Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

 

                                                                                                          IMM-1459-96

 

 

Entre :

 

 

                                          VIJAY KUMAR MEHTA,

 

                                                                                                                 requérant,

 

 

                                                             - et -

 

 

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                      intimé.

 

 

 

 

                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE SIMPSON

 

            Je requiers que la transcription ci-annexée des motifs révisés de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 20 décembre 1996, soit déposée pour satisfaire aux exigences de l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

 

 

                                                                        (Signature) «Sandra J. Simpson»

                                                                       

 

                                                                                     Juge

 

 

Vancouver (C.-B.)

le 12 février 1997

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                         

 

François Blais, LL.L.


 

 

 

 

 

 

                                                                                                          IMM-1459-96

 

 

 

                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                              (SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE)

 

 

Entre :

 

 

                                          VIJAY KUMAR MEHTA,

 

                                                                                                                 requérant,

 

 

                                                             - et -

 

 

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                      intimé.

 

 

                                                      - - - - - - - - - -

 

 

                                      Devant Madame le juge Simpson

                           Cour fédérale du Canada, salle d'audience no 7

                               330, avenue University, Toronto (Ontario)

                                        le vendredi 20 décembre 1996

 

 

 

                                                      - - - - - - - - - -

 

 

 

ONT COMPARU :

 

            Joseph Farkas                                                                   pour le requérant

 

            Mme Bridget O'Leary                                                             pour l'intimé

 

 

                                                      - - - - - - - - - -


            Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée par Vijay Kumar Mehta (le «requérant») et fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F‑7, concernant une décision d'un agent des visas (l'«agent») du Consulat général du Canada à Buffalo (New York).  Dans une lettre en date du 25 mars 1996, l'agent a refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par le requérant.

 

LES FAITS

            Le requérant, citoyen indien, est né le 23 février 1945.  Il est marié et a deux enfants à charge.  Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada le ou vers le 13 avril 1995, dans la catégorie des «travailleurs autonomes».  La demande de résidence permanente indique que, de 1973 à 1990, il était propriétaire de Pooch Kashmir Rubber Industry en Inde.  De 1985 à 1990, il a également occupé le poste de directeur général de Tushar Associates (Pvt) Limited en Inde; toutefois, la preuve ne révèle pas la nature de cette entreprise.  De 1991 à ce jour, le requérant était propriétaire de Vasotae International, située à Jamaica (New York), et de 1993 à ce jour il a également été président de Orchid Trim Inc. et de Acme Imports Inc., situées à New York (New York).  Ces entreprises importent des bijoux de fantaisie et c'est ce commerce que le requérant a l'intention de lancer au Canada.

            En 1986, le requérant est entré au Canada en vertu d'un visa de visiteur et il a réclamé le statut de réfugié au sens de la Convention.  Par la suite, il a renoncé à cette revendication et est retourné en Inde.  Il est revenu au Canada en vertu d'un autre visa de visiteur et a de nouveau revendiqué le statut de réfugié en 1990, mais il n'a pas réussi à se faire reconnaître ce statut.  En 1991, il est allé aux États-Unis, et en avril 1991, il a demandé un visa de travail dans ce pays.  Depuis 1991, il exploite les entreprises de bijoux de fantaisie décrites ci-dessus.

            Le requérant s'est présenté à une entrevue avec l'agent au Consulat général du Canada à Buffalo le 25 mars 1996.  L'agent a depuis cessé de travailler pour l'intimé et n'a pas déposé d'affidavit pour les fins de la présente procédure.  Une autre agente des visas, Nora Egan, a déposé un affidavit établi sous serment, fondé sur un examen du dossier et des notes de l'agent (l'«affidavit d'Egan»).  Le requérant ne s'est pas opposé à l'affidavit d'Egan avant l'audience d'aujourd'hui.

