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Date : 20040811

Dossier : T-57-04

Référence : 2004 CF 1106

Ottawa (Ontario), le 11 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                                 JACK NISBET

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, visant la décision du 4 novembre 2003 par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (ci-après le Tribunal) a rejeté la demande de pension soumise par le demandeur en vertu de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6.


QUESTION EN LITIGE

[2]                Une seule question est en litige. La décision du Tribunal était-elle manifestement déraisonnable?

[3]                Je répondrai par la négative, pour les motifs qui vont suivre, et rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

FAITS

[4]                Le demandeur a joint les rangs de la GRC au début des années 1970. Il s'est blessé au genou le 12 décembre 1972, alors qu'il jouait au sein de l'équipe de hockey du détachement de Burnaby de la GRC. Il a également subi une blessure à l'épaule, le 13 novembre 1974, alors encore qu'il jouait au hockey dans cette équipe. Il a signé un document à chacune des deux occasions. Dans le premier cas il a déclaré : « [traduction] [...] le genou a bien réagi au traitement. Je suis pleinement satisfait du traitement reçu et je ne consulterai pas de nouveau un médecin pour ce genou » . Dans le cas de l'épaule, il a déclaré que « [traduction] la blessure ne causera pas un préjudice permanent » .


[5]                Le 28 février 2002, Anciens Combattants Canada a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir une pension d'invalidité pour ostéoarthrose du genou gauche (opération pratiquée), ostéoarthose du genou droit (opération pratiquée), ostéoarthrose de l'épaule gauche, ostéoarthrose de l'épaule droite et atrophie optique de l'oeil droit. La demande de pension a été rejetée parce qu'il ne s'agissait dans aucun cas d'une invalidité ouvrant droit à pension en vertu de l'article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-11 (la Loi sur la pension), lequel requiert que la blessure ou la maladie - ou son aggravation - soit consécutive ou se rattache directement au service de l'intéressé dans la Gendarmerie. Selon l'article 2, « Gendarmerie » s'entend de « La Gendarmerie royale du Canada » .

[6]                Le demandeur a demandé le contrôle de la décision du ministre. Le 18 septembre 2002, le comité de révision a confirmé la décision du ministre et, le 4 novembre 2003, le comité d'appel a fait de même. Dans le cadre de l'appel, le demandeur a retiré sa demande de pension en ce qui concernait l'atrophie optique de l'oeil droit.

DÉCISION CONTESTÉE

[7]                La décision du 4 novembre 2003 du Tribunal renfermait les motifs suivants quant au rejet de la demande du demandeur (page 4) :

[traduction]

Avant d'en arriver à cette décision, le Tribunal a examiné avec soin l'ensemble des éléments de preuve, des dossiers médicaux et des observations présentés par le représentant, et il s'est entièrement conformé à l'obligation lui incombant, en vertu des articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), de trancher en faveur du demandeur ou de l'appelant toute incertitude en matière de preuve.

Le Tribunal désire souligner, en rendant sa décision, qu'il reconnaît le fait que chaque affection alléguée par le demandeur soulève de nombreuses questions.


L'appelant a été mêlé à deux accidents d'automobile, en 1990 et en 1992, sans lien avec le service militaire.

Le Tribunal a examiné l'avis médical du 27 juin 2003 du Dr John le Nobel, selon lequel les problèmes de santé de l'appelant résultaient de la dégradation associée à son travail et aux activités connexes. Le Tribunal conclut toutefois que l'avis du Dr le Nobel se fonde pour bonne part sur les renseignements de nature subjective fournis par l'appelant. Le médecin ne fournit aucun renseignement médical spécifique liant les affections alléguées au service du demandeur dans la GRC.

Le Tribunal estime que l'appelant a bel et bien joué au hockey pendant son service dans le détachement de Burnaby de la GRC. Le Tribunal relève que les observations écrites de l'inspecteur Murray Dauk, datées du 24 mars 2003, donnent à penser que le hockey constituait une activité organisée. Le Tribunal n'a toutefois été saisi d'aucune déclaration d'un commandant portant que les blessures subies par l'appelant alors qu'il jouait au hockey l'avaient été pendant l'accomplissement de ses fonctions au sein de la GRC.

Après examen de l'ensemble de la preuve documentaire, le Tribunal note que l'appelant a mentionné devoir parfois se reposer en raison de sa sclérose en plaques. Le Tribunal ne relève toutefois l'existence d'aucun avis médical décrivant clairement le lien entre la sclérose en plaques du demandeur et ses prétendues affections aux membres inférieurs et supérieurs. Le Tribunal ne relève non plus l'existence d'aucun avis médical précisant l'incidence qu'ont pu avoir les accidents d'automobile de l'appelant sur ses prétendues affections aux genoux et aux épaules.

