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Date : 20000629


Dossier : T-272-99


Ottawa (Ontario), le 29 juin 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE JOHN A. O'KEEFE


ENTRE :Enter Style of Cause just after [Comment] code

-     

Enter Style of Cause just after [Comment] code

-


CARTER-WALLACE INC.,


demanderesse,


- et -



WAMPOLE CANADA INC.,


défenderesse.




MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O'KEEFE


[1]          Appel est interjeté en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (la Loi) de la décision du registraire des marques de commerce en date du 22 décembre 1998 concluant que la défenderesse a prouvé l'utilisation de sa marque de commerce WAMPOLE et refusant, par là-même, de la radier du registre des marques de commerce.

CONTEXTE

[2]      Le 23 septembre 1996, sur requête de la demanderesse Carter-Wallace Inc. (Carter-Wallace ou la demanderesse), le registraire des marques de commerce a adressé à la défenderesse Wampole Canada Inc. (Wampole ou la défenderesse), en application de l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, un avis lui enjoignant de fournir la preuve qu'elle a utilisé sa marque de commerce WAMPOLE (no d'enregistrement 148,616) à l'égard des marchandises, [traduction] « préparations pharmaceutiques » , au cours des trois dernières années.

[3]      En réponse audit avis, la défenderesse a adressé au registraire, en guise de preuve d'utilisation de la marque de commerce, un affidavit fait sous serment par M. Aubrey Dan, président de Wampole depuis le mois de juin 1995. M. Dan déclare dans son affidavit que la marque de commerce a été constamment utilisée au cours des trois dernières années. Des photocopies montrant des boîtes d'emballage extérieur des divers produits vendus par Wampole accompagnaient ce document. La marque de commerce WAMPOLE figurait nettement sur ces boîtes. Des factures de vente de produits Wampole étaient également jointes à l'affidavit. Ces produits se composent en majeure partie de vitamines, de remèdes phytothérapiques et d'autres articles semblables. En outre, des boîtes portant les marques de commerce relatives à l'ASA et aux comprimés d'acétaminophène ont été fournies.

[4]      En réponse à l'affidavit de Dan, la demanderesse a déposé des observations écrites auprès du registraire où elle conteste ce qui suit :

         1.      l'opportunité que M. Dan fasse la preuve de l'utilisation de la marque de commerce, vu qu'il n'a occupé le poste de président de Wampole que durant une partie seulement de la période pertinente de trois ans;
         2.      le libellé de l'affidavit qui n'indique pas précisément que la marque de commerce a été employée en liaison avec des préparations pharmaceutiques - les marchandises à l'égard desquelles elle est enregistrée;
         3.      le fait qu'aucune preuve n'a été fournie montrant que la marque de commerce a été utilisée en liaison avec une gamme complète de préparations pharmaceutiques;
         4.      le fait qu'à la date portée sur l'avis objet de l'article 45, la marque de commerce était enregistrée au nom de la société Rhône-Poulenc Rorer Consumer Inc., mais que la preuve d'utilisation de cette marque a été fournie par Wampole Canada Inc. qui s'en est elle-même servie.

[5]      Le 22 décembre 1998, le registraire des marques de commerce a décidé que la défenderesse avait fourni des preuves suffisantes indiquant l'emploi de la marque de commerce WAMPOLE en rapport avec des préparations pharmaceutiques durant les trois années précédant la date de l'avis donné aux termes de l'article 45. Il était persuadé que l'auteur de l'affidavit, M. Dan, était en mesure de connaître les faits relatés dans sa déposition. Il ne s'inquiétait pas non plus de ce que la défenderesse n'ait été inscrite comme propriétaire de la marque de commerce qu'après l'avis prévu à l'article 45. Elle avait déclaré que cette anomalie était simplement due à l'omission d'enregistrer le changement de raison sociale.

