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Date : 19990416


Dossier : IMM-977-98

Entre :

     GERARDO FLORENTINO SIFUENTES SALAZAR

     SANTOS LUIS SIFUENTES SALAZAR

     Demandeurs

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre d"une décision de la Section du statut de réfugié selon laquelle les frères Gerardo Florentino Sifuentes Salazar et Santos Luis Sifuentes Salazar (les " demandeurs ") sont exclus du bénéfice de la Convention par l"application de l"alinéa 1(F)(a) de la Convention.

[2]      Les demandeurs sont citoyens du Pérou. Gerardo, âgé de 43 ans était policier de carrière. Lors de son départ du Pérou, il était opérateur de radio à la Centrale de Communication au trentième commandement de la brigade routière de la police nationale. Son frère, Luis, âgé de 33 ans, était chauffeur de taxi à son compte et informateur de la police à l"occasion. Il fournissait à son frère Gerardo des renseignements sur des personnes que lui-même trouvait suspectes.

[3]      La Section du statut a conclu que les demandeurs ont participé activement au système oppressif de la police péruvienne et qu"ils agissaient sans contrainte ni obligation. Plus particulièrement, elle a statué que :

Les deux frères ont agi délibérément sans contrainte, ni par obligation fonctionnelle mais de façon volontaire et consciente; ils savaient que les personnes qu"ils accusaient sont automatiquement soumises à une enquête dont l"issue peut leur être fatale.1

[4]      Donc, la Section du statut a conclu qu"elle avait des raisons sérieuses de croire que les demandeurs aient commis un crime contre l"humanité et pour ces motifs, ils sont exclus par l"alinéa 1(F)(a).

[5]      Les demandeurs prétendent que la décision du tribunal est erronée puisqu"ils n"ont jamais témoigné, comme l"indique le tribunal, qu"ils savaient ce qui arrivait aux personnes sous enquête.

[6]      Dans l"affaire Mohamed2 je résumais, suivant la jurisprudence récente3, les principes de droit quant à l"application de l"exclusion en vertu de l"alinéa 1F(a) de la Convention de la façon suivante :

     a)      la norme de preuve que le ministre doit faire pour démontrer que la Convention ne s'applique pas à une personne est une norme moindre que la prépondérance des probabilités. Le libellé de la clause d'exclusion exige seulement qu'il y ait des " raisons sérieuses de penser " que la personne ait commis un crime contre l'humanité. Il n'est donc pas nécessaire que la personne ait été trouvée coupable ni qu'elle ait été accusée de ce crime ;
     b)      la clause d'exclusion vise non seulement les auteurs des crimes mais les complices aussi, dans la mesure où ils démontrent avoir le degré de participation requis ;         
     c)      le complice d'une infraction doit avoir participé personnellement et consciemment à la perpétration ou la commission du crime. La complicité repose essentiellement sur une intention commune c"est-à-dire la connaissance des actes commis et la non-intervention ;         
     d)      la simple appartenance à une organisation qui commet sporadiquement des infractions internationales ne suffit pas pour exclure une personne ;         
     e)      par contre, lorsque l'organisation vise principalement des " fins limitées et brutales ", comme par exemple la police secrète, ses membres peuvent être considérés comme y participant personnellement et sciemment du fait de leur adhésion au groupe ;         
     f)      la simple présence d'une personne sur les lieux d'une infraction en tant que spectatrice par exemple, sans lien avec le groupe persécuteur, ne fait pas d'elle une complice ;         
     g)      la participation personnelle et consciente peut être inférée du rang occupé par la personne.         

[7]      Dans cette affaire j"ai conclu que le tribunal avait jugé que le demandeur était un participant personnel et conscient non seulement du fait de l"appartenance du demandeur à la police mais de sa connaissance des actes commis et de son intervention.

[8]      Or, dans le présent dossier, la preuve ne révèle pas une telle connaissance des actes commis. Le témoignage oral des demandeurs est à l"effet contraire. Le tribunal n"a pas inféré la connaissance du fait que, compte tenu de la preuve documentaire, les demandeurs auraient dû savoir mais il affirme qu"ils ont témoigné à cet effet.

[9]      Puisqu"une telle conclusion n"est pas appuyée sur la preuve, je me dois de casser la décision et de retourner le dossier devant un autre panel pour une nouvelle audition.


[10]      Aucun procureur n"a recommandé la certification d"une question.

     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 16 avril 1999.

__________________

1      Décision de la séction, aux pp. 3-4.

2      Kiared Mohamed c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration du Canada (le 24 août 1998), IMM-3172-97 (F.C.T.D.).

3      Ramirez c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.); Moreno c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.); Sivakumar c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.).

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