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                                                                                                                                       T-2030‑92

 

Ottawa (Ontario), le lundi 17 mars 1997

En présence de monsieur le juge Gibson

 

AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985) chapitre T‑13

 

ET une déclaration d'opposition produite par HEAVY DUTY CYCLES LTD. relativement à la demande portant le no 536,369 présentée par HARLEY‑DAVIDSON INC. pour l'enregistrement de la marque de commerce « H‑D »

 

ENTRE :

 

                                                HEAVY DUTY CYCLES LTD.,

 

 

                                                                                                                                      appelante,

 

 

                                                                        - et -

 

 

                                                  HARLEY‑DAVIDSON INC.,

 

 

                                                                                                                                          intimée,

 

 

                                                                        - et -

 

 

                            REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCES,

 

 

intimé.

 

 

 

                                                                JUGEMENT

 

 

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

                               L'appel interjeté d'une décision par laquelle Myer Herzig, membre de la Commission des oppositions des marques de commerce, a rejeté le 30 juin 1992 l'opposition faite par l'appelante à l'enregistrement de la marque de commerce H‑D de l'intimée est rejeté.

 

                               Il n'y aura aucune adjudication de dépens.

 

 

 

 

FREDERICK E. GIBSON

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                       T‑2030‑92

 

AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985) chapitre T‑13

 

 

ET une déclaration d'opposition produite par HEAVY DUTY CYCLES LTD. relativement à la demande portant le no 536,369 présentée par HARLEY‑DAVIDSON INC. pour l'enregistrement de la marque de commerce « H‑D »

 

ENTRE :

 

                                               HEAVY DUTY CYCLES LTD.,

 

 

                                                                                                                                      appelante,

 

 

                                                                        - et -

 

 

                                                  HARLEY‑DAVIDSON INC.,

 

 

                                                                                                                                          intimée,

 

 

                                                                        - et -

 

 

                            REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCES,

 

 

intimé.

 

 

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

LE JUGE GIBSON

 

                               Le 8 février 1985, l'intimée HARLEY‑DAVIDSON INC. a déposé une demande d'enregistrement de la marque de commerce H‑D à l'égard de diverses marchandises, savoir :

 

1)    des motocyclettes, des filtres à air, des casques de motocyclistes, des chaînes de motocyclettes et des pièces de motocyclettes, à l'égard desquels elle a été employée au Canada pendant des périodes allant du 31 décembre 1972 au 31 mars 1982;

 

2)    des motocyclettes, des chaînes de motocyclettes et une longue liste de pièces de motocyclettes, à l'égard desquelles elle est employée et en raison de l'enregistrement de trois marques de commerce aux États‑Unis.

 

                               Dans les présents motifs, « intimée » désigne HARLEY‑DAVIDSON INC.  Le registraire des marques de commerce intimé n'a produit aucun document dans le présent appel et n'y a pas participé activement.

 

                               La demande d'enregistrement de la marque de commerce H‑D a été publiée le 2 avril 1986 pour permettre aux intéressés de produire une déclaration d'opposition. Le 2 mai de cette même année, l'appelante a produit une déclaration d'opposition. Le seul motif invoqué dans l'opposition était que la marque H‑D n'est pas distinctive des marchandises de l'intimée.

 

                               L'article 2 de la Loi sur les marques de commerce[1] définit le terme « distinctive » :

 

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

                               L'appelante soutient que la marque H‑D n'est pas distinctive des marchandises et des services de l'intimée pour la raison suivante : depuis avril 1983, elle a employé sa marque de commerce « H‑D & son dessin », illustrés ci‑dessous[2], en liaison avec des motocyclettes, des pièces de motocyclette et l'exploitation d'un magasin de vente en gros et au détail de pièces de motocyclette, et elle employait les lettres « H‑D » en majuscules et en caractères gras en liaison avec sa dénomination sociale Heavy Duty Cycles Limited depuis une date antérieure à 1983. Elle employait le logo qui figure ci‑dessous[3].

