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Date : 19980213


T-19-97

Ottawa (Ontario), 13 février 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DANS L'AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), Ch. C-29;

ET un appel de la décision

d'un juge de la citoyenneté

ET

     MILTON ANTHONY HARRY,

     Appelant.

     ORDONNANCE

     VU l'appel interjeté par l'appelant à l'encontre de la décision par laquelle Mme Pamela Appelt, juge de la citoyenneté, a refusé, le 19 novembre 1997 (HQ#12948) à Toronto, d'approuver sa demande de citoyenneté parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences relatives à la résidence au Canada, prescrites par l'alinéa 5(1)c) de la Loi;

     APRÈS avoir entendu l'appel à Toronto, le 5 janvier 1998, en présence de l'appelant, de son représentant et de monsieur Peter Large, l'amicus curiae, la Cour ayant alors reporté le prononcé de son jugement,

LA COUR STATUE que l'appel est rejeté, sans dépens.

     F.C. Muldoon

                                     juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.


Date : 19980213


T-19-97

DANS L'AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), Ch. C-29;

ET un appel de la décision

d'un juge de la citoyenneté

ET

     MILTON ANTHONY HARRY,

     Appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT EN APPEL

LE JUGE MULDOON

[1]      L'appelant sollicite l'annulation de la décision du juge de la citoyenneté (HQ#12948) rendue le 19 novembre 1997, à Toronto. L'appel a été entendu à Toronto, le 5 janvier 1998, en présence de l'appelant, de son représentant et de monsieur Peter Large,l'amicus curiae.

[2]      La Cour ne doute absolument pas que l'appelant serait un très bon citoyen canadien, et bien reçu à ce titre, si seulement il pouvait ou daignait prendre le temps de se conformer à la volonté du législateur en ce qui a trait aux exigences relatives à la résidence édictées par l'alinéa 5(1)c) de la Loi. C'est uniquement parce qu'il ne satisfaisait pas à ces exigences que le juge de la citoyenneté, Pamela Appelt, a refusé d'approuver sa demande de citoyenneté. Elle a correctement calculé les jours de résidence manquants.

[3]      Le requérant, qui est originaire de la Guyane, est arrivé au Canada le 27 juillet 1987 et il a obtenu une maîtrise en génie électrique de la University of Toronto. Il a été admis au Canada en qualité de résident permanent le 28 septembre 1992. Cette année-là, il a obtenu et accepté une bourse d'études pour fréquenter la University of Surrey, au Royaume-Uni. En 1996, l'appelant a terminé les études qui l'ont mené à l'obtention d'un doctorat. Il est revenu au Canada à neuf reprises. En mars 1988, l'appelant et sa soeur ont loué un logement pour eux et leurs parents et ils se sont depuis portés acquéreurs du 2, croissant Regatta, à North York, mais l'appelant n'y réside que de façon sporadique lors de ses visites. Il poursuit des recherches sur la physique des conducteurs, au Royaume-Uni. Il affirme chercher du travail au Canada. Il invoque toute une série de facteurs : son appartenance à des associations canadiennes, l'achat d'Obligations d'épargne du Canada, son intérêt pour le sport professionnel canadien, la citoyenneté canadienne de sa soeur. Ce sont tous des éléments positifs, mais qui ne sont pas pertinents quant aux conditions d'admissibilité touchant la résidence édictées dans la Loi. Dans son témoignage de vive voix, l'appelant a indiqué qu'il n'avait pas fait les efforts nécessaires pour se trouver un poste dans une université canadienne, ce qui lui aurait permis de vivre au Canada, comme on l'exige.

[4]      Le juge de la citoyenneté a cité des extraits très pertinents des jugements rendus par la Cour dans les affaires Re: Anita Leung (1991) 42 F.T.R. 149 et 13 Imm.L R. (2d) 93, et Re: John Ting Min Hui (1994) 75 F.T.R. 81 et 24 Imm.L.R. (2d) 8.

.

[5]      Dans le premier jugement susmentionné, monsieur le juge Walsh a déclaré :

                 Lorsque les absences sont motivées purement par des raisons personnelles et qu'elles sont de nature volontaire, elles ne peuvent être considérées de la même façon [comme des jours de résidence].                 
                      Imm.L.R., p.99)                 
                      *** *** ***                 
                 Un grand nombre de citoyens canadiens, qu'ils soient nés au Canada ou naturalisés doivent passer une grande partie de leur temps à l'étranger en relation avec leur entreprise, et il s'agit là de leur choix. Une personne qui veut obtenir la citoyenneté, toutefois, ne dispose pas de la même liberté, à cause des dispositions du paragraphe 5(1) de la Loi.                 
                      (Imm.L.R., p. 100)                 

[6]      L'extrait de la décision Re: Hui cité par le juge de la citoyenneté se trouve au paragraphe 15, Imm.L.R., p. 14 et 15, et il répond à la question suivante : Quel est le but de cette norme législative [de résidence]?

