Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




Date : 20000719


Dossier : T-2521-86


ENTRE :


HANS A. BEHNKE


demandeur


et


LE MINISTÈRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE DAWSON

[1]      Le 19 novembre 1986, Hans A. Behnke a signifié et déposé une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21. Dans cette demande, il sollicitait un examen du refus de communication de renseignements personnels le concernant qui se trouvaient dans les dossiers du ministère des Affaires extérieures. Le ministère sollicite maintenant une ordonnance, conformément à la règle 167 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), rejetant la demande pour cause de retard.

[2]      Le défendeur présente cette requête par écrit en vertu de la règle 369. La requête est étayée par l'affidavit de Claire A.H. leRiche, avocate au ministère de la Justice.

[3]      Le dossier de la requête a été signifié à M.Behnke qui, en réponse, a déposé un « dossier de réponse » . Les documents qui ont été déposés ne renfermaient aucun dossier de requête, mais on demandait essentiellement la tenue d'une audience et une prorogation du délai dans lequel M. Behnke pouvait déposer et signifier son dossier de réponse en vertu des Règles.

[4]      J'ai examiné les documents de M. Behnke et j'ai donné une directive visant à renoncer à l'exigence selon laquelle un dossier de requête devait être déposé par M. Behnke, sollicitant l'autorisation de proroger le délai. J'ai prorogé le délai de signification et de dépôt du dossier de requête en réponse de M. Behnke. J'ai également ordonné à M. Behnke de demander qu'il ne soit pas statué sur la requête sur dossier dans le corps du dossier de requête en réponse, comme l'exige la règle 369.

[5]      M. Behnke a déposé le dossier de requête dans le délai prévu par la directive.

La demande visant à la tenue d'une audience

[6]      En ce qui concerne l'objection qu'il a soulevée relativement au règlement sur dossier de la requête du ministère, M. Behnke a soutenu ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     11.      Il n'existe aucun motif factuel permettant à la Cour de rendre une décision en se fondant uniquement sur les observations écrites compte tenu de la complexité des questions de fait et de droit qui se posent. Selon M. Behnke, une représentation et une défense équitables exigent également que des observations orales soient présentées au sujet des questions et points complexes qui se posent.

[7]      Dans la décision Sterritt c. Canada (1995), 98 F.T.R. 68, confirmé (1995), 98 F.T.R. 72 (C.F. 1re inst.), le protonotaire Hargrave, de la Cour, a examiné la jurisprudence se rapportant à la question de savoir dans quelles circonstances la Cour fera droit à une demande présentée par un défendeur en vue de la tenue d'une audience. Il s'agit notamment des circonstances suivantes : l'affaire est complexe; l'affaire soulève des questions d'intérêt public qui sont nouvelles et une audition orale faciliterait grandement la tâche de la Cour; l'affaire requiert l'appréciation de la crédibilité des témoins et la présentation d'une argumentation juridique exhaustive; il existe des raisons impérieuses de conclure que le demandeur est incapable de présenter adéquatement sa demande par écrit; l'affaire est urgente et peut être tranchée plus rapidement si une audition orale est prescrite; un si grand nombre de personnes sont intéressées à une affaire que la tenue d'une audience permettrait d'éviter une procédure par ailleurs lourde.

[8]      Même si M. Behnke a soutenu le contraire, l'examen des documents que j'ai effectué, cette affaire ne soulève pas de questions ou de points complexes. Je ne puis non plus conclure que l'équité exige que les observations de M. Behnke soient présentées oralement devant la Cour.

[9]      Il ne s'agit pas ici du genre de circonstances dans lesquelles, par le passé, la Cour a autorisé l'audition d'une requête qui devait être jugée sur dossier. Je ne puis constater l'existence d'aucun fondement me permettant de conclure qu'il est nécessaire de tenir une audience. Par conséquent, malgré l'objection soulevée par M. Behnke, la requête du ministère sera jugée sur dossier.

La requête visant au rejet pour cause de retard

[10]      Puisque j'ai statué sur l'objection préliminaire, je dois maintenant examiner la preuve dont la Cour dispose au sujet de la requête visant au rejet pour cause de retard. M. Behnke n'a pas déposé de preuve par affidavit en réponse à l'affidavit de Me leRiche, et il ne l'a pas non plus contre-interrogée au sujet de cet affidavit. Toutefois, il a présenté des observations sur le fond de la requête.

