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Date : 20040630

Dossier : T-143-03

Référence : 2004 CF 952

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                      JOHN FOX et JOHN FORD

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

                                                             MARK MURDOCK

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable par laquelle un comité d'appel de la Commission de la fonction publique (le comité d'appel) a rejeté, le 1er mars 2003, les appels que les demandeurs avaient interjetés en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (la Loi); le comité avait conclu que la nomination de M. Mark Murdock au poste de chef, Santé, sécurité et protection, au ministère des Pêches et des Océans (le MPO) n'indiquait pas qu'il y avait eu partialité ou présélection et que cette nomination était conforme au principe du mérite.

HISTORIQUE

[2]                Au mois de novembre 2001, le MPO a organisé un concours interne afin de doter le poste de chef, Santé, sécurité et protection, à Dartmouth (Nouvelle-Écosse). L'énoncé de qualités indiquait les conditions suivantes relativement aux études et à l'expérience aux fins de l'admission à la phase d'évaluation du concours : expérience dans le domaine de la prestation de programmes concernant la santé et la sécurité au travail et expérience en matière de gestion des ressources humaines et financières. Les candidats qui remplissaient ces conditions devaient ensuite être évalués par rapport à trois qualités aux fins de la nomination : les connaissances, les capacités et compétences et les qualités personnelles.


[3]                Monsieur Alan McLarty, qui était alors directeur régional intérimaire, Ressources humaines, agissait à titre de jury de sélection aux fins de la nomination. Trente demandes ont été reçues dont l'une a été éliminée parce qu'elle avait été présentée tardivement. Quinze demandes ont été éliminées sur les 29 autres demandes parce qu'on estimait que les candidats ne possédaient pas l'expérience requise. Monsieur Fox était l'un des candidats qui avait été éliminé de la procédure de sélection avant la phase d'évaluation parce qu'il n'avait pas démontré, dans son curriculum vitae, qu'il possédait l'expérience nécessaire en matière de gestion des ressources financières.

[4]                Parmi les 14 autres candidats, neuf ont décidé de se présenter à l'examen écrit portant sur les connaissances, lequel a été tenu le 27 mars ou le 2 avril 2002. Monsieur Ford était l'un des neuf candidats qui s'étaient présentés à l'examen. Monsieur Murdock, le candidat reçu, qui avait été nommé au poste en question à titre intérimaire avant le concours, s'est présenté à l'examen, à cause de circonstances atténuantes, le 11 avril 2002 plutôt qu'aux dates antérieurement prévues. La note de passage était de 49,8/83 ou de 60 p. 100. Monsieur Ford a obtenu 31,5/83 ou 38 p. 100 et il n'a donc pas été autorisé à se présenter au concours. Monsieur Murdock a été le seul candidat à passer l'examen, avec une note de 56,5/83 ou 68 p. 100.

[5]                Le 10 mai 2002, M. McLarty a évalué les capacités et les qualités personnelles du seul autre candidat, M. Murdock, en se fondant sur le fait qu'il connaissait personnellement celui-ci en sa qualité de superviseur direct de M. Murdock. Il a conclu que M. Murdock avait les qualifications requises et il a inscrit le nom de celui-ci sur la liste d'admissibilité. Monsieur Murdock a par la suite été nommé au poste en question.


[6]                Le 15 mai 2002, le ministère a envoyé des lettres à tous les candidats pour les informer du résultat du concours et de leur droit d'en appeler de la décision. Quatre candidats, dont MM. Fox et Ford, ont interjeté appel de la sélection de M. Murdock devant le comité d'appel conformément au paragraphe 21(1) de la Loi.