[7]      L'application judiciaire des conditions de résidence fixées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, fait l'objet d'une controverse depuis au moins deux décennies. Pendant cette période, le législateur a maintenu de façon assez constante le libellé de cette disposition législative, qui encore aujourd'hui se lit comme suit:

5.(1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) * * *

(b) * * *

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

5.(1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois:

a) * * *

b) * * *

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;



Ce texte législatif est l'un des plus clairs que le législateur ait édicté.

[8]      Les mots " résidence " ou " résident " ont été interprétés avec une certaine fantaisie par certains juges au fil des ans, mais ils sont eux aussi fort clairs. Il ne signifient pas absence, mais présence. Ces deux mots ont le même sens en français et en anglais. Il n'y a aucune différence de concept d'une langue à l'autre..

[9]      Le Gage Canadian Dictionary, dans son édition révisée et augmentée de 1988, donne les définitions suivantes :

                 reside v. -sided, -siding. 1 live (in or at) for a long time; dwell. 2 be (in); exist (in); Her charm resides in her happy smile.                 
                 residence n. 1 a place where a person lives; house; home. 2 the act of residing; living; dwelling. 3 a period of residing in a place. 4 the fact of living or doing business in a place for the performance of certain duties, to comply with certain regulations, or to qualify for certain rights and privileges: a writer in residence. They have not been in residence long enough to apply for citizenship. 5 a building in which students, nurses, etc. live.                 
                 in residence, a living in a place: The owner of the house is not in residence. b living in an institution while on duty or doing active work there: a doctor in residence.                 
                 resident n., adj. - n. 1 a person living in a place, not a visitor. 2 a physician during residency, especially one who has completed internship. 3 an official sent to live in a foreign land to represent his or her country. 4 formerly, a representative of the British Governor General of India at a native court. 5 a bird or animal that is not migratory. 6 a person living or doing business in a place in order to comply with certain regulations, or qualify for certain rights or privileges.                 
                 -adj. 1 staying; dwelling in a place. A resident owner lives on his or her property. 2 living in a place while on duty or doing active work. 3 not migratory: English sparrows are resident birds. 4 of qualities, present; intrinsic; inherent. 5 of a person, living or doing business in a place in order to comply with certain regulations, or to qualify for certain rights or privileges.                 
                      (p. 1247)                 

[10]      Le Oxford Dictionary of Current English, de 1990, définit les termes anglais comme suit :

                 reside v.i. have one's home or dwell permanently (in specified place); (of power or right etc.) be vested in; (of quality) be present or inherent in                 
                 residence n. residing (take up residence); place where one resides, abode of; house esp. of considerable pretension; in residence dwelling at specified place esp. for performance of duties or work                 
                 resident 1 n. permanent inhabitant (of place); guest of hotel staying overnight. 2a. having quarters on the spot (resident housekeeper); residing in residence; located in (feeling resident in the nerves).                 
                      (p. 635)                 

[11]      Voici ce que dit Le Petit Robert - nouvelle édition * * * mise à jour pour 1998 :

