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Date : 20010305

Dossier : IMM-462-01

Référence neutre : 2001 CFPI 143

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                          demandeur

                                                  - et -

                                           WEI ZHENG

                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                 [prononcés oralement à l'audience à Vancouver (C.-B.)

                                       le vendredi 23 février 2001 et révisé]

LE JUGE LEMIEUX


[1]    Les présents motifs écrits confirment ceux que j'ai prononcés oralement le vendredi 23 février 2001 par lesquels je faisais droit à la demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) contre la décision du 1er février 2001 de l'arbitre O. Nupponen (l'arbitre) qui mettait en liberté Wei Zheng (le défendeur) conformément au paragraphe 103(6) de la Loi sur l'immigration (la loi) après une audience consacrée à l'examen des motifs de garde tenue le 30 janvier 2001, la 25e audience de ce genre. Le défendeur se représentait lui-même et n'a présenté aucune observation.

[2]    M. Zheng est un citoyen de la République populaire de Chine qui est arrivé au Canada par bateau le 11 août 1999 avec 130 autres personnes. Il a été détenu depuis lors. En juin 2000, le statut de réfugié lui a été refusé par la Section du statut de réfugié et en septembre 2000, sa demande présentée à titre de membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada a été rejetée.

[3]    Le 11 novembre 2000, M. Zheng a reçu une citation à comparaître au procès de certaines personnes accusées d'avoir organisé le transport par bateau. Le procès doit avoir lieu à Vancouver entre le 21 mai et le 26 juin 2001.

[4]    L'arbitre a remis en liberté M. Zheng parce qu'il a estimé que les droits que lui conféraient les articles 7 et 12 de la Charte des droits et libertés avaient été violés.


[5]                Au cours d'une autre audience concernant la garde de M. Zheng tenue les 4 et 5 décembre 2000, celui-ci était représenté par un avocat qui soutenait que son maintien en détention était illégal. L'arbitre, Lynda Mackie, a conclu, après l'audience sur les motifs de garde du mois de décembre 2000, que les droits que garantissait la Charte à M. Zheng n'avaient pas été violés, compte tenu de la décision du juge Rothstein dans l'affaire Sahin c. Canada (M.E.I.) (1994), 30 Imm.L.R. (2d) 33.

[6]                L'arbitre Mackie a toutefois lancé un avertissement dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Si la citation à comparaître est l'unique obstacle à l'expulsion de M. Zheng ou si les agents d'immigration ne prennent pas les mesures nécessaires pour donner suite à la demande de titre de voyage en raison de la citation, il sera impossible de justifier le maintien en détention de M. Zheng en vertu de la Loi sur l'immigration. Il est donc très important que les deux parties suivent cette question de très près...

[7]                La transcription des débats de l'audience du 30 janvier 2001 devant l'arbitre fait ressortir le contexte suivant :

a)         le représentant du ministre s'est d'abord adressé à l'arbitre en disant que le ministère demandait que M. Zheng soit maintenu en détention parce que celui-ci avait posé des gestes et fait des déclarations indiquant qu'il tenterait de se soustraire à son renvoi s'il était mis en liberté;

b)         le représentant du ministre a ensuite présenté des observations qui portaient principalement sur le paragraphe 50(1) de la loi qui empêche, affirme-t-il, le ministre de le renvoyer pour le moment. (Le paragraphe 50(1) énonce : « La mesure de renvoi ne peut être exécutée dans les cas suivants : a) l'exécution irait directement à l'encontre d'une autre décision rendue au Canada par une autorité judiciaire » );


c)         le représentant du ministre a déclaré qu'il voulait préciser ce qu'il avait dit au cours de l'audience du 2 janvier 2001 au sujet du fait que le ministère avait demandé un titre de voyage. Il a mentionné qu'une demande avait été présentée en décembre 1999 aux autorités chinoises pour obtenir un document de voyage pour M. Zheng, et a déclaré que l'on pensait que les autorités chinoises n'avaient pas donné suite à la demande et qu'une nouvelle demande de document de voyage figurait dans le dossier mais n'avait pas été présentée aux autorités chinoises, le paragraphe 50(1) empêchant pour le moment le renvoi de cette personne;

d)         l'arbitre a interrogé le représentant du ministre au sujet de certaines réticences à présenter une demande de titre de voyage pour M. Zheng.

