Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19980917

     Dossier : IMM-4698-98

ENTRE

     TUAN NIZAM OSSEN,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

        

LE JUGE EVANS

[1]          Il s'agit d'une requête introduite par le demandeur, un musulman de langue tamoule qui est citoyen sri-lankais, pour faire surseoir à l'exécution d'une mesure d'expulsion prévue pour le 17 septembre 1998. L'audition a été tenue par voie de téléconférence.

[2]          Le demandeur a déposé une demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de son renvoi, invoquant le motif que puisque ce renvoi l'exposait à la menace de mort ou de torture aux mains de l'armée ou de la police du Sri Lanka, il violait le droit qu'il tenait de l'article 7 de la Charte, savoir le droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne, droit auquel il ne peut être porté atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. Il s'est également fondé sur le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration pour demander le droit d'établissement pour des raisons d'ordre humanitaire alors qu'il se trouvait au Canada.

[3]          Après avoir déserté le navire, le demandeur a demandé le statut de réfugié au Canada en 1993. En 1996, la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa revendication. Le tribunal connaissant de la revendication n'a pas cru les allégations du demandeur selon lesquelles il avait été détenu et torturé par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul et les services de sécurité sri-lankais, il était allé se cacher et il était encore recherché par eux. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée en octobre 1997.

[4]          En août de cette année, le demandeur a été informé que sa demande présentée dans la catégorie des DNRSRC avait été rejetée. Bien qu'il n'ait pas contesté l'équité de ce processus d'évaluation du risque auquel il s'exposerait dans l'éventualité de son renvoi au Sri Lanka, il a déclaré dans son affidavit qu'il n'avait pas présenté d'observations parce que son avocat de l'époque ne l'avait pas avisé de cette possibilité.

[5]          Je reconnais que la Cour a compétence pour ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du renvoi d'une personne du Canada pour le motif que, dans les circonstances du cas particulier, le renvoi violerait ses droits constitutionnels même si la validité de la mesure d'expulsion sous-jacente n'est pas mise en doute. Je reconnais également que renvoyer une personne vers un pays où il existe des motifs solides de croire que la personne serait torturée ou tuée peut violer l'article 7 de la Charte, et qu'il doit y avoir une évaluation adéquate du risque que courrait l'intéressé avant qu'il ne puisse légalement être renvoyé.

[6]          L'avocate du demandeur dans la présente requête, Me Jackman, soutient que certains éléments de preuve qui n'avaient été examinés ni dans la détermination du statut de réfugié ni dans la demande présentée dans la catégorie des DNRSRC étayaient le point de vue du demandeur selon lequel il serait tué ou torturé dans l'éventualité de son renvoi au Sri Lanka. Elle fait valoir qu'il serait inconstitutionnel de le renvoyer avant qu'il y ait eu une autre évaluation du risque, cette fois sous le régime du paragraphe 114(2), dans laquelle ces éléments de preuve pouvaient être pris en considération.

[7]          Les avocats des parties ont convenu que pour avoir gain de cause dans la présente requête, le demandeur devait satisfaire au critère à trois volets prescrit dans la décision Toth c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (CAF). Le premier de ces volets exige du demandeur qu'il établisse que la demande de contrôle judiciaire de son renvoi soulève une question sérieuse. Pour les motifs suivants, j'ai conclu que le demandeur ne s'était pas acquitté de cette obligation.

[8]          En premier lieu, le demandeur a déjà eu deux possibilités d'établir le bien-fondé de ses craintes. C'est tout à fait à juste titre que, compte tenu des autres éléments de preuve dont elle disposait et de l'invraisemblance de certaines parties cruciales du témoignage du demandeur, la Commission a conclu que sa revendication n'était pas digne de foi. De plus, la demande présentée dans la catégorie des DNRSRC a été assez récemment rejetée pour permettre au décideur de tenir compte des conditions prévalant au Sri Lanka et en particulier à Colombo, pour les Tamouls, y compris les musulmans de langue tamoule tel le demandeur. Le fait qu'un expert dans les affaires sri-lankaises a maintenant estimé que Colombo n'était plus un havre sûr pour les jeunes Tamouls ne suffit pas, selon moi, à soulever une question sérieuse, surtout parce que le demandeur est né à Colombo et y a vécu de nombreuses années.

[9]          En second lieu, le demandeur s'est appuyé sur deux lettres d'avocats de Colombo disant qu'il avait été détenu et torturé en 1990 et 1992, et que sa vie serait en danger dans l'éventualité de son renvoi au Sri Lanka, où son nom figure sur les listes de recherche de la police et de l'armée. Toutefois, le poids probant qu'on peut attribuer à ces lettres est amoindri par

le fait qu'elles auraient pu, mais l'ont pas été, être présentées à la Commission lorsqu'elle a entendu la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur. Elles ont été produites tout juste avant son renvoi et elles manquent de détails justificatifs.

[10]          En troisième lieu, le demandeur prétend dans son affidavit que sa femme a été harcelée par la police sri-lankaise en 1997, et qu'elle a dû se réfugier au Canada, où elle a présenté une revendication du statut de réfugié. Une lettre provenant d'un avocat sri-lankais étaye cette déclaration, bien qu'elle contienne peu de détails. Selon le demandeur, ce harcèlement de sa femme s'est produit parce que la police le recherchait toujours après qu'elle eut appris sa revendication du statut de réfugié par suite de la révélation par les autorités d'immigration canadiennes de ce fait à un enquêteur privé. Toutefois, bien que la preuve du harcèlement de la femme soit nouvelle, la Commission a tenu compte de la révélation lorsqu'elle a entendu la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur. Lorsqu'on les examine dans toutes les circonstances de l'espèce, la preuve relative au harcèlement de la femme du demandeur et les motifs de ce harcèlement ne satisfont pas, à mon avis, à la norme de "question sérieuse" qui s'impose pour justifier un sursis d'exécution.

[11]          Par ces motifs, je rejette la requête en sursis à l'exécution du renvoi du demandeur au Sri Lanka prévu pour le 17 septembre 1998.

                             John M. Evans

                                     Juge

Toronto (Ontario)

Le 17 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-4698-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Tuan Nizam Ossen
                             et
                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration
DATE DE L'AUDIENCE :              Le mercredi 16 septembre 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Evans

EN DATE DU                      jeudi 17 septembre 1998

ONT COMPARU :

    Barbara Jackman                  pour le demandeur
    Stephen Gold                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Jackman, Waldman & Associates
    Avocats
    281, avenue Eglinton est
    Toronto (Ontario)
    M4P 1L3
                                 pour le demandeur
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur


                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                  Date : 19980917
                                                  Dossier : IMM-4698-98
                                             ENTRE
                                                  TUAN NIZAM OSSEN,
                                                  demandeur,
                                                  et
                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
                                                      défendeur.
                                            
                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                                                     
                                            
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.