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Date : 19990129


IMM-2330-98

E n t r e :

     ABDUL RAHMAN HUSSAIN,

     demandeur,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

[1]      La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 [modifiée] par laquelle le demandeur demande à la Cour d'examiner et, notamment, d'annuler la décision par laquelle un agent des visas a refusé de lui délivrer un visa. Dans sa lettre en date du 24 mars 1997 dans laquelle il a communiqué la décision en question au demandeur, l'agent des visas précisait que le refus était fondé sur le défaut du demandeur de produire les documents exigés par l'agent des visas en vertu du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 [modifiée] pour démontrer que l'admission du demandeur au Canada ne contreviendrait pas à la Loi ou au Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-102 [modifié] (le Règlement).

[2]      Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui a présenté une demande en vue d'être admis au Canada à titre d'immigrant indépendant. Il est titulaire d'un baccalauréat ès sciences (pharmacie) d'une université pakistanaise et il a travaillé pendant une dizaine d'années comme pharmacien au Pakistan et en Arabie saoudite. Sur son formulaire de demande, il a indiqué que la profession qu'il envisageait d'exercer au Canada était celle de pharmacien.

[3]      Dans son affidavit, l'agent des visas affirme qu'il avait provisoirement attribué 69 points d'appréciation au demandeur, soit un point de moins que les 70 points normalement requis pour pouvoir obtenir un visa. Toutefois, aucune évaluation officielle n'a jamais été effectuée ou communiquée au demandeur en attendant qu'il produise les documents requis. Les documents que le demandeur a fait défaut de produire sont les résultats des examens d'évaluation que le Bureau des examinateurs en pharmacie du Canada (le Bureau) lui a fait subir.

[4]      Le rôle du Bureau consiste à déterminer s'il y a lieu de reconnaître les titres de compétence en pharmacie que les requérants ont obtenu d'établissements situés à l'étranger et de vérifier si les requérants possèdent les connaissances requises pour pouvoir solliciter l'adhésion à l'un ou à plusieurs des organismes provinciaux qui octroient des permis d'exercice aux pharmaciens. Le Bureau a informé le demandeur que ses titres de compétence provenaient d'une université accréditée, et l'avocat du demandeur a informé la Cour que ce dernier se trouvait présentement au Canada et qu'il avait entrepris des démarches pour s'inscrire à l'examen du Bureau.

[5]      Le débat tourne autour de la question de savoir si l'agent des visas était légalement justifié d'exiger du demandeur qu'il subisse et réussisse l'examen du Bureau avant d'évaluer officiellement sa demande de visa et de décider ensuite de le dispenser de l'entrevue ou de le convoquer à une entrevue. Cette question dépend elle-même de l'interprétation que l'on donne à la disposition pertinente de la Classification nationale des professions (CNP) qui est incorporée par renvoi au Règlement par l'annexe I.

[6]      La rubrique no 3131 de la CNP porte sur les pharmaciens : elle décrit brièvement les principales fonctions de la profession de pharmacien. Les catégories qui correspondent à l'expérience du demandeur sont celles de " pharmacien/pharmacienne communautaire " et de " pharmacien/pharmacienne d'hôpital " qui " remplissent les ordonnances et les vendent. Ils travaillent dans des pharmacies communautaires et hospitalières ". L'autre catégorie est celle des " pharmaciens industriels/pharmaciennes industrielles ". Ils travaillent dans des compagnies pharmaceutiques et des organismes et services gouvernementaux, où ils participent à la recherche, au développement et à la fabrication de produits pharmaceutiques.

[7]      Il est également précisé sous la rubrique générale qu'un permis d'exercer est exigé dans toutes les provinces et territoires pour les pharmaciens communautaires et d'hôpitaux mais, par déduction, pas pour les pharmaciens industriels. Cette distinction n'est guère étonnante, compte tenu des fonctions différentes qu'exercent, d'une part, les pharmaciens industriels et, d'autre part, les pharmaciens qui remplissent et vendent des ordonnances au public. La rubrique 3131.1 de la CNP renferme de plus amples détails au sujet de ces deux catégories de pharmaciens et répète l'exigence relative au permis d'exercer qui touche les pharmaciens communautaires et d'hôpitaux.