[8]                Dans les motifs de l'ordonnance qui mettait en liberté M. Zheng, l'arbitre a insisté sur la question de la citation à comparaître et a déclaré [TRADUCTION] « ce tribunal n'a pas pour rôle d'assurer la comparution d'une personne détenue devant d'autres tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires » . Il serait préférable d'avoir recours à un mandat délivré aux termes du Code criminel pour le faire.

[9]                L'arbitre a ensuite examiné le paragraphe 50(1) de la loi et les efforts déployés par le ministre pour suivre la demande présentée aux autorités chinoises en vue d'obtenir des documents de voyage pour M. Zheng. Il a écarté l'application du paragraphe 50(1).


[10]            L'arbitre a ensuite effectué l'analyse décrite dans Sahin et conclu qu'il y avait en violation de la Charte, même s'il estimait qu'il existait un risque que M. Zheng ne comparaisse pas pour être renvoyé, dans le cas où il serait mis en liberté.

[11]            L'avocat du ministre a mis de l'avant un certain nombre d'arguments à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire, notamment :

a)         violation des principes d'équité en fondant sa décision sur la violation de l'article 7 de la Charte sans avoir donné au demandeur la possibilité d'être entendu;

b)         erreur de droit parce que le critère utilisé n'était pas le bon et qu'il y a eu prise en compte de considérations non pertinentes.


[12]            Comme je l'ai déclaré au moment où j'ai présenté verbalement les motifs faisant droit à la demande de contrôle judiciaire, je suis convaincu que dans les circonstances de l'affaire, la décision de l'arbitre ne peut être confirmée, parce qu'à la différence de celle qui a été prise à la suite de l'audition du 4 décembre 2000 au cours de laquelle les avocats du ministre et de M. Zheng ont présenté des arguments, à l'audience qu'il a présidée, il n'a pas avisé le ministre qu'il examinerait une question reliée à la Charte; il n'a pas invité le ministre à présenter des observations à ce sujet et le représentant du ministre n'en a pas présenté et n'a donc pu répondre aux questions que se posait l'arbitre sur ce point. En outre, dans les circonstances de l'affaire, le représentant du ministre ne pouvait raisonnablement prévoir que l'on soulèverait des questions reliées à la Charte parce qu'il avait été amené à croire que la seule question débattue serait celle de la comparution de M. Zheng en vue d'exécuter la mesure de renvoi, au cas où il serait mis en liberté.

[13]            Il me paraît fondamental que les contestations constitutionnelles soient correctement présentées, tant sur le plan des faits que sur celui du droit. Ce genre de question exige parfois que soit abordée la question de la justification aux termes de l'article 1, étape à laquelle le ministre assume à la fois le fardeau de présentation des preuves et le fardeau de persuasion. C'est le principe que reflète l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale qui exige qu'avis soit donné des questions constitutionnelles. Les parties affirment que l'article 57 ne s'applique pas dans les circonstances et je ne me prononce pas sur ce point. Néanmoins, les principes de la justice naturelle s'appliquent, même lorsque la question constitutionnelle n'est pas visée par l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale.

« François Lemieux »

J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

LE 5 MARS 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-462-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

- et -

Wei Zheng

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 23 février 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                  Monsieur le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                                               le 5 mars 2001

ONT COMPARU :

Brenda Carbonell                                                          POUR LE DEMANDEUR

Douglas Cannon                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DEMANDEUR

Sous procureur général du Canada

Elgin, Cannon & Associates                                           POUR LE DÉFENDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

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