[11]      Dans son affidavit, Me leRiche a relaté comme suit l'historique de l'affaire :
     [TRADUCTION]
     1.      L'avis de demande de M. Behnke a été signifié et déposé le 19 novembre 1986.
     2.      Le 26 janvier 1987, le ministère a signifié et déposé l'affidavit de Michael Bittle, agent, accès à l'information et protection des renseignements personnels, au ministère des Affaires extérieures. M. Bittle a déclaré sous serment que, sur tous les documents expressément demandés par M. Behnke, le ministère avait uniquement cinq documents en sa possession. Dans son affidavit, M. Bittle a mentionné un relieur qui était joint à l'affidavit. Il semble que le relieur n'ait jamais été signifié à M. Behnke, mais qu'il ait été déposé devant la Cour.
     3.      Le 27 août 1987, M. Behnke a signifié au ministère un avis visant à admettre les faits.
     4.      Ce jour-là, l'avocate du ministère de l'époque, Me Charlotte A. Bell, a écrit à M. Behnke pour l'informer qu'à son avis, il n'était pas approprié de déposer un avis visant à admettre les faits dans une instance engagée au moyen d'un avis de demande.
     5.      Par une ordonnance datée du 28 janvier 1988, qui a été rendue par l'ancien juge en chef adjoint, la demande a été ajournée pour une période indéfinie, cette requête devant être présentée par l'une ou l'autre des parties sur préavis de 48 heures.
     6.      Par une ordonnance rendue le 25 mai 1988 par l'ancien juge en chef adjoint, une demande de directives a été ajournée pour une période indéfinie, cette requête devant être présentée par l'une ou l'autre partie, sur préavis de 48 heures.
     7.      Au cours des sept années qui ont suivi l'ajournement de l'affaire pour une période indéfinie, par une lettre en date du 6 novembre 1995, un stagiaire au ministère de la Justice a écrit à M. Behnke pour lui demander s'il avait l'intention de poursuivre l'affaire, ou s'il était prêt à consentir au rejet de l'affaire, sans adjudication des dépens.
     8.      Par une lettre datée du 6 janvier 1996, M. Behnke a fait savoir qu'il avait l'intention de poursuivre l'affaire.
     9.      Dix mois plus tard, le 24 novembre 1996 , M. Behnke a signifié au ministère une requête visant à l'obtention de directives, laquelle devait être présentée le 27 janvier 1997, en vue d'obtenir une ordonnance autorisant « les interrogatoires d'autres personnes aux fins de la communication des documents sollicités » .
     10.      À peu près à ce moment-là, l'avocate du ministère a remarqué qu'elle ne pouvait pas trouver le « relieur » que Michael Bittle avait mentionné dans son affidavit. À la date à laquelle les documents ont été déposés dans la présente requête, on n'avait toujours pas trouvé le relieur.
     11.      Le 27 janvier 1997, le juge Nadon, de cette cour, a rendu une ordonnance prévoyant que M. Behnke pouvait interroger M. Bittle au sujet de l'affidavit que ce dernier avait fait le 22 janvier 1987, à une date qui conviendrait à M. Bittle, à M. Behnke et à l'avocate du ministère.
     12.      Après que cette ordonnance eut été rendue, l'avocate du ministère a appris que M. Bittle prenait sa retraite cette semaine-là.
     13.      Par une lettre en date du 28 janvier 1997, M. Behnke a fait savoir qu'il aimerait examiner tous les documents énumérés dans l'affidavit de M. Bittle.
     14.      Par une lettre datée du 5 février 1997, l'avocate du ministère a répondu que la règle 452 des Règles de la Cour fédérale, soit la règle mentionnée par M. Behnke dans sa demande, ne s'appliquait pas aux demandes de contrôle judiciaire.
     15.      Par une lettre en date du 15 avril 1997, l'avocate du ministère a informé M. Behnke que le coordinateur, accès à l'information et protection des renseignements personnels, qui était en place était prêt à examiner de nouveau les documents énumérés dans l'affidavit de Michael Bittle pour voir s'il y avait autre chose qui puisse être communiqué. L'auteur de la lettre confirmait en outre une conversation téléphonique au cours de laquelle M. Behnke avait fait savoir qu'il aimerait connaître le résultat de cette enquête avant de se désister de sa demande de contrôle judiciaire et avant de déterminer s'il voulait encore contre-interroger M. Bittle au sujet de son affidavit.
     16.      Par une lettre en date du 3 juin 1997, l'avocate du ministère informait M. Behnke qu'aucun document additionnel ne serait communiqué. Elle demandait à M. Behnke s'il voulait se désister de sa demande de contrôle judiciaire.
     17.      Le 30 juillet 1998, un avis d'examen de l'état de l'instance a été délivré par le juge Muldoon.
     18.      Le 31 août 1998, M. Behnke a apparemment signifié au ministère une autre requête en vue d'obtenir des directives sans déposer cette requête devant la Cour.
     19.      Le ministère a répondu à l'avis d'examen de l'état de l'instance en disant que M. Behnke n'avait pas exposé les raisons pour lesquelles la demande ne devait pas être rejetée pour cause de retard.
     20.      Par une ordonnance en date du 11 décembre 1998, le protonotaire adjoint a autorisé la poursuite de l'affaire, en disant qu'il « n'empêchait pas l'exercice de tout droit que le défendeur peut avoir en vue de solliciter le rejet pour défaut de poursuite » . Il a ordonné que l'affaire se poursuive à titre d'instance à gestion spéciale et que tout contre-interrogatoire de M. Bittle soit effectué au plus tard le 1er avril 1999.
     21.      Aucun contre-interrogatoire n'a eu lieu.
     22.      L'avocate du ministère a tenté de communiquer avec M. Bittle en laissant sur son répondeur deux messages dans lesquels elle expliquait la raison de son appel et lui demandait de la rappeler. Ces messages ont été laissés au mois de décembre 1998. M. Bittle n'a pas répondu aux appels téléphoniques.