DÉCISION DU COMITÉ D'APPEL

[7]                Le comité d'appel était présidé par Mme Judith Giffen, qui a entendu les appels sur une période de cinq jours, entre les mois de septembre et de décembre 2002. Monsieur Fox a allégué devant le comité d'appel que le jury de sélection, ou M. McLarty, avait fait preuve de partialité à son endroit et que le ministère avait choisi d'avance M. Murdock. Il a allégué que M. Murdock bénéficiait d'un avantage inéquitable puisqu'il avait occupé le poste en question pendant plusieurs mois avant la tenue du concours. Monsieur Ford a également allégué devant le comité que M. McLarty avait fait preuve de partialité en choisissant M. Murdock et que M. Murdock bénéficiait d'un avantage inéquitable étant donné qu'il avait déjà occupé le poste en question.


[8]                Le 1er mars 2003, le comité d'appel a rejeté les appels interjetés par MM. Fox et Ford. En ce qui concerne M. Fox, le comité a conclu que rien ne montrait l'existence d'une partialité réelle de la part du jury de sélection, tout en reconnaissant, lorsqu'il a examiné la mesure de dotation, qu'il pouvait exister un certain fondement justifiant une crainte raisonnable de partialité de la part de M. Fox, principalement en raison des mauvais sentiments que celui-ci éprouvait envers le ministère et de la soi-disant violation d'une entente conclue à la suite de la médiation par suite d'une plainte déposée devant la Commission de la fonction publique. Toutefois, rien ne montrait que le demandeur avait été éliminé du concours d'une façon inéquitable. Il incombait à M. Fox d'indiquer dans son curriculum vitae les qualités qu'il possédait en matière de finances et il ne l'avait pas fait. Monsieur Fox n'a pas établi qu'il avait été éliminé du concours d'une façon inappropriée et il n'a pas démontré que M. Murdock bénéficiait de quelque façon d'un avantage inéquitable. Le comité d'appel a rejeté l'appel interjeté par M. Ford pour des motifs similaires étant donné que rien ne montrait que M. Murdock avait bénéficié d'un avantage inéquitable parce qu'il avait occupé le poste en question à titre intérimaire avant d'être évalué.

[9]                Les demandeurs Fox et Ford ont présenté une demande de contrôle judiciaire le 4 avril 2003.

POINTS LITIGIEUX

[10]            Les demandeurs ont soulevé deux questions principales dans le cadre du contrôle judiciaire :

A.         Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en appliquant le critère relatif à la partialité?

B.          Le comité d'appel a-t-il commis une erreur dans son analyse de la présélection, ou encore s'est-il fondé sur des considérations non pertinentes ou a-t-il omis de tenir compte de considérations pertinentes dans son analyse de la présélection?


CONTEXTE LÉGISLATIF

[11]            Loi sur l'emploi dans la fonction publique :


Nominations au mérite

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

Appointments to be based on merit

10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

(2) For the purposes of subsection (1), selection according to merit may, in the circumstances prescribed by the regulations of the Commission, be based on the competence of a person being considered for appointment as measured by such standard of competence as the Commission may establish, rather than as measured against the competence of other persons.


Appels

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

Appeals

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.


NORME DE CONTRÔLE

[12]            Les demandeurs soutiennent que le critère juridique à appliquer à l'égard de la partialité soulève une question de droit et que l'expertise y afférente relève clairement des tribunaux judiciaires. Cela étant, la norme de la décision correcte doit s'appliquer. La question de savoir si la procédure de sélection allait à l'encontre du principe du mérite reconnu à l'article 10 de la Loi, et une procédure de sélection entachée de partialité ou comportant des considérations non pertinentes va certes à l'encontre du principe du mérite, est une question de droit : Boucher c. Canada (Procureur général) (2000), 252 N.R. 186 (C.A.F.), au paragraphe 24.

[13]            Le défendeur affirme que même si le critère pertinent pour ce qui est de la partialité soulève une question de droit entraînant l'application de la norme de la décision correcte, toute contestation de l'appréciation ou de l'évaluation de la part du comité de la preuve concernant la présélection devrait être examinée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable ou, subsidiairement, selon la norme du caractère raisonnable.