                 résidant, ante adj. (résident, 1283; n.m., "habitant", 1415; de résider). Qui réside (en un lieu). V. Habitant. Spécialt. (1846) Membre résidant d'une académie, d'une société savante (opposé à correspondant).                 
                 résidence n.f. (1271; lat. résidentia). 1 Séjour effectif et obligatoire en un lieu; obligation de résider. Emploi, charge qui demande résidence. La résidence d'un magistrat, d'un évêque. - Par ext. Durée de ce séjour. Spécialt. Résidence forcée, surveillée (d'une personne astreinte par décision de justice à rester dans un lieu). 2 (1283). Le fait de demeurer habituellement en un lieu; ce lieu. V. Demeure, habitation, séjour. "Durant les cinq ans de ma résidence . . ." (Baudel). Avoir, établir, fixer sa résidence quelque part. Changer sa résidence. "Les maisons semblaient être de résidence bourgeoise" (Romains). Résidence virilocale. Dr. Lieu où une personne habite effectivement durant un certain temps (ou a un centre d'affaires, d'activités), sans y avoir nécessairement son domicile. Certificat de résidence. Résidence principale. Cour. (sens 3e) Résidence secondaire: maison de campagne, de vacances ou de week-end. 3 (1840). Lieu construit, généralement luxueux, où l'on réside. V. Demeure, logement, maison. "Plus d'un, en apercevant ces coquettes résidences, si tranquilles, enviait d'en être le propriétaire" (Flaub). Une somptueuse résidence (V. Résidentiel). "Il reçoit dans cette résidence princière le feuilletonniste d'un de nos grands journaux" (Balz.) (v. 1960) Groupe d'immeubles résidentiels assez luxueux. La Résidence X ... 4 Charge de résident; lieu (ville, bâtiments) où habite un résident, où se tiennent ses services. La Résidence de Rabat (à l'époque du protectorat).                 
                      (p. 1683)                 
                 résider v. intr. (v. 1380); lat. residere). 1 Être établi d'une manière habituelle dans un lieu; y avoir sa résidence (surtout admin., dr. ou didact.) "Les ambassadeurs ... prennent les moeurs du pays où il résident (Chateaub.). Les étrangers qui résidaient aux États-Unis. 2 Fig. Avoir son siège, exister habituellement, se trouver (dans tel lieu, en telle personne ou telle chose). "Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation" (Déclar. Dr. Hom). "L'ordre idéal des peuples réside dans leur bonheur" (Camus). V. Consister. La difficulté réside en ceci.                 
                      (p. 1684)                 

[12]      Les dictionnaires susmentionnés montrent tous que les termes anglais et français ont une racine latine commune, et ils évoquent tous le fait qu'une personne reste ou demeure en un certain lieu (ou dans un certain pays) en y habitant et en y étant présente, et non en étant absente.

[13]      Le législateur se montre-t-il strict ou insensible en imposant des conditions de résidence aux personnes qui demandent la citoyenneté? Il pourrait l'être s'il le voulait, mais il ne semble pas s'être montré cruel ou strict en édictant les dispositions précitées de l'article 5 de la Loi.

[14]      De l'avis de la Cour, prévoir que celui qui demande la citoyenneté peut légitimement s'absenter du Canada une année sur quatre, ou un mois sur quatre, au cours des quatre années précédentes, ce n'est pas se montrer strict ou insensible de quelque façon que ce soit, et certainement pas de façon exagérée. Cette obligation ne fait pas d'un candidat à la citoyenneté un " prisonnier " au Canada. Cela veut dire que toute personne qui demande la citoyenneté doit être prête à résider au Canada pendant le nombre de jours nécessaire, et doit considérer sa demande avec assez de sérieux pour faire de petits sacrifices afin d'obtenir la citoyenneté.

[15]      Pourquoi fixer des conditions à l'égard de la résidence? Il semble clair que le législateur refuse d'attribuer la citoyenneté canadienne aux étrangers, mais qu'il exige que le citoyen éventuel réside au Canada pendant trois ans, afin de " se canadianiser ", au cours des quatre années précédant la date de sa demande. Certains réussiront peut-être à le faire plus rapidement, mais seul le législateur peut prescrire le nombre de jours de résidence; il n'appartient pas au demandeur ni à la magistrature de le faire

[16]      Le but de l'alinéa 5(1)c) est clair, mais il est opportun de noter que le législateur ne parle pas de " se canadianiser " (si tant est que ce mot existe), mais parle plutôt d'années , composées de jours de résidence.

[17]      Depuis 1982 et la promulgation de la Charte canadienne des droits et libertés , les juges ont le pouvoir, le cas échéant, d'invalider un texte de loi, d'en restreindre ou d'en étendre la portée et quelquefois, au besoin, ils peuvent pratiquement le modifier. Parfois, ce sentiment d'omnipotence judiciaire s'infiltre dans le travail et le raisonnement quotidiens de certains juges.

[18]      Notre Cour n'est pas un organe d'action sociale, ni un institut de psychologie appliquée qui aurait pour attributions d'assurer le bien-être moral de tous les candidats à la citoyenneté. Si un candidat a des attentes démesurées, non conformes au dispositions législatives édictées par le Parlement, le tribunal n'a d'autre choix que d'étouffer ces espoirs (tant qu'il ne prétend pas modifier la loi). Le tribunal ne le fait pas de gaieté de coeur, mais la responsabilité en revient peut-être aux conseillers de l'appelant et, bien entendu, au législateur lui-même. Le tribunal ne doit donc pas faire entorse à la loi, même pour assurer le bien-être du demandeur, même pour lui épargner des frustrations, si justifiées soient-elles. Dans l'exercice de leurs fonctions, les juges ne sont pas non plus obligés de bien paraître, de jouer au généreux bienfaiteur ou à la généreuse bienfaitrice.

