Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision






Date : 20000128


Dossier : IMM-447-99

Entre :


     NDOMBA KABEYA

     Demandeur

     ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE LEMIEUX


INTRODUCTION


[1]      Le demandeur, Ndomba Kabeya, citoyen de la République démocratique du Congo (RDC), présente une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) datée du 21 décembre 1998 concluant que ce dernier n'a pas démontré avoir une crainte bien-fondée de persécution dans son pays en raison de ses opinions politiques.


LA PREUVE DU DEMANDEUR DEVANT LE TRIBUNAL

[2]      Essentiellement, la preuve du demandeur devant le tribunal se compose du témoignage de ce dernier à l'audience, de son formulaire de renseignements personnels (FRP) et de documents personnels.

     (a)      Le FRP du demandeur

[3]      D'après ce document, le demandeur est membre de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et fait partie de la section Jeunesse du parti (JUDPS) depuis 1995.

[4]      Le demandeur indique avoir été un organisateur de la JUDPS et avec l'aide d'autres membres, il se chargeait des jeunes de son âge qui voulaient s'intéresser aux activités du parti et adhérer, après un séminaire de formation politique, aux principes du parti qui sont les suivants: la démocratisation, la justice et le respect des droits de l'homme.

[5]      Le demandeur indique n'avoir connu aucun problème grave avant 1997, année où le régime du Président Mobutu a été renversé par les forces du Général Laurent Désiré Kaliba.

[6]      Le demandeur écrit que ses problèmes émanent d'un événement s'étant produit le 15 août 1997. Lors de cette journée, le demandeur prenait part à une manifestation visant à commémorer le 5ième anniversaire de la nomination du président de l'UDPS, Monsieur Tshisékédi, au poste de premier ministre de transition lors de la Conférence nationale souveraine en 1992 et pour protester "contre les pratiques et dérives dictatoriales du pouvoir en place". À cette occasion, il arborait le tricot et l'effigie de Monsieur Tshisékédi.

[7]      Selon son FRP, il arriva au siège de l'UDPS vers 12h00-12h15. Vers 1h00-1h30, des agents de la police nationale d'action rapide ainsi que des militaires de l'Agence nationale de renseignements ont dispersé violemment ceux qui étaient présents et s'en sont pris à tous les jeunes gens regroupés devant la permanence de UPDS et qui portaient le tricot et l'effigie de Monsieur Tshisékédi.

[8]      Le demandeur relate dans son témoignage que l'intervention des militaires et policiers engendra une confusion totale. Après avoir été victime de divers sévices corporels incluant coups de fouet, certains manifestants, dont lui-même, furent arrêtés, insultés et amenés dans les geôles de l'Agence nationale de renseignements.

[9]      Après son arrestation, le demandeur indique avoir subi un interrogatoire musclé et avoir été jeté dans une cellule où il y passa une trentaine de jours dans des conditions fort peu enviables.

[10]      Le 18 septembre 1997, un officier est venu le voir dans sa cellule lui disant qu'il allait le sortir de la cave parce qu' il était prévu que deux d'entre eux seraient exécutés. Vers 1h00 du matin quatre soldats sont venus le chercher dans sa cellule. Il est amené devant un officier qui ordonna aux hommes de se débarrasser de lui. Arrivés devant le boulevard Lumumba, les soldats lui ont ordonné de descendre et de courir le plus vite avant qu'ils ne changent d'avis. Le demandeur courut et se rendit directement chez un ami à qui il raconta son histoire. Cet ami a contacté ses parents qui lui expliquèrent avoir réussi, avec l'aide d'un complice, à le faire sortir de prison frauduleusement, moyennant une somme d'argent.

[11]      Le demandeur dit être demeuré six semaines chez son ami puis s'être rendu dans un quartier reculé de la capitale où il a vécu clandestinement puisqu'il était recherché par l'Agence nationale des renseignements pour évasion. Quant aux autres qui furent également arrêtés le 15 août 1997, il indique n'avoir eu aucune autre nouvelle d'eux.

[12]      Le 6 avril 1998, le demandeur quitta Kinshasa pour Abidjan en Côte d'Ivoire, d'où deux jours après il s'est rendu aux États-Unis y arrivant le 10 avril dans l'après-midi à New York; le matin du 11 avril il prit un autobus et traversa la frontière canadienne à Lacolle, Québec.