[6]      Le registraire s'est également penché sur la définition du mot « pharmaceutique » . Il a été persuadé que la gamme des marchandises données en preuve comprenait des drogues classiques comme des comprimés d'acétaminophène et d'ASA. Il était en outre disposé à accepter que les autres produits--vitamines, remèdes phytothérapiques et sirops antitussifs--soient inclus dans la catégorie des [traduction] « remèdes et médicaments de nature à améliorer l'état de santé et à soulager les afflictions » et, par conséquent, que la plupart des produits de la défenderesse, sinon tous, tombaient à juste titre dans la catégorie des préparations pharmaceutiques. Le registraire n'a pas décidé si l'expression « préparations pharmaceutiques » était trop générale pour constituer une catégorie appropriée de marchandises à l'égard desquelles une marque de commerce peut être enregistrée, étant donné, dit-il, que l'examen d'une telle question n'avait pas sa place dans une procédure relative à l'article 45.

[7]      Le 22 février 1999, Carter-Wallace a interjeté appel de la décision du registraire.

PLAIDOIRIE

[8]      La demanderesse allègue que la conclusion du registraire des marques de commerce voulant que la marque WAMPOLE ait été employée en liaison avec des préparations pharmaceutiques, était erronée pour plusieurs raisons la plupart desquelles reflètent les arguments qu'elle a exposés au registraire des marques de commerce, à savoir :

         1.      que l'auteur de l'affidavit de la défenderesse ne connaissait pas suffisamment le sujet pour être en mesure de fournir des éléments de preuve convenables;
         2.      que rien ne démontre que la marque de commerce ait été employée en liaison avec des préparations pharmaceutiques;
         3.      que le propriétaire inscrit (qui n'est pas Wampole) n'a jamais employé la marque de commerce visée;
         4.      que les vitamines et autres remèdes phytothérapiques n'étant pas, à proprement parler, des préparations pharmaceutiques, rien ne prouvait que la marque de commerce ait été en fait employée en liaison avec de telles préparations.

[9]      La défenderesse déclare que le registraire n'a commis aucune erreur de droit et qu'il était habilité à tirer les conclusions de fait qu'il a formulées. Étant donné que les questions soumises au registraire relevaient pleinement de sa compétence en matière de marque de commerce, les décisions en cause doivent faire l'objet d'une très grande retenue. Le registraire était en droit de conclure, comme il l'a fait, que les vitamines, les remèdes phytothérapiques et autres produits de la défenderesse étaient correctement qualifiés de préparations pharmaceutiques et il n'y a pas lieu d'intervenir dans cette décision.

EXPOSÉ DU DROIT ET ANALYSE

Procédure en vertu de l'article 45

[10]      Aux termes de la Loi sur les marques de commerce, les attributions du registraire des marques de commerce comprennent un large éventail de questions administratives touchant les marques de commerce. Le registraire tient à jour le registre des marques de commerce, reçoit les demandes d'enregistrement de ces marques, les approuve si elles semblent répondre aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, et dirige la procédure d'opposition lorsqu'une partie s'oppose à l'enregistrement d'une marque.

[11]      Le registraire est également habilité à tenir à jour et à modifier le registre des marques de commerce. L'article 45 de la Loi sur les marques de commerce énonce la procédure à suivre pour mettre à jour ce registre. En voici le texte :


45. (1) The Registrar may at any time and, at the written request made after three years from the date of the registration of a trade-mark by any person who pays the prescribed fee shall, unless the Registrar sees good reason to the contrary, give notice to the registered owner of the trade-mark requiring the registered owner to furnish within three months an affidavit or a statutory declaration showing, with respect to each of the wares or services specified in the registration, whether the trade-mark was in use in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and, if not, the date when it was last so in use and the reason for the absence of such use since that date.


(2) The Registrar shall not receive any evidence other than the affidavit or statutory declaration, but may hear representations made by or on behalf of the registered owner of the trade-mark or by or on behalf of the person at whose request the notice was given.


(3) Where, by reason of the evidence furnished to the Registrar or the failure to furnish any evidence, it appears to the Registrar that a trade-mark, either with respect to all of the wares or services specified in the registration or with respect to any of those wares or services, was not used in Canada at any time during the three year period immediately preceding the date of the notice and that the absence of use has not been due to special circumstances that excuse the absence of use, the registration of the trade-mark is liable to be expunged or amended accordingly.


