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Date : 20010503

Dossier : IMM-3565-00

Référence neutre : 2001 CFPI 430

ENTRE :

MARY ANA LOTFY HABIB BOCTAR

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]         La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 6 juin 2000, statuant que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.


[2]         Les questions en litige consistent à déterminer si la Commission a commis des erreurs : (1) lorsqu'elle n'a pas tenu compte du témoignage d'un témoin qui a comparu pour la demanderesse; (2) lorsqu'elle a conclu de façon déraisonnable quant à la crainte fondée; et (3) lorsqu'elle a tiré des conclusions déraisonnables quant à la crédibilité.

[3]         L'avocat de la demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle n'a pas tenu compte du témoignage d'un témoin qui a corroboré la déposition de la demanderesse relativement à son rôle actif auprès de l'Église copte, témoignage qui appuyait ainsi sa prétention selon laquelle elle était une cible de persécution en raison de la religion. Dans la cause Cepeda-Gutierrez c. M.C.I., [1998] A.C.F. no 1425 (1re inst.)(QL), le juge Evans (tel était alors son titre) a clairement établi que la Commission avait l'obligation de tenir compte de la preuve documentaire qui était directement pertinente à la revendication. Il a de plus déclaré que plus la preuve est pertinente plus il est nécessaire pour la Commission d'expliquer les motifs pour lesquels elle n'y a pas prêté plus d'importance. Il signale au paragraphe 17 :

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.


[4]         Dans la présente affaire, le témoignage du témoin ne corroborait pas directement celui de la demanderesse vu qu'il ne pouvait témoigner que par rapport à la participation qu'elle avait eue auprès de l'Église pendant qu'elle était en Égypte et non pas pendant qu'elle était au Soudan. Dans ses motifs, la Commission ne mentionne aucunement les activités religieuses de la demanderesse en Égypte et se fonde seulement sur la preuve en provenance du Soudan. La preuve qui se rapporte aux activités de la demanderesse en Égypte n'est pas directement pertinente à sa revendication. Étant donné que la Commission n'a tiré aucune conclusion quant aux activités de la demanderesse en Égypte, elle n'a pas commis une erreur lorsqu'elle n'a pas tenu compte du témoignage du témoin qui a comparu pour la demanderesse. De plus, le propre témoignage de la demanderesse n'établit pas clairement qu'elle participe activement aux activités de l'Église copte.

[5]         La Commission a ensuite évalué si la demanderesse avait raison de craindre d'être persécutée au Soudan parce qu'elle était une femme chrétienne célibataire sans famille nucléaire. La demanderesse a témoigné qu'elle participait aux activités de l'Église copte au Soudan. La Commission a statué que les Coptes très actifs au sein de l'Église s'exposent à plus qu'une simple possibilité de persécution. Toutefois, il n'existait pas de preuve que la demanderesse était très active au sein de l'Église copte.


[6]         La Commission a déclaré à la page 5 :

On ne remet pas en question non plus le fait que toutes les femmes, quelle que soit leur allégeance religieuse, sont obligées de respecter le port du hidjab et sont assujetties à la charia. Étant donné ces deux situations factuelles, le tribunal se doit de qualifier de harcèlement et de discrimination le traitement réservé aux chrétiens et aux femmes chrétiennes au Soudan. Par ailleurs, à notre avis, il n'y a pas eu de mauvais traitements aux prétendues fins de persécution dans le cas présent, qu'on les considère individuellement ou dans l'ensemble.

[7]        L'avocat de la demanderesse prétend que la Commission aurait dû expliquer plus en détail pourquoi les mauvais traitements subis par la demanderesse en raison du fait qu'elle est de sexe féminin constituaient seulement du harcèlement et de la discrimination, mais non de la persécution. Il n'existait cependant pas de preuve crédible fournie par la demanderesse démontrant qu'elle avait été persécutée et elle ne faisait pas partie du groupe de femmes chrétiennes qui étaient persécutées selon la preuve documentaire.


[8]        L'avocat de la demanderesse prétend aussi que la Commission a tiré des conclusions déraisonnables quant à la crédibilité. La Commission a cité des exemples de contradictions et d'exagérations qui l'ont amenée à conclure que la demanderesse n'a pas fourni suffisamment d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi pour permettre à la Commission de conclure que la demanderesse avait raison de craindre d'être persécutée. Il faut faire preuve de retenue envers les conclusions de la Commission quant à la crédibilité et à la vraisemblance conformément à l'arrêt Aguebor c. M.E.I. (1993),160 N.R. 315 (C.A.F). À mon avis, les conclusions quant à la crédibilité étaient celles auxquelles la Commission pouvait arriver. J'aurais peut-être conclu autrement, cependant la Commission est la mieux placée pour tirer ces conclusions et sa décision n'est pas déraisonnable au point de justifier une intervention judiciaire.

[9]        La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W.P. McKeown »

J.C.F.C.

                                                                

Ottawa (Ontario)

Le 3 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L

                                                                                                           


Date : 20010503

Dossier : IMM-3565-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 3 MAI 2001

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

MARY ANA LOTFY HABIB BOCTAR

demanderesse

- et -

LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W.P. McKeown »

J.C.F.C.

                                                               

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                             IMM-3565-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Maryana Lotfy Habib Boctar c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 11 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :     Monsieur le juge McKeown

EN DATE DU :                                              3 mai 2001

ONT COMPARU :

Lorne Waldman                                               Pour la demanderesse

Mielka Visnic                                                   Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman and Associates

Toronto (Ontario)                                            Pour la demanderesse

                                

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                   Pour le défendeur


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