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Date : 19990305


Dossier : IMM-5455-97

ENTRE :

     SURINDER PAL SINGH,

                                     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

    

                                     défendeur.

     MOTIFS DE LA DÉCISION

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, conformément à la définition établie au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1. La SSR a rendu sa décision en date du 5 décembre 1997.

[2]      Le demandeur est un Sikh de la région du Panjab en Inde. Il revendique le statut de réfugié au sens de la Convention parce qu'il dit craindre avec raison d'être persécuté en Inde du fait des opinions politiques qu'on lui attribue.

[3]      La SSR a écrit :

             [TRADUCTION] Le demandeur de statut est un agriculteur qui n'a aucunement participé à des activités politiques ou militantes au Panjab. Avant décembre 1994, il menait une vie tranquille et ne craignait pas la police. La police du Panjab l'a détenu et l'a battu à trois reprises. Il a par la suite déménagé dans un faubourg de Delhi où il a vécu tranquille de décembre 1995 à son départ de l'Inde, en juillet 1996. Selon son témoignage, il restait à l'intérieur pendant la journée mais sortait parfois la nuit. Le tribunal a examiné les éléments de preuve soumis par le demandeur de statut et a conclu qu'il ne se tenait pas réellement caché pendant qu'il était dans la région de Delhi. Le demandeur de statut n'a jamais été arrêté pendant la période de plus de six mois où il est resté dans la région de Delhi.             

[4]      La SSR, compte tenu de la preuve documentaire qui lui a été soumise, a examiné le profil des Sikhs qui sont en danger aux mains de la police en Inde et a décidé que le demandeur n'y correspondait pas. Elle a conclu :

             [TRADUCTION] Vu que le profil du demandeur de statut n'a aucun rapport avec celui des personnes qui, selon la preuve documentaire des experts qui lui a été soumise, sont en danger, le tribunal est d'avis qu'il est peu vraisemblable que la police du Panjab se rende à Delhi pour le retrouver (ou le poursuive avec la coopération d'autres forces policières en Inde). Le demandeur de statut n'a jamais été impliqué dans des activités militantes ou autrement subversives. À l'audience, on n'a présenté aucun élément de preuve voulant que le demandeur de statut figure sur une liste de personnes recherchées par la police. Le             

             tribunal a noté que le demandeur de statut avait vécu dans la région de Delhi pendant plus de six mois sans que la police ne s'en préoccupe aucunement.             
             [...]             
             Pour tous ces motifs, le tribunal conclut qu'il n'y a pas plus qu'une simple possibilité que le demandeur de statut soit persécuté s'il devait s'établir à nouveau à l'extérieur du Panjab, à Delhi.             

[5]      La SSR a en outre conclu qu'il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de vivre et de travailler en Inde, à l'extérieur du Panjab. Elle a souligné que le demandeur a dix ans d'études scolaires, qu'il possède de l'expérience à titre d'agriculteur autonome et qu'il a acquis des compétences lorsqu'il a travaillé au Canada comme ouvrier non qualifié.

[6]      À l'issue de l'audience, j'ai rejeté la demande de contrôle judiciaire du demandeur sans certifier de question. J'ai donné de brefs motifs oraux. Afin de me conformer à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale, j'exposerai dans les lignes qui suivent une version révisée de ces motifs.

[7]      LA COUR : Il me fait plaisir de souligner que les avocats sont tout au moins parvenus à l'entente suivante : la question de savoir si la décision en cause peut comporter ou reflète une erreur susceptible de contrôle dépend de la conclusion quant à la possibilité de refuge intérieur. À partir de ce moment, l'avocat du demandeur et celui du défendeur ont entamé un débat. L'avocat du demandeur allègue que la décision comporte une erreur de fait et de droit susceptible de révision et me presse de conclure que l'erreur de fait susceptible de révision, ou l'erreur de fait la plus marquée, est la conclusion selon laquelle, pendant que le demandeur était à Delhi, il ne se tenait pas caché.

