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Date : 19981007


Dossier : IMM-4860-97

ENTRE :

     MOHAMMAD HOSSIN ROSHANI,

     ACIEH ROSHANI LIRSIAH,

     SHADY ROSHANI LIRSIAH,

     SHRVIN ROSHANI LIRSIAH,

     demandeurs,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE McGILLIS

[1]      Le demandeur conteste par voie de contrôle judiciaire la décision par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le demandeur est citoyen de l'Iran.

[2]      L'avocat du demandeur a notamment allégué que la Commission avait enfreint les règles de justice naturelle en ne donnant pas au demandeur la possibilité de présenter des éléments de preuve afin de discréditer les renseignements figurant dans un document émanant du service de recherche de la Commission. Le document visé traite de l'utilisation de faux passeports pour quitter l'Iran, de la corruption des agents de sécurité affectés aux aéroports et du caractère généralisé de la corruption en Iran.

[3]      À l'audience, l'avocate représentant à cette époque le demandeur a fait savoir à la Commission que, dans une autre affaire, elle devait contre-interroger deux des personnes à l'origine du document. Par conséquent, elle a suggéré de déposer des transcriptions des contre-interrogatoires à une date ultérieure. À la fin de l'audience en juin 1997, la Commission a accepté la procédure suggérée et a accordé une prorogation jusqu'au 1er août 1997 afin de permettre à l'avocate de présenter les transcriptions des contre-interrogatoires. Le 6 août 1997, l'avocate a demandé une autre prorogation jusqu'à la fin d'octobre 1997 parce que les contre-interrogatoires avaient été reportés. La Commission a refusé de proroger encore une fois l'affaire. Dans son argumentation écrite, l'avocate a demandé à la Commission de ne pas accorder d'importance aux renseignements figurant dans le document.

[4]      L'avocate du défendeur a, en toute honnêteté et à juste titre, admis dans son argumentation que la Commission avait manqué aux principes de justice naturelle en ne donnant pas au demandeur la possibilité de présenter les éléments de preuve en question. Cependant, elle a soutenu que le manquement à la justice naturelle était sans gravité car la décision de la Commission ne reposait pas sur la question du recours à la corruption par le demandeur pour quitter l'Iran.

[5]      Afin de décider si le manquement à la justice naturelle en l'espèce justifie la tenue d'une nouvelle audience, la Cour doit examiner la décision de la Commission.

[6]      Dans sa décision, la Commission a rejeté la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur en se fondant sur le manque de crédibilité de ce dernier. La Commission a exposé, entre autres, les motifs suivants :

             [TRADUCTION] L'avocate du revendicateur a allégué que le fait que celui-ci ait admis avoir menti au sujet des passeports ne signifie pas que tout son récit manque de crédibilité. En l'espèce, le tribunal ne partage pas l'avis de l'avocate. Il n'est pas inhabituel que les revendicateurs travestissent certains éléments de leur revendication et admettent par la suite à leur audience l'avoir fait. Le présent tribunal a accordé par le passé le bénéfice du doute à ces revendicateurs. Toutefois, dans la présente affaire, le tribunal n'a pas confiance et n'est pas convaincu de la crédibilité générale du revendicateur.             
                  Le revendicateur a témoigné d'une manière vague et hésitante. Son témoignage était en contradiction avec les renseignements qu'il avait donnés à l'entrevue avec l'agent d'immigration quand il a présenté pour la première fois sa revendication. Quand, lors de la première séance, on lui a fait part pour la première fois de la contradiction, le revendicateur a nié avoir dit à l'agent que sur le passeport qu'il avait utilisé figurait son vrai nom. Quand le revendicateur a été interrogé par l'agent chargé de la revendication, son récit a commencé à manquer de cohérence et son attitude a changé du tout au tout. Il est devenu extrêmement nerveux quand on l'a interrogé au sujet de son allégation de désertion militaire, au point où son avocate, se rendant compte qu'une grave question de crédibilité était en jeu, a demandé un ajournement. C'est seulement à la deuxième séance que le revendicateur, prudemment interrogé par son avocate, a admis avoir menti au sujet des noms figurant sur les passeports. Bien qu'il puisse s'agir d'une question accessoire dans certaines revendications, en l'espèce il s'agit d'une question centrale. Si le revendicateur a quitté l'Iran en utilisant son vrai nom, alors les autorités ne le rechercheraient pas comme il l'a prétendu, ni pour avoir déserté, ni pour prétendument avoir hébergé et aidé Amir. Selon le FRP du revendicateur, l'incident allégué a eu lieu en novembre ou en décembre 1995. Sa femme aurait été arrêtée et détenue pendant neuf jours le 5 décembre 1995. Il a appris, en janvier 1996, qu'on le recherchait et qu'il était sur le point de se faire arrêter. Le 11 mars 1996, le revendicateur et sa famille ont quitté l'Iran légalement en passant par l'aéroport iranien étroitement surveillé. L'explication que le revendicateur a fournie relativement au fait que son nom ait été retiré de la liste noire grâce à un pot-de-vin en 1993-1994 quand sa soeur a dû quitter le pays est totalement acceptable [sic] et tout à fait invraisemblable. Même si le revendicateur a fait retirer son nom en 1993-1994, ses prétendus problèmes avec les autorités sont survenus à la fin de décembre ou au début de janvier 1996. Il a quitté le pays en mars 1996. Les autorités auraient été au courant de ses derniers démêlés avec elles. Compte tenu de ce qui précède, soit que le revendicateur a obtenu un passeport et un visa de sortie et qu'il a été capable de quitter l'Iran légalement et ouvertement, le tribunal rejette l'affirmation du revendicateur qu'il était, ou est d'une quelconque façon, recherché par les autorités iraniennes.             

