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     Date: 20000622

     Dossier: IMM-3528-98



ENTRE:



     RENATA SCISLOWICZ,

     demanderesse,


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE HENEGHAN


[1]      La Cour est saisie de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire déposée par Mme Renata Scislowicz au sujet d'une décision rendue le 8 juin 1998, par laquelle Howard Martin Spunt a rejeté sa demande de résidence permanente parce qu'elle ne s'est pas présentée à son entrevue d'immigration.

[2]      La demanderesse est citoyenne polonaise. Son mari et elle résident au Canada depuis juin 1994. Son fils Filip est né au Canada, le 13 décembre 1994.

[3]      La demanderesse a soumis sa demande de résidence permanente au consulat canadien de Buffalo (New York), et elle a demandé à être dispensée de l'entrevue en raison du temps qu'elle a déjà passé au Canada. Cette dernière demande a été refusée, l'agent des visas ayant estimé la tenue d'une entrevue essentielle à l'évaluation de la demande de résidence permanente. Les notes consignées au STIDI indiquent, plus particulièrement, qu'il était nécessaire d'effectuer une entrevue pour évaluer l'expérience professionnelle de la demanderesse, sa formation, ses aptitudes linguistiques ainsi qu'une offre d'emploi qu'elle avait reçue.

[4]      L'entrevue a été fixée au 19 février 1998. L'agent des visas a décidé que l'entrevue ne se ferait pas par téléconférence et n'aurait pas lieu au Canada. La demanderesse ne s'est pas présentée à l'entrevue. Il ressort de la documentation soumise à la Cour qu'elle ne possédait pas les documents nécessaires pour entrer aux États-Unis.

[5]      À la demande de la demanderesse, le dossier a été transféré à Détroit, et l'agent des visas du bureau de Détroit a également conclu qu'une entrevue s'imposait. Une seconde entrevue a donc été fixée pour le 1er juin 1998 à cet endroit. Le conseil de la demanderesse a informé le consulat de Détroit que sa cliente ne serait pas en mesure de se présenter à l'entrevue, et le gestionnaire du programme lui a fait savoir que cela entraînerait un refus de la demande pour non-observation des règles, puisque l'entrevue était indispensable à l'évaluation équitable requise par la loi. La demanderesse ne s'est pas présentée à la seconde entrevue prévue pour le 1er juin 1998 et, par conséquent, une lettre l'informant du refus de sa demande de résidence permanente lui a été envoyée.

[6]      L'avocat de la demanderesse fait valoir plusieurs arguments au soutien de la demande de contrôle judiciaire. Je ne puis toutefois conclure, après examen de ces arguments et des autres documents soumis, que l'agent des visas a commis une erreur en refusant la demande de résidence permanente de la demanderesse.

[7]      J'ai pris en considération la décision du juge Nadon dans l'affaire Voskanova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)1, où le juge a abordé directement la question de savoir si une demande de résidence permanente peut être rejetée parce que son auteur ne s'est pas présenté à une entrevue. Il a écrit :

