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Date : 19980722


Dossier : IMM-4124-97

ENTRE :


IQBAL ANSAR

également connu sous le nom de ANSAR IQBAL,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Le juge Campbell

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision de la SSR, en date du 15 septembre 1997, selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      La SSR a vu dans le demandeur un témoin crédible et, ainsi, nul ne conteste que le demandeur avait, avant de s'enfuir du Pakistan, des raisons à la fois objectives et subjectives de craindre d'être persécuté du fait de ses opinions politiques. Les faits tels qu'exposés ci-dessous ne sont pas contestés.

[3]      Le demandeur est issu d'une famille de militants politiques liés à la Ligue musulmane du Pakistan (PML). Il adhère à cette organisation en 1986, et assume un rôle actif dans les campagnes livrées par la PML en novembre 1988 et 1990, à l'issue desquelles les deux candidats parrainés par son parti sont élus. La PML a remporté l'élection de 1990 et a été appelée à former le gouvernement. Le demandeur a oeuvré dans l'intérêt du peuple et a bénéficié, pour sa région, de fonds de développement. Au mois de juin 1993, le demandeur est nommé vice-président de la section de Dolta Nagar de la PML.

[4]      Le demandeur a contribué à la campagne électorale de la PML en vue des élections de 1993, mais les deux candidats PML de sa région ont été battus et c'est le Parti du peuple pakistanais (PPP) qui a été appelé à constituer un gouvernement. Le PPP a alors adopté, à l'encontre des dirigeants et militants de la PML, une politique revancharde. Ils ont menacé le demandeur, le sommant de mettre fin à ses activités politiques et de rejoindre le PPP, ce qu'il a refusé de faire.

[5]      Au mois d'août 1994, le demandeur est rossé et blessé par des hommes de main du PPP. Il porte plainte à la police, mais aucune mesure n'est prise à l'encontre du PPP, et le demandeur continue à militer au sein de son parti politique.

[6]      Au mois de juin 1995, il prend part aux appels à la grève lancés par son parti. Présent à un meeting politique organisé par le parti, il est roué de coups par la police.

[7]      En janvier de 1996, il est rossé par la police qui le retient illégalement une journée durant au simple motif qu'il avait participé à un meeting politique et y avait acheminé certains partisans de la PML. Les participants, au nombre de quatre à cinq mille, furent attaqués par plusieurs douzaines d'hommes de main du PPP avec la complaisance de la police. Des crapules à la solde du PPP s'attaquèrent également à son domicile, s'en prenant à sa femme et à ses enfants et incendiant ses deux fourgonnettes.

[8]      Dans la troisième semaine de mai 1996, le demandeur s'est rendu à un autre meeting de protestation politique qui réunissait 40 000 personnes. Après le meeting, des membres du PPP se sont lancés à la recherche du demandeur, se rendant chez lui aussi bien qu'au domicile de plusieurs de ses parents.

[9]      Le demandeur a pris contact avec le chef de son parti, qui lui a fait savoir que le gouvernement les avait déjà impliqués dans un certain nombre d'affaires et qu'ils n'étaient pas en mesure de l'aider. Ils lui conseillèrent de quitter le pays. Le demandeur entra dans la clandestinité en attendant qu'un émissaire puisse organiser son départ pour les États-Unis. Le 26 août 1996, le demandeur atterrit à Montréal où il revendique immédiatement le statut de réfugié.

[10]      La principale question que la SSR avait à trancher était celle de savoir si, dans l'hypothèse où le demandeur rentrerait au Pakistan, les autorités de l'État lui accorderait leur protection. Le principal changement survenu dans son pays d'origine, le fait qui permettait de poser la question, était l'élection qui s'était déroulée en février 1997 et qui avait amené la PML au pouvoir. Estimant que ce changement dans la situation intérieure assurerait au demandeur la protection des autorités de son pays, la SSR a conclu en ces termes :

