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Date : 20051110

Dossier : T-2268-03

                                                                                                            Référence : 2005 CF 1536

EDMONTON (ALBERTA), LE 10 NOVEMBRE 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

ENTRE :

LA TRIBU DE LOUIS BULL

demanderesse

et

AUBREY CARLSON LAROCQUE

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         La demanderesse, la tribu de Louis Bull, une bande indienne au sens de la Loi sur les Indiens, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par un arbitre en vertu du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, sous sa forme modifiée (le Code), et demande une ordonnance annulant cette décision. Par la décision contestée, l'arbitre a accueilli la plainte du défendeur, M. Larocque, pour congédiement injuste par la tribu de Louis Bull.

[2]         Les faits essentiels, dont les parties conviennent, sont les suivants :

Le défendeur, membre et ancien employé de la demanderesse, était au service de la tribu de Louis Bull par intermittence depuis un certain nombre d'années, son plus récent emploi étant au service du logement. Selon les dossiers de l'employeur, M. Larocque a commencé à travailler à ce service le 25 janvier 2001. En novembre 2001, des difficultés financières ont obligé la tribu à lui remettre une lettre datée du 1er novembre, intitulée [traduction] « Avis de mise à pied temporaire » et devant prendre effet le 5 novembre. La lettre précisait qu'il s'agissait d'une mise à pied temporaire et qu'il serait rappelé au travail au plus tard le 1er avril 2002.

[3]         En réalité, le défendeur a travaillé jusqu'au 23 novembre 2001. La tribu ne l'a pas rappelé au travail par la suite. Elle a plutôt embauché une autre personne qui effectuait au moins une partie du travail auparavant confié à M. Larocque. Le 2 avril 2001, le défendeur a été convoqué au bureau du conseil de bande, où on lui a annoncé : [Traduction] « Vous ne travaillez plus ici. » Il a ensuite déposé une plainte en vertu du Code canadien du travail, dans laquelle il allègue avoir fait l'objet d'un congédiement injuste.

QUESTIONS EN LITIGE

[4]         Les questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire font état d'erreurs de droit que l'arbitre aurait commises :

1)          L'arbitre a-t-il commis une erreur en concluant que M. Larocque travaillait sans interruption depuis au moins douze mois pour la tribu, comme l'exige l'alinéa 240(1)a) du Code?

2)          L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit en concluant que la continuité de l'emploi du défendeur n'a pas été interrompue par sa mise à pied ainsi que le prévoient les alinéas 29a) et 30(1)d) du Règlement du Canada sur les normes du travail (le Règlement)?

[5]         Si l'arbitre a fait erreur quant à l'une ou l'autre question, il n'avait pas compétence pour examiner la plainte de M. Larocque.

« [...] TRAVAILLE SANS INTERRUPTION DEPUIS AU MOINS DOUZE MOIS »

[6]         Le paragraphe 240(1) du Code est rédigé comme suit :

240(1)a) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d'un inspecteur si :

a)     d'une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois

pour le même employeur;

b)     d'autre part, elle ne fait pas partie d'un groupe d'employés régis

par une convention collective.

                                                       

                                (Les paragraphes (2) et 242(3.1) ne sont pas pertinents à la plainte de M. Larocque.)

[7]       Pour être admissible à déposer une plainte de congédiement injuste en vertu du Code, M. Larocque doit avoir travaillé sans interruption pour la tribu depuis au moins douze mois. Certaines divergences existent quant à son historique d'emploi antérieur à janvier 2001, mais les parties conviennent qu'à compter de janvier 2001, il a occupé un emploi rémunéré jusqu'en novembre 2001.

[8]         Le litige entre les parties concerne les mois subséquents soit de novembre 2001 à avril 2002.

