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Date : 20051205

Dossier : IMM-939-05

Référence : 2005 CF 1649

Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

WAEL AHMAD HERMAS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 ( « L.I.P.R. » ) portant sur la décision de la Section d'appel de l'immigration ( « Section d'appel » ) du 25 janvier 2005 qui a confirmé la décision de l'agent d'immigration de l'ambassade du Canada en Israël rejetant les demandes de résidence permanente de quatre des frères et soeurs du demandeur en tant qu' « enfants à charge » au sens du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés DORS/2002-227 ( « Règlement » ).

QUESTION EN LITIGE

[2]                La Section d'appel a-t-elle erré en droit en concluant que les quatre frères et soeurs du demandeur n'étaient pas des « enfants à charge » au sens du paragraphe 2(1) du Règlement?

CONCLUSION

[3]                Pour les motifs qui suivent, la réponse à cette question est négative. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

CONTEXTE FACTUEL

[4]                Le demandeur, qui est d'origine palestinienne, est né en Jordanie en 1971. Il est arrivé au Canada en 1991, et a obtenu le statut de résident permanent en 1995.

[5]                En 2001, le demandeur a parrainé les demandes de résidence permanente de ses parents, et de ses huit frères et soeurs en tant qu'enfants à charge de ses parents.

[6]                La présente demande concerne son frère Nael, né le 1er juillet 1973, son frère Nader, né le 2 février 1978, sa soeur Rania, née le 11 août 1974, et sa soeur Suzan, née le 8 octobre 1976.

[7]                Les demandes des parents du demandeur ainsi que celles de quatre de ses frères et soeurs ont été accueillies. Cependant, les demandes de Nael, Rania, Suzan et Nader ont été rejetées le 23 juillet 2003 par un agent d'immigration de l'ambassade du Canada en Israël. L'agent d'immigration a conclu qu'ils ne rencontraient pas les critères du statut d' « enfant à charge » car ils n'avaient pas été inscrits et n'avaient pas fréquenté d'établissements secondaires accrédités par les autorités gouvernementales, y suivant des cours de formation générale, théorique ou professionnelle à temps plein à compter du moment où ils ont atteint l'âge de vingt-deux ans.

[8]                Le demandeur a fait appel de la décision de l'agent d'immigration. La Section d'appel a rejeté cet appel.

DÉCISION CONTESTÉE

[9]                La Section d'appel a noté que les quatre frères et soeurs du demandeur avaient plus de 22 ans au moment de la présentation de la demande de regroupement familial, et qu'ils avaient suivi des cours à divers établissements en Palestine.

[10]            La Section d'appel a conclu que Nael n'était pas un « enfant à charge » au sens du Règlement car il avait travaillé pendant un an en 1995 et qu'il avait suivi des cours de coiffure entre 1996 et 1997.

[11]            La Section d'appel a également conclu que Rania n'était pas un « enfant à charge » au sens du Règlement car bien qu'elle ait suivi des cours dans plusieurs établissements depuis qu'elle a atteint l'âge de 22 ans, la preuve quant à l'accréditation par le Ministère de l'éducation palestinien de ces établissements était insuffisante. La Section d'appel a conclu que la seule preuve fournie concernait le Feras Educational Center, et que cette preuve d'accréditation émise par l'Autorité palestinienne contenait des erreurs d'orthographe affectant sa valeur probante.

[12]            Quant à Nader, la Section d'appel a conclu qu'il n'était pas un « enfant à charge » au sens du Règlement. Ici encore, la décision de la Section d'appel est fondée sur la présence d'erreurs d'orthographe dans les preuves d'accréditation de deux des institutions fréquentées, soit le Feras Educational Center et le Alpha Land Center.

[13]            Finalement, la Section d'appel en est arrivée à la même conclusion quant à Suzan. Comme dans le cas de Rania, la preuve d'accréditation concernant le Feras Educational Center a été considérée non probante. Le statut d' « enfant à charge » lui a donc été refusé.

ANALYSE

[14]            Les dispositions pertinentes de la LIPR se lisent comme suit :

12. (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu'ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d'époux, de conjoint de fait, d'enfant ou de père ou mère ou à titre d'autre membre de la famille prévu par règlement.

12. (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common-law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure -- décision, ordonnance, question ou affaire -- prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d'une demande d'autorisation.

(2) Les dispositions suivantes s'appliquent à la demande d'autorisation :

[...]

d) il est statué sur la demande à bref délai et selon la procédure sommaire et, sauf autorisation d'un juge de la Cour, sans comparution en personne;

e) le jugement sur la demande et toute décision interlocutoire ne sont pas susceptibles d'appel.

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter -- a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised -- under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

(2) The following provisions govern an application under subsection (1):

[...]

(d) a judge of the Court shall dispose of the application without delay and in a summary way and, unless a judge of the Court directs otherwise, without personal appearance; and

(e) no appeal lies from the decision of the Court with respect to the application or with respect to an interlocutory judgment.

[15]            Les dispositions pertinentes du Règlement se lisent comme suit :

2. (1) [...]

