communication, M. Pugliese, qu'une recherche n'avait permis de découvrir aucun document conforme à la description contenue dans sa demande.


[21]      Le 26 février 2000, M. Pugliese a déposé une plainte auprès du Commissaire, qui

a dû faire enquête en vertu des alinéas 30(1)a) et f) de la Loi. Le Commissaire a avisé le MDN et a fourni à ce dernier des résumés de la plainte.

[22]      Le 29 juin 2000, le sous-commissaire a rencontré le sous-ministre du MDN ainsi

que les trois personnes demanderesses (Mme Morris, M. Mylyk et M. Onuoha) et a recueilli des éléments de preuve de leur part. Le sous-commissaire a également rencontré le chef d'état-major de la Défense le 5 juillet 2000 et recueilli des éléments de preuve de sa part. À ces rencontres, le sous-ministre, le chef d'état-major de la Défense et les trois personnes demanderesses ont accepté de chercher les documents relevant du MDN qui correspondaient à la demande relative aux réunions du M5.

[23]      Le 13 juillet 2000, le sous-ministre adjoint, Finances et Services du ministère, au

MDN a fourni au Commissaire le matériel qui lui avait été transmis, dont les copies des agendas du sous-ministre du MDN et du chef d'état-major de la Défense. Le sous-ministre adjoint a toutefois refusé de fournir des copies des cahiers de notes des trois demandeurs en disant que : [traduction] « ces notes ne sont pas consignées ni circulées, et elles ne relèvent pas non plus du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes » .




[24]      Le 3 août 2000, le Commissaire a écrit au ministre de la Défense nationale, lui

disant :

[TRADUCTION] ... on a refusé de nous communiquer tous les documents qui, selon vos fonctionnaires, sont conservés exclusivement dans les locaux du cabinet du ministre. Aucune excuse légitime n'a été fournie au Commissaire à l'information pour ce refus de lui fournir les documents demandés à des fins d'enquête.
[25]      Des subpoenas datés du 11 août 2000 ont été délivrés à Emechete Onuoha,

adjoint exécutif du ministre de la Défense nationale, à Meribeth Morris, directrice des opérations du ministre de la Défense nationale, et à Randy Mylyk, directeur des communications du ministre de la Défense nationale.

[26]      Les subpoenas délivrés aux trois membres (exemptés) du personnel du cabinet du

ministre de la Défense nationale ordonnaient à chacun d'eux de produire :

[TRADUCTION] Tous les documents produits, utilisés ou obtenus dans l'exercice de vos fonctions, qu'ils soient en votre possession ou non, qui contiennent des renseignements relatifs aux réunions de gestion du M5 tenues du 1er janvier 1999 au 29 octobre 1999, notamment toute note, tout cahier de notes, tout procès-verbal, agenda, courriel ainsi que tout dossier sous format électronique, imprimé, manuscrit ou sous tout autre format.
[27]      Les personnes demanderesses sont toutes considérées comme des membres du

« personnel exempté » du ministre, et non pas comme des « fonctionnaires » , une distinction bien connue par tous ceux qui occupent des postes supérieurs pour le gouvernement du Canada, pour l'un des ministres de la Couronne, au Parlement ou pour ce celui-ci. Les trois personnes demanderesses ne sont pas des employées ou des responsables du MDN. Les trois ont été nommées par le ministre et occupent leur poste à la discrétion de ce dernier. Les responsables du MDN ne peuvent leur donner aucune directive, et ils ne peuvent donner aucun ordre à ces derniers.

[28]      Mme Morris est directrice des opérations du ministre de la Défense nationale, et elle

fournit également à ce dernier des conseils et de l'aide de nature politique. Elle effectue son travail sous la direction exclusive du ministre. Elle supervise la préparation et la tenue de l'horaire du ministre, dont les programmes de voyage, elle gère et approuve la correspondance, elle est chargée des griefs et a la responsabilité de gestion des opérations du bureau du ministre au Parlement et de celui de la circonscription de York Centre.

[29]      M. Mylyk est directeur des communications pour le ministre de la Défense

nationale, et il est chargé de donner au ministre des conseils et de l'aide de nature politique en matière de stratégies de communication et de relations avec les médias. Il effectue son travail sous la direction exclusive du ministre.