     (b) La preuve documentaire déposée par le demandeur

[13]      Le demandeur a déposé à l'audience plusieurs pièces documentaires de nature personnelle; les plus importantes sont les suivantes:

     (a)      la pièce P-7 " une lettre du 15 octobre 1997 écrite par le Secrétaire général adjoint de l'UDPS à Kinshasa. Les extraits pertinents sont les suivants:
     Par la présente nous tenons à confirmer la plainte de Mr DANY KABEYA, âgé de 20 ans et non autrement identifié, aux organismes humanitaires défenseurs des droits de la personne humaine et au Gouvernement du pays hôte en guise de demander son statut de réfugié.
. . .
     Les libertés fondamentales des Citoyens sons systématiquement brimées. Les activités des autres partis politiques sont interdites comme au plus fort de la dictature mobutienne de triste mémoire. Les dossiers des Dirigeants et autres activistes de l'U.D.P.S. en particulier jadis gardés par les Services Secrets de Mobutu, sont aujourd'hui passés aux mains de ceux du nouveau Régime. Ainsi toutes ces personnalités sont chaque jour traquées, arrêtées ou enlevées et torturées dans des cachots ou portées disparus tout simplement. C'est le cas de Monsieur DANY KABEYA. Connu pour son engagement dans la lutte pour l'instauration de la démocratie et contre la dérive dictatoriale de l'AFDL, au sein de son Parti UDPS, Mr Dany KABEYA fut porté disparu depuis le 15 Août 1997 lors de la Manifestation organisée par la Jeunesse de l'UDPS (la JUDPS) à la Permanence à l'occasion du 5ème Anniversaire....      [je souligne]
     À la lumière de ce qui précède, le retour au Congo-Kinshasa de tout membre de l'opposition, surtout de l'UDPS, mettrait sa vie en danger et, c'est le cas de Dany KABEYA. En foi de quoi la présente Note lui est délivrée pour soutenir sa demande d'asile.
     (b)      la pièce P-8 " une lettre en date du 31 octobre 1998 écrite par le Président fédéral et le Secrétaire fédéral administratif pour l'UDPS/Canada. Voici ce qui est écrit:
     Nous voulons par la présente, attester, que M. KABEYA NDOMBA est membre de notre parti au Canada.
     Nous confirmons après vérification qu'il milite au sein du parti depuis 1995 à KINSHASA au Congo-Zaïre.

     (c)      la pièce P-11 " des articles de journaux dont le premier est un extrait du journal TAM TAM, organe de l'UDPS, en date de samedi, le 16 août 1997. L'article rapporte le meeting de la jeunesse de l'UDPS tenu à la permanence du parti et confirme que ce meeting s'est terminé dans la "débandade". L'article indique qu'à quelques minutes de la fin, la manifestation a été dispersée par la police AFDL et que l'orateur principal, le Secrétaire national de l'UDPS à la jeunesse et une dizaine d'autres manifestants ont été arrêtés. L'article constate que "les militaires AFDL ont été déployés vers 13 heures aux alentours de la permanence de l'UDPS.... Les éléments de l'AFDL sont passés à l'attaque vers 14 heures 30...".
             La pièce P-11 contient un article du journal UMOJA en date de lundi le 22 septembre 1997. Sous un article intitulé "S.O.S. - 37e jour de détention arbitraire des 15 membres de la JUDPS" on lit:
     Ils sont toujours détenus à la DSIR sur ordre du Vice-ministre AFDL de l'intérieur, .... Ils totalisent aujourd'hui 37 jours de détention arbitraire après avoir été enlevés en pleine manifestation commémorative du....
             La pièce P-11 reproduit un autre article en date de vendredi le 26 septembre 1997 du journal OMOJA intitulé "41e jour de la détention arbitraire de 15 membres de la JUDPS" où il est écrit:
. . . l'UDPS compte redémarrer avec les manifestations de rue en vue de protester contre la détention prolongée de 15 de ses membres à l'ANR et contre tant d'autres violations des droits de la personne humaine au Congo....
. ..
     Au fait, la colère de l'UDPS est montée de plusieurs crans du fait que lors d'une visite rendue le 19 septembre courant à ses combattants détenus à l'ANR depuis le 15 août dernier, il a été constaté la disparition de deux combattants sur le total des détenus. D'après une note de protestation du parti signée par. ..., ces deux combattants auraient été extraits du cachot par le pouvoir pour des raisons non encore élucidées.
     (d)      la pièce P-12 " une lettre en date du 28 août 1997 écrite par le Président de "La Voix des Sans Voix pour les Droits de l'Homme". L'extrait pertinent est celui-ci:
     La Voix des Sans Voix a été saisie en date du 19 Août dernier, par l'UDPS, de la disparition d'un de ses partisans qui a été incarcéré avec 15 autres dans les géôles du nouveau pouvoir.
     Il s'agit de Monsieur Dany KABEYA. Toutefois, précise l'UDPS, les enquêtes se poursuivent en vue de retrouver les traces du prénommé.



LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[14]      Le tribunal indique que le témoignage du demandeur "fut embrouillé, confus, et il nous donna plusieurs versions à des questions pourtant fort simples". Le tribunal donne à titre d'exemples ce qui suit:

     (a)      Le nom du Secrétaire général de la JUDPS

[15]      Le tribunal interrogea le demandeur quant au nom du Secrétaire général; le demandeur indique ne pas s'en souvenir puisqu'il n'avait pas eu beaucoup de contacts avec lui. Le tribunal nota que le demandeur est membre de la JUDPS depuis 1995 et tira l'inférence suivante:

Il nous semble invraisemblable que le demandeur ne puisse se rappeler du nom du secrétaire-général seulement parce qu'il n'avait pas beaucoup de contacts avec lui, s'il était vraiment membre comme il le prétend.

     (b)      L'heure d'attaque des militaires lors de la manifestation du 15 août          1997

[16]      Le tribunal mentionne le témoignage du demandeur que les militaires seraient arrivés vers 1 heure, 1 heure 30 et que dès leur arrivée, ils auraient attaqué. Le tribunal considère l'article du TAM TAM le 16 août 1997 qui dit que les militaires premièrement n'auraient pas attaqué dès leur arrivée, attendant plutôt 1 heure 30 avant de ce faire, et deuxièmement auraient attaqué vers 14 heures 30 et non pas vers 1 heure, 1 heure 30 comme le prétend le demandeur. La conclusion du tribunal sur ce point est:

     S'il était présent lors de cette commémoration, il nous semble donc invraisemblable que le demandeur nous décrive la scène de manière fort différente de ce que rapporte la preuve documentaire. Confronté à cela, le demandeur n'aura aucune explication satisfaisante à nous fournir.

     (c)      La pièce P-7 " la confirmation de l'UDPS comme membre

    

[17]      Le demandeur est interrogé sur les circonstances de la lettre en date du 15 octobre 1997; le tribunal dit que l'explication du demandeur "mine sa crédibilité" parce que le demandeur a donné plusieurs versions:

     (1)      dans une première version, il témoigne qu'il aurait demandé à son père au mois d'octobre d'aller voir des gens de l'UDPS afin de porter plainte quant à sa disparition et sa détention illégale. On lui demande pourquoi avoir déposé une plainte auprès des autorités du parti; il répond "qu'il voulait qu'ils sachent que depuis le 15 août 1997, il n'était pas retourné à la maison".
     (2)      Le demandeur, selon le tribunal, se reprendra et témoignera qu'il ne s'agissait pas d'une plainte mais plutôt d'un signalement de disparition en ajoutant que son évasion de prison, survenue dans la nuit du 18 au 19 septembre 1997 était un secret et qu'il n'était pas supposé être en liberté. Le tribunal constate qu'au moment où le père du demandeur rencontre l'UDPS, soit au début du mois d'octobre, le demandeur n'était plus disparu mais vivait chez un ami. Le tribunal s'étonne que la lettre émanant de l'UDPS traite du demandant comme étant disparu, sans mentionné le fait qu'il était en liberté à ce moment.
     (3)      On questionne le demandeur à savoir pourquoi il avait demandé à son père de signaler à l'UDPS qu'il était disparu s'il ne l'était plus; le demandeur répond "que c'était pour que toute la communauté puisse le savoir". Il rajoute que c'était un secret, que personne ne devait savoir qu'il avait été remis en liberté. Le tribunal exprime sa surprise puisque la preuve démontre que l'UDPS savait qu'il était plus disparu à ce moment. Le demandeur répond que son père n'avait pas caché à l'UDPS qu'il était sorti de prison. Le demandeur est questionné encore une fois quant au but de la lettre de l'UDPS et il répond qu'il voulait que son père informe l'UDPS de sa disparition.
     (4)      Il est finalement questionné sur ce qu'il attendait de l'UDPS lorsqu'il a demandé à son père de les prévenir. Le tribunal écrit que le demandeur répondra dans une troisième version qu'il ne voulait rien, simplement que le parti le sache. Le tribunal questionne le demandeur à nouveau sur ce sujet et est d'avis que ce dernier leur fournit une quatrième version; celui-ci répond qu'il était prêt à tout faire pour savoir s'il était sécurisant de sortir de sa cachette. On lui demande pourquoi il était encore considéré par l'UDPS comme étant disparu dans la lettre P-7 et si les membres de l'UDPS savaient à ce moment qu'il était relâché; le demandeur dit que "c'était peut-être un secret".
     (d)      La pièce P-7 fut-elle remise à son père ou à lui?