[8]      Dans ses motifs, la SSR ne donne pas à entendre que le demandeur vivait au grand jour, ce qui aurait clairement été contraire à la preuve. Par contre, selon son propre témoignage, le demandeur est sorti de la maison où il restait, bien que seulement après la tombée de la nuit. On n'a pas soutenu que la conclusion de la SSR que le demandeur avait vécu à Delhi sans difficulté pendant plus de six mois était incompatible avec la preuve.

[9]      La SSR a examiné, assez longuement, la preuve documentaire quant aux Sikhs du Panjab qui sont le plus en danger et a conclu que le demandeur ne correspondait pas au profil des personnes qui, selon cette preuve, sont le plus en danger. L'avocat du demandeur a reconnu que la SSR n'était saisie d'aucun élément de preuve selon lequel le demandeur figurait sur une liste de " personnes recherchées par la police ". Le demandeur n'avait pas de parent soupçonné de s'être livré à des activités subversives. Il a été forcé de fournir un abri aux militants au plus fort du soulèvement, mais, tel qu'il ressort clairement de la preuve documentaire, les personnes comme lui n'étaient pas des suspects bien en vue. La SSR cite des éléments de preuve documentaire selon lesquels de nouvelles opérations policières à l'égard des militants seront grandement axées sur la prise pour cible des dirigeants et ne toucheront vraisemblablement pas les personnes ordinaires, et, il n'y a pas de doute, la preuve n'indiquait pas que le demandeur était un dirigeant ou n'importe qui d'autre qu'une personne ordinaire.

[10]      La SSR reconnaît implicitement dans ses motifs le changement de situation dans le pays. En rétrospective, je crois qu'il est facile de conclure que la SSR en l'espèce aurait pu être plus prolixe dans ses motifs et examiner plus attentivement la question de savoir si, au regard d'un critère objectif, on pouvait considérer que le demandeur risquait d'être persécuté. La SSR n'a certainement pas mis en doute la crainte subjective du demandeur.

[11]      Tout cela étant dit, à la lumière de mon analyse de la preuve et des prétentions que j'ai entendues aujourd'hui, je ne puis que conclure que la SSR était raisonnablement fondée à rendre la décision qu'elle a rendue en l'espèce. Je ne vois aucune erreur de droit et, à mon avis, les conclusions de fait de la SSR ne peuvent être qualifiées de conclusions qu'elle aurait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[12]      L'état du droit relativement au critère de possibilité de refuge intérieur est clair et ressort de la décision Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)2. Il est développé davantage dans Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)3. Les éléments du critère permettant de conclure à une possibilité de refuge intérieur sont bien définis. Je ne vois aucun motif pour certifier une question. Je n'ai pas le moindre doute qu'aux yeux du demandeur, les questions litigieuses soulevées dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire sont des questions graves, mais cela n'est pas suffisant. Ces questions doivent être également de portée générale. Les conclusions en l'espèce reposent sur les faits particuliers


de la présente affaire, et non pas sur des faits qui lui donneraient une portée générale. Aucune question ne sera certifiée.

                         FREDERICK E. GIBSON

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                              Juge

Ottawa (Ontario)

Le 5 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-5455-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      SURINDER PAL SINGH
                     c.
                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :      CALGARY (ALBERTA)
DATE DE L'AUDIENCE :      LE 24 FÉVRIER 1999

MOTIFS DE LA DÉCISION DU JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :          LE 5 MARS 1999

ONT COMPARU :

M. SATNAM S. AUJLA                      POUR LE DEMANDEUR
MME LORRAINE NEILL                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

YANKO & COMPANY                      POUR LE DEMANDEUR

CALGARY (ALBERTA)

M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      [1992] 1 C.F. 706 (C.A.).

3      [1994] 1 C.F. 589 (C.A.).

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