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Date : 20040518

Dossier : IMM-6017-02

Référence : 2004 CF 714

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                                 PHUNG DANG

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision rendue en date du 14 novembre 2002 (la décision) par laquelle un tribunal de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) a rejeté l'appel déposé par Phung Dang (le demandeur) à l'égard du rejet d'une demande d'établissement parrainée pour son épouse, Thi Ton Nguyen (l'épouse).


LES FAITS

[2]                La demande initiale a été refusée par l'agent des visas pour de nombreuses raisons. Par exemple, le demandeur a présenté un parrainage pour son épouse en 1999, mais il n'a rencontré cette dernière qu'en avril 2000. L'agent des visas a en outre mentionné qu'il y avait eu un nombre limité de sorties avant le mariage et que l'épouse avait fourni une déclaration contradictoire dans le questionnaire de la conjointe et de la fiancée à l'égard du moment auquel elle a été présentée au demandeur. De plus, l'agent avait eu l'impression qu'il y avait eu très peu de lettres échangées entre le demandeur et son épouse et il semblait que la soeur de son épouse au Canada avait fait les appels téléphoniques à l'épouse.

[3]                L'agent des visas a en outre conclu que le demandeur et son épouse avaient déposé des photographies de mariage falsifiées. Le demandeur et son épouse ont alors tous deux fait ce que l'agent a jugé être des prétentions invraisemblables à l'égard de cette sérieuse question qui touchait la crédibilité.

[4]                Finalement, l'agent des visas a mentionné qu'il y avait des divergences entre le récit du demandeur et celui de son épouse à l'égard de la façon selon laquelle ils s'étaient rencontrés et à l'égard du moment auquel cette rencontre avait eu lieu.

[5]                La Section d'appel estimait que les divergences mentionnées par l'agent des visas étaient plus compatibles avec l'absence d'une relation authentique qu'avec des erreurs d'interprétation. La Section d'appel partageait l'opinion de l'agent des visas quant à sa décision et elle a rejeté l'appel.

LA DISPOSITION LÉGISLATIVE PERTINENTE

[6]                Le paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 prévoit un critère en deux volets qui doit être satisfait avant qu'une demande puisse être refusée :


4. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la catégorie des parents est une catégorie réglementaire d'immigrants pour l'application du paragraphe 6(1) de la Loi.

[...]

4. (1) Subject to subsections (2) and (3), the family class is hereby prescribed as a class of immigrants for the purposes of subsection 6(1) of the Act.

...

(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]                Le demandeur soulève les questions suivantes :

A.             La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit par une omission d'avoir examiné sérieusement l'ensemble de la preuve?

B.             La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur au vu du dossier par une omission d'avoir mentionné l'enfant mineur dans la présente affaire et d'en avoir tenu compte?

C.             La Section d'appel a-t-elle commis une erreur au vu du dossier lorsqu'elle a mentionné que le demandeur n'était resté que 10 jours au Vietnam alors qu'en fait il est resté avec son épouse pendant 6 semaines?


D.             La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur au vu du dossier en déduisant que le fait qu'il y avait des photographies modifiées empêchait que l'échange de lettres puisse démontrer l'existence d'un mariage authentique?

E.              La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit lorsque, étant donné qu'elle accordait une importance indue aux 2 photographies modifiées, elle a conclu que l'épouse n'était pas digne de foi?

LES PRÉTENTIONS                        

Le demandeur

La prétention générale

[8]                Le demandeur prétend que son épouse et lui n'ont pas eu une cérémonie traditionnelle de mariage parce que sa belle-mère vit au Canada et qu'ils voulaient se marier au Canada. Un autre motif invoqué pour l'absence de cérémonie traditionnelle de mariage était qu'il s'agissait pour l'un et pour l'autre d'un deuxième mariage. Le demandeur mentionne que son épouse et lui ont reçu à dîner vingt-cinq personnes après leur mariage.