[30]      M. Onuoha est adjoint exécutif du ministre de la Défense nationale. Il donne de

l'aide et des conseils de nature politique au ministre sur des questions de politique stratégiques. Il traite également des affaires du Cabinet, supervise les aspects administratifs dans le cabinet du ministre en matière de financement, de gestion et de personnel, et il constitue la liaison du ministre avec le CPM et avec les cabinets des autres ministres de la Couronne.

[31]      Il est également utile de décrire les documents en question relativement aux

demandes faites au MDN pour l'obtention des [traduction] « copies des procès-verbaux ou des documents découlant des réunions de gestion du M5 pour 1999 » . Les trois personnes demanderesses ont témoigné qu'elles conservaient un cahier de notes dans lequel elles inscrivaient les événements quotidiens ainsi que les contacts faits au cours de leurs activités quotidiennes liées au travail, notamment les points discutés avec le ministre. Ces cahiers de notes servent d'aide-mémoire et sont considérés comme transitoires puisqu'ils ne sont plus consultés une fois le suivi effectué.

[32]      Les cahiers de notes contiennent également des renseignements relatifs aux

fonctions des trois demandeurs concernant le soutien au ministre, comme les réunions internes, les observations personnelles, les notes prises pendant des séminaires et pendant d'autres événements et réunions ainsi que les questions sur lesquelles le ministre les a informés. Les cahiers de notes contiennent aussi des renseignements sur les différents rôles et les différentes fonctions du ministre ainsi que sur la participation des demandeurs quant à ces rôles et fonctions. Ces cahiers contiennent :

     a)      les notes du ministre relativement à la façon d'exercer ses responsabilités touchant le MDN;
     b)      les notes du ministre relativement à ses relations avec les autres ministres dans le cadre de ses responsabilités en tant que membre du Cabinet;
     c)      les notes concernant les politiques du Parti libéral;
     d)      les notes relatives au rôle du ministre en tant que vice-président du Comité du Cabinet chargé de l'union économique;
     e)      les notes relatives aux discussions tenues avec les homologues dans les cabinets d'autres ministres, notamment dans le CPM;
     f)      les notes relatives aux affaires de la circonscription électorale;
     g)      les renseignements personnels comme les contacts personnels ainsi que les renseignements relatifs à la famille.
[33]      Les cahiers de notes ne font pas partie du Système de gestion des dossiers du

cabinet du ministre ni de celui du MDN. Ils ne sont communiqués à personne dans le cabinet du ministre.

[34]      Aucun responsable du MDN, pas même le sous-ministre ni le chef d'état-major de

la Défense, n'aurait le pouvoir de forcer les personnes demanderesses à produire les cahiers de notes. Les personnes demanderesses n'ont aucune connaissance des documents relevant du MDN qui sont « des procès-verbaux ou des documents découlant des réunions de gestion du M5 pour 1999 » .

[35]      Le 13 septembre 2000, le sous-greffier du BCP a transmis une note aux

sous-ministres, laquelle s'intitulait : [traduction] « Documents conservés dans les cabinets des ministres » . Dans la note, le sous-greffier a révisé la position prise par le gouvernement relativement à l'accessibilité des documents conservés dans les cabinets des ministres et a informé les sous-ministres des récents événements survenus dans le cadre de cette enquête. Il a conclu :

[TRADUCTION] À la lumière de ces événements récents et, de façon plus importante, compte tenu du principe important en cause, je demanderais que les documents conservés exclusivement dans les cabinets des ministres ne soient pas montrés ni fournis au Commissaire à l'information ou à ses fonctionnaires étant donné la position du gouvernement et sous réserve de toute autre obligation légale pouvant naître. J'apprécierais également que vous m'informiez immédiatement de toute demande formelle ou informelle provenant du Commissariat à l'information ou du Commissaire à la protection de la vie privée et visant l'examen ou la copie de tels documents dont vous avez connaissance.

