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Date : 20040402

Dossier : T-2221-98

Référence : 2004 CF 521

ENTRE :

                                           ROLLS-ROYCE plc, ROLLS-ROYCE ET

                                          BENTLEY MOTORS CARS LIMITED, et

                                                  BENTLEY MOTORS LIMITED

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                          - et -

                                 IAN D. FITZWILLIAM, ROLLS-ROYCE LIMITED,

                                      ROLLS-ROYCE MOTOR CARS LIMITED, et

                                                  BENTLEY MOTORS LIMITED

                                                                                                                                          défendeurs

                                               TAXATION DE DÉPENS - MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur


[1]                Le 24 mai 2002, les demanderesses obtenaient un jugement sommaire (ci-après le « jugement » ), avec dépens, dans une action concernant la contrefaçon, par les défenderesses, de plusieurs marques de commerce. Le redressement accordé par le jugement consistait en déclarations de validité de marques de commerce appartenant aux demanderesses, ainsi qu'en ordonnances interdisant aux défendeurs de contrefaire les marques de commerce, imposant l'abandon de certaines matières et accordant des dommages-intérêts. Les demanderesses ont par la suite obtenu et reçu des directives concernant les dépens, directives qui prévoyaient une taxation selon l'extrémité supérieure de la colonne IV du tarif B, eu égard à l'ampleur de la préparation requise de la part des demanderesses.

[2]                Le dossier fait état de l'existence de plusieurs doutes dans l'esprit du défendeur, Ian D. Fitzwilliam, un profane, censé agir au nom des autres défenderesses, qui sont des personnes morales. Lors de l'instruction de la taxation des dépens devant moi, M. Fitzwilliam a confirmé qu'il avait accepté, en son nom et au nom des défenderesses personnes morales, un avis d'acte de procédure se rapportant à la taxation des dépens des demanderesses, et il a indiqué qu'il est le mandant des défenderesses personnes morales. J'ai relevé que le mémoire de dépens des demanderesses était en suspens depuis quelque temps et lui ai demandé ce qu'il avait fait pour retenir les services d'un avocat. Il a déclaré qu'il n'avait pris aucune mesure en ce sens parce qu'il est sans ressources et que les défenderesses personnes morales sont sur le point d'être dissoutes. À cette étape tardive du litige, j'ai pensé qu'un ajournement ne servirait aucune fin utile, et j'ai procédé à la taxation des dépens.


[3]                M. Fitzwilliam a évoqué plusieurs ordonnances interlocutoires qui l'avaient condamné à des dépens forfaitaires, et il a affirmé qu'il entendait faire valoir devant moi uniquement le fait que les demanderesses étaient empêchées d'obtenir le règlement de ce mémoire de dépens parce que, disait-il, la question des dépens avait déjà été réglée selon la formule de répartition. Me fondant sur l'ouvrage Bills of Costs and Assessment, Federal Court Practice - mise à jour 2003, 19 septembre 2003, de la Continuing Legal Education Society of British Columbia, j'ai alors expliqué à M. Fitzwilliam les concepts et principes fondamentaux de la taxation des dépens dans les procès, et notamment ce que signifie l'adjudication de dépens forfaitaires à laquelle il avait fait allusion, et je lui ai indiqué que les demanderesses avaient le droit, conformément au jugement, de réclamer des dépens en sus des divers dépens forfaitaires ainsi adjugés. J'ai alors obtenu confirmation de M. Fitzwilliam qu'il ne connaît pas très bien les Règles et le Tarif en ce qui a trait aux dépens. Je lui ai indiqué que, à mon avis, il n'était pas en position de contester valablement, point par point, le mémoire de dépens des demanderesses et que je n'étais pas disposé, vu les circonstances de ce litige, à le laisser accumuler, à la faveur d'une audience menée devant moi sans préparation, les frais de comparution devant être payés par les demanderesses à leur avocate.


[4]                Je me suis alors adressé ainsi à l'avocate des demanderesses. Effectivement, l'absence d'observations utiles présentées au nom des défendeurs, observations qui auraient pu m'aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens des demanderesses ne se heurte à aucune opposition rationnelle. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c'est que les Règles de la Cour fédérale (1998) ne prévoient pas qu'un plaideur puisse compter qu'un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d'un mémoire de dépens. Cependant, l'officier taxateur ne peut certifier d'éléments illicites, c'est-à-dire des postes qui dépassent ce qu'autorisent le jugement et le tarif. J'ai examiné en fonction de ces paramètres chaque élément réclamé dans le mémoire de dépens, ainsi que les pièces justificatives. Le mémoire contient des éléments qui se rapportent aux services d'avocats et qui auraient pu susciter un désaccord, mais la somme totale réclamée dans le mémoire peut généralement, eu égard aux limites de l'adjudication des dépens, se défendre en tant que somme raisonnable, au vu des circonstances de ce litige. Cependant, le mémoire contient des éléments qui requièrent sans doute une intervention, compte tenu des paramètres évoqués ci-dessus, et vu qu'il y a opposition générale à ce mémoire de dépens. À tous autres égards, le mémoire de dépens serait accepté tel quel, sous réserve d'une confirmation des calculs.


