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Date : 20011217

Dossier : IMM-1506-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1397

ENTRE :

                                                          MAHMOOD ALAM KHAN

                                                                 ZARSANGA ALAM

                                                                    WALEED ALAM

                                                                      ALMAS ALAM

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]                 Les demandeurs sont M. Mahmood Alam Khan, son épouse, Mme Zarsanga Alam, et leurs deux enfants mineurs Waleed Alam et Almas Alam. Ils sont originaires de Lahore au Pakistan. Ils fondent leur revendication sur leurs opinions politiques en raison de l'appartenance de M. Khan au Parti du peuple pakistanais (le PPP).


[3]                 La Commission résume les allégations de faits comme suit.

[4]                 Le demandeur s'est joint au PPP en 1993. Aux élections de 1993 et de 1997, il a fait campagne pour les candidats du PPP, ce qui lui a attiré des menaces de la part d'hommes de main de la Ligue musulmane (la LM).

[5]                 En mars 1997, le beau-père du demandeur, M. Babar, a été accusé de corruption par la Commission de responsabilisation et a été détenu pendant deux semaines. Les accusations se rapportaient au poste de Directeur des terres militaires que M. Babar occupait à Rawalpindi. Pendant qu'il était en détention, la LM a tenté de l'inciter à aider à amener devant la justice le PPP. Il a refusé et après que de fausses accusations eurent été déposées contre lui, on l'a envoyé à la prison d'Adiala le 20 mars 1997 où on l'a détenu jusqu'au 12 juin 1997; à cette date, le demandeur a obtenu sa mise en liberté sous caution avec l'aide d'un avocat, et ce, malgré les pressions qu'il subissait de la part de la LM pour qu'il cesse d'intervenir dans cette affaire. Des hommes de mains de la LM l'ont battu le 17 août 1997.

[6]                 Près d'un an plus tard, en octobre 1998, le demandeur a commencé à recevoir des appels téléphoniques de menaces et on lui a demandé d'obliger son épouse à convaincre son père d'accepter les accusations qui pesaient contre lui et d'aider la LM. Par suite des menaces de mort proférées contre eux, le demandeur et sa famille sont allés s'installer à Islamabad le 10 octobre 1998.


[7]         À la fin de février 1999, des membres de la Federal Intelligence Agency (la FIA) sont venus prendre le demandeur à sa résidence et lui ont demandé de convaincre son beau-père de reconnaître les accusations qui pesaient contre lui et d'agir comme témoin pour eux. Ils lui ont dit que, s'il n'obtempérait pas, ils déposeraient de fausses accusations contre lui.

[8]         Par mesure de précaution, le demandeur et sa famille ont demandé des visas américains, lesquels leur ont été délivrés le 17 mars 1999.

[9]         En avril 1999, le demandeur a participé à des manifestations contre la déclaration d'incompétence émise par le gouvernement à l'endroit de Mme Bhutto. Le 20 avril 1999, la FIA l'a de nouveau emmené et l'a détenu pendant deux jours. Il a accepté de convaincre son beau-père de témoigner en cour contre des dirigeants du PPP et on lui a fait signer un papier en blanc.

[10]       C'est ce dernier incident qui a précipité le départ du demandeur et de sa famille. Il sont arrivés à New York le 5 mai 1999 et ils y sont restés jusqu'au 31 juillet 1999. Ils sont arrivés au Canada le 31 juillet 1999 et ont revendiqué le statut de réfugié au point d'entrée.

[11]       À l'appui de sa demande, le demandeur a déposé une lettre du président du PPP ainsi qu'une lettre de l'avocat de son beau-père. Les deux lettres indiquent plus ou moins que le demandeur est en danger.

  

[12]       La Commission note en premier lieu que même si la FIA, la police et l'armée ont eu de nombreuses occasions de déposer des accusations contre le demandeur, ils ne l'ont pas fait.

[13]       La Commission souligne que les demandeurs sont partis de l'aéroport de Karachi en utilisant des passeports délivrés à leur nom et contenant leurs propres photos, et qu'ils n'avaient pas eu de problèmes avec la FIA, très active à Karachi.

[14]       En outre, selon la Commission, comme les tribunaux ont déjà reconnu coupable le beau-père du demandeur, l'intervention de M. Kahn n'est plus nécessaire.