ANALYSE

[36]      Avant d'aborder le critère relatif à l'ordonnance de mesures de redressement

provisoires, il est utile que j'expose l'opinion du Commissaire sur cette question. Le Commissaire adopte la position qu'il procède actuellement à une enquête portant sur des plaintes faites en vertu des alinéas 30(1)a) et f) de la Loi sur l'accès à l'information (la Loi). Il avait l'obligation d'instituer une enquête par suite de ces plaintes. À son avis, la question de savoir si les documents relèvent d'une « institution fédérale » constitue précisément l'objet de son enquête. Il examine, ou cherche à examiner, l'ensemble de la preuve liée à cette question. Le Commissaire indique qu'il ne s'est pas encore formé d'opinion sur la question de savoir si ces documents relèvent d'institutions fédérales. Il prétend cependant qu'il a besoin de ces documents et de renseignements de la part des personnes les connaissant afin de prendre sa décision.

[37]      Le Commissaire se dit d'avis que le jugement déclaratoire sollicité est inapproprié

et prématuré étant donné qu'il n'a pas encore terminé son enquête. Selon lui, les demandeurs réclament de la Cour dans les faits qu'elle l'empêche de faire enquête sur la question en vue de trancher une question préliminaire qui constitue une question de fait et de droit. La Loi confère au Commissaire les mêmes pouvoirs qui permettent aux cours supérieures d'archives d'assigner des témoins, de forcer leur comparution et de forcer la production d'éléments de preuve. En outre, il peut recevoir des éléments de preuve, que ceux-ci soient admissibles ou non dans une cour de justice.

[38]      Les demandeurs et le Commissaire conviennent que le BCP et le MDN ne sont pas

des « institutions fédérales » au sens de la Loi. Toutefois, le Commissaire ne paraît pas être d'accord avec les demandeurs que le CPM et le cabinet du ministre de la Défense nationale ne sont pas des « institutions fédérales » au sens de la Loi.





[39]      Le Commissaire invoque l'objet de la Loi, qui est énoncé au paragraphe 2(1) :

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

[40]      J'aborde maintenant le critère applicable en matière de mesures de redressement
provisoires. Le critère à trois volets est exposé dans l'arrêt R.J.R. Macdonald c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311, à la p. 334. La Cour énonce que la partie qui présente la requête doit démontrer que :
     a)      il y a une question sérieuse à juger;
     b)      les demandeurs subiraient un préjudice irréparable si les mesures de redressement provisoires étaient refusées;
     c)      la prépondérance des inconvénients favorise la délivrance d'une suspension d'instance.