On n'a présenté au Tribunal aucun nouveau renseignement médical ou sur des faits qui lui ferait s'écarter de la décision du comité de révision [...]

ANALYSE

Norme de contrôle judiciaire

[8]                Dans Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, la juge en chef McLachlin, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, a décrit comme suit (au paragraphe 26) les quatre facteurs servant à établir la norme de contrôle applicable :


Selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels - la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l'objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question - de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. [...]

[9]                Le régime législatif ici en cause renferme une clause privative, la décision du Tribunal étant définitive et exécutoire selon l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18. Ce facteur penche donc en faveur d'une grande déférence face aux décisions du Tribunal.

[10]            Examinons maintenant le facteur de l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige. À cet égard, le Tribunal s'est vu accorder compétence exclusive pour statuer sur tous les appels en la matière et sur toute question connexe (article 26 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)). Tel qu'il a été déclaré dans McTague c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 647 (1re inst.), au paragraphe 46, l'évaluation ou l'interprétation par le Tribunal d'éléments de preuve médicaux et la conclusion qu'il en tire quant à savoir si l'invalidité du demandeur a été en fait causée ou aggravée par le service militaire constitue un élément central de la compétence spécialisée du Tribunal :

[...] la décision manifestement déraisonnable, qui est moins exigeante, est applicable lorsque la question litigieuse concerne l'évaluation ou l'interprétation par le Tribunal d'éléments de preuve médicaux souvent contradictoires ou peu concluants et la conclusion qu'il en a tiré quant à savoir si l'invalidité du demandeur a été en fait causée ou aggravée par le service militaire : MacDonald c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. n ° 346 (1re inst.) (QL); Weare c. Canada (Procureur général) (1998), 153 F.T.R. 75 (C.F. 1re inst.) [page 667]; Hall c. Canada (Procureur général) (1998), 152 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.); Henderson c. Canada (Procureur général) (1998), 144 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.).

Ce facteur penche, lui aussi, en faveur d'une grande déférence.


[11]            L'objet de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada est d'accorder des prestations aux personnes qui servent ou qui ont servi au sein de la GRC. L'article 32, pour sa part, a pour objet le versement de prestations aux personnes blessées pendant leur service dans la GRC. Ce facteur est neutre.

[12]            La question de savoir si une invalidité subie était consécutive ou se rattachait directement au service dans la GRC constitue une question de fait. L'expression « était consécutive ou se rattachait directement » au service n'est pas définie dans la Loi. Par conséquent, ce facteur penche lui aussi en faveur d'une grande déférence à l'endroit du Tribunal.

[13]            Ayant pris en compte l'ensemble des facteurs, j'en viens à la conclusion que la norme de contrôle judiciaire applicable en l'espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable. Le juge Cullen a recouru à la même norme, relativement à la même disposition législative, dans MacDonald c. Canada (Procureur général) (1999), 164 F.T.R. 42 (C.F. 1re inst.).

Dispositions législatives applicables, lien de causalité et crédibilité

[14]            Voici l'article 32 de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada et l'alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions.



32. Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, une compensation conforme à la Loi sur les pensions doit être accordée, chaque fois que la blessure ou la maladie -- ou son aggravation -- ayant causé l'invalidité ou le décès sur lequel porte la demande de compensation était consécutive ou se rattachait directement au service de l'intéressé dans la Gendarmerie, à toute personne, ou à l'égard de celle-ci :

a) visée à la partie VI de l'ancienne loi à tout moment avant le 1er avril 1960, qui, avant ou après cette date, a subi une invalidité ou est décédée;

b) ayant servi dans la Gendarmerie à tout moment après le 31 mars 1960 comme contributeur selon la partie I de la présente loi, et qui a subi une invalidité avant ou après cette date, ou est décédée.

32. Subject to this Part, an award in accordance with the Pension Act shall be granted to or in respect of

(a) any person to whom Part VI of the former Act applied at any time before April 1, 1960 who, either before or after that time, has suffered a disability or has died, or

(b) any person who served in the Force at any time after March 31, 1960 as a contributor under Part I of this Act and who has suffered a disability, either before or after that time, or has died,

in any case where the injury or disease or aggravation thereof resulting in the disability or death in respect of which the application for the award is made arose out of, or was directly connected with, the person's service in the Force.

21.(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- consécutive ou rattachée directement au service militaire; [...]

21.(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I; [...]


