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Date : 20050914

Dossier : IMM-10455-04

Référence : 2005 CF 1253

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

STANHOPE ST. AUBYN COOPER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La question en litige est de savoir si les déclarations de culpabilité de Stanhope St. Aubyn Cooper relativement à des infractions provinciales liées à l'utilisation d'une automobile constituent une violation de la condition du sursis de son expulsion, qui exige [traduction] « de ne pas troubler l'ordre public, d'avoir une bonne conduite et de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » .

Le contexte

[2]                M. Cooper est arrivé au Canada en provenance de la Jamaïque en 1992, à l'âge de 12 ans. Il a fait l'objet d'une mesure d'expulsion en 2000 après avoir été déclaré coupable de quatre accusations pour vol à main armée et de deux accusations pour utilisation d'une fausse arme à feu. Pour ces infractions, M. Cooper s'est vu imposer une peine équivalant à près de 6 ans de pénitencier, puisqu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement de 4 ans, en plus des 10 mois qu'il avait passés en détention préventive, pour laquelle on lui a accordé un crédit de 20 mois.

[3]                Le 13 novembre 2001, la Section d'appel de l'immigration (SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accordé à M. Cooper un sursis de 2 ans à l'exécution de la mesure d'expulsion, pourvu qu'il respecte un certain nombre de conditions, y compris celle [traduction] « de ne pas troubler l'ordre public, d'avoir une bonne conduite et de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » .

[4]                En février 2002, M. Cooper a obtenu une libération conditionnelle. Il est parvenu au terme de sa période de libération conditionnelle le 1er février 2004.

[5]                La SAI a examiné le dossier de M. Cooper en juin 2004, période à laquelle on a démontré que M. Cooper avait été déclaré coupable de plusieurs infractions en matière d'excès de vitesse et de stationnement, de même que d'une infraction au Code de la route de l'Ontario parce qu'il ne possédait pas de certificat d'immatriculation ou qu'il avait omis de le remettre, et finalement d'une infraction à la Loi sur l'assurance-automobile obligatoire de l'Ontario parce qu'il n'avait pas de carte d'assurance ou qu'il avait omis de la remettre.

[6]                M. Cooper, qui soutient que la SAI a commis une erreur en concluant qu'il n'avait pas respecté les conditions de son sursis, affirme que l'ajout de l'expression [traduction] « et de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » à la condition habituelle « de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite » a eu pour effet de modifier les deux premiers éléments de la condition, de sorte qu'il n'était tenu qu'à une seule obligation, celle de ne pas commettre d'autres infractions criminelles.

[7]                M. Cooper fait aussi valoir que la SAI a commis une erreur en émettant l'hypothèse qu'il avait manqué à une deuxième condition exigeant qu'il [traduction] « respecte toutes les conditions de libération conditionnelle et toutes les ordonnances des tribunaux » .

[8]                Avant d'examiner les arguments présentés par M. Cooper, il faut d'abord étudier la demande de retrait de son avocate.

La demande de retrait de l'avocate inscrite au dossier

[9]                Peu de temps avant l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, l'avocate de M. Cooper a demandé à se retirer du dossier par voie de requête parce que sa relation avec son client s'était détériorée et qu'elle se trouvait dans l'impossibilité d'obtenir des instructions de la part de M. Cooper. Ce dernier n'a pas réagi à la requête. En raison de la date tardive à laquelle la requête a été déposée et de l'absence d'un motif qui expliquerait pourquoi elle ne pouvait pas être présentée plus tôt, le protonotaire Lafrenière a refusé d'accorder le redressement demandé et a ajourné la requête afin qu'elle soit traitée lors de l'audition de la demande de M. Cooper.

[10]            L'avocate de M. Cooper a déposé une nouvelle demande de retrait du dossier au moment de l'audience, mais elle a admis être disposée à plaider la cause si la Cour l'exigeait. Compte tenu de la date tardive de la demande et du préjudice qu'elle pourrait causer à M. Cooper si elle était accueillie, j'ai rejeté la demande de retrait formulée par l'avocate, qui a participé à l'audience jusqu'à la fin et de façon très compétente.

La norme de contrôle

[11]            Bien qu'aucune jurisprudence n'ait été présentée à l'appui, les avocats respectifs de M. Cooper et du défendeur affirment que les questions portant sur l'interprétation de la SAI à l'égard des conditions du sursis accordé à M. Cooper devraient être examinées selon la norme de la décision raisonnable. À mon avis, il n'est pas nécessaire de déterminer s'il s'agit de la norme appropriée parce que je suis convaincue que la Commission a correctement interprété les conditions.

