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     Date : 19990719

     IMM-5827-98

OTTAWA (ONTARIO), LE LUNDI 19 JUILLET 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED

E n t r e :

     ADRIC KATAMBALA,

     demandeur,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs communiqués par écrit ce jour, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     (signature) " B. Reed "

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19990719

     IMM-5827-98

E n t r e :

     ADRIC KATAMBALA,

     demandeur,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]          Le demandeur sollicite une ordonnance annulant une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La Commission a rejeté la prétention du demandeur suivant laquelle il était un réfugié au sens de la Convention, parce qu'il n'avait pas réussi à établir son identité en tant que ressortissant rwandais.

[2]          Le demandeur affirmait être un ressortissant rwandais qui avait vécu dans le village de Cyangugu jusqu'à ce que le conflit entre les Hutu et les Tutsi le force à s'enfuir au Zaïre en compagnie de son frère. Il a déclaré que lui et son frère s'étaient rendus à New York comme passagers clandestins. Il a ensuite été séparé de son frère et est arrivé au Nouveau-Brunswick avec l'aide d'un camionneur qui l'avait caché dans la cabine de son camion. Il n'a aucun papier d'identité et aucun des organismes qui ont par la suite essayé de l'aider, comme par exemple l'Armée du Salut, n'a réussi à en trouver.

[3]          Le demandeur était âgé de dix-sept ans au moment de son audience devant la Commission. Dans le but d'essayer d'établir son identité, la Commission lui a posé quelques questions au sujet de ses études au Rwanda. Il a déclaré qu'il y avait fréquenté l'école pendant cinq ans. La Commission était de toute évidence étonnée d'apprendre que le demandeur ne parlait pas le kinyarwanda et de l'entendre affirmer que les langues dans lesquelles il avait été instruit dans les écoles du Rwanda étaient le swahili et l'anglais.

[4]          Son témoignage comporte quelques contradictions. Ainsi, après que la Commission se fut explicitement déclarée insatisfaite de sa première réponse, le demandeur a déclaré que les langues d'enseignement dans les écoles étaient le kinyarwanda, le kiglu et le français. Il a toutefois constamment et principalement affirmé que les langues d'enseignement étaient le swahili et l'anglais. La Commission a également été en mesure de constater, par les questions qui lui ont été posées, que le demandeur ne parlait pas le kinyarwanda et qu'il ne connaissait pas l'hymne national rwandais.

[5]          Les commissaires étaient de toute évidence étonnés. Ils ont fait remarquer qu'ils entendaient des affaires rwandaises depuis quelques années et qu'ils avaient l'impression que le kinarwanda et le français étaient les langues prédominantes au Rwanda. À la clôture de l'audience, le 4 juin 1998, la Commission a ajourné la séance pour permettre aux intéressés de demander certains renseignements à la Direction de la recherche de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié :

     [TRADUCTION]         
     [...] Nous voudrions donc suspendre temporairement l'audience. Nous allons demander à Mme Monk de se renseigner auprès du centre de documentation de la Commission en se concentrant sur le témoignage qui a été entendu aujourd'hui, en particulier en ce qui concerne les langues parlées dans la région de Ziangugu. Nous avons l'impression que le kinwanda et le français sont les principales langues parlées au Rwanda. Nous nous serions donc normalement attendus à ce que le revendicateur connaisse mieux ces deux langues. Il se peut fort bien que la région de Ziangugu ait un profil linguistique différent. Nous allons donc demander et obtenir certains renseignements avant de poursuivre.         

[6]          La Commission a bien précisé que ce qui était prévu à l'époque était un ajournement. Il y avait des témoins qui attendaient à l'extérieur de la salle d'audience et qui s'apprêtaient à témoigner pour le compte du demandeur mais qui n'ont pas eu l'occasion de le faire. Leur témoignage ne concernait pas la vie du demandeur au Rwanda, mais uniquement ce qu'ils savaient de lui à son arrivée au Nouveau-Brunswick.

[7]          Les commissaires ont reçu des réponses aux demandes de renseignements qu'ils avaient adressées à la Direction de la recherche. Ils ont appris que les écoles que le demandeur affirmait avoir fréquentées, l'école élémentaire Saint-Pierre et l'école élémentaire Saint-Joseph, n'étaient pas mentionnées dans les registres ou les archives du ministère de l'Éducation du Rwanda.