         [Traduction]                 
         Dans cette affaire, le demandeur et son avocat ont cité des articles de presse rendant compte d'attaques contre des militants de la PML et d'autres depuis les élections de février. Sans sous-estimer la violence qui sévit actuellement au Pakistan, aucun élément du dossier ne porte le Tribunal à penser que l'actuel gouvernement ne tente pas sérieusement de s'attaquer au problème et d'assurer, par conséquent, la protection de ses citoyens, y compris des personnes citées dans les articles de presse. Le Tribunal n'estime pas, non plus, que les violences constatées au Pakistan ont entraîné un effondrement de l'appareil étatique... De plus, alors que le principal demandeur a témoigné que, par le passé, et en tant que militant de la PML, il avait été la cible du PPP, s'il rentrait aujourd'hui au Pakistan, il le ferait en tant que dirigeant local de la PML actuellement au pouvoir. Étant donné qu'au Pakistan ce sont les gouvernements provinciaux qui contrôlent la police et les forces paramilitaires lorsque celles-ci contribuent à des opérations de maintien de l'ordre, et compte tenu de l'immense majorité que la PML détient au sein de l'assemblée provinciale du Panjab, le Tribunal estime, en l'absence de preuve convaincante et non équivoque du contraire, qu'un dirigeant local de la PML actuellement au pouvoir, et c'est le cas du demandeur, serait protégé s'il rentrait aujourd'hui au Panjab pour faire face aux accusations portées contre lui. Il déclare faire confiance à la justice.                 

[11]      Le demandeur fait valoir qu'en estimant qu'il pourrait bénéficier de la protection de l'État, la SSR n'a pas tenu compte des preuves produites par lui et selon lesquelles, même après l'élection, il a continué à être persécuté par la police. La SSR a même estimé que [traduction] " de récentes nouvelles en provenance de son pays d'origine indiquent que la police est encore à sa recherche (c'est-à-dire à la recherche du demandeur) et que des partisans du PPP continuent à menacer sa famille ". Ces nouveaux éléments, postérieurs à l'élection de février 1997, et confirmant la thèse du demandeur, sont importants. Voici de quoi il s'agit :

     a)          Une lettre en date du 18 juin 1997 de Ch. Asjad Javaid Ghurial, avocat, informant le demandeur qu'il fait encore l'objet de poursuites criminelles engagées devant la Cour de district du Pakistan et qu'il continue d'être recherché par la police. À la lettre était jointe une copie d'un mandat émis par la Cour dans le cadre des poursuites et n'admettant aucun cautionnement. La lettre faisait également savoir au demandeur que la Cour avait constaté sa fuite et que la police locale s'était lancée à sa recherche et avait effectué une descente à son domicile. L'avocat recommandait au demandeur de ne pas rentrer dans son pays.       
     b)          Une lettre de Ch. Rasheed Ahmad Khatana, vice-président de Tehsil Katana, en date du 30 juin 1997, recommandant au demandeur de ne pas rentrer dans son pays et affirmant que la police était encore à sa recherche.       
     c)          Une lettre du père du demandeur, en date du 27 juin 1997, lui faisant savoir que la police était encore à sa recherche, se présentant à son domicile et menaçant sa famille.       

[12]      La SSR n'a pas conclu que les éléments dont il vient d'être fait état n'étaient pas véridiques.

[13]      Le demandeur fait en outre valoir que c'était, de la part de la Commission, pure conjecture que d'affirmer que " un dirigeant local de la PML actuellement au pouvoir serait protégé " et que cela était constitutif d'une erreur justiciable du contrôle judiciaire.

[14]      Je conviens des deux arguments soulevés par le demandeur. Il ressort du dossier que jusqu'à l'élection de février 1997, le demandeur a été persécuté par la police agissant dans le cadre de l'État. C'est en raison de cette persécution que le demandeur s'est enfui. L'élection a provoqué un changement de gouvernement, mais les persécutions policières n'en ont pas pris fin pour autant. À l'époque de l'audience devant la SSR, c'est-à-dire cinq mois seulement après l'élection, aucun élément de preuve n'avait été produit qui permettrait de fonder la conclusion selon laquelle le simple fait que le demandeur appartenait au parti nouvellement élu à la tête du pays, suffirait à lui assurer la protection de l'État. Au contraire, c'est l'inverse qui ressort de preuves non réfutées.

[15]      J'estime, en conséquence que la décision de la SSR n'a pas tenu compte des preuves figurant au dossier. La décision est donc infirmée et l'affaire est renvoyée pour nouvelle décision devant un tribunal autrement constitué.


" Douglas Campbell "

Juge

Calgary (Alberta)

le 22 juillet 1998

Traduction certifiée conforme

Christiane Delon LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


Date : 19980722


Dossier : IMM- 4124-97

ENTRE :


IQBAL ANSAR

également connu sous le nom de ANSAR IQBAL,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.

    


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-4124-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      IQBAL ANSAR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                    

LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 22 juillet 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE CAMPBELL

DATE :                  le 22 juillet 1998

ONT COMPARU :                     

    

Me Birjinder Mangat      pour le demandeur

Me Randy Benson      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Birjinder Mangat      pour le demandeur

Calgary (Alberta)

George Thompson

Sous-procureur

du Canada      pour le défendeur

Ottawa (Ontario)

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