[5]                J'ai ensuite exposé les éléments sujets à caution et j'ai établi un calendrier comportant de brefs délais pour le dépôt de conclusions écrites. À ce stade, M. Fitzwilliam a indiqué qu'il venait tout juste de saisir les conséquences véritables du mémoire de dépens. Il a mis en doute le droit des demanderesses à la TPS, s'est demandé si la somme de 22 179 $ attribuable au témoin expert était raisonnable, a fait allusion à des documents de recherche susceptibles d'être produits pour contester certains éléments du mémoire de dépens et a laissé entendre qu'il ferait probablement appel de ma décision afin de préserver ses droits de contestation. S'agissant de ses doutes relatifs à la TPS et au compte du témoin expert, je lui ai rappelé que mon acceptation ci-dessus du mémoire de dépens des demanderesses s'accordait avec les motifs que j'avais exposés respectivement dans l'affaire Englander c. Telus Communications Inc. [2004] A.C.F. n ° 440 (O.T.) et dans l'affaire Merck & Co. Inc. et al. c. Apotex Inc. [2002] A.C.F. n ° 1116 (O.T.), confirmée [2002] A.C.F. n ° 1357 (C.F. 1re inst.), et dans l'affaire Bayer A.G. et al. c. Apotex Inc. et al. [2002] A.C.F. n ° 1693 (O.T.). Je lui ai également rappelé que, selon des précédents tels que l'arrêt La Reine c. Capitol Life Ins. Co. [1988] 2 C.T.C. 101, à la page 110 (C.A.F.), des preuves supplémentaires ne peuvent être produites dans une demande de contrôle d'une taxation de dépens. Je lui ai indiqué qu'il avait eu tout le temps nécessaire pour tirer parti de son droit de contre-interroger les demanderesses sur leur affidavit au soutien de leurs dépens, mais qu'il ne l'avait pas fait. L'avocate des demanderesses a alors appelé mon attention sur certaines erreurs de présentation dans le mémoire de dépens et m'a demandé l'autorisation de les corriger. Elle a aussi demandé l'autorisation d'insérer une réclamation pour les intérêts et pour le poste 26 (taxation des frais) en application de la règle 408(3). Je lui ai accordé cette autorisation et j'ai ordonné la signification et le dépôt d'un mémoire de dépens modifié.

[6]                Ma première inquiétude était la décision du 10 juin 1999 accordant un jugement par défaut à l'encontre des défenderesses personnes morales et les condamnant aux dépens selon la colonne III, mais avec une clause prévoyant que ledit jugement par défaut deviendrait caduc si elles obtenaient gain de cause dans l'appel qu'elles avaient interjeté contre une ordonnance antérieure de la Cour. Selon le dossier (voir les paragraphes [10] à [14] inclusivement des motifs du jugement en date du 24 mai 2002), ledit appel avait effectivement été accueilli, mais je voulais confirmer auprès des parties que c'était là également ce qu'elles croyaient comprendre. M. Fitzwilliam a confirmé que les défenderesses personnes morales avaient eu gain de cause dans leur appel. J'arrive donc à la conclusion que la manière dont je taxe les dépens des demanderesses vaut pour tous les défendeurs.

[7]                Ma deuxième inquiétude résultait du principe selon lequel une demande reconventionnelle est essentiellement une action indépendante de l'action principale. Je voulais me convaincre que les réclamations pour les dépens de la demande reconventionnelle étaient une fonction du jugement, ou peut-être un jugement distinct. Les demanderesses ont relevé que, dans leur demande reconventionnelle, les défendeurs avaient sollicité un redressement déclarant que deux marques de commerce enregistrées étaient invalides et radiant lesdits enregistrements. Le jugement disait plutôt que les deux marques étaient valides. Par conséquent, les demanderesses ont droit aux coûts afférents de la demande reconventionnelle. J'ai examiné les actes de procédure et je partage l'avis des demanderesses.

[8]                Ma troisième inquiétude résultait de l'explication susmentionnée que j'avais donnée à M. Fitzwilliam à propos des concepts et principes de l'adjudication de dépens, eu égard en particulier au pouvoir qui m'est conféré par les articles 400(1) et 405 des Règles. L'ordonnance datée du 5 décembre 2000 ajournait pour un temps indéfini la requête des demanderesses en injonction interlocutoire, pour présentation moyennant avis de trois jours, maintenait l'injonction provisoire déjà existante jusqu'à ce qu'il soit disposé au fond de l'injonction interlocutoire, et renvoyait la question des dépens de la requête courante au juge appelé à statuer sur la requête en injonction interlocutoire. J'ai voulu me convaincre que ce juge avait exercé validement le pouvoir conféré par la règle 400(1), en ce qui a trait aux dépens se rapportant à l'ordonnance du 5 décembre 2000.