[15]       De plus, la Commission note que, même s'ils ont obtenu des visas américains le 17 mars 1999, après la détention initiale du demandeur, le demandeur et sa famille ne sont pas partis avant le 5 mai 1999; elle souligne aussi que, malgré l'intention du demandeur de revendiquer le statut de réfugié au Canada, sa famille et lui sont restés aux États-Unis du 5 mai 1999 au 31 juillet 1999. Selon la Commission, ce retard ne correspond pas au comportement d'une personne qui éprouve une crainte fondée de persécution.

[16]       Le demandeur soutient que la Commission n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve et que certaines de ses conclusions ne s'appuient pas sur la preuve.


[17]       Après avoir examiné soigneusement la transcription et les motifs de décision de la Commission, je suis convaincue que la Commission a tenu compte de l'ensemble des éléments de preuve dont elle était saisie. Contrairement à ce que prétend le demandeur, la Commission a pris en considération les deux lettres. Toutefois, elle était autorisée à statuer sur la force probante de ces documents. (Mahendran c. Canada (M.E.I.), (1991) 134 N.R. 316; Hassan c. Canada (M.E.I.), (1992) 147 N.R. 317.

[18]       Le demandeur prétend également que la conclusion de la Commission selon laquelle sa crainte n'est pas fondée repose sur de pures conjectures. Je ne suis pas d'accord. Les paragraphes pertinents de la décision de la Commission sont les suivants :

S'agissant de la possibilité que des accusations soient portées contre le revendicateur, la FIA et l'armée ont eu de nombreuses occasions de le faire pendant qu'il se trouvait au Pakistan, mais elles ne l'ont pas fait. Qui plus est, rien ne prouve que des accusations ont été déposées depuis que le revendicateur a quitté le Pakistan en mai 1999. En conséquence, le tribunal en arrive à la conclusion que la crainte n'est pas fondée.

Pour ce qui est du papier en blanc que l'on utilise contre lui, le tribunal ne croit pas que la FIA, très active à Karachi, aurait laissé partir le revendicateur si elle s'était sérieusement intéressée à lui. Il est important de se rappeler à cet égard que le revendicateur et sa famille sont partis de l'aéroport de Karachi en utilisant des passeports délivrés sous leur nom d'origine et contenant leurs propres photos.

(Dossier du tribunal, à la page 7)


[19]       Dans Sidhu c. Canada (M.E.I.), (1993) 70 F.T.R. 104, la Cour a conclu que la Commission avait commis une erreur en faisant certaines conjectures au sujet des raisons pour lesquelles la police cherchait le demandeur. Ce n'est pas le cas en l'espèce. La Commission a noté qu'aucune accusation n'avait été portée contre le demandeur, qu'on l'avait remis en liberté et qu'il avait pu s'enfuir du pays avec sa famille sans difficultés. Il s'agit là de faits et non de conjectures. À mon avis, les conclusions de la Commission n'étaient pas déraisonnables. Il était loisible à la Commission d'accorder plus de poids à la preuve documentaire qu'aux inférences du demandeur quant à la possibilité d'être persécuté (Karaseva c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 1725, au paragraphe 20, en ligne : QL).

[20]       Pour ce qui est de sa crainte subjective, le demandeur explique qu'il a tardé à déposer sa revendication parce qu'il ne disposait pas suffisamment de renseignements quant à la manière de revendiquer le statut de réfugié au Canada.

[21]       Il ressort de la transcription de l'audience que la Commission a pris en considération l'explication du demandeur en ce qui a trait au fait qu'il a tardé à revendiquer le statut de réfugié. Quoi qu'il en soit, il était loisible à la Commission de tenir compte de la conduite du demandeur. Dans Skretyuk c. Canada (M.C.I.), (1998) 47 Imm.L.R. (2d) 86, le juge Dubé a conclu qu' « [u]n revendicateur se trouvant en passage dans un pays signataire de la Convention doit revendiquer le statut de réfugié dans les plus brefs délais, sans quoi sa demande peut être considérée comme n'étant pas sérieuse » .

[22]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 décembre 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                              IMM-1506-01

INTITULÉ :                                                         MAHOOD ALAM KHAN et autres

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 13 DÉCEMBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                                     LE 17 DÉCEMBRE 2001

COMPARUTIONS:

JEFFREY NADLER                                                                      POUR LES DEMANDEURS

EDITH SAVARD                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

JEFFREY NADER                                                                        POUR LES DEMANDEURS

MONTRÉAL (QUÉBEC)

MORRIS ROSENBERG                                                              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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