Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




Date : 20000629

x

Dossier : T-2162-97



Ottawa (Ontario), le 29 juin 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION



appelant


et



IFFAT JALIL UR RAHMAN


intimée


MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O'KEEFE


[1]      Il s'agit d'un appel, fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, 1974-75-76, ch. 108 (la Loi) et l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, qui a été formé pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) contre la décision, datée du 7 août 1997, dans laquelle le juge de la citoyenneté J. Hong a approuvé la demande de citoyenneté de Iffat Jalil Ur Rahman (l'intimée).


[2]      Dans sa décision datée du 7 août 1997, le juge de la citoyenneté a conclu que l'intimée avait satisfait aux exigences en matière de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Il a conclu qu'il manquait 856 jours à l'intimée pour satisfaire à l'exigence minimale selon laquelle elle devait avoir résidé au Canada pendant au moins trois années au cours de la période de quatre ans qui précédait immédiatement la date du dépôt de sa demande.

[3]      L'intimée est une citoyenne du Pakistan qui a obtenu le droit de s'établir au Canada le 1er septembre 1993 lorsqu'elle est venue pour la première fois au pays en compagnie de son époux et de ses trois enfants.

[4]      L'intimée a quitté le Canada le 9 septembre 1993 pour accompagner son époux, qui voyageait pas affaires, et elle n'est revenue au pays que le 18 juillet 1994.

[5]      Voici comment l'intimée décrit ses absences :

Date

Destination

Raison

Nombre de

jours d'absence

93/09/09 au 94/07/18

Moyen-Orient

Pour accompagner mon époux

312

94/09/09 au 95/06/13

Moyen-Orient

Pour accompagner mon époux

277

95/08/10 au 95/08/14

É.-U.A.

Vacances

4

95/09/08 au 96/06/21

Moyen-Orient

Pour accompagner mon époux

287

96/07/01 au 96/07/07

R.-U.

Vacances

6

TOTAL

886

[6]      L'intimée a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 30 septembre 1996.

[7]      Pendant son séjour au Koweït, l'intimée vivait avec son époux dans une maison d'invités de l'un des associés de ce dernier.

[8]      L'objectif du voyage d'affaires de l'époux de l'intimée consistait à trouver des investisseurs étrangers disposés à investir dans des entreprises canadiennes.

[9]      L'intimée a dit qu'elle avait résidé à Brampton (Ontario) du 1er septembre 1993 au 30 septembre 1994. Elle a ajouté que du 30 septembre 1994 au 16 novembre 1996, elle avait résidé au 55, promenade Skymark, pièce 702, à Willowdale (Ontario). Selon les renseignements que l'intimée a fournis, la convention d'achat-vente de cette résidence n'a été conclue que le 27 juillet 1994. Le 9 août 1996, l'intimée et son époux ont conclu une convention d'achat-vente en vue d'acheter le 61, croissant Chadwick, à Richmond Hill (Ontario).

[10]      L'intimée et d'autres personnes ont constitué trois sociétés ontariennes en vue d'acheter trois franchises Coffee Time déjà en exploitation. Les acquisitions ont été faites de la façon suivante :

     1.      Première franchise en juin 1995;

     2.      Deuxième franchise en juillet 1996;

     3.      Troisième franchise en juillet 1996.

Ces sociétés emploient actuellement approximativement 20 personnes.

[11]      Avant que l'intimée ne s'absente du Canada pour la première fois, elle avait établi, en compagnie de son époux, une première résidence au Canada au 64, rue Parkside à Brampton (Ontario). Elle a fait la demande d'un numéro d'assurance sociale et a fait la demande de cartes d'assurance maladie de l'Ontario.

[12]      L'intimée a fait d'autres choses, telles l'ouverture de comptes bancaires et de comptes auprès de Bell Canada, et elle a obtenu une carte de bibliothèque.

Question en litige

[13]      L'intimée a-t-elle satisfait à l'exigence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, 1974-75-76, ch. 108, selon laquelle, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, elle a résidé au Canada pendant au moins trois ans (1 095 jours) en tout?