[9]                Le demandeur allègue que la décision a été rendue après le 28 juin 2002, date de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Le demandeur prétend que la Section d'appel avait déjà déterminé que son épouse et lui n'étaient pas dignes de foi en raison du fait qu'ils avaient présenté des photographies modifiées, mais qu'aucune conclusion quant à la crédibilité n'a été tirée lors de l'appel lui-même. Le demandeur prétend que la Section d'appel n'a pas cherché au-delà de la question des photographies modifiées pour établir sa crédibilité et celle de son épouse.

[10]            Le demandeur affirme que lui et son épouse ont une relation suivie en tant que famille.

A.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit par une omission d'avoir examiné sérieusement l'ensemble de la preuve?

[11]            Le demandeur mentionne que dans la décision Trinh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 728 (1re inst.), M. le juge Campbell a déclaré que le critère approprié lorsqu'il s'agit de déterminer si un mariage est un mariage authentique est énoncé dans la décision Joseph Horbas et Imelda Horbas c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et Secrétaire d'État aux Affaires extérieures, [1985] 2 C.F. 359 (1re inst.), à la page 369, et consiste à déterminer ce qui suit :

1.          Le mariage a-t-il été conclu principalement dans le but de faire admettre l'épouse au Canada comme appartenant à la catégorie des parents?

2.          L'épouse du demandeur avait-elle l'intention de vivre avec le demandeur?

[12]            Le demandeur mentionne en outre que le juge Campbell a conclu que, lorsqu'il s'agit de déterminer si les deux volets du critère ont été satisfaits, la Section d'appel doit évaluer l'ensemble de la preuve à l'égard des volets du critère et rendre une décision à l'égard de chacun de ces deux volets.

[13]            Le demandeur prétend que la Section d'appel a omis d'évaluer l'ensemble de la preuve et qu'elle s'est plutôt indûment concentrée sur le fait que deux photographies avaient été modifiées.


B.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur au vu du dossier par une omission d'avoir mentionné l'enfant mineur dans la présente affaire et d'en avoir tenu compte?

[14]            Le demandeur prétend que la Section d'appel a commis une erreur par une omission d'avoir tenu compte de l'enfant mineur du demandeur et par une omission de l'avoir mentionné une seule fois dans la décision.

C.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur au vu du dossier lorsqu'elle a mentionné que le demandeur n'était resté que 10 jours au Vietnam alors qu'en fait il est resté avec son épouse pendant 6 semaines?

[15]            Le demandeur prétend que ce facteur était un élément important pour la Section d'appel et que la décision ne peut être maintenue en raison de cette conclusion de fait erronée qui était déterminante dans la décision.

D.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur au vu du dossier en déduisant que le fait qu'il y avait des photographies modifiées empêchait que l'échange de lettres puisse démontrer l'existence d'un mariage authentique?

[16]            Le demandeur prétend que la Section d'appel a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que les deux photographies modifiées étaient un motif permettant de conclure que les nombreuses lettres échangées entre le demandeur et son épouse ne démontraient pas l'existence d'une relation authentique.


[17]            Le demandeur prétend que les lettres auraient dû être appréciées en tenant compte de toutes les circonstances de l'affaire, et non en tenant compte seulement des photographies.

E.          La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit lorsque, étant donné qu'elle accordait une importance indue aux 2 photographies modifiées, elle a conclu que l'épouse n'était pas digne de foi?

[18]            Le demandeur prétend que la Section d'appel a accordé une importance exagérée aux photographies afin d'appuyer une conclusion défavorable quant à la crédibilité de l'épouse.