[12]      Quant aux principes juridiques qui régissent les requêtes visant au rejet pour cause de retard, sur présentation de pareille requête, la Cour est tenue de déterminer, premièrement s'il y a eu retard indu; deuxièmement, si le retard est injustifiable; troisièmement, si le défendeur risque de subir un préjudice sérieux à cause du retard. Voir : Friedrich c. Canada (1998), 143 F.T.R. 42, infirmé pour d'autres motifs, (2000), 252 N.R. 189 (C.A.F.), et Ruggles c. Fording Coal Ltd. (1998), 152 F.T.R. 96 (C.F. 1re inst.).

[13]      Pour le compte du ministère, il a été soutenu que les trois volets de ce critère avaient été satisfaits. Le ministère a soutenu que le retard était indu et que M. Behnke n'avait donné aucune raison pour justifier le retard.

[14]      Le ministère a reconnu que M. Behnke était malade depuis le début de l'année 1997, mais il a souligné qu'avant 1997, M. Behnke n'avait pas expliqué pourquoi il n'avait pas donné suite à la demande de contrôle judiciaire.

[15]      Le ministère a allégué qu'il subirait probablement un préjudice sérieux si l'affaire se poursuivait parce que M. Bittle avait pris sa retraite au mois de janvier 1997 et qu'il n'avait pas répondu aux appels téléphoniques. Il a également été soutenu qu'étant donné qu'il avait pris sa retraite, M. Bittle n'était pas autorisé à communiquer des documents en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le ministère a également souligné que l'on avait perdu le relieur dont M. Bittle faisait mention dans son affidavit.

[16]      En s'opposant à la requête visant au rejet pour cause de retard, M. Behnke a invoqué quatre arguments. Il a dit que l'affidavit de l'avocate étayant la requête avait été fait par une avocate qui n'avait pas directement eu connaissance du dossier de 1986 au mois de mars 1993 en ce sens que la déclarante exerçait ses fonctions depuis le mois de mars 1993 seulement. M. Behnke a soutenu que l'avis d'examen de l'état de l'instance était nul et non avenu parce qu'il n'avait pas reçu la circulaire de renseignements de la Cour à l'intention des avocats au sujet de l'examen de l'état d'une instance. Il a soutenu que la règle 167 en vertu de laquelle la requête visant au rejet avait été présentée et la règle 369 n'étaient en vigueur que depuis l'année 1998 et qu'elles n'avaient pas d'effet rétroactif. Enfin, il a déclaré dans son exposé, sans toutefois étayer la chose au moyen d'une preuve par affidavit, qu'il était traité pour un cancer à la tête et au cou, et ce, depuis le début de l'année 1997. Il a déclaré ne pas être [TRADUCTION] « toujours en mesure d'agir avec célérité » .