 

                               Dans une décision datée du 30 juin 1992, Myer Herzig­, un membre de la Commission des oppositions des marques de commerce, a rejeté l'opposition de l'appelante. Les présents motifs concernent l'appel interjeté de cette décision conformément à l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce.

 

                               Après avoir résumé la preuve produite dans les procédures d'opposition et après avoir affirmé que la date pertinente pour l'examen des circonstances concernant la question du caractère distinctif est celle de la production de l'opposition, le membre de la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu ce qui suit :

 

[TRADUCTION] L'opposante a démontré l'emploi de sa marque et de son logo en liaison avec des services comme elle l'a allégué dans la déclaration d'opposition. Suivant l'opposante, la marque H‑D dont on demande l'enregistrement ne peut pas distinguer les marchandises de la requérante parce qu'en raison de l'emploi par l'opposante des lettres H‑D avec son logo, sa marque et son nom commercial, ces lettres sont si étroitement associées à l'entreprise de l'opposante qu'elles ne sont pas distinctives des marchandises de la requérante. Je n'accepte pas les arguments de l'opposante.

 

C'est une chose pour l'opposante de prétendre que sa marque et son logo distinguent ses services; ç'en est une autre que d'affirmer que le dessin des lettres H‑D qui figurent maintenant dans la marque de l'opposante et qui figuraient auparavant dans son logo, sous diverses formes, a rendu non distinctive la marque H‑D dont on demande l'enregistrement. La preuve produite par la requérante établit que la marque H‑D avait une grande réputation au Canada à la date pertinente. L'opposante n'a jamais utilisé les lettres H‑D en soi comme marque ou logo ou comme éléments d'une marque ou d'un logo. J'estime que la preuve produite par l'opposante relativement à ses activités en liaison avec sa marque et son logo est loin d'être suffisante pour me permettre de conclure que la marque H‑D demandée ne distingue pas les marchandises de la requérante des services offerts par l'opposante.

 

                               Je suis convaincu que la décision portée en appel est tout à fait compatible avec la preuve produite dans les procédures d'opposition.

 

                               Lors de l'appel, l'appelante et l'intimée ont produit de nouveaux éléments de preuve comme le permet le paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce. Le paragraphe 56(5) prévoit ce qui suit :

 

(5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 

                               Les nouveaux éléments de preuve produits par l'appelante étaient deux affidavits de Donald Petersen, président de l'appelante, un affidavit d'une journaliste spécialisée dans le motocyclisme travaillant en Californie, et trois affidavits de personnes s'occupant en Ontario du service de vente et d'après vente de motocyclettes. Les affidavits de M. Petersen confirment les données concernant les ventes brutes de l'appelante de 1980 à 1991, mais ne fournissent aucune ventilation de ces données entre les revenus tirés du service après vente et ceux provenant de la vente de pièces et accessoires. M. Petersen confirme en outre les dépenses publicitaires de l'appelante ainsi que la publicité liée à sa participation à des expositions de motocyclettes et à des activités éducatives de même que la publicité obtenue grâce à la publication d'articles techniques. Peu de détails sont fournis sur ces activités. Il confirme en outre la vente de [TRADUCTION] « dizaines de milliers » de vêtements de motocyclisme portant apparemment le logo de l'appelante, où les lettres « HD » sont proéminentes. Il a aussi produit la copie d'un chèque fait à l'ordre de « Donny Petersen's H.D. Cycle » pour le paiement de pièces de motocyclettes.

 

                               Dans son affidavit, la journaliste travaillant en Californie confirme qu'elle connaît la demanderesse. Elle y indique ce qui suit :

 

[TRADUCTION] Selon moi, les lettres « H.D. » renvoient soit à Harley‑Davidson soit à Heavy Duty Cycles.

 

Les affidavits des personnes travaillant dans l'industrie sont contradictoires quant à l'emploi de la marque « HD » ou « H‑D », mais confirment toutefois l'association entre la marque « HD Cycles » et l'appelante.