(4) When the Registrar reaches a decision whether or not the registration of a trade-mark ought to be expunged or amended, he shall give notice of his decision with the reasons therefor to the registered owner of the trade-mark and to the person at whose request the notice referred to in subsection (1) was given.

45. (1) Le registraire peut, et doit sur demande écrite présentée après trois années à compter de la date de l'enregistrement d'une marque de commerce, par une personne qui verse les droits prescrits, à moins qu'il ne voie une raison valable à l'effet contraire, donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

(2) Le registraire ne peut recevoir aucune preuve autre que cet affidavit ou cette déclaration solennelle, mais il peut entendre des représentations faites par le propriétaire inscrit de la marque de commerce ou pour celui-ci ou par la personne à la demande de qui l'avis a été donné ou pour celle-ci.

(3) Lorsqu'il apparaît au registraire, en raison de la preuve qui lui est fournie ou du défaut de fournir une telle preuve, que la marque de commerce, soit à l'égard de la totalité des marchandises ou services spécifiés dans l'enregistrement, soit à l'égard de l'une de ces marchandises ou de l'un de ces services, n'a été employée au Canada à aucun moment au cours des trois ans précédant la date de l'avis et que le défaut d'emploi n'a pas été attribuable à des circonstances spéciales qui le justifient, l'enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence.

(4) Lorsque le registraire décide ou non de radier ou de modifier l'enregistrement de la marque de commerce, il notifie sa décision, avec les motifs pertinents, au propriétaire inscrit de la marque de commerce et à la personne à la demande de qui l'avis visé au paragraphe (1) a été donné.

[12]      Au soutien de sa demande visant à annuler la décision du registraire, la demanderesse s'appuie exclusivement sur la cause Plough (Canada) Limited c. Aerosol Fillers Inc., [1981] 1 C.F. 679 (C.A.). Il s'agissait aussi en l'espèce de l'avis donné en vertu de l'article 45 et du caractère suffisant de la preuve fournie relativement à l'emploi de la marque de commerce.

[13]      Dans l'affaire Plough (Canada), précitée, le propriétaire inscrit a reçu, le 7 septembre 1978, un avis conformément à l'article 45. Il a choisi d'y répondre simplement comme il suit :

[traduction]Plough (Canada) Limited utilise actuellement, comme elle le fait depuis le 7 septembre 1978, la marque de commerce enregistrée PHARMACO, dans le cours normal de son activité commerciale au Canada en liaison avec des préparations pharmaceutiques.

Sur quoi, le registraire a décidé ce qui suit :

[traduction]En raison de la preuve fournie, il semble que la marque de commerce ci-dessus est employée au Canada en liaison avec les marchandises et les services dont fait état l'enregistrement. J'ai donc décidé qu'il ne fallait pas modifier ou radier l'enregistrement.

[14]      La Cour d'appel a infirmé cette conclusion en disant que l'article 45 vise à ce que le titulaire de l'enregistrement informe en détail le registraire de l'emploi de la marque de commerce afin qu'il puisse être en mesure d'apprécier la situation et d'exercer judicieusement son pouvoir d'appréciation en vertu de l'article 45. Leurs Seigneuries ont observé que le propriétaire inscrit n'avait pas répondu à la question figurant dans l'avis relatif à l'article 45 : il n'a fourni aucune preuve indiquant que la marque de commerce était employée au cours des trois années précédant l'avis en question, se contentant de dire vaguement qu'il l'emploie actuellement. La Cour a statué que l'article 45 exige non pas une déclaration quant à l'emploi, mais une preuve de cet emploi que le titulaire de l'enregistrement n'a pas fournie.