[41]      À la page 335 de l'arrêt R.J.R. Macdonald, précité, la Cour cite la décision rendue
dans American Cyanimid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396. Dans cette décision, lord Diplock a énoncé la première partie du critère en disant que la demanderesse devait démontrer que :
[TRADUCTION] la demande n'est ni futile ni vexatoire, ou, en d'autres termes, que la question à trancher est sérieuse.
[42]      La Cour a poursuivi aux pages 337 et 338 :
Quels sont les indicateurs d'une « question sérieuse à juger » ? Il n'existe pas d'exigences particulières à remplir pour satisfaire à ce critère. Les exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fond de l'affaire. ...
Une fois convaincu qu'une réclamation n'est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s'il est d'avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n'est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l'affaire.
[43]      Je suis d'avis qu'il y a des questions sérieuses à juger. Premièrement, les
documents relèvent-ils d'une institution fédérale, c'est-à-dire, les cabinets des ministres sont-ils des « institutions fédérales » au sens de l'article 2 de la Loi? Deuxièmement, les personnes demanderesses dans les deux affaires peuvent-elles rendre un témoignage pertinent en ce qui a trait aux subpoenas que leur a délivrés le Commissaire?
[44]      Il n'est pas frivole ni vexatoire de la part des demandeurs d'alléguer que les
cabinets des ministres ne sont pas des « institutions fédérales » au sens de la Loi. On peut fort bien prétendre que les ministères ont des fonctions distinctes de celles des cabinets des ministres. Le cabinet du ministre de la Défense nationale et le CPM ne sont pas inscrits à l'annexe I de la Loi comme institutions fédérales. Le paragraphe 21(1) et l'alinéa 21(2)b) de la Loi paraissent faire une distinction entre le cabinet d'un ministre et une institution fédérale. Il y a d'autres lois, comme la Loi sur les archives nationales du Canada, L.R.C. (1985), ch. 1, et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, qui semblent faire une distinction entre les ministères et les cabinets des ministres.
[45]      Il y a des décisions qui tendent à appuyer cette distinction et qui établissent des
critères visant à déterminer si un document est contrôlé par une institution fédérale ou par des organismes publics, comme les décisions rendues dans : Re Walmsley v. Ontario (Attorney General) (1997), 34 O.R. (3d) (C.A.) 611, aux pages 618 et 619; British Columbia (Ministry of Small Business, Tourism and Culture) v. British Columbia (Information and Privacy Commission), [2000] B.C.J. No. 1494 (C.S.C.-B.) (Q.L.), au par. 25; Greater Vancouver Mental Health Service Society v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), [1999] B.C.J. No. 198 (C.S.C.-B.) (Q.L.), au par. 48. L'arrêt Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 C.F. 110 (C.A.), est également pertinent à cet égard.
[46]      D'autre part, un autre courant jurisprudentiel tend à appuyer la position du
défendeur. Voir Singh, [1989] 1 C.F. 430 (C.A), aux pages 436 à 439; Société canadienne des postes c. Canada (Travaux publics) (1993), 68 F.T.R. 235 (1re inst.), au par. 7; Ontario (Minister of Health) v. Big Canoe, [1995] O.J. No. 1277 (C.A.) (Q.L.), aux par. 2 et 3; Oklahoma Press Publishing Co. v. Walling (1946), 327 U.S. 186 (C.S.), au par. 9; Montminy c. Québec (Commission d'accès à l'information), [1985] A.Q. no 44 (C.S.) (Q.L.), conf. par [1986] A.Q. no 861 (C.A.) (Q.L.), aux par. 11 et 12. Ces décisions indiquent que le Commissaire a l'obligation de statuer sur les questions préliminaires de fait et de droit, notamment sur la question de savoir si les documents demandés sont des « documents de l'administration fédérale » et s'ils sont visés par l'article 2 de la Loi.
[47]      Il est intéressant de constater à quel point la position du Commissaire a changé
depuis l'adoption de la Loi en 1982. Lorsque la Loi était relativement nouvelle, le Commissaire a reconnu que les cabinets des ministres de la Couronne ne faisaient pas partie du ministère ou de l'organisme pour lequel le ministre était responsable.
[48]      Dans le Rapport annuel du Commissaire de 1988-1989, le Commissaire a écrit à la
page 58 :
La Chambre des communes et les cabinets des ministres ne sont pas assujettis à la Loi sur l'accès à l'information.

[49]      Dans son rapport annuel de 1992, sous le titre « L'inviolabilité du cabinet du
ministre » , le Commissaire a écrit à la page 65 :
À trois reprises au cours de l'année visée par le rapport, le ministère de la Justice a refusé de laisser le Commissaire consulter des documents qu'il jugeait utiles à ses enquêtes. Le motif invoqué : ces documents se trouvaient dans les locaux du cabinet du Ministre, qui ne relèvent pas du ministère et sont donc interdits d'accès. Le ministère soutient que le Ministre ne fait pas partie du ministère, que celui-ci se compose du Sous-ministre et de ceux qui sont au-dessous de lui dans l'organigramme. Ce raisonnement l'amène à conclure que les documents qui relèvent du cabinet du Ministre sont hors de portée du ministère. Comme seul le ministère est visé par la Loi sur l'accès, poursuit-il, ni les demandeurs ni le Commissaire n'ont le droit de voir les documents conservés au cabinet du Ministre de la Justice.
Aux yeux du Commissaire, comme le Parlement a confié aux ministres, en tant que responsables des ministères, la tâche d'appliquer la Loi, le Ministre chargé du ministère de la Justice ne peut pas être considéré comme se trouvant, de quelque façon, immunisé contre les enquêtes du Commissaire.
Le Commissaire reconnaît que certains des documents qui sont conservés dans les bureaux des ministres ne sont pas communicables en vertu de la Loi.

[50]      En 1993-1994, l'opinion du Commissaire s'était encore élargie. À la page 68 de
son rapport annuel, il a dit :
Aujourd'hui encore, l'opinion persiste parmi les fonctionnaires du ministère de la Justice que c'est uniquement par courtoisie que le Commissaire peut être autorisé à examiner les documents conservés dans le cabinet du ministre. Ils maintiennent fermement que la Loi ne s'applique pas aux documents conservés dans les cabinets ministériels.
Ce point de vue du ministère de la Justice va carrément à l'encontre du texte légal, lequel désigne clairement chaque ministre comme responsable de son ministère, aux fins de la Loi.