            Au cours de l'entrevue, le requérant a reconnu que sa famille et lui-même étaient entrés illégalement aux États-Unis en 1991.  Ils n'avaient pas de visas d'entrée et le requérant a payé quelqu'un pour l'aider à se soustraire à l'examen des agents d'immigration au point d'entrée aux États-Unis.  À l'entrevue, l'agent a discuté avec le requérant de la capacité de ce dernier d'établir une entreprise au Canada.  L'agent a conclu que le requérant avait [TRADUCTION] «des biens transférables relativement limités», évalués à environ 100 000 $.  Le requérant indiquait également qu'il avait des immobilisations en Inde d'une valeur d'environ 200 000 $, mais il n'a pu fournir de preuve de la valeur de ces biens ou de leur transférabilité au Canada.  Les entreprises de bijoux de fantaisie du requérant aux États-Unis n'ont déclaré aucun bénéfice net pour 1994 et qu'un bénéfice net de 16 000 $ pour 1995.

            L'agent a conclu que [TRADUCTION] «le caractère marginal et la rentabilité limitée» des entreprises du requérant aux États-Unis laissaient entrevoir que son projet d'entreprise au Canada ne lui permettrait pas de contribuer de façon significative à l'économie canadienne au sens de la définition de «travailleur autonome» figurant dans le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le «Règlement»).  L'agent a également conclu que, comme l'entreprise du requérant n'offrait que de [TRADUCTION] «faibles moyens de subsistance» et qu'il avait un capital transférable limité, le requérant ne serait pas en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de façon significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

            Pour ces raisons, l'agent a refusé d'accorder au requérant les 30 points d'appréciation applicables à un travailleur autonome et lui a attribué au total 51 points.  L'agent a avisé le requérant que sa demande de résidence permanente était refusée dans une lettre datée du 25 mars 1996.  Dans cette lettre, l'agent indiquait qu'il était peu probable que le projet d'entreprise du requérant génère suffisamment de revenus pour subvenir aux besoins d'une famille de quatre personnes et que l'entreprise contribue de façon significative à la vie économique du Canada.

            Dans un autre paragraphe, l'agent indiquait également que le requérant, en entrant aux États-Unis sans visa en 1991 et en se soustrayant à l'examen au point d'entrée dans ce pays, avait violé le droit américain et que ces actes, s'ils avaient été commis au Canada, auraient enfreint le droit canadien.  Toutefois, l'agent n'a pas précisé les dispositions législatives américaines auxquelles le requérant est présumé avoir contrevenu, et l'intimé a reconnu que cela constituait une erreur de droit dans l'appréciation de l'inadmissibilité d'une personne pour des raisons criminelles au sens du sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la «Loi») (l'«erreur»).

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

            Ces faits soulèvent les questions suivantes :

 

1)L'affidavit d'Egan constitue-t-il une preuve pertinente?

 

2)L'erreur vicie-t-elle la totalité de la décision de l'agent?

 

3)Si l'erreur ne vicie pas la totalité de la décision, l'agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation du requérant en tant que «travailleur autonome»?  Plus précisément, l'agent a-t-il ignoré des biens ou des antécédents pertinents et, deuxièmement, a-t-il à tort tenu compte de l'entrée illégale du requérant aux États-Unis dans son appréciation?

 

 

 