[17]      En ce qui concerne l'objection que M. Behnke a soulevée au sujet du caractère adéquat de l'affidavit qui étaye la requête du ministère, je précise au départ que cet affidavit a été fait par une avocate autre que l'avocate qui a présenté des arguments devant la Cour en se fondant sur cet affidavit. Par conséquent, l'autorisation de la Cour n'était pas nécessaire conformément à la règle 82.

[18]      À mon avis, les objections que M. Behnke a soulevées à l'égard de l'affidavit ne sont pas fondées. Dans la mesure où l'affidavit relate des événements qui ont eu lieu entre 1986 et 1993, il est fait mention d'ordonnances, d'affidavits et de lettres qui se trouvent dans le dossier. Il s'agit de documents dont l'avocate peut avoir connaissance, et à l'égard desquels elle peut donc prêter serment.

[19]      M. Behnke a contesté en particulier une déclaration qui était faite dans l'affidavit, selon laquelle il n'avait pas répondu à une lettre de Charlotte A. Bell, mais je ne puis conclure que cette erreur, s'il s'agit d'une erreur, est importante. À mon avis, pareille erreur ne change en outre rien au fait que M. Behnke n'a pas contre-interrogé la déclarante au sujet de son affidavit ou qu'il n'a fourni aucune preuve justifiant le retard.

[20]      De même, à mon avis, l'objection de M. Behnke selon laquelle l'avis d'examen de l'état de l'instance est nul et non avenu n'est pas fondée. La requête visant au rejet est présentée indépendamment de l'avis d'examen de l'état de l'instance. Par conséquent, la validité de l'avis d'examen de l'état de l'instance n'a rien à voir avec la présente requête.

[21]      Quant à l'objection de M. Behnke selon laquelle les règles 167 et 369 des Règles de la Cour fédérale n'étaient pas en vigueur lorsque cette demande a été présentée, la règle 167, en vertu de laquelle cette requête a été présentée, est analogue à l'ancienne règle 440. Dans la décision Ruggles c. Fording Coal Ltd., supra, le juge Gibson de cette cour a conclu que le « critère classique » , en vertu de la règle 440, continuait à s'appliquer aux requêtes présentées en vertu de la règle 167. Le droit n'a pas été fondamentalement modifié depuis lors.

[22]      La règle 501, qui est la règle régissant la transition entre les anciennes et les nouvelles règles, répond au reste de l'objection que M. Behnke a soulevée au sujet de l'effet rétroactif. Elle prévoit ce qui suit, au paragraphe (1) :

501. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les présentes règles s'appliquent à toutes les instances, y compris les procédures engagées après leur entrée en vigueur dans le cadre d'instances introduites avant ce moment.

501. (1) Subject to subsection (2), these Rules apply to all proceedings, including further steps taken in proceedings that were commenced before the coming into force of these Rules.

[23]      M. Behnke n'a fourni aucune explication au sujet de la raison pour laquelle rien n'avait été fait en vue de faire avancer l'affaire entre le 25 mai 1988, date à laquelle l'affaire a été ajournée pour une période indéfinie, et le 24 novembre 1996, date à laquelle M. Behnke a signifié une requête visant à l'obtention de directives au sujet de l'interrogatoire d'autres personnes en vue de la communication de documents (procédure qui n'est pas prévue par les règles qui traitent des demandes). De même, aucune explication n'a été fournie au sujet des raisons pour lesquelles il n'avait pas été donné suite à cette requête. Aucune explication n'a été donnée au sujet de la raison pour laquelle M. Bittle n'avait pas été contre-interrogé en temps opportun au sujet de son affidavit du 22 janvier 1987 après que le juge Nadon eut rendu une ordonnance le 27 janvier 1997, soit dix ans après que l'affidavit eut été fait. Aucune explication n'a été donnée au sujet de la raison pour laquelle pareil contre-interrogatoire n'avait toujours pas eu lieu le 1er avril 1999, alors que le protonotaire adjoint avait ordonné que tout contre-interrogatoire de M. Bittle soit effectué au plus tard à cette date.

