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Date : 20000609


Dossier : IMM-760-99

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 9 JUIN 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON


ENTRE :


GANESH KRISHNAMURTHY


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



O R D O N N A N C E

     LA COUR ORDONNE :

     Que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la décision de l'agent des visas datée du 21 décembre 1998 soit annulée.

     L'affaire doit être renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci, sans toutefois tenir compte du dossier relatif à la décision que la Cour annule par la présente ordonnance.


« Eleanor R. Dawson »

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000609


Dossier : IMM-760-99


ENTRE :


GANESH KRISHNAMURTHY


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE DAWSON


[1]      En février 1997, Ganesh Krishnamurthy a présenté une demande de résidence permanente au Canada. Comme il a présenté sa demande en tant que demandeur indépendant, l'agent des visas devait, en vertu du paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, modifié (le Règlement), apprécier un certain nombre de facteurs.

[2]      Le résultat de l'appréciation de la demande de M. Krishnamurthy a été communiqué à ce dernier dans une lettre datée du 21 décembre 1998. L'agent des visas a conclu que M. Krishnamurthy n'est pas parvenu à obtenir le nombre de points d'appréciation (60) nécessaires en vue d'être admissible à une entrevue. En conséquence, l'agent des visas a conclu que M. Krishnamurthy ne satisfaisait pas aux exigences applicables pour immigrer au Canada.

[3]      Monsieur Krishnamurthy cherche à obtenir une ordonnance annulant cette décision de l'agent des visas. Il soutient notamment que l'agent des visas n'a pas apprécié sa demande conformément à l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 6 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (la Loi).

LES FAITS

[4]      Monsieur Krishnamurthy a accompagné sa demande de résidence permanente d'une lettre datée du 8 février 1997, qui l'identifiait de la façon suivante :

[TRADUCTION]

OBJET :      KRISHNAMURTHY, Ganesh              (demandeur principal)
         date de naissance : 11/09/72
Demandeur indépendant faisant partie de la catégorie
CNP 4111-111 Secrétaire de direction
ou
CNP 4111-110 Secrétaire

[5]      Le demandeur a indiqué, sur le formulaire de demande qu'il a signé, qu'il avait l'intention d'exercer la profession de « Secrétaire de direction/Secrétaire » au Canada.

[6]      Voici les parties pertinentes de la décision de l'agent des visas :

[TRADUCTION]
J'ai maintenant terminé l'évaluation de votre demande et j'ai le regret de vous informer qu'il a été déterminé que vous ne satisfaites pas aux critères applicables en vue d'immigrer au Canada.
Le paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 prévoit que les immigrants indépendants de la catégorie que vous avez invoquée sont appréciés sur la base de l'âge, des études, de la formation, de l'expérience, du facteur professionnel, du facteur de l'emploi réservé ou de la profession désignée, du facteur démographique, de la personnalité et de la connaissance du français et de l'anglais. Compte tenu des renseignements que vous avez fournis dans votre formulaire de demande, vous avez été apprécié selon les exigences liées aux professions de secrétaire sténographe (CCDP: 4111-110 et CNP: 1241.0) et de sténographe (CCDP: 4111-118 et CNP: 1241.0). Voici les points d'appréciation qui vous ont été alloués pour chacun des critères de sélection :
...
Vu l'article 11.1a)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978, vous n'avez pas obtenu au moins 60 points d'appréciation, soit le nombre minimal de points que le candidat doit obtenir pour être admissible à une entrevue.

[7]      La demande de M. Krishnamurthy est parvenue au Haut-commissariat du Canada, à New Delhi, le 11 février 1997.

[8]      L'agent des visas a déclaré, dans l'affidavit qu'il a produit dans la présente instance pour s'opposer aux arguments du demandeur :

[TRADUCTION] Comme la demande nous est parvenue alors que la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP) était en vigueur et qu'elle a été appréciée après que la Classification nationale des professions (CNP) a été créée, la demande a été appréciée en fonction de la CCDP et de la CNP.

[9]      L'agent des visas a également déclaré qu'il avait apprécié le demandeur en tant que secrétaire sténographe et que sténographe.

[10]      Selon la CCDP, M. Krishnamurthy a obtenu 59 points d'appréciation en tant que secrétaire sténographe et 48 points en tant que sténographe. Selon la NCP, il a obtenu 53 points d'appréciation en tant que secrétaire sténographe et 53 points en tant que sténographe.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[11]      Le paragraphe 6(1) énonce le principe général suivant :

6. (1) Subject to this Act and the regulations, any immigrant, including a Convention refugee, and all dependants, if any, may be granted landing if it is established to the satisfaction of an immigration officer that the immigrant meets the selection standards established by the regulations for the purpose of determining whether or not and the degree to which the immigrant will be able to become successfully established in Canada, as determined in accordance with the regulations.

6. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, tout immigrant, notamment tout réfugié au sens de la Convention, ainsi que toutes les personnes à sa charge peuvent obtenir le droit d'établissement si l'agent d'immigration est convaincu que l'immigrant satisfait aux normes réglementaires de sélection visant à déterminer s'il pourra ou non réussir son installation au Canada, au sens des règlements, et si oui, dans quelle mesure.

[12]      Voici ce que prévoit le paragraphe 8(1) du Règlement :

8. (1) Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants, other than a member of the family class, a Convention refugee seeking resettlement or an immigrant who intends to reside in the Province of Quebec, will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant

(a) in the case of an immigrant, other than an immigrant described in paragraph (b) or (c), on the basis of each of the factors listed in column I of Schedule I;

(b) in the case of an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factor set out in item 5 thereof;

(c) in the case of an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factors set out in items 4 and 5 thereof.

8. (1) Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, à l'exception d'un parent, d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller et d'un immigrant qui entend résider au Québec, pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint :


a) dans le cas d'un immigrant qui n'est pas visé aux alinéas b) ou c), suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I;

b) dans le cas d'un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, autre que le facteur visé à l'article 5 de cette annexe;

c) dans le cas d'un entrepreneur, d'un investisseur ou d'un candidat d'une province, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, sauf ceux visés aux articles 4 et 5 de cette annexe.