« enfant à charge » L'enfant qui :

a) d'une part, par rapport à l'un ou l'autre de ses parents :

(i) soit en est l'enfant biologique et n'a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

(ii) soit en est l'enfant adoptif;

b) d'autre part, remplit l'une des conditions suivantes :

[...]

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n'a pas cessé de dépendre, pour l'essentiel, du soutien financier de l'un ou l'autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l'âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

2. (1) [...]

"dependent child", in respect of a parent, means a child who

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

(ii) is the adopted child of the parent; and

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

[...]

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition. (enfant à charge)

117. (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu'ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

[...]

b) ses enfants à charge;

117. (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

[...]

(b) a dependent child of the sponsor;

[16]            La norme de contrôle applicable à la décision de la Section d'appel sur la question de savoir si une personne est un « enfant à charge » est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[17]            Le demandeur n'a présenté aucun argument pour réfuter la conclusion du Section d'appel selon laquelle Nael ne rencontrait pas les critères d' « enfant à charge » au sens du Règlement. Âgé aujourd'hui de 32 ans, Nael n'a pas fréquenté un établissement d'enseignement postsecondaire de façon continue depuis qu'il a atteint l'âge de 22 ans. Il a interrompu ses études en 1995 pour travailler. Il n'y a donc pas lieu de revoir cette conclusion de la Section d'appel, qui n'est pas manifestement déraisonnable.   

[18]            Dans son affidavit du 5 mars 2005, le demandeur a annexé des traductions anglaises, ainsi que des copies originales de lettres émanant de prime abord de l'Autorité Palestinienne. Ces documents ne figurant pas au dossier du Section d'appel, le défendeur a affirmé avec raison qu'ils n'étaient pas admissibles devant cette Cour. Au stade du contrôle judiciaire, seule la preuve à partir de laquelle la décision dont le contrôle est demandé a été prise doit être considérée, sauf exception (voir Smith c. Canada, 2001 CAF 86, [2001] A.C.F. No. 450 et Grundy c. Canada, 2005 FC 1312, [2005] F.C.J. No. 1593).

[19]            La Section d'appel a refusé de considérer comme enfants à charge Rania, Nader et Suzan du fait que la preuve d'accréditation de certaines des institutions fréquentées n'était pas probante en raison de la présence de fautes d'orthographe dans les preuves d'accréditation de certains des établissements fréquentés. Ces preuves d'accréditation étaient rédigées en anglais.

[20]            Le demandeur fait valoir que la langue officielle en Palestine est l'arabe, et qu'il ne devrait pas être tenu indirectement responsable des erreurs contenues dans des documents qui lui ont été remis par les établissements d'enseignement. Il soutient également que le Section d'appel a indûment privilégié la forme de ces documents au lieu de leur fond.

[21]            Il appartient à la Section d'appel de déterminer la valeur ou le poids qu'elle accorde aux éléments de preuve qui lui sont soumis (Mahendran c. Canada, [1991] A.C.F. No. 549, au para 10 (C.A.F.); Rani c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'immigration), 2002 CFPI 1002, [2002] A.C.F. No. 1337, au para. 21).

[22]            Le demandeur prétend que la Section d'appel n'a pas considéré les documents émanant des institutions d'enseignement fréquentées par Nael, Rania, Nader et Suzan. Il ajoute que la Section d'appel n'a pas tenu compte de la « [...] réalité de la situation sociale et socio-politique de la Palestine [...] » . Aucune preuve n'est présentée par le demandeur sur ces points. Or, il existe une présomption selon laquelle le décideur est présumé avoir tenu compte de toute la preuve devant lui, même s'il n'a pas fait mention de chacun des documents figurant au dossier (Florea c. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1993] F.C.J. No. 598 (C.A.F.); Lewis c. Canada, 2004 F.C. 1195, [2004] F.C.J. No. 1436, au para 19 (C.F.)). Sauf preuve contraire, je dois présumer que la Section d'appel a tenu compte de l'ensemble du dossier, notamment des documents émanant des institutions d'enseignement et des audiences qui se sont tenus en présence du demandeur.   

[23]            Bien que la Cour aurait aimé lire une décision plus complète traitant de la notion d' « enfant à charge » et « ...y suit activement à temps plein des cours ... » , la Section d'appel n'a pas commis d'erreur manifestement déraisonnable en concluant, à la lumière de la preuve, que les certificats d'accréditation n'avaient pas suffisamment de valeur probante pour conclure que Rania, Nader et Suzan étaient des enfants à charge au sens du Règlement.

[24]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[25]            Les parties furent invitées à soumettre une question à certifier. Elles ont déclinés.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

-           La demande de contrôle judiciaire soit rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Simon Noël »

JUGE


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                       

DOSSIER :                                  IMM-939-05

INTITULÉ :                                 WAEL AHMAD HERMAS v.MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :         LE 5 DECEMBRE, 2005

MOTIFSDE L=HONORABLE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :               LE 5 DECEMBRE, 2005

COMPARUTIONS:

S. NDEMA-MOUSSA                                                     POUR LE DEMANDEUR

S. BARRETTE                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

S. NDEMA-MOUSSA                                                       POUR LE DEMANDEUR

OTTAWA

JOHN H. SIMS, .C.R.                                                        POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


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