Le défendeur

La norme de contrôle

[19]            Le défendeur prétend que, comme l'a mentionné M. le juge Blais dans la décision Lao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1908 (1re inst.), la norme de retenue à l'égard d'une décision définitive rendue par la Section d'appel est élevée :

19.       Le demandeur s'appuie sur la décision Tandy Electronics Ltd. pour la détermination de la norme de contrôle applicable à la Section d'appel. La Commission des relations de travail de l'Ontario ressemble à la Section d'appel en ce qu'il s'agit de deux tribunaux hautement spécialisés, mais la Cour suprême du Canada dans Boulis c. Canada (Ministre de la Main d'oeuvre et de l'Immigration), [1974] R.C.S. 875, a examiné la question de la norme de contrôle applicable aux décisions de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans cette affaire, le juge Abbott, citant lord MacMillan dans D.R. Fraser and Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1949] A.C. 24, à la page 36, a dit :

[TRADUCTION] Les critères selon lesquels il faut juger l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi ont été définis dans plusieurs arrêts qui font jurisprudence et il est admis que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, sans influence d'aucune considération étrangère, ni de façon arbitraire ou illégale, aucune cour n'a le droit d'intervenir, même si cette cour eût peut-être exercé ce pouvoir discrétionnaire autrement s'il lui avait appartenu.


20.       La Cour n'interviendra donc pas à la légère relativement aux décisions de la Section d'appel.

[20]            Le défendeur prétend en outre que la norme de contrôle à l'égard d'une conclusion de fait particulière de la Section d'appel selon laquelle un mariage n'est pas un mariage contracté de bonne foi est la décision manifestement déraisonnable. Le défendeur affirme que d'autres conclusions de fait, comme des conclusions quant à la crédibilité, sont également soumises à cette norme (décision Grewal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 960, au paragraphe 5, (1re inst.)).

A.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit par une omission d'avoir examiné sérieusement l'ensemble de la preuve?

[21]            Le défendeur prétend que dans sa décision la Section d'appel a clairement traité des deux volets du critère énoncé dans la décision Horbas, à savoir :

[3]            [...] La totalité de la preuve en l'espèce établit que, selon la prépondérance des probabilités, la requérante s'est mariée principalement dans le but d'immigrer au Canada en tant que personne appartenant à la catégorie de la famille et que, au moment du mariage, elle n'avait pas l'intention de résider en permanence avec l'appelant.

[...]

[5]            [...] Le tribunal estime que ces incohérences [c'est-à-dire quand et pourquoi la requérante et le demandeur se sont rencontrés] tiennent davantage de l'absence d'une relation authentique que d'erreurs d'interprétation.

[6]            [...] Ses actions sont en contradiction avec son allégation selon laquelle la requérante et lui [Traduction] « se sentaient très près l'un de l'autre » .

[7]            [...] le tribunal estime que les lettres ne sont pas authentiques, en ce sens qu'elles ne reflètent pas une véritable relation.


[8]           [...] Pour les raisons précitées, le tribunal estime également que, selon la prépondérance des probabilités, la requérante n'avait pas l'intention de vivre en permanence avec l'appelant. Étant donnéle manque de crédibilité de la requérante, [...]. Elle a de proches parents (mère et soeur) au Canada, chez qui elle peut vivre au lieu de résider avec l'appelant.

B.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur au vu du dossier par une omission d'avoir mentionné l'enfant mineur dans la présente affaire et d'en avoir tenu compte?

[22]            Le défendeur mentionne que le demandeur n'a présenté aucune observation à l'égard de l'enfant mineur à l'exception d'avoir dit brièvement qu'il avait une fille et qu'elle avait déclaré qu'elle l'aimait après l'avoir vu une fois en 2000. Le défendeur prétend que la Section d'appel ne peut être critiquée pour ne pas avoir mentionné expressément l'enfant mineur comme un facteur important dans son évaluation de l'affaire du demandeur. Comme l'a mentionné M. le juge Létourneau dans l'arrêt Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.F.), la Section d'appel ne peut examiner que ce qu'un appelant lui soumet :

10.      Selon moi, on ne peut critiquer la Commission de ne pas s'être penchée dans ses motifs sur le fait que les Tamouls ne sont pas autorisés à rester à Colombo pendant plus de trois jours. Au vu de la transcription de l'audience devant la Commission, il appert que l'intimée était représentée par avocat et que ce dernier n'a jamais soulevé cette question. C'était à l'intimée de démontrer que la politique des trois jours faisait que l'installation à Colombo ne représentait pas une possibilité de refuge intérieur. On se serait attendu à ce qu'elle soulève cette question si elle était importante. Elle ne l'a pas fait et la Commission pouvait tout à fait considérer que cette question ne se posait pas, étant donné que l'intimée avait vécu à Colombo pendant quatre ans avant de partir pour le Canada en 1997.