[15]      La demanderesse s'est appuyée également sur la cause Swabey Ogilvy Renault c. Enterprises Krasnow Ltee (1987), 83 C.P.R. (3d) 260 (Reg. M.C.), présentée comme soutien à la thèse voulant que le propriétaire inscrit d'une marque de commerce doit prouver l'emploi de cette marque en liaison avec toutes les marchandises sur lesquelles porte l'enregistrement. Il s'agissait, dans cette affaire, de chaussures de toutes sortes pour hommes, femmes et enfants. Toutefois, au regard de l'avis prévu à l'article 45, le propriétaire inscrit n'a prouvé l'emploi de la marque de commerce qu'en liaison avec des bottes seulement, ce qui a conduit le registraire à décider que la preuve ne suffisait pas pour maintenir l'enregistrement à l'égard de toutes les marchandises énumérées, les chaussures de toutes sortes pour hommes, femmes et enfants. Il a donc, discrétionnairement, mis fin à l'enregistrement.

[16]      La défenderesse se fonde en l'espèce sur diverses causes pour réfuter les arguments de la demanderesse.

[17]      Elle cite notamment l'affaire Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Limited et al (1987), 13 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.) qui porte sur la finalité de l'avis prévu à l'article 45. Monsieur le juge McNair a énoncé en l'espèce ce qui suit :

Il est bien établi que le but et l'objet de [l'article 45] sont d'assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour radier du registre les marques de commerce qui ne sont pas revendiquées de bonne foi par leurs propriétaires comme des marques de commerce en usage. Cette procédure a été décrite avec justesse comment visant à éliminer du registre le « bois mort » .

[18]      De plus, le juge McNair a pris en considération la qualité de la preuve qui doit être fournie en rapport avec l'avis en question et a conclu que la preuve d'une seule vente effectuée dans le cours normal de l'activité commerciale peut suffire dans la mesure où il s'agit d'une véritable transaction commerciale, et que la preuve n'est pas fabriquée ou conçue délibérément à cette fin. Il était d'avis que la preuve déposée en réponse à l'avis de l'article 45 devait se signaler par sa qualité et non sa quantité.

Norme de contrôle

[19]      Au regard de la norme de contrôle, et bien que la demanderesse soutienne que la présente action en justice soit effectivement un procès de novo, la défenderesse fait fond sur plusieurs causes affirmant que toute décision du registraire mérite déférence et qu'il ne faudrait pas y intervenir à la légère. Dans l'arrêt Benson and Hedges Canada Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp. [1969] R.C.S. 192, la Cour a conclu qu'une décision du registraire ne devrait pas être annulée du revers de la main, étant donné l'expérience acquise par ces instances décisionnelles qui tranchent régulièrement les litiges issus de la Loi sur les marques de commerce. Ce jugement, qui a fait maintes fois autorité, est toujours tenu pour bonne jurisprudence. La décision rendue dans l'affaire McDonald's Corp. c. Silicorp. Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.) l'a entériné.

[20]      Il l'a été encore dans la très récente affaire John Labatt Limited et al c. Molson Breweries, A Partnership, non publiée, datée du 3 février 2000 (A-428-98). La Cour d'appel fédérale y a étudié la norme de contrôle applicable aux décisions du registraire, à la lumière des récents arrêts de la Cour suprême du Canada portant sur les normes de contrôle des décisions prises par les tribunaux administratifs. Monsieur le juge Rothstein, au paragraphe 27 de la page 11, a cité le passage suivant tiré de la décision du juge Strayer dans l'affaire McDonald's Corp. :

. . . Bien qu'à diverses reprises, la Cour d'appel fédérale ait jugé qu'en appel, la Cour avait l'obligation d'établir si le registraire avait ou non rendu une décision « manifestement erronée » ou s'il avait simplement « eu tort » , il semble que le juge saisi d'un appel semblable à l'espèce soit tenu de tirer ses propres conclusions quant à l'exactitude de la décision du registraire. Ce faisant, il doit toutefois tenir compte de l'expérience et des connaissances particulières dont dispose le registraire ou la Commission et surtout prendre en considération, le cas échéant, le fait que de nouvelles preuves, dont ne disposait pas la Commission, ont été déposées devant lui.