[24]      En ce qui concerne la déclaration selon laquelle, depuis le début de l'année 1997, M. Behnke était traité pour un cancer, cela n'explique pas le retard qui s'est produit entre 1988 et le début de l'année 1997. En outre, bien que sa maladie soit sans aucun doute une circonstance tragique, M. Behnke a simplement fait remarquer qu'il n'était pas [TRADUCTION] « toujours en mesure d'agir avec célérité » . J'ai conclu que cette explication ne suffit pas pour que le demandeur ne porte pas attention à cette affaire.

[25]      Un retard indu n'est pas apprécié à compter du moment où la dernière mesure a été prise dans une instance, mais exige plutôt qu'il soit tenu compte de toute la période pendant laquelle la procédure était en instance (voir : Conseil de la bande Hagwilget c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (1996), 115 F.T.R. 268 (prot.).

[26]      Je conclus donc qu'il y a eu retard indu dans la conduite de la présente affaire et que le retard est injustifié et injustifiable.

[27]      Le dernier point à examiner est de savoir si le ministère risque de subir un préjudice sérieux par suite du retard.

[28]      Je suis convaincue que le ministère a établi l'existence d'un préjudice en ce sens que l'auteur de l'affidavit en réponse, M. Bittle, a pris sa retraite et qu'il ne relève plus du ministère. M. Bittle a apparemment manifesté un manque d'enthousiasme lorsqu'il s'est agi de continuer à participer à ce litige.

[29]      Je conclus également qu'un préjudice a été subi par suite de la perte du relieur de documents, même si, en l'absence d'autres éléments de preuve au sujet de l'effet de pareille perte, je ne puis conclure que la perte de ces documents en soi empêcherait le règlement équitable de la demande.

[30]      Quant à la suffisance de la preuve relative au préjudice, cette question a été examinée par la Chambre des lords, sans toutefois être tranchée, dans la décision Grovit and others v. Doctor and Others, [1997] H.L.J. No. 14 (H.L.).

[31]      La décision de la Chambre des lords a été examinée par le protonotaire Hargrave dans la décision Universal Graphics Ltd. c. Canada (1997), 135 F.T.R. 71, où le protonotaire a fait remarquer ce qui suit, au paragraphe 10 de ses motifs :

     Pour sa part, la Cour fédérale compte dans ses dossiers un nombre important d'actions qui sont intentées depuis belle lurette. Dans certains cas, le délai découle simplement des circonstances et de l'objet de l'affaire. Dans d'autres, il est imputable à une partie demanderesse qui a perdu intérêt, mais qui n'est pas disposée à se désister de l'instance, ce qui occasionne des frais à la partie adverse, que ce soit en temps ou en argent, et suscite de l'anxiété. La Cour devrait pouvoir accorder une réparation lorsque les circonstances le justifient sans devoir conclure à l'existence d'un préjudice en présumant que la mémoire des témoins s'est estompée avec le temps ou, pis encore, en obligeant la partie défenderesse à démontrer effectivement que la mémoire des témoins s'est estompée, ce qui nuirait par le fait même à la position de cette même partie si la requête devait échouer.

[32]      Je souscris aux remarques du protonotaire; je note que les Règles reconnaissent les conséquences néfastes et les coûts additionnels qu'entraîne pour les parties un litige qui s'éternise. Le retard porte également atteinte à la réputation et à l'efficacité du système judiciaire.

[33]      Je conclus donc, dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, qu'eu égard aux circonstances, le ministère a suffisamment prouvé l'existence d'un préjudice.

[34]      Par conséquent, cette instance est radiée.

[35]      Les dépens n'ont pas été demandés, et aucune ordonnance n'est rendue à leur égard.



ORDONNANCE

[36]      Pour les motifs susmentionnés, il est ordonné que cette demande soit rejetée sans que les dépens soient adjugés.





                             « Eleanor R. Dawson »                                      Juge


Ottawa (Ontario)

Le 19 juillet 2000


Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU DOSSIER :                  T-2521-86

INTITULÉ DE LA CAUSE :          HANS A. BEHNKE c. LE MINISTÈRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE DAWSON EN DATE DU 19 JUILLET 2000.


ARGUMENTATION ÉCRITE :

Hans A. Behnke                  pour son propre compte

Neeta Logsetty                  pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.