[19]      Le Canada se définit comme un pays démocratique, mais la démocratie elle-même est en péril si les juges s'arrogent le rôle du législateur. Pareil débordement tournerait en dérision le soin et l'attention avec lesquels les juges de la citoyenneté s'acquittent de leurs fonctions.

[20]      Attribuer la citoyenneté à ceux qui ne prennent pas la peine de se conformer aux dispositions solennellement édictées par le législateur non seulement constitue un crime de lèse-majesté, mais encore discrédite la citoyenneté canadienne. Les demandeurs sérieux et sincères doivent tout simplement observer la loi, comme toute autre personne, que cela leur plaise ou non. Quel terrible message transmet la Cour en annulant la décision d'un juge de la citoyenneté afin d'attribuer la citoyenneté à quelqu'un contrairement à la volonté du législateur! La Cour ne paraît pas bien en s'adonnant à ce genre de fausse munificence. Elle n'encourage pas ainsi le respect de la loi.

[21]      Il semble clair que toutes les remarques qui précèdent ne sont pas simplement des conjectures ou des digressions judiciaires. Le législateur a modifié la Loi sur la citoyenneté à l'occasion depuis la promulgation des lois révisées. Il n'en a pas profité pour édicter quelque disposition que ce soit en matière de résidence, pour établir des exceptions ou pour prévoir que la citoyenneté peut être attribuée à tout requérant qui

- serait probablement un bon citoyen, mais ne remplit pas les conditions prévues à l'alinéa 5(1)c);

- a " axé " son " style de vie " sur le Canada pour une raison ou une autre, tout en étant absent;

- a envoyé ou déposé au Canada ses biens personnels (c'est-à-dire son compte bancaire, ses vêtements, sa voiture, etc.) tout en étant absent du Canada;

- s'est " canadianisé " en moins de temps que la période prescrite de trois années sur les quatre années précédant la date de la demande;

- doit s'absenter du Canada pour affaires ou pour une autre raison pendant plus d'un an au cours des quatre années précédant la date de la demande;

- a un conjoint, des enfants ou d'autres membres de sa famille qui sont déjà citoyens.

[22]      Cette tendance à ne pas tenir compte de la loi telle que le législateur l'a libellée semble remonter à l'affaire Papadogiorgakis [1978] 2 C.F. 208. Cette affaire a été tranchée par un éminent juge de l'époque, mais sa décision n'a pas force obligatoire, simplement parce que les jugements rendus en appel d'une décision du juge de la citoyenneté ne sont pas susceptibles d'appel. Ce facteur peut créer, et crée en fait, une incertitude scandaleuse en droit. En fait, à la page 75 du même recueil de la Cour fédérale, se trouve la décision Khoury, rendue par un juge tout aussi éminent de la même époque, qui est arrivé à une conclusion diamétralement opposée, et cette dichotomie existe encore de nos jours.

[23]      Comme il en a été fait mention, pendant tout ce temps, le législateur a modifié la Loi à maintes reprises, jusqu'à ce qu'il édicte le chapitre 22 des Lois du Canada de 1997, dont certaines parties sont entrées en vigueur le 20 mai 1997. La dernière modification apportée aux règles relatives à la résidence énoncées à l'article 5, qui exprime la volonté du législateur, se trouve au chapitre 53, L.C. 1987, sanctionné en décembre 1987. La nouvelle disposition est ainsi libellée :

1.. Section 5 of the Citizenship Act is amended by adding thereto, immediately after subsection (1) thereof, the following subsection:

(1.1) Any day during which an applicant for citizenship resided with the applicant's spouse who at the time was a Canadian citizen and was employed outside of Canada in or with the Canadian armed forces or the public service of Canada or of a province, otherwise than as a locally engaged person, shall be treated as equivalent to one day of residence in Canada for the purposes of paragraph (1)(c) and subsection 11(1).

1. La Loi sur la citoyenneté est modifiée par insertion, après le paragraphe 5(1), de ce qui suit:

(1.1) Est assimilé à un jour de résidence au Canada pour l'application de l'alinéa (1)(c) et du paragraphe 11(1) tout jour pendant lequel l'auteur d'une demande de citoyenneté a résidé avec son conjoint alors que celui-ci étant citoyen et était, sans avoir été engagé sur place, au service, à l'étranger, des forces armées canadiennes ou de l'administration publique fédérale ou de celle d'une province.