[15]            Les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) prévoient pour leur part la façon dont le Tribunal devrait apprécier la preuve. Voici leur libellé :


3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.


[16]            L'alinéa 21(3)a) de la Loi sur les pensions prévoit que l'invalidité d'un soldat survenant pendant son service dans les Forces canadiennes est réputée rattachée à ce service :


21.(3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours :

21.(3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of

a) d'exercices d'éducation physique ou d'une activité sportive auxquels le membre des forces participait, lorsqu'ils étaient autorisés ou organisés par une autorité militaire, ou exécutés dans l'intérêt du service quoique non autorisés ni organisés par une autorité militaire; [...]

(a) any physical training or any sports activity in which the member was participating that was authorized or organized by a military authority, or performed in the interests of the service although not authorized or organized by a military authority; [...]


[17]            King c. Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel)), 2001 CFPI 535, [2001] A.C.F. n ° 850 (1re inst.) (QL) traite comme suit (aux paragraphes 39 et 40) de l'applicabilité de l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) aux décisions du Tribunal :

Conformément à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), le TAC doit tirer des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur et accepter tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci qui lui semble vraisemblable en l'occurrence. L'article 39 prévoit que le TAC doit accepter tout élément de preuve non contredit, mais cela ne veut pas dire qu'il doit accepter tous les éléments de preuve. Si le TAC est d'avis que la preuve n'est pas vraisemblable, cette preuve peut être rejetée comme l'a dit le juge Cullen dans la décision MacDonald, précitée, au paragraphe 22 :


Il est de jurisprudence constante qu'un tribunal n'est pas tenu de formuler une conclusion explicite par écrit sur chaque élément qui l'amène à sa conclusion ultime; de fait, il existe une présomption selon laquelle le tribunal a examiné tous les documents qui lui ont été soumis : Henderson c. Canada (Procureur général) (1998), 144 F.T.R. 71 (1re inst.). Toutefois, cette présomption est empérée par l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui dispose que si le Tribunal est saisi de nouveaux éléments de preuve vraisemblables dans le cadre d'une demande de révision, il doit examiner et apprécier la preuve et tirer les conclusions les plus favorables possible au demandeur. Cela ne veut pas dire que le Tribunal doit automatiquement accepter les prétentions d'un ancien combattant; il doit plutôt accepter la preuve si elle est vraisemblable et non contredite.

Il est clair que le TAC peut examiner et soupeser la preuve qui lui est soumise et accorder à cette preuve l'importance qu'il juge appropriée. Toutefois, la preuve doit toujours être appréciée conformément aux articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), ce qui veut dire que le TAC doit accepter la preuve qui lui est soumise à moins qu'il ne tire une conclusion au sujet de son invraisemblance ou que la preuve ne soit contredite par un autre élément de preuve. [...]                       [Non souligné dans l'original.]

[18]            Le demandeur a le fardeau de démontrer l'existence d'un lien de causalité entre l'invalidité alléguée et ses années de service dans la GRC. Ce n'est qu'une fois ce lien de causalité établi qu'il deviendra nécessaire de prendre en compte l'alinéa 21(2)a) et la présomption énoncée à l'alinéa 21(3)a) de la Loi sur les pensions. La Cour d'appel fédérale a confirmé ce principe dans Elliot c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 298, [2003] A.C.F. n ° 1060 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 23 :

L'appelant reproche au juge d'instance inférieure de ne pas avoir traité spécifiquement des questions se rapportant aux alinéas 21(2)a) et 21(3)f) de la Loi. Je partage l'avis du défendeur selon lequel, à moins que l'appelant n'ait gain de cause à l'égard de la première question en litige - l'existence ou non d'un lien de causalité entre le repas pris à la BFC de Borden et son SCI -, il n'y a pas de raison de traiter des questions se rapportant aux alinéas 21(2)a) et 21(3)f). Je vais donc examiner la première question soulevée dans le cadre du présent appel.


[19]            Je partage l'avis du défendeur lorsqu'il déclare, au paragraphe 39 de son dossier, que si n'est pas initialement démontrée l'existence d'un lien de causalité entre la blessure alléguée et le service dans la GRC, la Cour n'a pas à trancher plus avant si oui ou non cette blessure était consécutive ou se rattachait directement au service au sein de la GRC. De la sorte, la Cour n'est pas tenue d'examiner l'analyse qu'a faite le Tribunal de la présomption découlant de l'alinéa 21(3)a) de la Loi sur les pensions.

