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Date : 20050412

Dossier : IMM-4053-04

Référence : 2005 CF 496

Toronto (Ontario), le 12 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRAYER

ENTRE :

MOHAMMAD TARIQ SAEED, ROBINA TARIQ,

MOHAMMAD SALMAN TARIQ,

MOHAMMAD REHMAN TARIQ et

IQRA IQBAL TARIQ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Les demandeurs sont un mari et sa femme, deux enfants adultes et leur enfant mineur. Ils sollicitent l'annulation de la décision datée du 2 avril 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) leur a refusé la qualité de réfugiés ou celle de personnes à protéger. Ils sont citoyens du Pakistan et ils affirment craindre d'être persécutés dans ce pays si on les contraint à y retourner.


[2]                Le mari, Mohammed Tariq Saeed, est musulman chiite. En 1982, il a épousé Robina, dont la famille est musulmane sunnite. Avant le mariage, Robina a promis à ses parents qu'elle convaincrait son mari de se convertir à la secte sunnite. Après le mariage, le mari a refusé de le faire et a plutôt convaincu sa femme de se convertir à la secte chiite. Selon les demandeurs, cela a donné lieu à beaucoup de tension entre le couple et le frère de Robina, qui milite dans une organisation sunnite extrémiste. Le demandeur Mohammed Tariq Saeed a affirmé que son père et lui-même avaient été agressés à diverses reprises par son beau-frère, et que sa famille avait été menacée. Il est parti aux États-Unis en 1992 et y a été rejoint par sa famille en 1996. Ils ont résidé illégalement aux États-Unis jusqu'en 2003, après quoi ils ont demandé asile et protection au Canada.

[3]                Les demandeurs me demandent pour l'essentiel d'apprécier les éléments de preuve différemment de la Commission et d'en tirer une conclusion factuelle différente selon laquelle il y a une probabilité ou du moins une possibilité raisonnable de persécution s'ils sont renvoyés au Pakistan.

[4]                La Commission a tiré deux conclusions : le témoignage du demandeur principal n'était pas crédible et, compte tenu de l'évolution de la situation au Pakistan depuis 1992, l'État sera en mesure de le protéger et de protéger sa famille à leur retour.

[5]                Les demandeurs signalent certaines erreurs de la Commission dans ses conclusions de fait. La Commission a conclu que les demandeurs n'ont pas eu de problèmes à Lahore, mais elle n'a pas précisé de quelle période elle parlait. Il est vrai que certains éléments de preuve l'attestent en ce qui concerne la période de 1992 à 1996, après le départ du demandeur principal pour les États-Unis, mais ce dernier a également déclaré qu'ils avaient eu de graves problèmes à Lahore entre 1989 et 1992, après avoir quitté Karachi pour s'y installer. La Commission a dit à tort que la famille se trouvait à Karachi pendant toute la période de 1985 à 1992. Les demandeurs soutiennent également que la Commission n'a pas compris la nature particulière de ce mariage. Elle semble l'avoir traité comme un simple mariage mixte entre un chiite et une sunnite, ce qui, selon la preuve documentaire, n'est pas rare au Pakistan et donne des résultats relativement positifs. Elle n'a pas tenu compte du fait important que les parents de la femme n'ont consenti au mariage qu'à la condition qu'elle convertisse son mari à la secte sunnite alors que c'est l'inverse qui s'est produit. L'avocat des demandeurs a soutenu que cela faisait de ce mariage mixte une affaire d'honneur qui serait susceptible de déclencher des représailles violentes, sinon mortelles, de la part de la famille de la femme.


[6]                Ces critiques sont peut-être légitimes, mais je ne pense pas qu'elles vicient la décision. La Commission disposait d'un grand nombre d'éléments de preuve lui permettant de conclure que les demandeurs ne craignaient pas sérieusement de retourner au Pakistan et qu'ils pourraient y obtenir la protection de l'État s'ils le faisaient. Ils ont vécu aux États-Unis pendant des années (lui pendant onze ans et les autres membres de la famille pendant sept ans) sans y demander asile. Cela a pu avoir beaucoup de poids dans la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs ne vivaient pas dans la crainte constante de retourner au Pakistan si on tient compte du fait qu'ils n'avaient aucun statut juridique leur permettant de rester aux États-Unis. Par ailleurs, Robina Tariq est retournée deux fois au Pakistan après 1996 et elle n'a eu aucun problème. Comme l'a fait remarquer l'avocat du défendeur, le Guide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés indique clairement, au paragraphe 118, qu'un réfugié qui se réclame volontairement à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité n'a plus besoin de la protection internationale. Outre ces facteurs importants qui jouaient contre la crédibilité de la crainte de persécution, la Commission disposait d'éléments de preuve lui permettant de conclure que les demandeurs pourraient probablement jouir de la protection de l'État dans leur pays. La preuve documentaire dont a été saisie la Commission indiquait que, au cours des dernières années, le gouvernement du Pakistan a banni les groupes sectaires comme celui auquel appartenait le beau-frère et a eu recours à la police et à l'armée pour réprimer la violence sectaire. La Commission a le droit de présumer qu'un État est capable de protéger ses ressortissants et le fardeau de la preuve contraire incombe au demandeur : voir Canada c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, p. 726, et M.E.I. c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (CAF). Les demandeurs ont fourni certaines preuves de leurs problèmes entre 1982 et 1992, et il semble que la Commission n'en ait pas tenu compte à certains égards, mais il était loisible à cette dernière de conclure que la situation s'est améliorée en matière de violence sectaire au cours des dernières années. À cet égard, elle pouvait tenir compte du fait que la femme est retournée deux fois sans problème au Pakistan après 1996.


[7]                Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je ne suis pas en mesure d'affirmer que la Commission a tiré ses conclusions de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Je ne pense pas non plus que les demandeurs ont démontré l'existence d'une erreur de droit.

[8]                Par conséquent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

      « B.L. Strayer »

                                                                                                                                      Juge suppléant                

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4053-04

INTITULÉ :                                                    MOHAMMAD TARIQ SAEED, ROBINA TARIQ,

MOHAMMAD SALMAN TARIQ, MOHAMMAD REHMAN TARIQ et IQRA IQBAL TARIQ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 11 AVRIL 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE STRAYER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

John Savaglio                                                    POUR LES DEMANDEURS

Marcel Larouche                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Savaglio

Avocat

Pickering (Ontario)                                            POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR

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