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Date : 20021107

Dossier : IMM-5656-00

Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2002.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                            DEMING ZHENG

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                              ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


Date : 20021107

Dossier : IMM-5656-00

Référence neutre : 2002 CFPI 1152

ENTRE :

                                                            DEMING ZHENG

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

        Le demandeur a demandé à résider en permanence au Canada à titre de chef de cuisine travaillant à son propre compte. Par une décision en date du 17 octobre 2000, une agente des visas a refusé la demande. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.


        Le demandeur, M. Zheng, est citoyen de la République populaire de Chine où résident sa conjointe et trois enfants. Il vit aux États-Unis depuis le mois de novembre 1991 et travaille comme premier chef dans un restaurant chinois, le Peking Garden, à Hattiesburg (Mississipi), depuis le mois de décembre 1991.

        L'agente des visas a apprécié le demandeur selon les facteurs pertinents énoncés à l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement) et lui a attribué 47 points d'appréciation au lieu du minimum nécessaire de 70 points pour être admissible comme immigrant. Le demandeur n'a pas obtenu les 30 points supplémentaires attribués aux travailleurs autonomes parce que l'agente des visas n'était pas convaincue qu'il serait en mesure d'exploiter avec succès l'entreprise proposée au Canada.


        À titre de question préliminaire, le défendeur déclare que le demandeur n'a pas déposé d'affidavit à l'appui de sa demande. En se fondant sur les décisions Moldeveanu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 235 N.R. 192 (C.A.F.) et Khera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1701 (1re inst.), le défendeur soutient qu'une demande qui n'est pas étayée par un affidavit approprié ne peut pas aller de l'avant et qu'il convient pour la Cour de rejeter la demande. Subsidiairement, le défendeur affirme qu'il ne faut accorder aucune importance à l'affidavit de l'adjoint de l'avocat du demandeur, lequel a été déposé à l'appui de la demande. De plus, selon le défendeur, une bonne partie de l'affidavit renferme des éléments de preuve et des pièces dont l'agente des visas ne disposait pas lorsqu'elle a pris sa décision; cela étant, il ne peut pas en être tenu compte dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire : Lemeicha c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 72 F.T.R. 49.

        Une personne qui présente une demande de contrôle judiciaire n'a pas à déposer elle-même un affidavit : Nelson c. Commissaire du Service correctionnel (Canada) (1996), 206 N.R. 180 (C.A.F.). L'affidavit déposé à l'appui de la demande se limite aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle : Règles de la Cour fédérale (1998), paragraphe 81(1). Cela illustre la règle générale interdisant le ouï-dire, mais n'a pas pour effet de supplanter les exceptions séculaires au principe interdisant le ouï-dire qui sont reconnues en common law, ni l'exception plus récente fondée sur la fiabilité et sur la nécessité. Pour que le ouï-dire soit admis, des éléments de preuve ou des arguments se rapportant à la nécessité et à la fiabilité doivent être présentés. Canadian Tire Corp. c. P.S. Partsource Inc. (2001), 267 N.R. 135 (C.A.F.). Lorsque la preuve par ouï-dire ne satisfait pas au critère de nécessité et de fiabilité établi par la Cour suprême du Canada, l'erreur qui entacherait la décision de nullité doit ressortir du dossier : Moldeveanu, précité. Une demande ne sera pas rejetée pour le motif qu'aucun affidavit approprié n'a été déposé lorsque l'affidavit suffit à établir l'existence de la demande ainsi que son rejet : Turcinovica c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CFPI 164, [2002] A.C.F. no 216.


        Dans ce cas-ci, six seulement des quarante-sept paragraphes de l'affidavit concernent le demandeur, M. Zheng. Ces six paragraphes renferment du ouï-dire. Dans la mesure où l'affidavit est établi à l'appui des allégations d'erreur autres que la partialité, les parties contestables de l'affidavit ne seront pas prises en considération. La situation, en ce qui concerne l'argument fondé sur la crainte raisonnable de partialité, est différente. De nouveaux éléments de preuve dont ne disposait pas le décideur peuvent être pris en considération à l'appui d'une allégation de partialité : Rex c. Nat Bell Liquors Limited, [1922] 2 A.C. 128 (C.P.). Toutefois, cela ne veut pas dire que pareille preuve ne sera pas assujettie aux règles de preuve pertinentes. Je ne me propose pas, dans ces motifs, de mentionner chacun des paragraphes de l'affidavit qui a été déposé dans cette demande. Je dirai simplement que les paragraphes qui décrivent le sort auquel ont fait face d'autres demandeurs ne sont pas pertinents en l'espèce et n'ont pas été pris en considération. De même, les éléments de preuve dont le déclarant n'avait pas personnellement connaissance qui ne satisfont pas au critère de nécessité et de fiabilité n'ont pas été pris en considération.