[51]      Dans le Rapport annuel 1994-1995, le Commissaire a écrit à la page 72 :
Problème juridique
Le cabinet du ministre fait-il ou non partie de son ministère et, en conséquence, est-il ou non visé par la Loi? Cette question est traitée en long et en large dans nos deux rapports annuels précédents. Contentons-nous de rappeler la conclusion du Commissaire : le cabinet d'un ministre fait partie intégrante de son ministère, et les documents qui y sont conservés sont donc visés par la Loi sur l'accès à l'information.



[52]      À mon avis, on peut prétendre que le jugement déclaratoire sollicité pourrait être
accordé étant donné qu'il est soutenable que le CPM et le cabinet du ministre de la Défense nationale ne sont pas des institutions fédérales au sens où cette expression est utilisée dans la Loi et que les documents sollicités par les personnes demandant la communication ne relèvent pas du BCP et du MDN respectivement. Il y a une question sérieuse à juger.
[53]      En outre, il y a la question liée de savoir si les personnes demanderesses ont
un témoignage pertinent à rendre en réponse aux subpoenas délivrés par le Commissaire. Les documents ne sont pas en possession du BCP ni du MDN. Il y a des affidavits assermentés par les personnes demanderesses indiquant qu'il n'existe pas à leur connaissance de tels documents au BCP et au MDN. M. Hartley connaît les documents sollicités par le Commissaire, et il a dit que ceux-ci se trouvaient uniquement en sa possession et que seuls certains membres du CPM pouvaient y avoir accès. Il fournissait des copies de ces documents au greffier du Conseil privé jusqu'à il y a environ douze mois, mais ces copies devaient être détruites quotidiennement. Il est important de souligner que la demande d'information a été faite après que M. Hartley eut cessé de fournir des copies au greffier du Conseil privé. Selon l'affiant représentant le BCP, aucun document de ce genre n'a été trouvé au BCP, sauf quatre pages de l'agenda du Premier ministre.


[54]      De la même manière, il n'existait aucun document de ce genre en possession du
MDN à la connaissance des trois demandeurs faisant partie du personnel exempté du ministre de la Défense nationale. Ceux-ci ont admis avoir fait référence à des réunions du M5 dans leurs cahiers de notes personnels, mais ces cahiers de notes concernent le cabinet du ministre de la Défense nationale. Selon eux, ces cahiers de notes ne faisaient pas partie des documents du MDN. Par conséquent, il est soutenable que les demandeurs n'ont aucun témoignage pertinent à rendre concernant l'enquête du Commissaire.
[55]      Si les demandeurs ont raison d'affirmer qu'ils n'ont aucun témoignage pertinent à
rendre, il est bien établi que les assignations doivent alors être annulées. Dans l'arrêt Consortium Developments (Clearwater) Ltd. c. Sarnia (Ville), [1998] 3 R.C.S., le juge Binnie dit à la page 36 :
Bien que les tribunaux doivent hésiter à entraver les efforts déployés par une partie pour établir sa preuve, ils devraient annuler les assignations si, comme en l'espèce, la preuve que l'on cherche à obtenir n'a rien à voir avec une question soulevée dans les demandes de contrôle judiciaire.
En démontrant qu'ils ont une cause défendable, les demandeurs ont établi qu'il y avait une question sérieuse à juger.
[56]      Je dois maintenant déterminer si les demandeurs subiraient un préjudice irréparable
si les subpoenas n'étaient pas suspendus jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire. Relativement au préjudice irréparable, la Cour suprême du Canada a dit dans l'arrêt R.J.R.-Macdonald, précité, à la page 341, que :
Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut être dédommagée par l'autre.

[57]      Dans l'arrêt Bisaillon c. Canada, [1999] A.C.F. no 898 (C.A.F.), le
juge Létourneau fait référence à la notion de préjudice irréparable au par. 32 :
Selon l'arrêt RJR -MacDonald, précité, la notion de préjudice irréparable fait davantage référence à la nature du préjudice engendré qu'à son étendue et il s'agit soit d'un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire, soit d'un préjudice auquel il ne peut être remédié. Le juge Beetz tenait des propos similaires dans l'arrêt Metropolitan Stores, précité, lorsqu'il affirmait que le préjudice irréparable est un préjudice qui ne peut pas ou peut difficilement être compensé par l'octroi de dommages-intérêts.