Au nom de la majorité, le juge Rothstein, aux paragraphes 28 et 29 de la page 12, s'est prononcé en ces termes dans l'arrêt John Labatt Limited, précité :

La décision McDonald's Corp. c. Silicorp., rendue en 1989, est bien antérieure à la jurisprudence récente de la Cour suprême établissant le continuum moderne des critères de contrôle, à savoir la décision correcte, la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable;... Du fait que le juge Strayer était disposé à faire preuve d'une certaine déférence à l'égard du registraire, je ne considère pas que l'utilisation qu'il fait du terme « correct » reflète la norme de contrôle sans retenue et rigoureuse qui est de nos jours associée aux termes « correct » ou « décision incorrecte » .
Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson and Hedges c. St. Regis et McDonald c. Silicorp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

[21]      En ce qui concerne la norme de contrôle, les circonstances entourant ce cas-ci sont telles que le critère de la décision raisonnable simpliciter s'applique en l'espèce. Il ne s'agit pas d'un procès de novo au sens classique du terme ni au regard de l'interprétation plus libre qu'on en a fait récemment. Un procès de novo classique est évidemment celui où le tribunal reprend une affaire depuis le début en faisant table rase du passé, comme si la procédure judiciaire et la décision du tribunal ou de la Cour n'existaient pas. L'expression procès de novo a servi récemment à décrire la procédure, qu'on peut à juste titre qualifier d'appel, où des éléments de preuve importants et nouveaux sont produits, de telle sorte que la décision du tribunal ou de la cour ne peut ni ne doit bénéficier de la déférence normale à laquelle on pourrait s'attendre.

[22]      Dans le présent litige, la demanderesse invoque pour seul motif d'appel que le registraire n'a pas appliqué correctement la loi en statuant sur les plaintes de la demanderesse à l'audience portant sur l'article 45. Aucune preuve nouvelle n'a été fournie et le dossier dont je suis saisi est essentiellement le même que celui qu'avait en main le registraire.

QUESTIONS EN LITIGE

[23]      J'étudierai maintenant et trancherai les quatre motifs énoncés par la demanderesse pour justifier sa demande de contrôle :

     1.      L'affidavit de Dan

     La demanderesse proteste que l'auteur de l'affidavit, le président de la compagnie titulaire de l'enregistrement, n'est pas le représentant approprié et qu'il ne peut témoigner du fait qu'il occupe son poste depuis le mois de juin 1995 seulement, alors que la période sur laquelle porte l'avis prévu à l'article 45 court de septembre 1993 à septembre 1996. J'observe toutefois que l'article en question de la Loi sur les marques de commerce n'exige pas du propriétaire inscrit de prouver l'emploi de sa marque tout au long des trois années, mais seulement à un moment quelconque durant cette période. En fait, le président de la compagnie a déclaré que la marque de commerce était utilisée durant ces trois années et il aurait eu personnellement connaissance de ce fait durant les deux dernières années de la période visée de trois ans. De plus, la preuve documentaire annexée à l'affidavit Aubrey se rapporte entièrement à l'emploi de la marque de commerce après que M. Aubrey eut assumé la présidence de la compagnie Wampole Canada Inc.

[24]      L'affaire Plough (Canada), précitée, qu'invoque la demanderesse Carter-Wallace avait trait à une situation de fait bien différente (aucune preuve d'utilisation quelconque); la distinction est donc facile à faire.

[25]      2.      Aucune preuve d'utilisation en liaison avec des préparations pharmaceutiques

     Quant à l'allégation voulant que l'affidavit du propriétaire inscrit n'indique pas que la marque de commerce WAMPOLE a été employée en liaison avec des préparations pharmaceutiques, je ne suis pas d'avis, à l'examen du document, que c'est la bonne conclusion à tirer. Bien qu'à la lecture attentive, l'affidavit puisse paraître quelque peu équivoque, les pièces qui y sont jointes montrent clairement l'emploi de la marque en liaison avec les vitamines, les remèdes phytothérapiques, les comprimés d'acétaminophène, d'ASA, etc. À mon sens, cette preuve non contredite est de nature à vicier toute allégation que la marque de commerce n'a pas été employée en liaison avec les produits en question.