Analyse

[12]            D'après l'avocate de M. Cooper, la conduite de ce dernier devait avoir un lien quelconque avec ses infractions initiales pour causer une violation des conditions de son sursis. Je ne suis pas d'accord.

[13]            La condition selon laquelle un individu est tenu « de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite » est celle qui figure généralement dans les ordonnances de sursis d'une mesure d'expulsion en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration et elle constitue également une condition légale dans toutes les ordonnances de probation en matière criminelle : voir le Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, alinéa 732.1(2)a).

[14]            Bien qu'il reste à décider si la condition intimant à un individu « d'avoir une bonne conduite » peut être transgressée sans que l'individu ait enfreint une loi ou un règlement (voir R. c. Gosai, [2002] O.J. no 359, paragraphe 27), la jurisprudence en matière criminelle établit clairement que pour « avoir une bonne conduite » , il faut se conformer aux lois et aux règlements fédéraux, provinciaux et municipaux : R. c. R. (D.) (1999), 138 C.C.C. (3d) 405 (C.A. T.-N.).

[15]            En outre, la jurisprudence de la Cour établit tout aussi clairement que l'on interprétera de manière semblable les ordonnances conditionnelles rendues dans un contexte d'immigration : Huynh c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2003] A.C.F. no 1844, paragraphe 7.

[16]            Il n'y a rien dans la jurisprudence qui permet d'affirmer que tout manquement aux conditions doit nécessairement se rapporter à l'infraction initiale.

[17]            L'avocate de M. Cooper plaide également que l'ajout des termes [traduction] « et de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » à la condition habituelle « de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite » a pour effet de modifier les deux premiers éléments de la condition, de façon à ce que le demandeur soit seulement tenu [traduction] « de ne pas de commettre d'autres infractions criminelles » .

[18]            Je ne souscris pas à cette affirmation. Le fait d'accepter l'interprétation de l'avocate rendrait la condition selon laquelle M. Cooper est tenu « de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite » dénuée de sens.

[19]            À mon avis, il est plus logique de croire que l'élément supplémentaire intimant à M. Cooper « de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » ne modifie pas les deux premiers éléments de la condition, mais ajoute plutôt à celle-ci un troisième élément. À cet égard, j'abonde dans le même sens que la Commission, qui estime que l'expression « de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » est tout à fait superflue, puisque la condition selon laquelle M. Cooper ne doit commettre aucune infraction criminelle est déjà implicite dans la condition d'avoir une bonne conduite.

[20]            Enfin, l'avocate de M. Cooper s'appuie sur l'arrêt Marcotte c. Canada (Sous-procureur général), [1976] 1 R.C.S. 108, de la Cour suprême du Canada, pour affirmer que la clarté et la certitude sont essentielles lorsque la liberté d'un individu est en jeu. Bien que ce principe soit irréfutable, il n'aide en rien la situation de M. Cooper puisque, à la lumière de la jurisprudence, la condition exigeant « d'avoir une bonne conduite » est suffisamment claire.

[21]            Comme j'ai conclu que la SAI n'a pas commis d'erreur en interprétant la condition intimant à M. Cooper [traduction] « de ne pas troubler l'ordre public, d'avoir une bonne conduite et de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » , il est inutile d'examiner ses arguments à l'égard de la condition l'intimant à « respecte[r] toutes les conditions de libération conditionnelle et toutes les ordonnances des tribunaux » .

Conclusion

[22]            Pour ces motifs, la demande sera rejetée.

Certification

[23]            L'avocate de M. Cooper a demandé que la question suivante soit certifiée :

[TRADUCTION]

La condition du sursis qui exige [TRADUCTION] « de ne pas troubler l'ordre public, d'avoir une bonne conduite et de ne pas commettre d'autres infractions criminelles » englobe-t-elle les infractions non criminelles et criminelles des dispositions légales et réglementaires sur les plans fédéral, provincial et municipal, ou la condition est-elle limitée aux infractions criminelles?

[24]            L'avocat du défendeur s'oppose à la certification, alléguant qu'il ne s'agit pas d'une question grave de portée générale, mais d'une question qui relève plutôt de l'interprétation de la SAI d'une condition précise dans le cadre d'une ordonnance précise. De plus, l'interprétation correcte de l'expression « avoir une bonne conduite » est bien établie dans la jurisprudence.

[25]            Je reconnais que la question envisagée n'est pas appropriée à la certification pour les motifs cités par le défendeur.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

                                   

            1.          que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

            2.          qu'aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-10455-04

INTITULÉ :                                                    STANHOPE ST. AUBYN COOPER

                                                                        c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 12 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                   LE 14 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Seaborne Geale-Barker                                     POUR LE DEMANDEUR

Lisa Hutt                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ormston, Bellissimo, Rotenberg

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice   

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DÉFENDEUR

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