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Date : 20050216

 

Dossier : IMM‑2443‑04

 

Référence : 2005 CF 245

 

 

Toronto (Ontario), le 16 février 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

 

ENTRE :

 

DEVUNDARAGE, SHIROMI PRIYADARSHINI

KURUPPU MUDIYANSELAG, NIPUNI THAKSHARA

KURUPPU MUDIYANSELAO, PAVANI LAKMALI

                                                                                                                                        demandeurs

 

 

                                                                             et

 

 

 

 

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 25 février 2004, dans laquelle on a jugé que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger.


 

[2]               La demanderesse principale (la demanderesse) est une Singalaise de 23 ans originaire du Sri Lanka qui craint de faire l’objet de tentatives d’extorsion si elle retourne dans son pays. Elle a deux jeunes filles, âgées de 7 et 4 ans, dont les revendications du statut de réfugié dépendent du succès de la revendication de leur mère.

 

[3]               Les parents de la demanderesse et son frère sont des résidents permanents du Canada. La demanderesse a choisi de demeurer au Sri Lanka pour terminer ses études secondaires et elle est devenue inadmissible au parrainage quand elle s’est mariée en juin 1997. Elle allègue qu’au début de 1996, des personnes masquées se sont présentées à sa maison dans le milieu de la nuit, lui ont demandé de l’argent et ont menacé de l’enlever elle ou ses filles. Ces personnes ont déclaré qu’elles savaient que sa famille et elle‑même étaient riches parce qu’elle avait des parents vivant au Canada.

 

[4]               La demanderesse prétend que ces tentatives d’extorsion se sont produites environ 13 fois sur une période de six ans. Malgré le fait qu’elle a déménagé à plusieurs reprises et qu’elle a vécu dans différents villages, les extorqueurs ont toujours réussi à la retrouver. Elle n’a pas communiqué avec la police parce que les agents sont corrompus et parce les extorqueurs lui ont dit de ne pas le faire. La demanderesse prétend que son mari a continué de recevoir des menaces d’extorsion au Sri Lanka et qu’il doit se cacher. À l’audience, elle a remis deux lettres de son mari pour appuyer cette allégation.

 

[5]               La famille n’a jamais payé les extorqueurs et personne n’a jamais été blessé.     

 

[6]               La demanderesse et ses enfants sont entrés au Canada en juin 2001 à titre de visiteurs pour assister au mariage du frère de la demanderesse. Ils ont présenté une demande d’asile en janvier 2002.

 

LA DÉCISION

 

[7]               La Commission a rejeté la demande d’asile de la demanderesse au motif qu’elle n’était pas crédible. Elle a noté des incohérences et des invraisemblances dans son témoignage qui l’ont menée à conclure qu’elle avait fabriqué son histoire pour appuyer sa revendication. Par exemple, la demanderesse a mentionné dans son témoignage que les extorqueurs se présentaient la nuit et qu’ils portaient des masques, mais plus loin dans son témoignage elle a déclaré qu’ils étaient déguisés en vendeurs. Quand cette incohérence a été portée à son attention, elle n’a pas pu donner d’explication convaincante à la Commission. La demanderesse a également déclaré qu’elle n’avait pas de famille chez qui elle pouvait retourner au Sri Lanka, à l’exception de sa vieille grand‑mère, alors qu’en fait elle a de nombreux parents qui y vivent toujours, y compris son mari.

 


[8]               En outre, la Commission a estimé que le témoignage de la demanderesse concernant son mari était suspect. La demanderesse a déclaré qu’elle avait fait un bon mariage et qu’elle n’avait pas de difficultés conjugales. Toutefois, au moment de l’audience, elle n’avait pas été en contact avec son mari depuis six mois et elle a laissé entendre que, si elle rentrait au Sri Lanka, elle serait perçue comme une mère célibataire. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle n’avait pas réussi à communiquer avec son mari parce qu’il n’avait pas le téléphone, et pourtant elle avait déclaré précédemment qu’il avait accès au téléphone à l’usine de son frère où il travaillait.

 

[9]               La Commission a également examiné deux lettres qui auraient été écrites par le mari de la demanderesse, et qui décrivent les menaces qu’il continue de recevoir au Sri Lanka. La Commission n’a accordé aucune importance aux lettres parce que la demanderesse n’était pas crédible et parce que n’importe qui aurait pu les écrire.

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[10]           La seule question en litige est de savoir si la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en n’accordant aucune importance aux deux lettres provenant du mari de la demanderesse.

 

ANALYSE

 


[11]           La demanderesse soutient qu’il n’était pas loisible à la Commission de rejeter ces lettres au motif que son témoignage n’était pas crédible. En fait, la Commission était obligée d’évaluer les lettres selon leur propre bien‑fondé et ensuite de les pondérer au regard des préoccupations qu’elle avait concernant le témoignage de la demanderesse.

 

[12]           À mon avis, la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle dans son évaluation des deux lettres et l’intervention de la Cour n’est pas justifiée. Il était raisonnable que la Commission remette en question la véracité des lettres, une fois qu’elle eut conclu que le récit de la demanderesse était fabriqué et non fiable. Les lettres répétaient le récit fait par la demanderesse. Qui plus est, les lettres ne sont pas des éléments de preuve objectifs qui peuvent être considérés comme une preuve indépendante du récit de la demanderesse. La Commission a correctement conclu que les lettres auraient pu être écrites par n’importe qui.

 

[13]           Comme le faisait remarquer le juge Nadon (maintenant juge à la Cour d’appel) dans la décision Hamid c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1293 (C.F.P.I.), au paragraphe 20 :

Par conséquent, à mon avis, la prétention du requérant voulant que la Commission soit tenue d’analyser la preuve documentaire _ indépendamment du témoignage du requérant _ doit être examinée dans le contexte des procédures informelles qui s’appliquent devant la Commission. Lorsqu’une commission, comme vient de le faire la présente, conclut que le requérant n’est pas crédible, dans la plupart des cas, il s’ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant ne puisse prouver de façon satisfaisante qu’ils sont véritablement authentiques. En l’espèce, la preuve du requérant n’a pas convaincu la Commission qui a refusé de donner aux documents en cause une valeur probante. Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n’est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d’affirmer qu’il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

 

 

 

[14]           Les motifs de la Commission pour conclure que la demanderesse n’était pas crédible sont appuyés par la preuve. Non seulement le témoignage de la demanderesse renferme‑t‑il des incohérences et des invraisemblances, mais elle a attendu six mois avant de présenter une demande d’asile au Canada. Dans ces circonstances, il était raisonnable pour la Commission de ne pas tenir compte des deux lettres qu’elle a fournies.

 

[15]           Pour les raisons qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]           Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de la certification, et par conséquent, aucune ne sera certifiée.

 

                                        ORDONNANCE

 

LA PRÉSENTE COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

                                                                            « Michael A. Kelen »            

                                                                                                     Juge                          

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑2443‑04

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            DEVUNDARAGE, SHIROMI PRIYADARSHINI,

KURUPPU MUDIYANSELAG, NIPUNI THAKSHARA,

KURUPPU MUDIYANSELAO, PAVANI LAKMALI

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 15 FÉVRIER 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 FÉVRIER 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff                                                            POUR LES DEMANDEURS

 

Janet Chisholm                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maureen Silcoff                                                            POUR LES DEMANDEURS

Avocate

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada


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