 

                               Les nouveaux éléments de preuve de l'intimée sont un affidavit de William Wood fils, directeur de la section de l'exécution de la loi, pour l'intimé, trois affidavits de personnes s'occupant de la vente et du service après vente de motocyclettes en Ontario, et un affidavit d'un amateur de motocyclette.

 

                   Dans son affidavit, Wood donne des exemples de l'emploi et de l'emploi récemment élargi de la marque H‑D en liaison avec les marchandises de l'intimée au Canada, indique le chiffre des ventes de motocyclettes et des pièces de motocyclettes au Canada par l'intimée de 1982 à 1990 tout en soulignant que les données de 1991 et 1992 sont du même ordre que celles de 1990, et fournit des renseignements assez détaillés sur la nature de la publicité faite au Canada par l'intimée.

 

                               Les trois affidavits des personnes travaillant dans la vente de motocyclettes en Ontario confirment que la marque H‑D est associée dans cette industrie au Canada avec l'intimée seulement. L'amateur de motocyclette confirme qu'il n'associe la marque H‑D [TRADUCTION] « [...] qu'à Harley‑Davidson Inc. ».

 

                               Je suis convaincu que la norme de révision applicable dans un appel comme celui dont il est question en l'espèce est bien établie en droit. Dans l'affaire Mitac Inc. c. Mita Industrial Co.[4], le juge Denault a écrit aux pages 391 et 392 :

 

Avant d'examiner ces éléments, je dois souligner que dans les affaires de ce genre, l'appelante a une double obligation. En premier lieu, elle doit établir que l'agent d'audition a commis une erreur dans son appréciation des faits ou dans son interprétation du droit. Il est bien établi que pareille décision a un poids considérable et qu'elle ne doit pas être annulée à la légère [citations omises].

 

Cette affirmation est confirmée par la décision Hugo Boss A.G. c. Paragon Clothing Ltd.[5] et les décisions qui y sont citées. De plus, dans l'affaire Hugo Boss, le juge Pinard qui entendait un appel interjeté d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce avait confirmé l'opposition à l'enregistrement d'une marque de commerce, a dit à la page 510 :

 

Dans l'affaire Boulis c. Canada (Ministre de la Main‑d'oeuvre et de l'Immigration) [[1974] R.C.S. 875], la Cour suprême du Canada a aussi rappelé aux tribunaux de contrôle qu'il ne faut pas analyser ou scruter à la loupe les décisions rendues par les tribunaux administratifs comme si l'on examinait une question ressortissant à l'interprétation des lois.

 

Enfin, se prononçant sur des questions relatives à la nature d'un appel comme celui‑ci, le juge Pinard, citant l'affaire Panavision, Inc. c. Matsushita Electric Industrial Co.[6], a dit à la page 511 :

 

Dans le cadre du présent appel, l'appelante a produit des éléments de preuve dont le registraire n'a pas été saisi. Toutefois, pour justifier l'intervention de la présente Cour et le rejet des conclusions du registraire, ces nouveaux éléments de preuve doivent être suffisamment importants.

 

                   Les ouvrages et arrêts traitant de la date pertinente pour déterminer le caractère distinctif ne sont pas unanimes. Dans Hughes on Trade‑marks[7], l'auteur a écrit ce qui suit à la page 458 :

 

[TRADUCTION] La date pertinente pour déterminer le caractère distinctif est probablement celle de la production de l'opposition, bien que cela ait été remis en question, car il a été suggéré que la date pertinente est celle de la décision qui tranche l'opposition.

 

Bien que six années se soient écoulées en l'espèce entre la date de la production de l'opposition, le 2 mai 1996, et la date à laquelle une décision a été rendue sur celle‑ci, le 30 juin 1992, je suis convaincu, compte tenu de la preuve dont avait été saisi le membre de la Commission des opposition des marques de commerce et des preuves additionnelles dont notre Cour a été saisie, que la date choisie n'a pas d'importance.