[24]      Comme si les règles relatives à la résidence n'étaient pas suffisamment claires, le législateur (et non la magistrature) a jeté encore un peu plus de lumière sur ces règles en édictant la modification précitée. Cette disposition prévoit en fait que le requérant peut " se canadianiser " en habitant avec un conjoint canadien affecté à l'étranger et obtenir la résidence au jour le jour . Le requérant établit cette résidence et toute résidence prévue par la Loi, en étant présent un certain nombre de jours correspondant à trois années sur quatre, et non en étant absent. Lorsque le législateur envisage la période d'admissibilité ou la durée de la résidence, il s'intéresse à la résidence acquise au jour le jour, et non à l'absence, mais à la présence; non à l'envoi de biens personnels, mais à la présence personnelle; non au fait que le requérant axe son style de vie sur le Canada, mais au fait qu'il habite au Canada tous les jours tant qu'il n'a pas accumulé le nombre nécessaire de jours conformément au paragraphe 5(1) ou (1.1). Le paragraphe (1.1) est l'unique exception permettant au requérant de " se canadianiser " tout en résidant à l'extérieur du Canada, mais avec un conjoint canadien, chaque jour .

[25]      Sans doute, le requérant qui ne réussit pas à obtenir la citoyenneté n'en ressentira pas de bien-être, mais cela ne concerne nullement cette cour. C'est l'affaire du législateur, qui calcule la période de résidence par le nombre de jours de présence.

[26]      La Cour n'est pas une assemblée législative. Elle peut façonner le règles malléables de la common law et de l'equity, mais les lois du Parlement sont immuables, tant que le Parlement ne les abroge pas ou qu'il ne les modifie pas (ou tant qu'il ne viole pas la Charte). Lorsque le Cabinet a voulu légiférer sans l'intervention du Parlement, la Cour a invalidé cette tentative illégale : Saskatchewan Wheat Pool c. Canada (Procureur général) (1994), 67 F.T.R. 98, par. 67, 68 et 69. La Cour doit à tout le moins respecter les normes qu'elle a elle-même établies.

[27]      Dans l'arrêt R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, de la Cour suprême du Canada, l'opinion majoritaire cite, à la p. 702, le principe énoncé avec éloquence par monsieur le juge LaForest, lorsqu'il siégeait à la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, dans l'arrêt New Brunswick c. Estabrooks Pontiac Buick Ltd. (1982), 44 N.B.R. (2d) 201, à la p. 210:

                      Il ne fait aucun doute que le devoir des tribunaux est de donner effet à l'intention du législateur, telle qu'elle est formulée dans le libellé de la Loi. Tout répréhensible que le résultat puisse apparaître, il est de notre devoir, si les termes sont clairs, de leur donner effet. Cette règle découle de la doctrine constitutionnelle de la suprématie de la Législature lorsqu'elle agit dans le cadre de ses pouvoirs législatifs. Cependant, le fait que les termes, selon l'interprétation qu'on leur donne, conduiraient à un résultat déraisonnable constitue certainement une raison pour motiver les tribunaux à examiner minutieusement une loi pour bien s'assurer que ces termes ne sont pas susceptibles de recevoir une autre interprétation, car il ne faudrait pas trop facilement prendre pour acquis que le législateur recherche un résultat déraisonnable ou entend créer une injustice ou une absurdité.                 
                      Ce qui précède ne signifie pas que les tribunaux devraient tenter de reformuler les lois pour satisfaire leurs notions individuelles de ce qui est juste ou raisonnable.                 

[28]      Par ces motifs, l'appel est rejeté comme il doit l'être.

     " F.C. Muldoon "

Juge

Ottawa (Ontario)

13 février 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          T-19-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LOI SUR LA CITOYENNETÉ

                     c. MILTON ANTHONY HARRY

LIEU DE L'AUDITION :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDITION :          5 JANVIER 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DATE DES MOTIFS :          13 FÉVRIER 1998

ONT COMPARU :

Me TOM TURNER              POUR L'APPELANT

Me PETER K. LARGE          AMICUS CURIAE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

C. FLAHERTY & ASSOCIATES INC.      POUR L'APPELANT

ETOBICOKE (ONTARIO)

Me PETER K. LARGE              AMICUS CURIAE

TORONTO (ONTARIO)

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