[9]                Selon les demanderesses, le dossier confirme que leur requête en injonction interlocutoire a été instruite en même temps que leur requête distincte en jugement sommaire et que les directives relatives aux dépens (ordonnance datée du 26 mars 2003, rendue par le juge qui avait instruit les deux requêtes) signifient que le juge défini par l'ordonnance du 5 décembre 2000 avait accordé les dépens associés à cette dernière ordonnance.

[10]            Je relève que le compte rendu d'audience fait état d'un consentement à la requête en injonction interlocutoire, mais avec certaines oppositions. Les motifs du jugement, en date du 24 mai 2002, résument l'historique de l'injonction provisoire existant à l'époque de l'audition finale d'une demande d'injonction interlocutoire, mais le sommaire des questions de la Cour, au paragraphe [41], ne parle pas expressément d'une injonction. Cependant, le point numéro 8, au paragraphe [73], délivre l'injonction sollicitée par les demanderesses. Les motifs de l'ordonnance renfermant des directives concernant les dépens (26 mars 2003) évoquent, au paragraphe [1], la requête des demanderesses pour que leur soient adjugés les dépens de leurs requêtes en injonction interlocutoire et en jugement sommaire, puis ils précisent, au paragraphe [2], ce qui suit :

[traduction] Dans mes motifs d'ordonnance se rapportant à cette requête en jugement sommaire, j'ai ordonné que « les demanderesses obtiendront leurs dépens dans la présente action, plus la TPS » . Les demanderesses voulaient, dans leur projet d'ordonnance accordant un jugement sommaire, au paragraphe 12, que leur soient adjugés « leurs dépens avocat-client dans cette action, plus la TPS » . Hormis que je n'ai pas accordé les dépens avocat-client, j'ai accordé les dépens demandés par le projet d'ordonnance. Pour ce motif, je ne suis pas disposé à réexaminer mon ordonnance initiale en la matière. Quoi qu'il en soit, bien que ce ne soit pas nécessaire pour la présente requête, il semblerait que les dépens de cette action englobent le genre de dépens sollicités par les demanderesses.

                                                                                                    [Non souligné dans le texte]


Des précédents tels que Genpharm Inc. c. Le Ministre de la Santé et al., [2002] A.C.F. n ° 1018 (C.A.F.), au paragraphe [8], m'autorisent à examiner les motifs du tribunal, afin de déterminer, si cela est nécessaire, l'intention exprimée par le tribunal dans sa décision. Le juge qui a présidé l'unique audience englobant la requête en jugement sommaire et la requête en injonction interlocutoire a accordé le redressement sollicité, dans l'unique décision datée du 24 mai 2002, à la faveur de plusieurs prononcés distincts qui s'y trouvent. Je présume que ce juge savait que sa décision concernant les dépens ne pourrait pas supplanter ou modifier des adjudications interlocutoires de dépens : voir l'affaire Webster c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. n ° 1652 (O.T.). Par conséquent, d'après moi, le paragraphe [2] de ses motifs susmentionnés signifie que les demanderesses avaient droit à leurs dépens résultant de l'injonction interlocutoire, et j'accepte les dépens en question tels qu'ils ont été présentés.


[11]            Les demanderesses disent que les dépens indiqués au poste 26 peuvent être doublés (article 420 des Règles, et offres de règlement), et elles ont fait valoir que les directives concernant les dépens ne limitaient pas le doublement des honoraires d'avocats aux événements survenus jusqu'au prononcé du jugement inclusivement. Je partage leur avis et j'observe que, en tout état de cause, vu le texte impératif de la règle 420(1), j'avais le pouvoir, selon la règle 405, de décider ce point. La règle 420(1) ne précise pas une date finale pour le doublement des dépens, mais cette date serait probablement celle du dernier événement taxable survenu au cours du procès, c'est-à-dire, en l'occurrence, le poste 26. J'accepte le poste 26 tel quel, à 7 unités, plus le doublement. Le mémoire de dépens modifié des demanderesses est taxé et accepté tel quel pour la somme de 101 818 $, avec les intérêts, selon ce que prévoit le paragraphe 37(1) de la Loi sur les Cours fédérales et les articles 129 et 130 de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario (l'article 127 fixe les taux applicables).

          « Charles E. Stinson »          

   Officier taxateur

Vancouver (C.-B.)

le 2 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-2221-98

INTITULÉ :               ROLLS-ROYCE plc et autres

                                                                                     demanderesses

- et -

IAN D. FITZWILLIAM et autres

                                                                                            défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 19 MARS 2004

MOTIFS DE LA TAXATION DE DÉPENS :          CHARLES E. STINSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 2 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Geneviève M. Prévost                                       pour les demanderesses

Ian D. Fitzwilliam                                               pour lui-même

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                                                 pour les demanderesses

Toronto (Ontario)


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