[26]      3.      Les vitamines et sels minéraux en tant que préparations pharmaceutiques

     En ce qui concerne l'interprétation à donner aux termes « préparations pharmaceutiques » , je suis d'avis, au regard de cette partie de la décision du registraire, que la norme de contrôle appropriée devient une question litigieuse. Le registraire a décidé que les vitamines et les remèdes phytothérapiques étaient qualifiés, à juste titre, de préparations pharmaceutiques. Il se peut bien que la Cour, en revoyant le cas, conclue différemment. Je crois cependant que cette décision ressortissait à la sphère d'expertise du registraire et qu'elle doit bénéficier, par conséquent, de la déférence qui s'attache au critère de la décision raisonnable simpliciter, comme l'a dit le juge Rothstein dans l'affaire John Labatt. J'ajouterai, en outre, qu'on ne saurait longtemps alléguer que les comprimés d'acétaminophène et d'ASA ne puissent être justement qualifiés de préparations pharmaceutiques. Cette expression est peut-être un peu vaste ou un peu imprécise, mais les produits en question peuvent raisonnablement être considérés comme des préparations de cette sorte.

[27]      4.      Changement de nom

     Au sujet du changement de nom, la défenderesse cite l'affaire Kightley c. Registraire des marques de commerce (1982), 65 C.P.R. (2d) 36, qui traiterait du même sujet et où le registraire a conclu que l'incompatibilité des noms n'avait aucune importance, à condition de constater que l'utilisateur de la marque de fabrique est bien l'équivalent du propriétaire inscrit de cette marque.

[28]      Selon l'affidavit de Dan, la compagnie Wampole est la même que l'ancienne propriétaire inscrite de la marque de commerce, mais on avait simplement négligé d'enregistrer le changement de raison sociale. Dans l'affaire Kightley, il s'agissait de la constitution d'une toute nouvelle société sans que le nom de l'entité précédente n'ait été modifié. Dans le présent litige, la preuve indique que la raison sociale de la société propriétaire de la marque de commerce enregistrée avait simplement changé.

[29]      À la lumière de ce raisonnement auquel je souscris, le changement de nom (qui n'a pas été contesté) n'a aucun effet sur l'admissibilité de la preuve; partant, le présent motif d'appel ne se justifie pas.

[30]      À mon avis, c'est le caractère imprécis et très vaste de l'expression préparations pharmaceutiques qui sous-tend le cas d'espèce. Le registraire a cependant examiné ce point et décidé qu'il échappait au cadre d'une audience concernant l'article 45. À cette audience, le propriétaire inscrit doit prouver l'utilisation de sa marque de commerce, WAMPOLE dans ce cas-ci, en liaison avec les marchandises dont l'enregistrement est accordé, en l'occurrence les préparations pharmaceutiques. À mon avis, le propriétaire inscrit a déposé cette preuve dans ce cas-ci; la marque de commerce n'est pas du « bois mort » sur le registre ni n'a été abandonnée. Il se peut encore une fois que la catégorie des marchandises à l'égard desquelles la marque a été enregistrée soit trop vaste, cependant, et je le redis, telle n'est pas la question dont la Cour est saisie dans la présente affaire.

[31]      En raison de ce qui précède, l'appel est rejeté.
[32]      La défenderesse a droit à ses dépens taxés.


ORDONNANCE

[33]      LA COUR STATUE : l'appel est rejeté.

[34]      LA COUR STATUE EN OUTRE : la défenderesse a droit à ses dépens taxés.






     « John A. O'Keefe »

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 29 juin 2000



Traduction certifiée conforme



Richard Jacques, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :              T-272-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      CARTER WALLACE INC. c. WAMPOLE CANADA INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          28 MARS 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE M. LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU              29 JUIN 2000

ONT COMPARU :

TONY BORTOLIN,                  POUR LA DEMANDERESSE
MARCUS GALLIE,                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MACBETH & JOHNSON

TORONTO (ONTARIO)              POUR LA DEMANDERESSE

MARCUS GALLIE

OTTAWA (ONTARIO)              POUR LA DÉFENDERESSE


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