Le droit

[14]      Voici ce que prévoit le paragraphe 5(1) de la Loi :

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

(f) is not under a deportation order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

f) n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

L'analyse et la décision

[15]      La seule question en litige que soulève le présent appel est de savoir si l'intimée a satisfait aux exigences relatives à la résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[16]      L'alinéa 5(1)c) de la Loi prévoit qu'un demandeur de la citoyenneté doit résider pendant trois années au Canada (1095 jours) dans les quatre années qui précèdent immédiatement la date de la demande de citoyenneté.

[17]      Notre Cour a conclu que dans certaines circonstances, des périodes de temps passées hors du Canada (absences) peuvent être incluses dans le calcul des 1 095 jours de résidence requis aux termes de l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[18]      L'intimée a été absente du Canada pendant 831 jours au cours de la période pertinente. Il lui manquait 801 jours pour satisfaire à l'exigence de 1 095 jours prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[19]      Les absences du Canada ont seulement été incluses dans le calcul des 1 095 jours de résidence requis si une personne qui présente une demande de citoyenneté a centralisé son mode de vie au Canada avant de s'absenter.

[20]      Voici ce que le juge Dubé de notre Cour a dit dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Lo (22 janvier 1999), dossier no T-1082-98, à la page 2 :

La présence physique au Canada tout au long de la période est moins essentielle lorsqu'une personne s'y est établie en pensée et en fait, ou y a conservé ou centralisé son mode vie habituel. C'était le cas de l'étudiant dans l'affaire Papadogiorgakis (précitée), qui s'était établi en Nouvelle-Écosse avant d'aller étudier aux États-Unis.

Malheureusement, ce n'est pas le cas de l'intimée en l'espèce qui, de toute évidence, ne peut s'être établie au Canada en seulement sept jours.

Par conséquent, sa demande était prématurée. Maintenant qu'elle a complété ses études et qu'elle s'est établie à Vancouver, elle pourra, au moment opportun, présenter une nouvelle demande de citoyenneté canadienne qui sera sans doute accueillie.

L'appel du ministre est accueilli.

[21]      Je suis d'avis que l'intimée en l'espèce n'a pas centralisé son mode de vie au Canada au cours des neuf jours qu'elle a passé au pays avant qu'elle ne s'absente pour la première fois, pour une période de 175 jours. Par conséquent, je ne suis pas disposé à inclure les périodes où elle a été absente dans le calcul des jours de résidence requis. Il en résulte que le juge de la citoyenneté a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a conclu que l'intimée avait satisfait aux exigences relatives à la résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi et qu'il lui a accordé la citoyenneté. À mon avis, le juge de la citoyenneté a commis une erreur, peu importe la norme de contrôle que l'on applique : celle de la décision raisonnable simpliciter ou la norme qui « est proche de la décision correcte » , norme énoncée par le juge Lufty (tel était alors son titre) dans la décision Lam c. Canada (1999) 164 F.T.R. (C.F. 1 re inst.).

[22]      J'ai relevé les démarches entreprises par l'intimée après sa première absence mais elles n'ont pas été entreprises avant qu'elle ne quitte le Canada pour la première fois.

[23]      La demande de l'intimée est prématurée et je n'ai aucun doute relativement au fait qu'elle deviendra une citoyenne canadienne lorsqu'elle sera en mesure de satisfaire les exigences relatives à la résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

[24]      La demande (appel) du ministre est accueillie.











Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  T-2162-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET                          DE L'IMMIGRATION

                         c.

                         IFFAT JALIL UR RAHMAN

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE MARDI 20 JUIN 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE RENDUS PAR LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                  JEUDI 29 JUIN 2000

ONT COMPARU :                  Mme Leena Jaakkimainen

                                 POUR L'APPELANT

                         M. Mendel Green

                                 POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Ministère de la Justice

                         Pièce 3400, boîte postale 36

                         2, First Canadian Place

                         130, rue King ouest

                         Toronto (Ontario)

                         M5X 1K6

                                 POUR L'APPELANT

                         Green & Spiegel

                         Pièce 2200

                         121, rue King ouest

                         Toronto (Ontario)

                         M5H 3T9

                                 POUR L'INTIMÉE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.