[8]          Ils ont également appris que la langue parlée au Rwanda, y compris dans la préfecture du Cyangugu, était le kinyarwanda. La Direction de la recherche a déclaré qu'il ressortait d'une conversation téléphonique qui avait eu lieu le 16 juillet 1998 avec le directeur du département des écoles élémentaires du ministère de l'Éducation du Rwanda que le financement des écoles privées et des écoles publiques était assuré par l'État et qu'il était obligatoire de chanter l'hymne national chaque matin. Qui plus est, les commissaires ont appris que toutes les écoles élémentaires, dont celles de Cyangugu, étaient structurées de la même manière et qu'on y enseignait les mêmes matières. Les réponses données en juillet 1998 renvoyaient par ailleurs aux réponses déjà données en septembre 1997 à une demande de renseignements. On y affirmait que la langue d'enseignement dans les écoles élémentaires au Rwanda était le kinyarwanda et qu'on enseignait le français à partir de la quatrième année. Le swahili était considéré comme une langue parlée par une minorité de la population, surtout par les gens d'affaires.

[9]          Ces réponses ont été transmises à l'avocat du demandeur par lettre en date du 11 août 1998. Le 18 août 1998, l'avocat a été avisé qu'il devait répondre à ces documents au plus tard le 11 septembre 1998. Par lettre en date du 21 août 1998, l'avocat a informé l'agent de règlement des cas qu'il cherchait toujours à obtenir d'une source indépendante la confirmation d'une partie des renseignements contenus dans la documentation. L'avocat a envoyé une deuxième lettre semblable le 4 septembre 1998. Le 15 septembre 1998, l'avocat a été avisé qu'il devait répondre au plus tard le 30 du même mois et qu'il devait soumettre au plus tard à cette date tout élément de preuve concernant la question de l'identité personnelle ou de la nationalité du demandeur, à défaut de quoi la Commission rendrait sa décision sur le fondement des éléments de preuve dont elle disposait déjà. Au 30 septembre 1998, aucune réponse n'avait été reçue de la part de l'avocat.

[10]          La Commission a par la suite rejeté la revendication du statut de réfugié du demandeur au motif qu'il n'avait pas réussi à établir son identité personnelle et sa nationalité rwandaises. Pour en arriver à cette conclusion, la Commission s'est fondée principalement sur le témoignage du demandeur au sujet de la langue d'enseignement dans les écoles qu'il avait fréquentées et sur le fait qu'il ne parlait pas le kinyarwanda. La Commission a également déclaré que la version du demandeur manquait de crédibilité parce que son récit des événements survenus en mars et en avril 1994 au Rwanda ne correspondait pas à la description qu'on en trouvait dans les documents de l'époque relatant ces événements. En outre, il était peu plausible qu'il ait traversé le Zaïre à pied sans connaître le français, et son explication qu'un camionneur lui avait offert de son plein gré de le faire passer au Nouveau-Brunswick était peu vraisemblable. Ces conclusions étaient secondaires à la conclusion principale de la Commission au sujet du défaut du demandeur d'établir son identité.

[11]          L'avocat du demandeur affirme qu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle ou aux principes d'équité parce que la Commission a ajourné l'audience du 4 juin 1998 et qu'elle aurait dû reprendre l'audience pour entendre de nouveau le demandeur et ce, d'autant plus que des témoins attendaient qu'on les appelle à la barre pour témoigner pour le compte du demandeur et qu'ils n'ont jamais été entendus. D'ailleurs, ni ces témoins ni le demandeur n'ont eu l'occasion de répondre aux préoccupations soulevées par la Commission au sujet de la crédibilité et de l'invraisemblance.

[12]          Je ne suis pas convaincue qu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle ou aux principes d'équité. La Commission a déclaré dans les termes les plus nets à l'audience qu'elle ne s'intéressait qu'à la question de l'identité du demandeur. Ce n'est qu'une fois que l'identité nationale du demandeur établie que la Commission a pu déterminer si le demandeur était un réfugié en provenance du pays de sa nationalité. Même s'il portait sur le langue que le demandeur parlait lorsqu'il est arrivé (le swahili) et sur le fait qu'on lui avait donné des vêtements à son arrivée, le témoignage des témoins qui n'ont jamais été appelés à la barre ne pouvait répondre à la principale préoccupation de la Commission, en l'occurrence le pays de la nationalité du demandeur. L'avocat du demandeur a reçu les renseignements que la Commission avait obtenus au sujet des écoles que le demandeur affirmait avoir fréquentées et sur la langue d'enseignement au Rwanda. Le demandeur a eu l'occasion de répondre à ces éléments de preuve.

[13]          Dans ces conditions, la décision de la Commission ne constitue pas un manquement aux principes de justice naturelle ou d'équité.

[14]          Par ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     (signature) " B. Reed "

                                     Juge

OTTAWA (Ontario)

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                    

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-5827-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          ADRIC KATAMBALA

    

                         c.
                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :              FRÉDÉRICTON (N.-B.)

                            

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 14 JUILLET 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Reed le 19 juillet 1999

ONT COMPARU :

Me Michèle Brzack                      pour le demandeur

Me Jonahtan D.N. Tarlton                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Clark, Drummie & Company              pour le demandeur

Saint-Jean (N.-B.)

                    

Me Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


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