Première question

            L'affidavit d'Egan indique que l'agent se tenait à la disposition de Mme Egan pour lui fournir les renseignements nécessaires, mais qu'il n'était pas disposé à établir un affidavit sous serment parce qu'il ne travaillait plus pour l'intimé.  Dans ces circonstances, si le requérant voulait discuter d'un point avec lui, il aurait dû déposer une requête afin d'obtenir l'autorisation de l'obliger à comparaître en vertu de la règle 319(4) des Règles de la Cour fédérale.  Le fait qu'il n'a pas eu recours à cette mesure laisse entendre que le requérant n'avait d'argument sérieux à formuler au sujet des notes de l'agent ou de sa lettre de refus (pièces C et B jointes à l'affidavit d'Egan).  Ce qui est plus important, le requérant n'a pas contesté le souvenir de l'agent selon lequel il a admis être entré illégalement aux États-Unis.  Dans son affidavit établi sous serment aux fins de la présente procédure, le requérant n'a pas établi que son entrée aux États-Unis était légale.  Dans les circonstances, je ne suis pas disposée à considérer que l'objection de dernière minute soulevée par le requérant au regard de l'affidavit d'Egan est sérieuse.  L'affidavit d'Egan est accepté, toutefois, uniquement dans la mesure où il sert à déposer les pièces C et B devant la Cour et à produire les renseignements énoncés aux paragraphes 1 à 9, 18, 20 et 21.

 

Deuxième question

            Je suis convaincue d'après la preuve dont je suis saisie que le requérant a avoué à l'agent au cours de son entrevue qu'il était entré illégalement aux États-Unis et que cette affirmation était véridique.  L'erreur commise par l'agent a été de ne pas indiquer les dispositions des lois américaines se rapportant à ces infractions dans ses notes ou dans sa lettre de décision.  L'erreur ne change pas le fait important que le requérant a admis être entré illégalement aux États-Unis.  Par conséquent, on ne peut prétendre que cette erreur est assez fondamentale pour vicier totalement la décision de l'agent.

 

Troisième question

            Je suis convaincue que l'analyse effectuée par l'agent de la demande présentée par le requérant en tant que «travailleur autonome» ne contient pas d'erreur.  Ses conclusions au sujet des faibles possibilités d'établissement du requérant au Canada ont été appuyées de façon satisfaisante par la preuve.

            Le requérant a laissé entendre que son appréciation en tant que «travailleur autonome» avait été entachée par la prise en compte de son inadmissibilité pour des motifs criminels.  Toutefois, il n'y a rien dans les notes ou dans la lettre de décision de l'agent qui appuie cet argument.  Dans les deux documents, l'accent principal est mis sur l'insuffisance des biens du requérant et le fait qu'il n'a pas de réussite commerciale à son actif.  De plus, dans les deux documents, l'inadmissibilité du requérant pour des motifs criminels est traitée comme une question distincte et subsidiaire.

            La décision de la Cour suprême du Canada dans Chen[1] a été citée par l'avocat du requérant comme l'arrêt de principe appuyant la proposition selon laquelle l'agent n'avait pas compétence pour juger de la conduite illégale reconnue par le requérant.  Je ne peux accepter cet argument.  À mon avis, Chen doit être limité à son contexte factuel et appliqué uniquement dans les cas où un pouvoir discrétionnaire est exercé en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement à l'encontre d'un requérant qui réunit par ailleurs les conditions nécessaires pour obtenir la résidence permanente au Canada.  Dans l'affaire dont je suis saisie, le requérant ne satisfait pas à ces conditions.  En outre, si j'acceptais l'argument du requérant, il s'ensuivrait que l'inadmissibilité pour des motifs criminels en vertu de l'article 19 de la Loi ne pourrait jamais être prise en compte dans l'appréciation d'un requérant qui demande le statut de résident permanent.  Ce résultat serait absurde.

 

            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                          

                                                                        François Blais, LL.L.


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :VIJAY KUMAR MEHTA

 

- et -

 

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

 

 

N° DU GREFFE :IMM-1459-96

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :le 20 décembre 1996

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :Le juge SIMPSON

 

 

Prononcés à l'audience :le 20 décembre 1996

 

 

DATE :le 12 février 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. Joseph S. Farkaspour le requérant

 

 

Mme Bridget O'Learypour l'intimé

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Joseph S. Farkaspour le requérant

Avocat et procureur

North York (Ontario)

 

 

George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général

  du Canada



     [1]Chen c. Canada (MEI), [1995] 1 R.C.S. 725

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.