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Date : 20040510

Dossier : IMM-2729-03

Référence : 2004 CF 682

Ottawa (Ontario), le lundi 10 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                              RAYAPPU JOSEPH

MALLIMALAR JOSEPH

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                                                             

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON


[1]                Rayappu et Mallimalar Joseph sont des citoyens du Sri Lanka. Le 4 février 1999, la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Subséquemment, en novembre 2001, M. et Mme Joseph ont été expulsés vers les États-Unis. Ils sont restés aux États-Unis jusqu'à leur retour au Canada en février 2002. Ils ont alors revendiqué une seconde fois le statut de réfugié, à la frontière, comme ils avaient le droit de le faire. La présente demande de contrôle judiciaire porte sur le rejet de cette seconde demande du statut par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

[2]                À l'audience devant la SPR pour leur seconde demande, M. et Mme Joseph ont tous deux voulu déposer en preuve un nouveau Formulaire de renseignements personnels (FRP) et des documents supplémentaires. Ils sont aussi sollicité la possibilité de témoigner de vive voix sous serment. Ces témoignages devaient, selon leur avocat, se limiter à la nouvelle preuve se rapportant aux faits survenus après la première audience. Leur avocat a précisé qu'il n'avait pas l'intention de revenir sur la première revendication. Les nouveaux FRP avaient trait à des faits survenus en 2001, soit bien après l'audience devant la SSR.

[3]                La déclaration d'intention de leur avocat de ne pas revenir sur les questions qui avaient fait l'objet de la première audience était conforme à la jurisprudence de la Cour, par exemple, Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1769 (1re inst.). Selon cette jurisprudence, un demandeur du statut de réfugié ne peut pas, lors d'une deuxième audience et en raison du principe de la chose jugée, soulever de nouveau des questions qui ont déjà été tranchées.


[4]                À l'audience de la seconde demande, la SPR a « refusé d'entendre le témoignage de l'un ou l'autre demandeur » . Aucun poids n'a été donné à leurs FRP parce que la SPR ne leur avait pas permis de les déposer sous serment. La SPR a refusé à M. et Mme Joseph de rendre témoignage de vive voix parce que leurs témoignages antérieurs avaient été considérés non fiables. La SPR a donc conclu que : « la question de la crédibilité et de la fiabilité des demandeurs en tant que témoins [...] était chose jugée » .

[5]                La SPR a commis une erreur en tirant cette conclusion. Une conclusion antérieure selon laquelle le témoignage livré par un témoin n'était pas crédible ou fiable ne saurait dicter, en vertu de la doctrine de la chose jugée, la conclusion à tirer quant à la crédibilité ou à la fiabilité d'un témoignage subséquent du témoin sur des faits différents. Pour dire les choses plus simplement, le fait qu'un témoin ait été jugé non fiable par le passé ne permet pas d'affirmer qu'un témoignage différent donné ultérieurement est ou n'est pas fiable.


[6]                Le ministre admet qu'affirmer qu'un témoignage sur des nouveaux faits ne sera pas fiable parce que le témoignage antérieur n'était pas fiable est [traduction] « exagéré » . Cependant, le ministre allègue que la Cour devrait conclure, à partir du contenu des nouveaux FRP et du défaut de M. et Mme Joseph de préciser les témoignages qu'ils avaient l'intention de donner à la SPR, que leur demande [traduction] « n'est rien de neuf » . Par conséquent, selon le ministre, même si la SPR avait erronément rejeté et refusé d'entendre les témoignages de M. et Mme Joseph, la Cour ne devrait pas ordonner une nouvelle audience, parce que l'issue d'une telle audience est déjà connu : la SPR n'aurait pas d'autre choix que de rejeter la demande du fait que toutes les questions de fait et de droit soulevées sont du domaine de la chose jugée. Le ministre s'appuie sur des arrêts tels que Yassine c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 172 N.R. 308 (C.A.F.).

[7]                Le manque d'équité dans la tenue d'une audience annule normalement cette audience et exige la tenue d'une nouvelle audience. On ne m'a pas convaincue que, pour reprendre les termes cités par la Cour suprême dans l'arrêt Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, le fondement de la demande de M. et Mme Joseph est à ce point faible que son renvoi devant la SPR serait sans espoir.

[8]                La demande de contrôle judiciaire sera par conséquent accueillie.

[9]                Les avocats n'ont pas demandé la certification d'une question, et l'affaire n'en soulève aucune.


                                                                ORDONNANCE

[10]            LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section de la protection des réfugiés du 19 mars 2003 est par la présente annulée.

2.         L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu'il rende une nouvelle décision.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-2729-03

INTITULÉ DE LA CAUSE :                   RAYAPPU JOSEPH

MALLIMALAR JOSEPH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 5 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                            LA JUGE DAWSON

DATE :                                                      LE 10 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton                                                                          POUR LES DEMANDEURS

David Tyndale                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LE DÉFENDEUR


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