[14]            Comme l'a fait remarquer le juge Russell dans la décision Gawlick c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 795 (QL), l'analyse pragmatique et fonctionnelle a été appliquée aux décisions rendues par le comité d'appel de la Commission de la fonction publique avec des résultats variant quelque peu. En l'espèce, pour ce qui est du premier point litigieux, je conclus que la question de savoir si le bon critère a été utilisé à l'égard de la partialité est une question de droit, cette question devant donc être examinée selon la norme de la décision correcte : Boucher c. Canada (Procureur général), précité, au paragraphe 7. Toutefois, la question de savoir si le comité d'appel a apprécié de la façon appropriée les actions du jury de sélection pour ce qui est du principe du mérite et de la présélection, ou la question de savoir si le principe du mérite a été violé eu égard aux faits de l'affaire, est une question mixte de fait et de droit qui doit, à mon avis, être examinée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter : Hains c. Canada (Procureur général) (2001), 209 F.T.R. 137.

ANALYSE

A.         Le comité d'appel a-t-il commis une erreur en appliquant le critère relatif à la partialité?


[15]            Les demandeurs soutiennent que le comité d'appel a commis une erreur en appliquant la norme de la « partialité réelle » à la nomination de M. Murdock effectuée par le jury de sélection. Le comité a cité l'arrêt Canada (Procureur général du Canada) c. Mirabelli, [1987] A.C.F. no 142 (C.A.) (QL), à l'appui de la proposition selon laquelle il doit exister une partialité réelle, mais il a omis de reconnaître que la jurisprudence récente a clarifié ce critère.

[16]            Dans la décision Hnatiuk c. Canada (Conseil du Trésor), [1993] A.C.F. no 703 (QL), il a été statué que même si, comme il en avait été fait mention dans l'arrêt Mirabelli, précité, une crainte raisonnable de partialité est en soi insuffisante, il est également déraisonnable d'exiger uniquement une preuve de partialité réelle afin d'établir qu'il a été contrevenu au principe du mérite. Les circonstances de l'affaire pourraient plutôt démontrer une « partialité réelle présumée » qui serait suffisante pour satisfaire au critère établi dans l'arrêt Mirabelli, précité.

[17]            Les demandeurs affirment que l'approche à adopter, selon la décision Hnatiuk, exigerait donc que le comité d'appel se demande s'il existait une crainte raisonnable de partialité et, dans l'affirmative, que le comité détermine si les circonstances de l'affaire donnaient lieu à une partialité réelle présumée selon la prépondérance des probabilités.

[18]            Le défendeur affirme que même si le comité n'a pas expressément fait mention de la norme de la « partialité réelle présumée » , son analyse de la question était conforme au critère à appliquer à l'égard de la partialité. La conclusion du comité d'appel selon laquelle la procédure de sélection n'indiquait aucun parti pris à l'encontre des demandeurs était fondée sur l'examen des circonstances de l'affaire dans leur ensemble et elle est donc correcte en droit.


[19]            Je suis d'accord avec les demandeurs pour dire que le comité d'appel n'a pas fait mention de la norme de la « partialité réelle présumée » . Néanmoins, je ne crois pas que le fait que le comité d'appel n'a pas expressément parlé de la « partialité réelle présumée » porte un coup fatal à son interprétation et à son application du critère ou aux conclusions finales qu'il a tirées. J'ai minutieusement examiné les motifs énoncés par le comité, et je suis convaincue que son analyse de la question était conforme au critère requis.

[20]            Pour ce qui est de M. Fox, le comité d'appel a conclu que, bien qu'il puisse y avoir eu une crainte raisonnable de partialité de la part de celui-ci, il n'existait aucun élément indépendant de preuve montrant que M. Fox avait été éliminé du concours d'une façon inappropriée ou inéquitable. En d'autres termes, même si le demandeur avait démontré l'existence d'une crainte raisonnable de partialité concernant le fait qu'il avait été éliminé du concours, le deuxième élément du critère énoncé dans la décision Hnatiuk n'avait pas été établi, ou il n'avait pas été établi, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve et toutes les circonstances entourant le concours permettaient de présumer ou d'inférer que la partialité avait influé sur le résultat du concours.


