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Date : 20010322

Dossier : IMM-1991-00

Ottawa (Ontario), le jeudi 22 mars 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

                           RAJESWARY NAVARATNAM

demanderesse

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas de question à certifier.

« Frederick E. Gibson »

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010322

Dossier : IMM-1991-00

Référence neutre : 2001 CFPI 218

ENTRE :

                           RAJESWARY NAVARATNAM

demanderesse

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                Ces motifs trouvent leur source dans une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, la SSR concluait que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention, tel que décrit au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration[1]. La décision de la SSR est datée du 23 mars 2000.


[2]                C'est la deuxième décision négative de la SSR au sujet de la demanderesse. Sa première demande pour obtenir le statut de réfugiée au sens de la Convention a été rejetée par la SSR dans une décision en date du 18 août 1997. La demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par la Cour le 23 janvier 1998.

[3]                Dans ses motifs à l'appui de la décision en révision, la SSR déclare ceci :

Les commissaires qui ont entendu la première revendication ont fait trois constatations importantes :

-              que les craintes de la revendicatrice face aux Tigres libérateurs de l'EELAM TAMOUL (TLET) étaient bien fondées, (les TLET contrôlaient la péninsule de Jaffna à l'époque);

-              que les déclarations de la revendicatrice au coeur même de sa demande (extorsion généralisée par les TLET) n'étaient pas crédibles, et

-              que la revendicatrice avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Colombo.

Au début de l'audience, le commissaire a prévenu l'avocat de la revendicatrice qu'il n'était pas en mesure de réentendre les mêmes faits que les premiers commissaires puisqu'il n'était pas disposé à annuler leur décision. Les éléments de preuve présentés au cours de l'examen de la présente revendication doivent être des éléments de preuve qui n'auraient pu, malgré une diligence raisonnable, être présentés lors de l'audition de la première revendication. Le commissaire comprend qu'une personne qui n'a pas le statut de réfugié au sens de la Convention aujourd'hui, peut l'obtenir demain à cause de changements dans la situation dans son pays d'origine. Si une revendication réitérée entraîne une décision qui porte sur les mêmes questions déterminées par les premiers commissaires, les principes de res judicata s'appliquent à moins que le revendicateur fasse état de nouveaux faits pertinents (c.-à-d. un changement dans les conditions au pays) qui « n'auraient pas pu être prévues malgré une diligence raisonnable » .


Pour justifier le fait de s'appuyer sur les principes de la chose jugée, plus précisément sur la chose jugée comme fin de non-recevoir, la SSR a cité l'arrêt Grandview (Ville de) c. Doering[2].

[4]                Bien que l'on soulève la question de la validité du recours à la chose jugée ou à la chose jugée comme fin de non-recevoir par la SSR dans la documentation déposée au nom de la demanderesse, cet aspect n'a pas été mentionné à l'audience.

[5]                Dans ses motifs, la SSR fait état du fait que dans son témoignage verbal, la demanderesse a continué à faire état de ses craintes quant à l'extorsion généralisée des Tigres tamouls qui la vise, ainsi que les membres de sa famille vivant au Canada. La SSR fait remarquer que c'est ce témoignage précis qui a été rejeté comme n'étant pas crédible lors de la première revendication. La SSR est arrivée à la même conclusion lors de la nouvelle audience. La SSR note également que la demanderesse a une soeur qui vit à Jaffna, qu'elle y possède une maison et que son fils vit toujours dans la région de Vanni. Elle note aussi que la demanderesse « ... n'a fourni aucune preuve de persécution ou de risque grave en ce qui concerne son fils ou sa soeur. » Elle conclut ainsi :

... il n'y a pas de possibilité réelle que la revendicatrice soit persécutée si elle retourne aujourd'hui à Jaffna.


[6]                Pour appuyer encore plus sa conclusion que la demanderesse n'a plus une crainte fondée de persécution dans la région de Jaffna, la SSR fait état de la preuve documentaire dont elle est saisie. Elle s'exprime comme suit :

Le commissaire note un changement important dans les circonstances au Sri Lanka depuis que la revendicatrice a quitté son pays. Tout d'abord, après que l'armée ait saisi le contrôle de Jaffna en 1995-1996, des centaines de milliers de Tamouls, déplacés originalement par les hostilités, sont retournés de Vanni à la région de Jaffna. De plus, il existe maintenant un régime strict de laissez-passer rendant plutôt mince la possibilité d'un PRI à Colombo. La question demeure donc, est-il raisonnable, sur un plan objectif, à la lumière de la situation actuelle, pour la revendicatrice de retourner à Jaffna.