 

                               Si nous examinons maintenant la question de savoir si la preuve produite par l'appelante devant la Commission des oppositions des marques de commerce et devant la Cour est suffisante pour qu'il soit justifié d'accueillir le présent appel, je considère que l'extrait suivant tiré des motifs du juge Addy dans l'affaire Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. et autre[8] à la page 653, est révélateur :

 

Il suffit d'établir que l'autre marque [en l'espèce, la marque de l'appelante] est devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque attaquée.

 

Quant au « caractère distinctif », le juge Strayer, tel était alors son titre, a dit à la page 371 de l'affaire Royal Doulton Tableware Ltd. et autres c. Cassidy's Ltd.[9] :

 

En interprétant la définition de « distinctive » [...] le juge en chef Jackett a dit à la page 368 [dans Sportcam Co. c. Breck's Sporting Goods Co., [1973] C.F. 360] que « c'est une question de fait que de savoir quelle indication précise la marque de commerce transmet "véritablement" au public ».

 

Plus loin, sur la même page, le juge Strayer a dit :

 

En dernière analyse, ces arrêts établissent que l'élément essentiel est l'image donnée au public.   

 

                               D'après l'ensemble de la preuve dont la Commission des oppositions des marques de commerce et la Cour ont été saisies en l'espèce, l'appelante emploie la marque « Heavy Duty Cycles et son dessin » ainsi que son nom stylisé qui a été reproduit plus haut dans les notes de bas de page du présent motif. La preuve ne démontre pas que l'appelante emploie la marque « HD » ou « H‑D » ou est connue sous cette marque. En fait, elle indique que le seul emploi qu'a fait l'appelante des lettres « HD » en soi est par référence à l'intimée et non par référence à l'appelante elle‑même. En conséquence, je conclus que l'appelante n'a tout simplement pas réussi à démontrer que les lettres « HD » ou « H‑D » sont devenues suffisamment connues en liaison avec ses marchandises et services pour annuler le caractère distinctif de la marque attaquée, bien que ce caractère distinctif soit quelque peu limité parce que la marque attaquée n'est formée que de deux lettres de l'alphabet jointes par un trait d'union.

 

                               En conséquent, l'appel sera rejeté.

 

                               La règle 1312, qui fait partie du chapitre des Règles de la Cour fédérale traitant des « Appels prévus par la loi » comme celui dont il est question en l'espèce, prévoit qu'il n'y aura pas de dépens entre parties dans un appel interjeté sous le régime de ce chapitre à moins que la Cour, à sa discrétion, ne l'ordonne pour une raison spéciale. Les avocats des parties ne m'ont ni l'un ni l'autre indiqué ce que je devrais considérer comme une raison spéciale. En conséquence, il n'y aura aucune adjudication de dépens.

 

 

FREDERICK E. GIBSON

Juge

 

 

Ottawa (Ontario)

17 mars 1997

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                         SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE:T‑2030‑92

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE:HEAVY DUTY CYCLES LTD. c. HARLEY DAVIDSON INC.

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE:Toronto (Ontario)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE:25 février 1997

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Gibson en date du 17 mars 1997

 

 

 

ONT COMPARU:

 

G. James M. Shearn

POUR L'APPELANTE

 

Michael E. Charles

POUR L'INTIMÉE

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

 

 

G. James M. Shearn

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR L'APPELANTE

 

Bereskin & Parr

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉE

 



    [1]L.R.C. (1985), ch. T‑13

    [2]

    [3]

    [4](1992), 40 C.P..R. (3d) 387 (C.F. 1re inst.)

    [5](1994), 58 C.P.R. (3d) 504 (C.F. 1re inst.)

    [6](1992), 40 C.P.R. (3d) 486 (C.F. 1re inst.)

    [7]R.T. Hugues, Hughes on Trade Marks (Markham : Butterworths, 1996) (feuilles mobiles)

    [8][1982] 1 C.F. 638

    [9][1986] 1 C.F. 357 (C.F. 1re inst.)

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