         La demanderesse soutient que l'agente des visas a abusé de son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a rejeté sa demande au seul motif qu'elle ne s'est pas présentée à son entrevue à New York. La demanderesse fait également valoir que l'agente des visas a omis d'examiner le bien-fondé de sa demande.
         Le dossier de la demanderesse a été examiné par l'agent responsable de la présélection au centre de traitement de Buffalo. Après avoir examiné le dossier, cet agent a conclu qu'il était nécessaire de mener une entrevue...
         C'est en raison des préoccupations susmentionnées de l'agent responsable de la présélection que la demanderesse devait avoir une entrevue à New York le 1er mai 1998. Au paragraphe 7 de son affidavit daté du 24 juillet 1998, l'agente des visas parle de sa décision de rejeter la demande de résidence permanente déposée par la demanderesse...
         À mon avis, l'argument de la demanderesse que l'agente des visas a abusé de son pouvoir discrétionnaire n'est pas fondé. Tant l'agent responsable de la présélection à Buffalo que l'agente des visas à New York ont examiné le bien-fondé de la demande. Il ne faut pas oublier que l'entrevue visait à traiter des préoccupations soulevées par l'agent responsable de la présélection à Buffalo. Ayant omis de se présenter à l'entrevue, la demanderesse ne pouvait répondre à ces préoccupations. À mon avis, les motifs exposés par le juge McDonald dans Su c. Canada (M.C.I.) (1998) 152 F.T.R. 136, sont pertinents en ce qui concerne les faits de la présente affaire, et je souscris entièrement aux propos du juge McDonald qui dit, aux pages 138 et 139 :
         L'article 22.1 du règlement est, selon moi, déterminant à cet égard. Il prévoit qu'un agent d'immigration peut exiger de tout demandeur qu'il subisse une entrevue « aux fins de l'examen de la demande » . Par conséquent, bien qu'un examen des documents doivent être effectué (c'est-à-dire un examen de la demande), si un agent décide au cours de l'évaluation qu'une entrevue est justifiée, le demandeur doit se présenter à l'entrevue car celle-ci fait partie de l'évaluation. La décision d'exiger que le demandeur subisse une entrevue fait partie du processus d'évaluation, à moins que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé illégalement ou entravé que[sic] quelque manière. Si un demandeur n'est pas en mesure de se présenter à l'entrevue au bureau du consulat de son choix, ou ne peut faire transférer son dossier à un autre bureau, il ne se conforme pas à l'article 22.1 du règlement. Sa demande peut donc être rejetée par application de l'alinéa 19(2)d) de la Loi.
         Plus loin dans ses motifs, le juge McDonald a souligné le fait que l'agent responsable de la présélection avait soigneusement examiné le dossier de la demanderesse avant de conclure qu'une entrevue était nécessaire. À la page 139 de ses motifs, il dit :
         Étant donné que le demandeur n'a pas pu se présenter à une entrevue comme l'exigeait la Loi, la décision de rejeter sa demande en vertu de l'alinéa 19(2)d) était juste. Je rejetterais donc la demande de contrôle judiciaire. Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'un cas où l'agent des visas aurait accordé une attention minimale à la demande avant de décider de convoquer le demandeur à une entrevue. La demande du demandeur a été examinée en profondeur par l'agente des visas qui a décidé qu'une entrevue personnelle était justifiée. Une évaluation des documents de la demande a été effectuée : la demande ne pouvait pas suivre son cours sans que le demandeur se présente à une entrevue. Un autre agent des visas aurait pu tirer une conclusion différente en examinant les documents de la demande, mais l'agente des visas en cause a clairement exercé les fonctions que lui attribuent la Loi. Il n'y aura pas d'adjudication des dépens.
         Compte tenu des notes du CAIPS auxquelles j'ai déjà renvoyé, je suis tout à fait convaincu que l'agent responsable de la présélection a soigneusement examiné le dossier de la demanderesse avant de conclure qu'une entrevue était nécessaire, dans les circonstances. Ayant omis de se présenter à son entrevue sans fournir d'explication raisonnable pour justifier son absence, la demanderesse a omis de satisfaire à l'article 22.1 du Règlement sur l'immigration de 19782.

[8]      La présente situation s'apparente à la question que le juge Nadon avait à trancher dans l'affaire Voskanova. Les notes au STIDI, versées au dossier certifié, indiquent qu'il existait des raisons légitimes d'exiger de la demanderesse qu'elle se présente à une entrevue. Par exemple, l'agent des visas en cause a estimé qu'il s'imposait de tenir une entrevue pour évaluer l'expérience, les études et les aptitudes linguistiques de la demanderesse. À cause des questions que se posait l'agent des visas, une entrevue était nécessaire. La demanderesse, en ne se présentant pas à l'entrevue, a contrevenu au paragraphe 22.1 du Règlement sur l'immigration de 1978.

[9]      C'est pourquoi, je ne crois pas possible de conclure, après avoir examiné la preuve soumise et après avoir lu et entendu les observations des avocats, que l'agent des visas a commis une erreur susceptible de révision lorsqu'il a refusé la demande de résidence permanente de la demanderesse.

[10]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[11]      Les avocats des parties disposent de sept jours après réception des présents motifs pour soumettre une question pour certification.

                                 « E. Heneghan »                                      J.C.F.C.


Toronto (Ontario)

22 juin 2000





Traduction certifiée conforme


Ghislaine Poitras, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  IMM-3528-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          RENATA SCISLOWICZ

                             -et-

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)


DATE DE L'AUDIENCE :              LE MARDI 28 MARS 2000


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE HENEGHAN


RENDUS LE :                  MARDI 22 JUIN 2000


ONT COMPARU :

TIMOTHY LEAHY                      POUR LA DEMANDERESSE

SUSAN NUCCI                      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Timothy Leahy                      POUR LA DEMANDERESSE

5075, rue Yonge, Pièce 408

Toronto (Ontario), M2N 6C6


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              POUR LE DÉFENDEUR

COUR FÉDÉRALE DU CANADA



     Date: 20000622

     Dossier: IMM-3528-98


ENTRE:


RENATA SCISLOWICZ,

     demanderesse,


     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.








     MOTIFS DE L'ORDONNANCE




__________________

     1 (1999), 167 F.T.R. 258.

     2 Ibid., aux p. 263 à 265.

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