[58]      Dans cet arrêt, le juge Létourneau a poursuivi, concluant au par. 33 que l'appel
interjeté contre « l'ordonnance du juge des requêtes deviendra théorique ou inefficace si Revenu Canada obtient le matériel demandé avant que l'appel ne soit décidé à son mérite » . Dans l'arrêt 143471 Canada Inc. c. Québec (P.G.), [1994] 2 R.C.S. 339, à la page 379, le juge Cory a tiré une conclusion semblable au sujet de la remise de documents avant la conclusion de l'affaire. Il a dit à la page 379 :
Il s'agit là d'un renseignement tout aussi délicat que l'exploitant préférerait garder confidentiel. Certes, la Loi sur le ministère du Revenu interdit aux employés de l'État de communiquer les renseignement contenus dans les documents. Toutefois, le simple fait que les documents aient été saisis et doivent être examinés par les fonctionnaires de l'État sera un sujet de préoccupation pour le propriétaire de l'entreprise.


[59]      Dans l'affaire dont je suis saisi, il est soutenable que le Commissaire puisse être
tenu de divulguer certains renseignements obtenus en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi. Il s'agit d'une disposition ayant une portée très large. Même si plusieurs autres dispositions exigent que le Commissaire préserve la confidentialité des documents, il est soutenable que ce dernier a le pouvoir de communiquer certains documents confidentiels pour approfondir son enquête. Malgré les dispositions en matière de confidentialité touchant le bureau du Commissaire, les demandeurs subiront un préjudice irréparable si le matériel en question est communiqué en tout ou en partie avant qu'il soit statué sur la question dans le cadre du contrôle judiciaire.
[60]      La prépondérance des inconvénients favorise les demandeurs puisque la nature du
préjudice qu'ils subiraient si les mesures de redressement provisoires n'étaient pas accordées l'emporte de loin sur les inconvénients que pourraient subir les défendeurs en raison du délai encouru dans la poursuite de l'enquête du Commissaire. Toutefois, pour que le délai soit réduit et que les demandes de contrôle judiciaire soient entendues par voie de procédure accélérée, les dossiers doivent faire l'objet d'une instance à gestion spéciale. Je souligne également que le sous-greffier du Conseil privé a indiqué que les sous-ministres devaient refuser de communiquer tout document semblable aux documents en question devant moi. Par conséquent, le traitement des demandes de contrôle judiciaire visant ces questions doit être accéléré.