[7]      L'examen des motifs confirme que la Commission a rejeté les éléments de preuve du demandeur en ce qui concerne le recours par ce dernier à la corruption pour obtenir le retrait de son nom de la liste noire en 1993-1994, à l'époque où sa soeur a dû s'enfuir de l'Iran, car cette explication était " totalement inacceptable et tout à fait invraisemblable ". Toutefois, les éléments de preuve que l'avocate qui representait précédemment le demandeur avait cherché à présenter à l'audience étaient directement liés à cette question et ils auraient pu avoir une incidence sur la conclusion de la Commission. Compte tenu de l'importance de cette conclusion quant à l'analyse de la Commission à l'égard de la crédibilité du demandeur, je suis convaincue que le manquement à la justice naturelle requiert la tenue d'une nouvelle audience. En parvenant à cette décision, je reconnais que la Commission a également rejeté les éléments de preuve du demandeur en se fondant subsidiairement sur le fait que le départ apparemment légal de ce dernier de l'Iran indiquait que les autorités ne le recherchaient pas. Or, je ne suis pas convaincue qu'en l'espèce la Commission " [...] a eu raison [...] de conclure que la version [du demandeur] n'était pas crédible ", surtout que le manquement à la justice naturelle visait directement des éléments de preuve pertinents à l'évaluation de la crédibilité. [Voir Yassine c. M.E.I. (1994) 172 N.R. 308, 312 (C.A.F.)].

[8]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire renvoyée à un tribunal de la Commission différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audition et statue de nouveau sur l'affaire. La présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.

                         " D. McGillis "

                         Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 7 octobre 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                      IMM-4860-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MOHAMMAD HOSSIN ROSHANI

         ACIEH ROSHANI LIRSIAH

         SHADY ROSHANI LIRSIAH

         SHRVIN ROSHANI LIRSIAH

                             et

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :              LE MERCREDI 7 OCTOBRE 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :              LE JUGE McGILLIS

EN DATE DU :                      MERCREDI 7 OCTOBRE 1998

ONT COMPARU :                      M. Micheal Crane

                                 pour le demandeur

                             Mme Sally Thomas

                            

                                 pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          Micheal Crane

                             Avocat

                             166, rue Pearl, bureau 200

                             Toronto (Ontario)

                             M5H 1L3                 

                                 pour le demandeur

                              Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général

                             du Canada

                                 pour le défendeur

                            

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19981007

                        

         Dossier : IMM-4860-97

                             Entre :

                             MOHAMMAD HOSSIN ROSHANI,

         ACIEH ROSHANI LIRSIAH,

         SHADY ROSHANI LIRSIAH,

         SHRVIN ROSHANI LIRSIAH,

     demandeurs,

                             et

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                        

     défendeur.

                    

                            

            

                             MOTIFS DU JUGEMENT                                                             

                            


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