[8]      Me Mohammed soutient que la profession que le demandeur envisage d'exercer au Canada est celle de pharmacien, que les conditions relatives au permis d'exercer ne valent que pour les pharmaciens communautaires et d'hôpitaux, et non pour les " pharmaciens ", qui sont visés par une autre appellation d'emploi à la rubrique 3131.1. J'estime toutefois qu'il est évident que les conditions relatives au permis d'exercice qui visent les pharmaciens communautaires et d'hôpitaux à la rubrique 3131.1 intitulée " Conditions d'accès à la profession " s'appliquent à toutes les personnes qui remplissent et vendent des ordonnances, que ce soit en pharmacie, dans les hôpitaux ou ailleurs. Le fait que le demandeur qualifie sa profession envisagée au Canada de " pharmacien " ne le soustrait pas à l'obligation de détenir un permis d'exercice.

[9]      L'avocat du demandeur souligne également que l'appellation de " pharmacien " est donnée comme exemple de titre de poste tant dans le cas des pharmaciens communautaires et d'hôpitaux qui sont visés à la rubrique 3131.1 qu'en ce qui concerne les pharmaciens industriels dont il est question à la rubrique 3131.2. Bien que les pharmaciens industriels, qui ne sont pas visés par les conditions relatives au permis d'exercice, puissent aussi être qualifiés de pharmaciens, compte tenu de l'expérience acquise par le demandeur, il n'aurait pas convenu de l'évaluer en fonction de cette catégorie. Comme il avait travaillé comme pharmacien au détail pendant une dizaine d'années, c'est à bon droit qu'il a été évalué comme pharmacien communautaire, profession à laquelle s'appliquent les conditions relatives au permis d'exercice, et non comme pharmacien industriel, profession dans laquelle il n'avait aucune expérience.

[10]      Me Muslim a également fait valoir que, comme le Bureau n'exige pas explicitement que les personnes qui demandent son accréditation passent des examens, l'agent des visas n'avait pas le droit d'exiger des documents au sujet des résultats obtenus par le demandeur lors des examens d'évaluation. À mon avis, les éléments d'information contenus au dossier permettent raisonnablement d'inférer que le Bureau oblige les requérants qui se trouvent à l'étranger à subir des examens d'évaluation pour pourvoir devenir membres des organismes provinciaux qui accordent des permis d'exercice aux pharmaciens. Cette conclusion est renforcée par le fait que le demandeur a entrepris des démarches en vue de se présenter à l'examen et par l'absence au dossier d'éléments de preuve permettant de penser que le Bureau se prononcerait sur son admissibilité sans que le demandeur ait d'abord subi un examen.

[11]      En conséquence, comme il avait le droit d'exiger du demandeur qu'il lui produise des documents au sujet de ses résultats aux examens d'évaluation, l'agent des visas n'était nullement tenu de procéder à une évaluation officielle du demandeur, de lui délivrer un visa ou de le convoquer à une entrevue pour évaluer sa personnalité tant que les documents requis n'étaient pas produits.

[12]      Me Muslim affirme par ailleurs qu'on a nié au demandeur l'égalité devant la loi qui lui est garantie par l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés parce que d'autres personnes se trouvant dans une situation semblable à la sienne ont obtenu un visa sans devoir subir les examens d'évaluation du Bureau. Comme le défendeur n'a présenté aucun élément d'information au sujet de ces requérants, ce moyen doit lui aussi être rejeté. Me Muslim n'a pas réussi à invoquer un motif plausible analogue à ceux qui sont énumérés à l'article 15 sur le fondement duquel le défendeur aurait commis un acte discriminatoire à l'égard du demandeur en refusant de lui délivrer un visa. Bien que l'uniformité en matière de décisions administratives constitue incontestablement un élément important de la justice administrative, le manque d'uniformité ne constitue pas en soi, normalement, une erreur de droit dirimante.


[13]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     " John M. Evans "

         Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 29 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                  IMM-2330-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          ABDUL RAHMAN HUSSAIN
                         et
                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
                         L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :          LE MERCREDI 27 JANVIER 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EVANS

en date du vendredi 29 janvier 1999

ONT COMPARU :                  M e Mohammed Muslim
                             pour le demandeur
                         M e Cheryl Mitchell
                             pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                         M e Mohammed Muslim
                         avocat et procureur
                         80, rue Richmond Ouest
                         bureau 1507
                         Toronto (Ontario)
                         M5H 2A4
                             pour le demandeur
                         M e Morris Rosenberg
                         Sous-procureur général du Canada
                             pour le défendeur

                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19990128

                        

         IMM-2330-98

                             E n t r e :

                             ABDUL RAHMAN HUSSAIN,

                            

     demandeur,

                             - et -

                             MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                        

     défendeur.

                    

                            

            

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE                 

                            


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