[9]         La demanderesse affirme que l'arbitre n'a pas clairement tranché que M. Larocque avait été au service de la demanderesse sans interruption pendant au moins douze mois. J'ai examiné la décision de l'arbitre et je ne suis pas de cet avis. Je constate en effet que l'arbitre a conclu clairement et catégoriquement que M. Larocque satisfaisait à la condition préalable énoncée à l'alinéa 240(1)a) parce qu'il avait été au service de la demanderesse sans interruption du 25 janvier 2001 au 1er avril 2002. Cette conclusion constitue à mon avis une conclusion de fait fondée sur la preuve dont disposait l'arbitre et sur l'état du droit exposé par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Beothuk Data Systems Limited, Seawatch Division c. Dean, [1998] 1 C.F. 433, 218 N.R. 321 (CAF). L'arbitre a fondé sa décision sur la preuve inhérente à la lettre intitulée [Traduction] « Avis de mise à pied temporaire » , qui précisait que M. Larocque serait rappelé au travail au plus tard le 1er avril 2002, sur l'assurance donnée par les conseillers de la bande que la mise à pied était temporaire et que le défendeur serait rappelé au travail le 1er avril et sur le fait que personne n'a prétendu qu'il avait été congédié, en novembre 2001, mais bien mis à pied temporairement. Cette situation reflétait l'intention des deux parties, et il restait à déterminer la date du retour au travail du défendeur, qui ne devait pas être ultérieure au 1er avril 2002. L'arbitre a énoncé ces conclusions aux paragraphes 58 à 60 de sa décision. J'estime qu'il s'agit là de conclusions de fait, à l'égard desquelles je dois me garder d'intervenir à moins d'être convaincu qu'elles sont manifestement déraisonnables ou, pour reprendre le libellé du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, qu'elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont disposait l'arbitre. Tel n'est pas le cas.

INTERRUPTION DANS LA CONTINUITÉ D'EMPLOI

[10]       La demanderesse fait valoir en substance qu'en application des alinéas 29a) et 30(1)d) du Règlement du Canada sur les normes du travail, C.R.C., ch. 986, l'emploi du défendeur a été interrompu du fait que sa mise à pied est assimilée à son licenciement par l'employeur.

[11]       Ces dispositions du Règlement sont rédigées comme suit :

29. Pour l'application des sections IV, VII, VIII, X XI XIII et XIV de la Loi, n'est pas réputée avoir interrompu la continuité de l'emploi l'absence d'un employé qui est :

a) soit attribuable à une mise à pied qui n'est pas un licenciement aux termes du présent règlement;

b) soit autorisée ou acceptée par l'employeur.

                        [...]

30. (1) Pour l'application des sections IX, X et XI de la Loi [...],

la mise à pied d'un employé n'est pas assimilée au licenciement par l'employeur lorsque :

                        d) la durée de la mise à pied est de plus de trois mois et que l'employeur

(i) avertit l'employé, par écrit, au moment de la mise à pied ou avant, qu'il sera rappelé au travail à une date déterminée ou dans un délai déterminé, cette date et ce délai ne devant pas dépasser six mois à compter de la date de la mise à pied, et

                                    (ii) rappelle l'employé à son travail conformément au sous-alinéa (i).

[12]       Comme l'a fait remarquer l'arbitre, le libellé de l'article 29 précise qu'il s'applique à plusieurs sections du Code canadien du travail, y compris la section XIV, qui traite du congédiement injuste, alors que l'article 30 ne fait pas du tout référence à cette section. L'arbitre a conclu que l'article 30 du Règlement ne s'applique pas en l'espèce puisqu'il appert clairement que le libellé de cette disposition ne vise pas les dispositions relatives aux plaintes découlant de la section XIV.

[13]       Je ne suis pas convaincu que l'arbitre a commis une erreur de droit du fait qu'il a exclu, des éléments à prendre en compte, l'application de l'article 30 et ses conséquences. Quant à l'application de l'article 29 du Règlement, l'arbitre a eu clairement raison de conclure que la continuité d'emploi de M. Larocque n'a pas été interrompue par sa mise à pied, une mise à pied temporaire qui n'était pas un licenciement aux termes du Règlement applicable.

[14]     Pour ces motifs, je suis d'avis que la décision de l'arbitre, qui conclut que l'emploi de M. Larocque respecte les exigences du paragraphe 240(1) du Code canadien du travail, n'est pas erronée. Les conclusions de fait de l'arbitre sur la situation d'emploi du défendeur et sa mise à pied temporaire sont raisonnables et elles sont étayées par la preuve dont l'arbitre disposait. De plus, ce dernier n'a pas commis d'erreur en refusant de tenir compte de l'alinéa 30(1)d) du Règlement du Canada sur les normes du travail.

[15]       Pour ces motifs, il est ordonné que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.


ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire et d'une ordonnance annulant la décision de l'arbitre datée du 24 octobre 2003 est rejetée.

                                                                                                          « W. Andrew MacKay »

Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2268-03

INTITULÉ :                                        LA TRIBU DE LOUIS BULL

                                                            -et-

                                                            AUBREY CARLSON LAROCQUE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 10 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY

DATE DES MOTIFS :                       Le 10 novembre 2005

COMPARUTIONS :

James Thorlakson

POUR LA DEMANDERESSE

Art Tralenberg

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dubuc Osland

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Art Tralenberg Law Offices

Hobbema (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

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