[61]      J'examine maintenant les requêtes en radiation des demandes de contrôle
judiciaire. La Cour d'appel fédérale a déclaré qu'il était généralement inapproprié de présenter des requêtes en radiation dans le cadre de demandes de contrôle judiciaire. La bonne manière d'évaluer le bien-fondé d'une demande de contrôle judiciaire consiste à plaider et à comparaître à l'audition même de la demande. Cela a été énoncé pour la première fois dans David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, aux pages 596 à 600. La Cour d'appel a réitéré sa position dans Moldeveanu c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 55 (C.A.) (Q.L.), au par. 13. Je fais remarquer que l'arrêt David Bull a été rendu avant l'adoption des nouvelles règles, qui permettent la radiation des demandes de contrôle judiciaire. Toutefois, le raisonnement suivi dans cet arrêt s'applique toujours. Je souligne également que l'affaire Moldeveanu ne portait pas, techniquement parlant, sur une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire. Je suis d'avis que la présente procédure n'est pas manifestement mal fondée au point d'être dénuée de toute possibilité de succès. J'ai exposé les motifs pour lesquels j'estime que les demandeurs ont démontré qu'il y avait une question sérieuse, et je n'ai pas l'intention de les répéter. Il serait inapproprié de ma part d'exposer mon opinion sur la question de savoir si la présente demande sera accueillie en raison du fait que le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire se prononcera sur cette question. De plus, la question du caractère prématuré doit être tranchée par le juge qui entendra la demande de contrôle judiciaire, plutôt que dans le cadre d'une requête en radiation. Voir Zündel c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1999] A.C.F. no 107 (1re inst.) (Q.L.), au par. 21.
[62]      Il est compréhensible que le Commissaire soit préoccupé par la durée de son
enquête. Il s'est engagé à préserver la confidentialité des documents mais, comme je l'ai dit précédemment, le paragraphe 63(1) peut l'en empêcher. Il est important de se rappeler que les documents de cette nature relevant du CPM et des cabinets des ministres ont été maintenus confidentiels pendant 133 ans, sauf dans les cas de communication volontaire. De plus, des lois particulières ont été adoptées pour exiger que certains de ces documents soient rendus publics vingt ans après leur création. Il se peut que le Commissaire ait gain de cause au moment où il sera statué sur les demandes de contrôle judiciaire mais, comme je l'ai dit précédemment, la présente procédure n'est pas dénuée de fondement à sa face même au point où je peux rejeter les demandes en l'absence d'examen plus approfondi.
[63]      Le Commissaire a prétendu qu'il y avait des recours subsidiaires adéquats
en l'espèce. Je suis d'avis qu'il est soutenable que les demandeurs ne peuvent se prévaloir d'aucun recours subsidiaire en vertu de la Loi. En soi, cette question peut également être tranchée par le juge qui entendra les demandes de contrôle judiciaire. Je souscris à l'énoncé fait par le juge Richard dans Lazar c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 867 (1re inst.) (Q.L.), au par. 6 :
À cette étape préliminaire de la procédure, je suis convaincu que le demandeur a soulevé, en l'espèce, une question pouvant faire l'objet d'un débat; ainsi, sa demande initiale de prestations d'invalidité a été accordée, des prestations lui ont été versées et, par la suite, il a été jugé qu'il n'y avait pas droit, ce qui a entraîné une demande de remboursement des prestations. Il appartient au juge instruisant la demande de contrôle judiciaire de statuer sur la disponibilité et la pertinence des procédures d'appel dans le Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, modifié.
[64]      Les demandeurs ont réclamé que la Cour permette que le Commissaire soit désigné
à titre de défendeur. Normalement, le Commissaire ne serait pas désigné à titre de défendeur. En vertu de la règle 304(1)b)(i), le Commissaire doit toujours recevoir signification de l'avis relatif à la demande présentée. La règle 303(1)a) des Règles de la Cour fédérale prévoit que le demandeur désigne à titre de défendeur toute personne directement touchée par l'ordonnance recherchée, autre que l'office fédéral visé par la demande. La règle 303(2) prévoit que le procureur général du Canada est désigné à titre de défendeur si personne n'est désigné à ce titre.
[65]      Cela mène manifestement à une situation ridicule dans l'affaire dont je suis saisi
puisque le procureur général serait tant le demandeur que le défendeur. La règle 303(3) prévoit cependant :
La Cour peut, si elle est convaincue que [le procureur général du Canada] est incapable d'agir à titre de défendeur ou n'est pas disposé à le faire [...], désigner en remplacement une autre personne ou entité, y compris l'office fédéral visé par la demande.
Étant donné que la personne qui a fait les demandes de communication dans le dossier de la Cour T-1640-00 n'est pas désireuse de s'identifier, il me semble que dans les circonstances inhabituelles des présentes demandes, il est opportun que le Commissaire soit défendeur dans les deux dossiers, et j'accorde aux demandeurs l'autorisation de désigner le Commissaire à l'information du Canada à titre de défendeur dans les deux demandes.
Pour les motifs qui précèdent :

  1. .      Les requêtes pour jugement déclaratoire présentées par les demandeurs sont

accueillies. Il est interdit au défendeur, le Commissaire à l'information du Canada, d'exiger des demandeurs M. Bruce Hartley, Mme Meribeth Morris, M. Randy Mylyk et M. Emechete Onuoha qu'ils rendent témoignage ou produisent des documents aux termes des subpoenas duces tecum délivrés au nom du Commissaire à l'information le 11 août 2000 avant qu'un jugement final ne soit rendu relativement aux demandes de contrôle judiciaire présentées par les demandeurs.


