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Date : 20040510

Dossier : IMM-1135-03

Référence : 2004 CF 681

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGEHENEGHAN                         

ENTRE :

                                                     VLADIMIR ZALIPYATSKIKH

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Vladimir Zalipyatskikh (le demandeur) demande le contrôle judiciaire de la décision de M. Ken Moran, l'agent d'examen des risques avant renvoi (l'agent d'ERAR). Dans sa décision datée du 3 février 2003, l'agent d'ERAR a rejeté la demande d'examen des risques avant renvoi du demandeur.

[2]                Le demandeur, un citoyen de la Russie, est né au Bachkortostan. Le Bachkortostan est une des vingt-trois républiques qui, avec la Russie, constituent la Fédération de Russie.


[3]                Le demandeur a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada aux alentours d'août 2000. À l'époque, il travaillait comme membre d'équipage à bord d'un chalutier de pêche russe, le F.V. Bizon. Il prétend que les propriétaires du Bizon, une société du nom de Sarmat Nord, faisaient partie de la mafia. À la suite d'une audience tenue devant un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, sa demande a été rejetée. La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention et que le fond de sa demande, y compris des allégations de mauvais traitements à bord du Bizon et de menaces de mort qui lui auraient été faites, était relié à des actes de nature criminelle et n'appuyait pas une demande de statut de réfugié au sens de la Convention.

[4]                Le demandeur n'a pas cherché à obtenir le contrôle judiciaire de la décision défavorable touchant sa demande du statut de réfugié au sens de la Convention, mais il a soumis une demande le 17 décembre 2001 pour que son cas soit étudié à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada (DNRSRC) en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, dans sa forme modifiée. Par application du paragraphe 346(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, cette demande est devenue une demande de protection en vertu des articles 112 à 114 de la loi actuelle régissant l'immigration et les réfugiés, c'est-à-dire la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, dans sa forme modifiée (la Loi).


[5]                Dans sa décision, l'agent d'ERAR dit qu'il a étudié la demande du demandeur à la lumière des articles 96 et 97 de la Loi. L'article 96 traite des réfugiés au sens de la Convention. Il a reconnu la décision de la Commission et a accepté les conclusions de celle-ci selon lesquelles le demandeur n'avait pas réussi à démontrer qu'il existait un lien entre le fondement de sa demande et les motifs permettant de demander le statut de réfugié au sens de la Convention. L'agent d'ERAR n'était pas convaincu de l'existence d'une possibilité réelle ou sérieuse que le demandeur soit persécuté dans l'avenir en Russie pour les motifs énoncés à l'article 96. Il a renvoyé à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, et a dit que le demandeur devrait le convaincre de l'effondrement complet de l'appareil étatique et du fait que l'État était incapable de lui offrir sa protection.

[6]                L'agent d'ERAR s'est ensuite arrêté à l'étude des alinéas 97(1)a) et b) de la Loi. Il a tenu compte de la documentation soumise par le demandeur ainsi que de ses observations relativement au préjudice causé aux membres de sa famille au Bachkortostan. L'agent n'était pas convaincu que les actes de violence résultaient de la persécution fondée sur la nationalité ou la religion. Il a considéré que les tentatives de causer des blessures au demandeur étaient des actes de nature criminelle et étaient donc soumises à l'intervention de la police. L'agent d'ERAR n'était pas convaincu qu'il y avait un effondrement complet de l'appareil étatique qui faisait en sorte que l'État était incapable de protéger le demandeur.

[7]                Dans la présente demande, la question déterminante est de savoir si l'agent d'ERAR a commis une erreur susceptible de contrôle dans l'évaluation de la demande du demandeur ou s'il a manqué aux principes de l'équité procédurale.

[8]                Le demandeur plaide que la décision de l'agent d'ERAR concernant la disponibilité de la protection de l'État est déraisonnable et fondée sur une mauvaise compréhension du critère énoncé dans Ward, précité. Dans cet arrêt, la Cour a dit ce qui suit aux pages 724 et 725 :

[...] il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacitéde ltat d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par ltat pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de ltat ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique [...] il y a lieu de présumer que ltat est capable de protéger le demandeur.

[9]                Selon cet extrait, la Cour suprême a reconnu qu'il existe une présomption réfutable selon laquelle un État protège ses citoyens mais une personne ne doit pas simplement alléguer l'absence de protection de l'État, elle doit apporter des éléments de preuve objectifs à l'appui de sa prétention.


[10]            Dans la présente affaire, l'agent d'ERAR a tenu compte des éléments de preuve qui lui étaient soumis, y compris la preuve documentaire concernant la stabilité des institutions étatiques. Il a étudié ces éléments de preuve et a conclu qu'ils n'étayaient pas les allégations du demandeur. Il a tiré une conclusion de fait qu'il lui était raisonnablement loisible de tirer. De plus, je constate que l'arrêt Ward, précité, est généralement appliqué aux décisions visant le statut de réfugié au sens de la Convention. La question du statut de réfugié a déjà été tranchée d'une façon défavorable au demandeur et ne peut être réexaminée dans le cadre du processus d'examen des risques avant renvoi.

[11]            Le demandeur allègue également que l'agent d'ERAR a manqué à son obligation d'équité dont il est question dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. J'estime que cet argument est mal fondé et que rien au dossier de requête ne montre qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale.

[12]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est soulevée pour certification.

                                        ORDONNANCE

Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est soulevée pour certification.

                                                                                   « E. Heneghan »          

                                                                                                     Juge                   

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-1135-03

INTITULÉ :                            VLADIMIR ZALIPYATSKIKH

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :     HALIFAX (N.-É.)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 14 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :          LE 10 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Lee Cohen                                POUR LE DEMANDEUR

Lori Rasmusen                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee Cohen                                POUR LE DEMANDEUR

Halifax (N.-É.)                                                 

Morris Rosenberg                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                   


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