[13]      Les éléments de l'annexe I du Règlement en fonction desquels les demandeurs comme M. Krishnamurthy sont appréciés comprennent des facteurs tels les études, les études et la formation, l'expérience, le facteur professionnel, etc. La CCDP et la CNP sont pertinentes en raison du facteur professionnel, qui prévoit que des points d'appréciation soient attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la CCDP ou la CNP.
LES QUESTIONS LITIGIEUSES
[14]      Monsieur Krishnamurthy a soulevé trois questions litigieuses dans la présente demande. Il fait valoir :
     i)      Que l'agent des visas n'a pas apprécié sa demande conformément à l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 6 de la Loi;
     ii)      Que l'agent des visas a violé une obligation d'équité procédurale qui lui incombait lorsqu'il a omis d'informer M. Krishnamurthy de toute réserve qu'il avait à son sujet;
     iii)      Que l'agent des visas a commis une erreur en interprétant ce que constitue une formation professionnelle particulière.
L'ANALYSE
[15]      À mon avis, il ressort clairement de la demande de résidence permanente elle-même et de la lettre qui l'accompagnait que M. Krishnamurthy a présenté sa demande de résidence permanente en invoquant tant la catégorie des secrétaires de direction que celle des secrétaires. En effet, c'est ce qu'il a lui-même dit dans sa lettre d'accompagnement (qui renvoie expressément aux deux numéros de classification de la CCDP), et c'est ce que l'on peut raisonnablement déduire de l'expression « secrétaire de direction/secrétaire » qu'il utilise dans la demande.
[16]      En vertu du paragraphe 2.03(1) du Règlement, la demande de M. Krishnamurthy devait être appréciée en fonction de la CCDP, étant donné qu'elle a été présentée avant le 1er mai 1997.
[17]      Voici les descriptions d'emplois pertinentes de la CCDP auxquelles M. Krishnamurthy a renvoyées dans sa lettre d'accompagnement :
4111-111      SECRÉTAIRE DE DIRECTION (bureau)
Remplit des fonctions administratives et de secrétaire de direction :
Exécute des tâches analogues à celles qui sont énoncées sous le titre 4111-110 SECRÉTAIRE (bureau), en mettant à profit son expérience de secrétaire et ses connaissances en administration et en relations publiques. Organise des conférences et des réunions, et s'occupe de trouver et de compiler l'information nécessaire à l'employeur. Traite des affaires courantes lorsque l'employeur est absent. Peut accomplir d'autres tâches connexes et notamment surveiller des employés de bureau.
...
4111-110      SECRÉTAIRE (bureau)
         secrétaire sténographe
Fixe les rendez-vous, répond aux demandes de renseignements, prend la dictée et libère son employeur de certains travaux de bureau et de certains détails administratifs et affaires courantes de moindre importance, en exécutant toute combinaison des tâches suivantes :
Lit et transmet le courrier reçu. Joint les dossiers pertinents aux lettres qui demandent réponse de l'employeur. Prend la dictée en sténographie ou sur une sténotype et transcrit en dactylographie les notes sténographiques ou les enregistrements au dictaphone. Rédige et dactylographie la correspondance. Classe la correspondance et autres documents. Répond aux demandes de renseignements par téléphone ou transmet l'appel à la personne compétente et effectue des appels à l'extérieur. Fixe les rendez-vous pour son employeur et les lui rappelle en temps voulu. Reçoit les visiteurs, s'enquiert du motif de leur visite et les introduit auprès de l'employeur ou de la personne compétente. Dresse et dactylographie des rapports statistiques. Dresse les procès-verbaux des réunions.
Peut classer des documents confidentiels touchant le personnel. Peut établir les itinéraires des voyages et faire les réservations nécessaires.
Peut être désigné selon les fonctions, par exemple :
Secrétaire juridique
Secrétaire médical
Secrétaire privé
Secrétaire aux rendez-vous
[18]      Il ressort d'un examen de chaque description qu'il existe des différences entre les tâches liées à chaque poste.
[19]      Il ressort de la jurisprudence qu'un demandeur a le droit de faire apprécier sa demande en fonction de la profession de son choix. C'est ce que la Cour d'appel fédérale a dit, de la façon suivante, dans l'arrêt Uy c. Canada, [1991] 2 C.F. 201 (C.A.F.), à la page 204 :
À mon avis, l'article 6 de la Loi oblige l'agent des visas à apprécier tout immigrant qui sollicite le droit d'établissement de la manière prescrite par la Loi et le Règlement. Le paragraphe 8(1) du Règlement impose, à titre obligatoire, un devoir d'apprécier. Or, je ne trouve rien dans la Loi ou dans le Règlement qui permette à l'agent des visas de refuser d'apprécier l'immigrant (ou son conjoint) à l'égard de la profession principale ou des professions subsidiaires qu'il déclare avoir l'intention d'exercer au Canada. L'agent des visas a commis une erreur de droit et a excédé sa compétence en refusant d'apprécier l'appelant, aux fins de son admission au Canada, à titre de technologue médical.
Voir également, sur ce point, la décision Issaeva c. Canada, [119] A.C.F. no 1679, qui va dans le même sens.
[20]      Le défendeur a fait valoir que l'agent des visas avait apprécié la demande en fonction des études et antécédents professionnels que le demandeur avait décrits dans cette dernière. Il a également soutenu que la prétention selon laquelle le demandeur n'a pas été apprécié en tant que « secrétaire de direction » n'était pas fondée, vu qu'il ressort d'un examen de la profession CNP: 1241.0 que la catégorie « secrétaires » renvoie à la profession de secrétaire de direction.
[21]      Je ne trouve ni l'une ni l'autre prétention convaincante.
[22]      Comme je l'ai déjà mentionné, l'agent des visas était tenu d'apprécier le demandeur en fonction de la profession qu'il entendait exercer. Or, comme le système de classification applicable était la CCDP, qui traite des professions de secrétaire et de secrétaire de direction de façon distincte, je ne conclus pas que le défendeur peut se fonder sur les dispositions de la profession CNP : 1241.0 pour soutenir qu'une appréciation en vertu de la catégorie prévue au CNP est suffisante parce qu'elle comprend un renvoi à la profession de secrétaire de direction.
[23]      Le défendeur a soutenu dans sa plaidoirie devant moi que l'utilisation de la barre oblique dans l'expression « secrétaire de direction/secrétaire » dans le formulaire de demande avait pour effet de donner à l'agent des visas le choix de la catégorie qu'il devait appliquer. Le défendeur a donc avancé que comme un choix s'offrait à l'agent des visas et que celui-ci a choisi l'une des catégories, il n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle.
[24]      Les demandeurs ont le droit d'invoquer plus d'une profession. Dans la décision Olajuwon c. Canada, [1998] A.C.F. no 967, dossier no IMM-3874-97, le juge MacKay de notre Cour a examiné une demande de contrôle judiciaire dans le cadre d'une affaire dans laquelle le demandeur précisait dans sa lettre d'accompagnement qu'il souhaitait que sa demande soit appréciée en fonction des professions d'agent de voyages et d'organisateur de voyages. La demande de contrôle judiciaire a été accueillie vu que le dossier ne renvoyait pas à une quelconque appréciation du demandeur qui aurait été faite en fonction de sa demande particulière d'être considéré en tant qu'organisateur de voyages.
[25]      En conséquence, je n'estime pas que l'agent des visas pouvait, dans les circonstances qui ont été décrites à la Cour, choisir la profession qu'il souhaitait considérée, comme l'a soutenu le défendeur.
[26]      J'ai donc conclu, vu l'omission de l'agent des visas d'apprécier le demandeur à l'égard de la catégorie de « secrétaire de direction » , que sa décision devait être annulée. Il n'est donc pas nécessaire que j'examine les observations subsidiaires qui m'ont été soumises pour le compte du demandeur.
[27]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et la demande de résidence permanente de M. Krishnamurthy doit être renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci, sans toutefois tenir compte du dossier relatif à la décision que la Cour annule par la présente ordonnance.
[28]      Ni l'une ni l'autre partie n'a proposé de question grave à certifier.

« Eleanor R. Dawson »
                                         JUGE

OTTAWA (ONTARIO)
Le 9 juin 2000.






Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-760-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          GANESH KRISHNAMURTHY                                  c.

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 14 MARS 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :              9 JUIN 2000



ONT COMPARU :

M. M. MAX CHAUDHARY                      POUR LE DEMANDEUR

M. TOBY J. HOFFMAN                      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CHAUDHARY LAW OFFICE                  POUR LE DEMANDEUR

TORONTO (ONTARIO)

M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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