[20]            Examinons maintenant les faits en vue d'établir si le demandeur a démontré ou non l'existence d'un lien de causalité entre les invalidités alléguées et le service au sein de la GRC. Le demandeur a présenté au Tribunal l'avis médical du 27 juin 2003 du Dr John le Nobel (affidavit de Jack Nisbet, pièce H) afin de prouver que l'affection alléguée se rattachait directement au service dans la GRC, les problèmes de santé du demandeur y étant déclarés résulter de la dégradation associée à son travail et aux activités connexes.

[21]            Le Tribunal en est toutefois venu à la conclusion suivante : « [traduction] [...] l'avis du Dr le Nobel se fonde pour bonne part sur les renseignements de nature subjective fournis par l'appelant. Le médecin ne fournit aucun renseignement médical spécifique liant les affections alléguées au service du demandeur dans la GRC » . Dans sa lettre, le Dr le Nobel fait état de ce qui suit : « [traduction] Il m'a mentionné des blessures nombreuses et répétées aux genoux subies dans le cadre de son travail et au hockey. Il avait également des blessures aux épaules [...] Je conviens assurément que cet homme est atteint d'arthrose des genoux et des épaules. Il est invalide. L'évaluation d'aujourd'hui permet certainement d'estimer que ces problèmes ont résulté de son travail et des activités connexes » .

[22]            Bien que la lettre du Dr le Nobel renferme une description détaillée de l'état de santé actuel du demandeur, je partage l'avis du Tribunal selon lequel il n'y a dans cette lettre aucune preuve d'un lien entre l'état du demandeur et l'exercice de ses fonctions. Il était loisible au Tribunal de rejeter une preuve médicale non contredite favorable à l'existence d'un lien de causalité. Je ferais miens à cet égard les commentaires de la juge Reed dans Hall c. Canada (Procureur général) (1998), 152 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 24 :

Je ne puis conclure qu'en appréciant la preuve, le Tribunal a fait fi des directives énoncées à l'article 39 et dans la jurisprudence. Pour reprendre les propos des médecins, l'affirmation suivante laquelle la blessure était « vraisemblablement » liée aux événements de 1983-1984 ou suivant laquelle le médecin « estime » qu'il découle « probablement » de la blessure subie en 1984 n'est que pure hypothèse. Ni l'un ni l'autre de ces médecins n'a eu directement connaissance des événements; ils ne soignaient pas le demandeur en 1983-1984 et n'avaient même pas commencé à le faire lorsqu'il a commencé à se plaindre de douleurs en 1987-1988. Ni l'un ni l'autre ne disposait en 1996 d'autre élément que le récit des événements du demandeur pour en venir à une conclusion au sujet de l'événement qui avait causé la blessure. Et, comme je l'ai déjà fait remarquer, l'affirmation du demandeur suivant laquelle les événements survenus en 1983-1984 sont la cause de sa blessure est contredite par la preuve documentaire qu'il a lui-même signée en 1984.                                                                                                                              [Non souligné dans l'original.]

[23]            Tout ce que le Tribunal avait à faire pour rejeter la preuve était d'avancer une explication raisonnable (Wood c. Canada (Procureur général) (2001), 199 F.T.R. 133 (C.F. 1re inst.)), ce qu'il a fait. En plus d'être fondé principalement sur les renseignements subjectifs fournis par le demandeur lui-même, l'avis médical n'a pas été jugé crédible parce qu'on n'y traite pas des répercussions sur les genoux et les épaules du demandeur des accidents d'automobile subis par ce dernier hors de l'exercice de ses fonctions.

[24]            Je n'estime pas non plus manifestement déraisonnables les conclusions du Tribunal portant que l'avis du Dr John le Nobel ne renfermait aucun renseignement médical spécifique quant à un lien entre les affections alléguées du demandeur et son service au sein de la GRC (Elliott, précitée, paragraphe 13).

[25]            Le demandeur ne s'étant pas acquitté du fardeau lui incombant de prouver que l'invalidité alléguée était consécutive ou se rattachait directement à son service dans la GRC, il était raisonnable pour le Tribunal de conclure que le demandeur n'avait pas droit à des prestations de retraite. Ayant conclu de la sorte au sujet du lien de causalité, il ne me sera pas nécessaire d'examiner si s'applique la présomption énoncée à l'alinéa 21(3)a) de la Loi sur les pensions.

[26]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, sans frais.

                                                                              _ Michel Beaudry _              

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   T-57-04

INTITULÉ :                                  JACK NISBET c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 22 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    Le jugeBeaudry

DATE DES MOTIFS ET

DE L'ORDONNANCE :                                Le 11 août 2004

COMPARUTIONS :

Jack Nisbet                                     POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Mary Ann Barker                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack Nisbet                                     POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

Langley (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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