        Le demandeur invoque trois motifs à l'appui du contrôle judiciaire. Premièrement, il soutient que la décision a été prise [TRADUCTION] « sans fondement » . Cette position est fondée sur le [TRADUCTION] « droit à des motifs » , ce qui, selon le demandeur, comprend le droit au fondement qui a entraîné la prise de la décision défavorable. Le demandeur reconnaît que la lettre de refus et les notes consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI) constituent des motifs, mais il maintient qu'elles sont [TRADUCTION] « sans fondement » et qu'il ne s'agit dont pas de motifs [TRADUCTION] « en tant que tels » . Il affirme que l'agente des visas n'a pas tenu compte des neuf années d'expérience qu'il avait comme cuisinier aux États-Unis et du fait que ses actifs excèdent les capitaux nécessaires pour ouvrir et exploiter un établissement.

        Le demandeur a raison de dire que le sens des affaires, les actifs et les antécédents commerciaux sont des facteurs pertinents aux fins de l'appréciation de la capacité d'une personne d'établir une entreprise au Canada et que l'omission de tenir compte de facteurs pertinents peut entraîner l'annulation de la décision : Cheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 13 Imm. L.R. (3d) 28 (C.F. 1re inst.). Toutefois, dans les notes qui ont ici été consignées dans le STIDI, il est bien fait mention de l'emploi du demandeur et de son revenu mensuel. De plus, l'agente a fait état des certificats de dépôt du demandeur, des attestations bancaires, d'une déclaration selon laquelle il existe en Chine un compte en argent américain ainsi que de l'achat d'une maison et du fait que le demandeur a envoyé 30 000 $ à sa conjointe. Finalement, il est noté que le demandeur a des investissements [TRADUCTION] « s'élevant à 80 000 $ ainsi que des biens » . L'emploi et les actifs ont été mentionnés par l'agente des visas et l'argument invoqué par le demandeur sur ce point ne peut pas être retenu.


        Deuxièmement, le demandeur affirme que l'agente des visas a commis une erreur en refusant d'envisager d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré au paragraphe 11(3) du Règlement compte tenu de ses actifs et du fait qu'il subvenait à ses besoins depuis neuf ans aux États-Unis en tant que chef de cuisine.

      J'ai examiné un argument similaire dans la décision Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CFPI 1115, [2002] A.C.F. no 1478; aux paragraphes 25 à 28, j'ai résumé le droit, tel que je le comprends, sur ce point. En l'espèce, le demandeur a obtenu 47 points d'appréciation. Le total obtenu est bien inférieur au nombre de points normalement nécessaire. En outre, le dossier ne révèle pas de faits, évidents au vu de la demande, indiquant l'existence de circonstances inhabituelles justifiant l'application du raisonnement qui a été fait dans les décisions Savvateev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999) 170 F.T.R. 317 ou Norambuena c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002) 21 Imm. L.R. (3d) 55 (C.F. 1re inst.). Le demandeur ne peut donc pas avoir gain de cause sur ce point.

      Le dernier motif invoqué est qu'il existe une crainte raisonnable de partialité. Le demandeur allègue que l'agente des visas était partiale parce qu'il travaille comme chef de cuisine chinoise aux États-Unis et parce qu'il a retenu les services de M. Leahey.


      Le critère qui s'applique en matière de partialité est énoncé dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Canada (Office national de l'énergie) et autres, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 386 :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...], ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

      En l'absence d'une preuve contraire, il existe une présomption selon laquelle le décideur agit d'une façon impartiale : Zündel c. Citron, [2000] 4 C.F. 225 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée (1998), 228 N.R. 194 n. (C.S.C.).

      Les parties admissibles des paragraphes de l'affidavit qui a été déposé à l'appui de la demande ne fournissent pas de fondement justifiant cette allégation sur le plan de la preuve. Je ne puis rien trouver à l'appui dans le dossier. Le dossier et plus précisément les notes consignées dans le STIDI indiquent que l'agente des visas a mentionné les facteurs pertinents et n'a pas mentionné les facteurs non pertinents. L'agente a noté les préoccupations qu'elle avait au sujet du demandeur. En fin de compte, elle a conclu que le demandeur n'était pas admissible en vue d'immigrer au Canada. Il n'y a rien devant moi qui donne à entendre que l'agente des visas n'était pas de bonne foi en appréciant la demande et qu'elle ne s'est pas fondée sur la preuve fournie par le demandeur. Cet argument est dénué de fondement.


      Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le demandeur n'a pas eu gain de cause. Il n'a pas droit aux dépens demandés.

      L'avocat du défendeur a proposé qu'une question soit certifiée si le ministre n'a pas gain de cause. Or, ce n'est pas le cas. Toutefois, j'avais des réserves, et j'en ai fait part aux avocats, en ce qui concerne la question proposée puisque, à mon avis, il ne s'agissait pas d'une question grave de portée générale. L'affaire ne soulève pas de question grave de portée générale et aucune question n'est certifiée.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge

Ottawa (Ontario),

le 7 novembre 2002.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-5656-00

INTITULÉ :                                                                     DEMING ZHENG

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE JEUDI 31 OCTOBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                                  LE JEUDI 7 NOVEMBRE 2002

COMPARUTIONS :

M. Timothy Leahy                                                             POUR LE DEMANDEUR

M. David Tyndale                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Timothy Leahy                                                            POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                 

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