11.       De plus, l'intimée, qui avait le fardeau de la preuve, n'a présenté aucune preuve claire que la politique des trois jours s'appliquait à elle. Elle n'en a même pas fait un argument et son avocat n'en a fait aucune mention non plus dans ses observations adressées à la Commission. Dans ce contexte, on ne peut blâmer la Commission de ne pas s'être lancée dans des considérations purement spéculatives au sujet d'une question qui à l'évidence préoccupait peu l'intimée, sinon pas du tout. La Commission a une tâche difficile dont elle doit se décharger dans des délais stricts et sous l'empire de conditions stressantes. [page 169] Le défaut d'un revendicateur de satisfaire à ses obligations quant au fardeau de la preuve ne peut être imputé à la Commission et se transformer en faute de la Commission.

[23]            Le défendeur prétend en outre qu'il n'est pas évident de quelle façon une relation soi-disant suivie entre le demandeur et l'enfant mineur est pertinente pour l'un ou l'autre des deux volets du critère énoncé dans la décision Horbas.

C.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur au vu du dossier lorsqu'elle a mentionné que le demandeur n'était resté que 10 jours au Vietnam alors qu'en fait il est resté avec son épouse pendant 6 semaines?

[24]            Le défendeur reconnaît cette erreur, mais il prétend que c'est une erreur sans importance compte tenu du large éventail des autres facteurs utilisés par la Section d'appel pour conclure que la demande devrait être rejetée.

D.         La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur au vu du dossier en déduisant que le fait qu'il y avait des photographies modifiées empêchait que l'échange de lettres puisse démontrer l'existence d'un mariage authentique?

[25]            Le défendeur prétend que la Section d'appel a conclu que les photographies modifiées étaient si peu dignes de foi qu'elles entachaient le reste de la preuve présentée par le demandeur.


E.          La Section d'appel a-t-elle commis une erreur de droit lorsque, étant donné qu'elle accordait une importance indue aux 2 photographies modifiées, elle a conclu que l'épouse n'était pas digne de foi?

[26]            Le défendeur prétend que l'importance accordée à la preuve n'est pas un motif valable de contrôle judiciaire (arrêt Brar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] A.C.F. no 346, au paragraphe 1 (C.A.F.))

ANALYSE

[27]            Parmi les divers motifs invoqués par le demandeur pour prétendre qu'il y a eu une erreur susceptible de contrôle, la seule question que je juge importante et qui requiert de l'attention est la prétention selon laquelle la Section d'appel n'a pas examiné l'ensemble de la preuve et, en particulier, qu'elle a laissé l'importance accordée aux photographies falsifiées la distraire de l'appréciation des autres éléments de preuve proprement distincts. La principale préoccupation en l'espèce est la façon selon laquelle la Section d'appel peut avoir omis d'apprécier les nombreuses lettres échangées entre le demandeur et son épouse et les trois lettres de la fille de 12 ans du demandeur.


[28]            Le demandeur affirme que ces lettres ont un élément de véracité, qu'elles n'ont clairement pas été écrites simplement pour appuyer la demande parce qu'elles sont trop nombreuses et que la Section d'appel n'a accordé aucune foi à ces lettres parce qu'elle s'est totalement concentrée sur les photographies falsifiées.