Le représentant de la revendicatrice a annoncé au commissaire que son jeu de documentation reflétait les événements depuis le départ du Sri Lanka de la revendicatrice. J'ai examiné toute la documentation où j'ai pris note tout particulièrement de documents qui parlent de la région de Jaffna.

En résumant la preuve documentaire, avec des renvois précis à cette preuve, la SSR note que ce sont les Tamouls qui ont un certain profil, majoritairement de jeunes personnes, ainsi que les Tamouls qui prennent parti et les fonctionnaires gouvernementaux qui sont à risque. Elle conclut comme suit :

À la lumière de ces faits et vu le profil de la revendicatrice, une femme de 67 ans sans lien officiel ni institutionnel, je juge qu'il n'y a pas de possibilité réelle qu'elle soit persécutée, ni par les TLET, ni par les forces de sécurité, si elle retourne à Jaffna.


[7]                L'avocat de la demanderesse a soutenu que la SSR a commis une erreur susceptible de révision dans son évaluation de la preuve documentaire, puisqu'en fait cette preuve démontre qu'à l'époque de l'audience devant la SSR la région de Jaffna était une « zone de guerre » , que les villages et communautés tamouls faisaient souvent l'objet de bombardements aveugles et qu'en conséquence, tous les Tamouls de la région de Jaffna étaient susceptibles d'être persécutés, quel que soit leur profil.

[8]                C'est un lieu commun de constater que l'évaluation de la preuve présentée à la SSR est au coeur même de son rôle. Dans l'arrêt Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[3], Monsieur le juge Heald déclare ceci au nom de la Cour :

L'avocat de l'appelant a cependant fait valoir ... que la Commission n'a pas tenu compte d'autres parties [de la preuve documentaire], et que ce fait constitue un moyen valable d'appel. En toute déférence, je ne suis pas d'accord. À mon avis, la Commission pouvait raisonnablement tirer les conclusions auxquelles elle est parvenue, compte tenu de l'ensemble de la preuve soumise, et il s'ensuit donc qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit. Le fait que la Commission n'a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n'entache pas sa décision de nullité. Les passages tirés de la preuve documentaire que l'appelant invoque font partie de l'ensemble de la preuve que la Commission est en doit d'apprécier sur le plan de la crédibilité et de la force probante.                                                                                        [la citation n'est pas reproduite]

[9]                Je suis convaincu qu'on pourrait dire exactement la même chose ici. La question de savoir si la présente Cour et l'avocat de la demanderesse auraient évalué de la même façon l'ensemble de la preuve soumise, ainsi que le témoignage de la demanderesse, n'est pas la question que nous devons trancher. Je suis convaincu que l'évaluation que la SSR a fait de l'ensemble de la preuve qui lui était soumise était raisonnable.

[10]            L'avocat de la demanderesse a cité Abdi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[4], où Madame le juge Simpson déclare, au paragraphe 13 :

La Commission n'est pas tenue de citer tous les éléments de preuve documentaire sur lesquels elle se fonde pour arrêter sa décision. En l'espèce toutefois, elle n'a même pas fait allusion à l'existence d'une preuve documentaire qui vient appuyer la prétention du requérant que sa crainte ne participe pas de la crainte générale qu'éprouvent toutes les personnes en Somalie. Il craint que son sous-clan ne soit la cible particulière du sous-clan Abagal.

[11]            Je suis convaincu que la première phrase de cette citation s'applique en l'instance, alors que les deux dernières ne s'appliquent pas au vu des faits de l'affaire. L'ensemble du témoignage de la demanderesse fait ressortir que la crainte qu'elle ressent participe de la crainte générale qu'éprouvent tous les Tamouls qui résident dans la région de Jaffna au Sri Lanka. C'est une crainte face à l'impact des combats permanents dans cette région. Ce n'est pas la crainte d'être la « cible particulière » d'un groupe donné.

[12]            Au vu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[13]            Les avocats ne m'ayant pas recommandé la certification d'une question, il n'y en aura pas de certifiée.

« Frederick E. Gibson »

J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 22 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                         IMM-1991-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                        Rajeswary Navaratnam

c.

M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 16 mars 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                      MONSIEUR LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                                  le 22 mars 2001

ONT COMPARU :

M. Francis Xavier                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Mme Barbara Jackman

Mme Mielka Visnic                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates                                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]         L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]         [1976] 2 R.C.S. 621, à la page 638.

[3]         (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.).

[4]         (1993), 70 F.T.R. 209.

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