[18]      Le tribunal souligne que la lettre de l'UDPS fut remise à son père car le demandeur indiqua qu'il se cachait chez son ami à ce moment. Le tribunal note toutefois que la lettre se termine en disant qu'elle est délivrée au demandeur lui-même alors que selon les dires de ce dernier, il ne se serait jamais présenté à l'UDPS pour recevoir ladite lettre.

     (e)      Quand fut prise par le demandeur la décision de quitter le RDC

[19]      Selon le tribunal, un autre élément semble invraisemblable; en effet, le demandeur témoigne qu'il a pris la décision de quitter le 4 avril 1998, soit le jour où on lui aurait apporté les documents nécessaires pour quitter son pays et où on lui aurait dit qu'il était recherché. Le tribunal nota qu'en octobre 1997, l'UDPS écrivit que ladite lettre est délivrée "afin de soutenir sa demande d'asile" soit près de six mois avant que le demandeur ne décide de quitter son pays et de demander le statut de réfugié. Le tribunal s'interrogea de la façon suivante:

     Comment l'UDPS a-t-elle pu prendre la décision avant le demandeur lui-même qu'il demanderait le statut de réfugié? Face à nos questions, le demandeur se contentera toujours de nous répondre qu'il avait reçu cette lettre de l'UDPS deux jours avant son départ. Nous trouvons cette explication insatisfaisante.

    

     (f)      La lettre de la Voix des Sans Voix

[20]      Cette lettre, datée du 20 août 1997, selon le tribunal, révèle que l'UDPS est déjà au courant de la disparition du demandeur et qu'il y a même des enquêtes qui se faisaient en vue de retrouver les traces de celui-ci. Le tribunal se demanda alors pourquoi l'UDPS aurait-elle été mise au courant de la disparition de celui-ci, par l'entremise de son père, alors qu'elle le savait déjà tel qu'en témoigne la lettre. Aussi, puisque des enquêtes semblaient en cours pour retrouver le demandeur, pourquoi le père du demandeur n'aurait-il pas plutôt informer l'UDPS que son fils était en liberté afin que cessent les recherches pour le retrouver.

[21]      Le tribunal est d'avis que le demandeur n'aurait encore une fois aucune réponse satisfaisante à lui donner disant qu'en août, l'UDPS avait peut-être remarqué l'absence de certains membres sur ses listes et de là aurait pu constater sa disparition.

[22]      Le tribunal lui posera de nouveau la question à savoir pourquoi son père aurait contacté l'UDPS en octobre si cette dernière était au courant de la disparition par l'absence des noms sur ses listes; le demandeur répondra, selon le tribunal, "encore une fois qu'il ne sait pas, qu'il a reçu les deux lettres (celles de l'UDPS et de la Voix des Sans Voix) en même temps, soit le 4 avril 1998". Suite à cette réponse, le tribunal en vient à la conclusion suivante:

Encore une fois, cette réponse est insatisfaisante.
     Conséquemment, pour les motifs ci-haut énoncés, nous concluons donc que Ndomba KABEYA n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

ANALYSE

[23]      Somme toute, après analyse du dossier, j'en conclus que le tribunal avait devant lui suffisamment de preuves, examiné raisonnablement, pour servir de fondement à la conclusion que le demandeur n'était pas réfugié au sens de la Convention.

[24]      Tel que réitéré à de nombreuses reprises par mes collègues, la norme de contrôle d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dont les motifs sont fondés sur une absence de crédibilité du revendicateur et ce, vu les implausibilités et invraisemblances, tirées raisonnablement et appuyées sur la preuve ou en raison de la confusion engendrée par les réponses de ce dernier est celle déterminée par la Cour d'appel fédérale, dans Aguebor c. Canada1 par le juge Décary:

[4]      Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

[25]      Cette conclusion est en concordance avec la décision de la Cour suprême du Canada dans Syndicat canadien de la fonction publique, section local 301 c. Ville de Montréal 2 dans laquelle, Madame la juge L'Heureux-Dubé fit la remarque suivante à la page 844:

85      Nous devons nous souvenir que la norme quant à la révision des conclusions de fait d'un tribunal administratif exige une extrême retenue: Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, le juge La Forest aux pp. 849 et 852. Les cours de justice ne doivent pas revoir les faits ou apprécier la preuve. Ce n'est que lorsque la preuve, examinée raisonnablement, ne peut servir de fondement aux conclusions du tribunal qu'une conclusion de fait sera manifestement déraisonnable, par exemple, en l'espèce, l'allégation suivant laquelle un élément important de la décision du tribunal ne se fondait sur aucune preuve; voir également: Conseil de l'éducation de Toronto, précité, au par. 48, le juge Cory; Lester, précité, le juge McLachlin à la p. 669. La décision peut très bien être rendue sans examen approfondi du dossier: National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, le juge Gonthier à la p. 1370.

[26]      Ainsi, suivant les motifs détaillés et précis de la décision rendue et tels que je les ai rapporté ci-haut, j'en conclus que le tribunal avait des fondements tout à fait raisonnables d'en arriver à la conclusion que le témoignage du demandeur est confus et invraisemblable à un point tel que sa crédibilité s'en trouvait entièrement entachée.

[27]      En effet, l'étude de l'ensemble de la preuve démontre que les invraisemblances répertoriées par le tribunal suite à l'interrogatoire du demandeur sont justifiées par la preuve et les inférences tirées de ladite preuve sont tout à fait raisonnables. De surcroît, lesdites invraisemblances touchent les éléments essentiels de la revendication du demandeur au statut de réfugié telles que son arrestation, son emprisonnement et sa fuite.

[28]      En ces circonstances, cette Cour n'est pas autorisée à intervenir dans le cadre de la décision rendue par le tribunal. Tel que le mentionne la juge L'Heureux-Dubé, il n'appartient pas aux cours de justice de revoir les faits et d'apprécier la preuve de nouveau mais bien aux tribunaux administratifs investis de ce pouvoir par les lois adoptées par les législatures provinciales et le Parlement canadien.

[29]      Je voudrais toutefois m'attarder quelques instants à un argument soulevé par le demandeur lors de l'audition. En effet, ce dernier avança devant moi un nouveau motif, afin de justifier l'acceptation de ce contrôle judiciaire, lequel découle des faits exposés devant le tribunal, soit celui d'une crainte bien-fondée de persécution due à son appartenance à un groupe social, soit l'UDPS dont les membres font l'objet de persécution en RDC en raison de leurs activités politiques.

[30]      Le demandeur fonde ce nouveau motif sur la preuve documentaire quant à la répression exercée contre les activités de l'UDPS et sur une jurisprudence3 faisant état de persécutions exercées contre les membres de ce parti politique sous le régime du Général Laurent-Désiré Kabila.

[31]      Je ne peux accueillir les nouveaux arguments du demandeur pour plusieurs raisons. En premier lieu, le tribunal n'a pas cru le témoignage du demandeur à l'effet qu'il était membre de la JUDPS et ce, en raison des nombreuses invraisemblances et incohérences majeures relevées par ce dernier.

[32]      En second lieu, le demandeur ne fait aucune référence à la preuve documentaire et n'établit aucun lien entre celle-ci et lui-même. Et en troisième lieu, à l'audience, le tribunal a examiné les raisons pour lesquelles le demandeur craignait son retour en RDC. Suite à cet interrogation, le demandeur a admis que les manifestants de l'UDPS ou de la JUDPS ont été libérés suite à de nouvelles manifestations.

[33]      Ainsi, j'en conclus qu'il n'est pas loisible au demandeur de simplement citer une jurisprudence favorable sans relier cette dernière à la preuve déposée devant le tribunal qui a examiné sa revendication. En l'espèce, je constate que le demandeur n'a pas fait cette démonstration.

[34]      En conclusion, j'estime qu'il n'y a aucune matière à intervention de la Cour dans le cadre de ce dossier.

CONCLUSION

[35]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[36]      Aucune question certifiée n'a été soulevée par les parties.


     "François Lemieux"

    

     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

le 28 janvier 2000

__________________

     1      Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'immigration), (1993) 160 N.R. 315      (C.A.F.)

     2      Syndicat canadien de la fonction publique, section local 301 c. Ville de Montréal, [1997] 1 R.C.S. 793.

     3      Voir à cet effet les décisions suivantes: Mapera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration) (1998), 157 F.T.R. 316 (1ère instance), Kalunda c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), Imm-4379-97, 1ère instance, jugement rendu le 15 septembre 1998 et Mokabila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), Imm-2660-98, 1ère instance, jugement rendu le 2 juin 1999.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.