[21]            Le comité a conclu que si le demandeur Fox possédait de fait l'expérience nécessaire en matière de gestion des ressources financières, il était vraiment malheureux qu'il n'ait pas clairement fait mention de cette expérience dans son curriculum vitae. Contrairement au demandeur Fox, tous les autres candidats qui avaient fait l'objet d'une sélection avaient mentionné leur expérience en ce qui concerne les ressources financières. Je souscris à cette conclusion. Le demandeur a la charge d'établir qu'il possède les qualifications nécessaires. Il n'incombe pas à la personne qui procède à l'entrevue d'étayer le curriculum vitae d'un candidat ou d'enquêter plus à fond sur son contenu. De fait, il serait inéquitable pour les autres candidats de choisir un candidat qui n'a pas songé à énoncer ses qualifications d'une façon appropriée, simplement parce que la personne chargée de doter le poste entretenait des relations personnelles avec le candidat ou qu'elle était personnellement au courant des qualifications de celui-ci.

[22]            Le comité a également correctement examiné les allégations de partialité que M. Ford avait faites. Le comité a conclu, en examinant minutieusement la procédure de présentation des demandes, comme le fait que les documents requis relatifs aux réponses avaient été mis à la disposition de tous les candidats, qu'un système de notation détaillé uniforme avait été établi, que le jury de sélection était compétent, que les questions avaient été choisies d'une façon impartiale, que rien ne montrait que M. Murdock bénéficiait d'un avantage inéquitable par rapport aux autres candidats parce qu'il avait occupé le poste en question à titre intérimaire avant d'être évalué ou parce qu'une procédure de sélection inéquitable avait été utilisée. Rien ne montrait non plus que M. Murdock ne possédait pas les qualités requises pour occuper le poste ou que sa nomination était irrégulière.

[23]            Il est bon de noter le rôle du comité d'appel, tel qu'il a été défini dans la décision Ratelle c. Canada (Commission de la fonction publique, Direction des appels) (1975), 12 N.R. 85, au paragraphe 3 :

Le rôle du Comité d'appel est de faire enquête afin de déterminer si la sélection faite par le jury a été faite de façon telle qu'on puisse dire qu'elle est, comme l'exige la Loi une "sélection établie au mérite". Si le comité arrive à la conclusion que la sélection faite par le jury satisfait à cette exigence, il doit rejeter l'appel même s'il est d'opinion que s'il avait été lui-même chargé de la tâche confiée au jury de sélection, le résultat aurait pu être différent. Dans le cas où un jury de sélection a accompli son travail en se conformant à la Loi et aux règlements et en cherchant honnêtement par les moyens qu'il juge appropriés à choisir le candidat le plus méritant, un Comité d'appel outrepasse ses droits s'il accueille l'appel de la décision du jury pour le motif que le jury n'a pas, dans l'accomplissement de sa tâche, utilisé les moyens que le Comité d'appel juge les plus appropriés.

Comme il en a été fait mention dans l'arrêt Madracki c. Canada, [1986] A.C.F. no 727 (C.A.) (QL), la chose est naturellement fondée sur le fait que le jury de sélection s'est acquitté de sa tâche conformément à la Loi et à son règlement d'application. J'ai minutieusement examiné la décision du comité d'appel et je conclus qu'il s'est acquitté de ses obligations en décidant que le jury de sélection avait fait son choix au mérite et qu'il s'était acquitté de sa tâche conformément à la Loi et à son règlement d'application. Le comité d'appel a énoncé d'une façon erronée le critère qu'il convient d'utiliser pour déterminer s'il y a partialité, mais il s'est acquitté de ses obligations en décidant que le principe du mérite avait été respecté et il a en fin de compte appliqué le bon critère, à savoir la partialité réelle présumée.