  1. .      Les requêtes en radiation des demandes présentées par le défendeur sont rejetées.
  2. .      Les requêtes des défendeurs qui sollicitent une ordonnance autorisant que le

Commissaire à l'information soit défendeur dans les affaires visées par les dossiers de la Cour T-1640-00 et T-1641-00 sont accueillies.


  1. .      Les demandes de contrôle judiciaire doivent faire l'objet d'une instance accélérée

et à gestion spéciale. Les demandeurs doivent déposer un échéancier conjoint dans un délai de 10 jours de la présente ordonnance ou, à défaut d'entente, leurs projets d'échéancier dans ce délai. Les défendeurs doivent déposer leur projet d'échéancier dans un délai de 7 jours de la signification du projet d'échéancier des demandeurs. Les parties ne doivent pas fixer une date d'audience, mais elles doivent indiquer le nombre d'heures ou de jours requis pour l'audition des demandes de contrôle judiciaire et elles peuvent indiquer les dates d'audience qu'elles proposent.

     « W. P. McKeown »

     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 19 octobre 2000


Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.


























COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              T-1640-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL. c. LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA
NO DU GREFFE :              T-1641-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL. c. LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 10 OCTOBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :              19 OCTOBRE 2000

ONT COMPARU

DAVID SCOTT              REPRÉSENTANT LES DEMANDEURS

et

PETER DOODY

DANIEL BRUNET              REPRÉSENTANT LE COMMISSAIRE À
et                      L'INFORMATION DU CANADA

EMILY McCARTHY

SCOTT LITTLE              REPRÉSENTANT LE DÉFENDEUR
et                      DAVID PUGLIESE DANS LE DOSSIER
NEIL WILSON              T-1641-00

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

BORDEN LADNER              POUR LES DEMANDEURS

GERVAIS LLP

OTTAWA (ONTARIO)

BUREAU DU              POUR LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION
COMMISSAIRE À              DU CANADA

L'INFORMATION

OTTAWA (ONTARIO)

GOWLING LAFLEUR          POUR DAVID PUGLIESE DANS LE DOSSIER
HENDERSON LLP              T-1641-00

OTTAWA (ONTARIO)





Date : 20001019


Dossier : T-1640-00

T-1641-00


OTTAWA (ONTARIO), LE 19 OCTOBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE W. P. McKEOWN


ENTRE :


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et BRUCE HARTLEY


demandeurs


et



LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA


défendeur


ET :


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

MERIBETH MORRIS, RANDY MYLYK et EMECHETE ONUOHA


demandeurs


et

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

     et DAVID PUGLIESE

     défendeurs

     ORDONNANCES

LA COUR ORDONNE :



  1. .      Les requêtes pour jugement déclaratoire présentées par les demandeurs sont accueillies. Il est interdit au défendeur, le Commissaire à l'information du Canada, d'exiger des demandeurs M. Bruce Hartley, Mme Meribeth Morris, M. Randy Mylyk et M. Emechete Onuoha qu'ils rendent témoignage ou produisent des documents aux termes des subpoenas duces tecum délivrés au nom du Commissaire à l'information le 11 août 2000 avant qu'un jugement final ne soit rendu relativement aux demandes de contrôle judiciaire présentées par les demandeurs.
  2. .      Les requêtes en radiation des demandes présentées par le défendeur sont rejetées.
  3. .      Les requêtes des défendeurs qui sollicitent une ordonnance autorisant que le Commissaire à l'information soit défendeur dans les affaires visées par les dossiers de la Cour T-1640-00 et T-1641-00 sont accueillies.
  4. .      Les demandes de contrôle judiciaire doivent faire l'objet d'une instance accélérée et à gestion spéciale. Les demandeurs doivent déposer un échéancier conjoint dans un délai de 10 jours de la présente ordonnance ou, à défaut d'entente, leurs projets d'échéancier dans ce délai. Les défendeurs doivent déposer leur projet d'échéancier dans un délai de 7 jours de la signification du projet d'échéancier des demandeurs. Les parties ne doivent pas fixer une date d'audience, mais elles doivent indiquer le nombre d'heures ou de jours requis pour l'audition des demandes de contrôle judiciaire et elles peuvent indiquer les dates d'audience qu'elles proposent.

     « W. P. McKeown »


     JUGE


Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.


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