[29]            La Section d'appel lie les lettres et les photographies falsifiées comme suit au paragraphe 7 de sa décision :

7.              Étant donnéque le conseil de l'appelant a fait valoir qu'il existe une preuve solide de communication entre l'appelant et la requérante, le tribunal a examiné cette preuve avec soin. Quelques lettres ont été émises àpartir de 1998, mais la plupart ont trait à la demande. Les lettres ont été rédigées à l'appui de la demande. Étant donné que l'appelant et la requérante ont produit des photographies falsifiées, le tribunal estime que les lettres ne sont pas authentiques, en ce sens qu'elles ne reflètent pas une véritable relation.


[30]            Le lien ainsi fait semble équivaloir à une conclusion générale défavorable quant à la crédibilité tirée par la Section d'appel sur le fondement des photographies falsifiées, conclusion qui fausse son appréciation des lettres. Cependant, la Section d'appel déclare assez clairement que l'avocat du demandeur a attiré son attention sur les lettres et qu'elle les a examinées « avec soin » . Il n'y a donc pas de raison de penser que les lettres n'ont pas été examinées. La Section d'appel a conclu que les « lettres ont été rédigées à l'appui de la demande » . Il s'agit d'une conclusion de fait. Ce n'est pas nécessairement une conclusion de fait que la Cour aurait tirée, mais je ne peux pas dire que c'est une conclusion abusive ou une conclusion manifestement déraisonnable. C'est notamment le cas lorsque les photographies falsifiées sont examinées avec les témoignages rendus par le demandeur et son épouse à l'égard de la façon selon laquelle les photographies ont été créées et ont fait partie de la demande. Le demandeur a déclaré qu'il avait vu les photographies plus tôt, mais qu'il n'avait pas réalisé qu'elles étaient fausses. Il a en outre déclaré ce qui suit à l'égard de la réaction de son épouse la première fois qu'elle a vu les photographies :

[TRADUCTION]

Q :            Alors comment a réagi votre épouse lorsque le photographe lui a donné ces photographies de vous et d'elle parmi des gens qui n'avaient aucun lien avec vous ou elle?

R :            Mon épouse a vu que nous, elle et moi, étions sur la photographie et elle a cru que c'était une photographie authentique. Elle a donc présenté ces photographies au bureau des visas. Elle n'a pas réalisé que les photographies étaient fausses ou quoi que ce soit.

[31]            Une telle explication (lorsqu'on regarde les photographies) ne fait qu'aggraver la fraude. Il n'est aucunement surprenant que le demandeur et son épouse aient perdu leur crédibilité quant à cette question et que cela ait eu des conséquences sur l'appréciation des lettres faite par la Section d'appel. Cependant, cela ne signifie pas que les lettres n'ont pas été examinées ou que les conclusions de la Section d'appel à l'égard de leur importance ne sont pas fondées sur la preuve.

[32]            Prise dans son ensemble, la décision révèle en outre d'autres préoccupations de la Section d'appel qui appuient sa conclusion selon laquelle la relation n'était pas une relation authentique. Les motifs soulevés par le demandeur se rapportent à des questions d'importance de la preuve et à des questions de crédibilité et la Cour ne devrait pas intervenir à l'égard de la décision sur ce fondement.


[33]            Ce qui est tragique c'est qu'en examinant la preuve dans son ensemble, il est bien possible qu'il se soit agi d'un mariage authentique et la Cour aurait bien pu tirer une conclusion différente de celle tirée par la Section d'appel. Les photographies falsifiées semblent être une tentative d'embellir une demande qui n'aurait peut-être pas eu besoin d'être embellie. Cependant, ce n'est pas un motif pour intervenir à l'égard de la décision. À mon avis, il n'y a pas eu d'erreur susceptible de contrôle.

[34]            Je demande aux avocats de signifier et de déposer leurs observations à l'égard de la certification d'une question de portée générale dans les sept jours de la réception des présents motifs de l'ordonnance. Chacune des parties aura trois jours pour signifier à l'autre partie et déposer une réponse aux observations. Par la suite, je rendrai une ordonnance.

                                                                                 _ James Russell _            

                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6017-02

INTITULÉ :                                        PHUNG DANG

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 9 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 18 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Mary Lam

POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mary Lam

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR


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