[24]            En somme, le comité n'a pas utilisé les termes récemment employés à l'égard du critère relatif au mérite, mais il a néanmoins respecté les principes et, à mon avis, il serait arrivé à la même décision même si le critère relatif à la partialité réelle présumée avait clairement été mentionné. Il s'agissait d'une erreur quant à la forme et non quant au contenu. Renvoyer l'affaire au comité d'appel pour qu'il rende une nouvelle décision serait gaspiller le temps et les ressources judiciaires.

B.          Le comité d'appel a-t-il commis une erreur dans son analyse de la présélection, ou encore s'est-il fondé sur des considérations non pertinentes ou a-t-il omis de tenir compte de considérations pertinentes dans son analyse de la présélection?

[25]            Les demandeurs affirment que, même s'ils ont tous deux allégué devant le comité d'appel que M. Murdock avait fait l'objet d'une présélection et avait bénéficié d'un avantage inéquitable dans le cadre du concours, le comité d'appel a largement omis de tenir compte de ces allégations, et ce, bien que dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Pearce, [1989] 3 C.F. 272, la Cour d'appel fédérale eût statué qu'un comité d'appel ne commettait pas d'erreur de droit en concluant qu'une affectation combinée à une procédure de sélection qui avait pour effet de conférer un avantage inéquitable au candidat affecté au poste pouvait compromettre l'application du principe du mérite.


[26]            Le défendeur affirme que le comité d'appel a eu raison de rejeter l'allégation selon laquelle M. Murdock avait fait l'objet d'une présélection ou avait bénéficié d'un avantage inéquitable dans le cadre de la procédure. Le comité a apprécié la preuve de la façon appropriée et il a conclu que le fait que M. Murdock avait occupé le poste à titre intérimaire avant le concours ne lui donnait pas un avantage inéquitable pour ce qui est de l'examen relatif aux connaissances ou de l'évaluation de ses capacités et qualités personnelles. Le comité n'a pas omis de tenir compte de la preuve d'irrégularités avant et pendant la procédure de sélection et il n'a pas d'une façon inappropriée tenu compte de la preuve concernant l'omission des demandeurs d'en appeler de la nomination intérimaire de M. Murdock au poste en question.

[27]            Je suis d'accord avec les demandeurs pour dire que la nomination d'un candidat à un poste qu'il avait déjà occupé à titre intérimaire pendant environ un an, autrement que par concours, permettait avec raison de craindre qu'il y ait eu présélection et violation du principe du mérite. En pareil cas, on peut avec raison se demander si les qualités requises pour occuper le poste et les épreuves relatives aux connaissances étaient organisées de façon à assurer que le titulaire en place ne perde pas son poste. Il est également raisonnable de se demander si une personne qui a déjà occupé un poste est mieux placée pour répondre aux questions posées à l'entrevue, ce qui veut dire que le candidat qui possède le plus de connaissances, par opposition au meilleur candidat, serait nommé.

[28]            Toutefois, en l'espèce, j'ai examiné la preuve et la décision elle-même et je suis convaincue que le comité d'appel a examiné à fond la procédure d'entrevue et qu'il s'est arrêté d'une façon adéquate à chacune des questions soulevées par les demandeurs.

[29]            Les demandeurs soutiennent que le comité a commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve selon laquelle le fait que M. Murdock avait occupé le poste à titre intérimaire donnait lieu à une irrégularité et qu'il a aggravé l'erreur en concluant que l'allégation relative à la présélection devait être rejetée parce qu'aucun appel n'avait été interjeté à l'encontre de la prorogation finale de la nomination intérimaire de M. Murdock au mois de janvier 2002. Je ne suis pas d'accord avec les demandeurs. Je ne crois pas qu'il était déraisonnable pour le comité d'inférer que l'omission des demandeurs d'en appeler de la prorogation de la nomination intérimaire de M. Murdock minait le bien-fondé de la prétention selon laquelle la nomination était irrégulière. Toute irrégularité qui peut avoir été commise dans le placement de M. Murdock aurait pu être examinée dans le contexte d'un appel interjeté au sujet de ce poste.

[30]            En outre, ce n'était pas la seule raison de rejeter l'allégation relative à la présélection. Dans sa décision, le comité d'appel a admis que, dans l'arrêt Pearce, précité, il avait été reconnu que le fait d'occuper un poste à titre intérimaire avant la tenue d'un concours concernant le même poste pouvait porter atteinte au principe du mérite s'il était démontré que la procédure de sélection conférait un avantage inéquitable au candidat, par exemple, par suite de l'utilisation de questions ou de qualifications préétablies biaisées.


[31]            Le comité a conclu, en examinant de près des questions telles que le fait que les documents requis relatifs aux réponses avaient été mis à la disposition de tous les candidats, qu'un système de notation détaillé uniforme avait été établi, que le jury de sélection était compétent et que les questions avaient été choisies d'une façon impartiale, que rien ne montrait que M. Murdock avait bénéficié d'un avantage inéquitable par rapport aux autres candidats par suite de l'utilisation d'une procédure de sélection inéquitable. Ces conclusions ne sont pas déraisonnables eu égard aux circonstances et le comité d'appel n'a pas commis d'erreur en rejetant l'allégation de présélection ou de partialité puisque rien ne montrait que la procédure de sélection était de quelque façon inéquitable.

[32]            Les demandeurs soutiennent enfin que le comité d'appel n'a pas tenu compte du fait que les plaintes de harcèlement dont M. Murdock avait fait l'objet avaient été sommairement rejetées par M. McLarty et qu'il a négligé de tenir compte du fait que M. Murdock avait été autorisé à passer l'examen relatif aux connaissances plusieurs jours après les autres candidats.


[33]            Premièrement, le comité a de fait examiné les plaintes de harcèlement dont M. Murdock avait fait l'objet lorsqu'il a apprécié la façon dont M. McLarty avait évalué les qualités personnelles de M. Murdock. Le comité a dit que [TRADUCTION] « le fait que d'autres personnes se sont peut-être plaintes de la conduite de M. Murdock ne veut pas dire que M. McLarty ne peut pas se faire sa propre idée au sujet des qualifications de M. Murdock en tant que personne principalement chargée de superviser celui-ci » . Le comité s'est donc clairement arrêté au fait que des plaintes avaient été portées contre M. Murdock et il a reconnu que l'opinion favorable du superviseur direct de M. Murdock était une source digne de foi et acceptable permettant d'évaluer la moralité de celui-ci et qu'elle n'avait pas à être conforme aux opinions des personnes qui avaient déposé des plaintes.

[34]            En ce qui concerne la date à laquelle M. Murdock s'est présenté à l'examen, je ne crois pas que cela étaye en soi une allégation de présélection ou de partialité, et le comité n'a pas commis d'erreur importante en omettant d'aborder cette question.

[35]            En conclusion, après avoir examiné la preuve et les questions dont le comité d'appel était saisi ainsi que la décision elle-même, je suis convaincue que le comité d'appel a examiné à fond la procédure d'entrevue et qu'il s'est arrêté d'une façon adéquate à chacun des points soulevés par les demandeurs. Le comité d'appel n'a pas commis d'erreur en analysant la question de la partialité et de la présélection et il n'a pas commis d'erreur du fait qu'il se serait fondé sur des considérations non pertinentes ou qu'il aurait omis de tenir compte de considérations pertinentes.

[36]            Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucuns dépens ne seront adjugés.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE

                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-143-03

INTITULÉ :                                                                John Fox et John Ford

c.

le procureur général du Canada et Mark Murdock

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 22 juin 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                la juge Danièle Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                                               le 30 juin 2004

COMPARUTIONS :

Andrew Raven                                                              POUR LES DEMANDEURS

Anne Turley                                                                   POUR LES DÉFENDEURS

Ramona Rothschild

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RAVEN, ALLEN, CAMERON,

BALLANTYNE ET YAZBECK

Ottawa (Ontario)                                                           POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                POUR LES DÉFENDEURS

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