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Date : 19990727


Dossier : T-1669-98



ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     et

     TAT YIN TSANG,

     défendeur.



     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU     

     Introduction

[1]      Le présent appel, fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la Citoyenneté (la Loi) et l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, est interjeté au nom du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, contre la décision, en date du 18 juin 1998, par laquelle un juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté canadienne présentée par le défendeur en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi.

[2]      L'appel en l'espèce a été interjeté le 20 août 1998. Il est par conséquent régi par les Règles de la Cour fédérale (1998). Il ne s'agit pas d'une instance de novo mais d'un appel fondé sur le dossier dont était saisi le juge de la citoyenneté1. Étant donné que le juge de la citoyenneté avait tranché au regard d'un certain nombre de faits, il convient, me semble-t-il, de s'en remettre, du moins dans une certaine mesure, aux conclusions de fait auxquelles le juge de la citoyenneté était parvenu, et de faire preuve à son égard d'une certaine retenue en raison des connaissances et de l'expérience particulières qui sont les siennes.

     Le faits

[3]      Le défendeur est arrivé au Canada et a acquis la résidence permanente le 11 avril 1992. Lors de son arrivée au Canada, il était accompagné de son épouse et de leurs deux filles.

[4]      En juillet 1994, le défendeur a conclu un contrat de travail de consultant avec Hansen Industries Ltd. Depuis novembre 1995, il travaille pour Alpha Technologies Ltd. en tant que directeur régional des ventes.

[5]      Le 2 février 1997, le défendeur a rempli une demande de citoyenneté canadienne qui a été reçue par les services d'enregistrement de la citoyenneté, à Sydney (Nouvelle-Écosse)le 12 février 1997.

[6]      Selon les renseignements consignés dans sa demande, le défendeur n'avait pas été présent au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté canadienne. Au cours de cette période de quatre ans, il s'était, en effet, trouvé hors du Canada pendant 819 jours.

[7]      Le défendeur affirme que s'il s'absentait du Canada, c'était pour établir des contacts dans les milieux d'affaires afin de pouvoir, justement, servir de consultant aux entreprises canadiennes de télécommunication.

[8]      À l'appui de sa demande de citoyenneté canadienne, le défendeur a produit des copies de divers documents.

     La décision du juge de la citoyenneté

[9]      Le juge de la citoyenneté a estimé que le défendeur avait satisfait aux conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, même si, au cours des quatre années précédant le dépôt de sa demande de citoyenneté, il ne s'était pas effectivement trouvé au Canada pendant au moins un total de 1095 jours.

     Le point en litige

[10]      Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur de droit ou de fait en estimant que le défendeur avait satisfait aux conditions fixées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, qui prévoit qu'au cours des quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté, le demandeur doit avoir passé au moins trois ans, soit 1095 jours, au Canada?

     Les arguments du demandeur

[11]      Le demandeur soutient que même si le mot " résidence " n'est pas défini de manière précise au paragraphe 2(1) de la Loi, le fait que l'alinéa 5(1)c ) de la Loi permette une absence d'un an au cours des quatre années précédant la demande de citoyenneté crée une forte présomption que la présence au Canada au cours des trois autres années est obligatoire. Étant donné que le défendeur ne s'est trouvé au Canada que pendant 642 jours, il ne répond pas, selon le demandeur, aux conditions prévues. Le demandeur reconnaît, cependant, que selon une jurisprudence abondante de la Cour, un candidat à la citoyenneté n'est pas tenu de se trouver effectivement au Canada pendant chacun des 1095 jours prévus et que, dans un tel cas, il faut chercher à savoir si le Canada est bien le pays où l'intéressé a effectivement centralisé son mode d'existence.

[12]      Or, le demandeur estime que même au regard de ce critère passablement indulgent, c'est à tort que le juge de la citoyenneté a estimé que le défendeur avait satisfait aux conditions de résidence. Les présences et absences du défendeur au Canada entre février 1993 et novembre 1995, avant que celui-ci ne trouve un emploi auprès de Alpha Technologies à Burnaby (C.-B.), indiquent qu'il ne faisait à l'époque que visiter le Canada, qu'au cours de cette période le défendeur a été souvent absent, et qu'en fin de compte la qualité du lien qu'il entretient avec le Canada est mince.

     Conclusion

[13]      Le mot " résidence " n'étant pas défini à l'article 5 de la Loi, son sens n'est pas évident. La Cour a eu maintes fois l'occasion de rappeler le principe selon lequel pour satisfaire aux conditions de résidence, il n'est plus nécessaire de se trouver effectivement au Canada pendant toute la période prévue par la Loi. Il s'agit donc d'une question mixte de fait et de droit et l'importance que revêt la présence physique doit être analysée et appréciée cas par cas.

[14]      En l'espèce, le défendeur s'est installé au Canada avec sa famille. Ses absences à l'étranger semblent être liées à son travail, même si elles sont volontaires. Seul son emploi auprès de Alpha Technologies paraît légitime.

[15]      Bien qu'il y ait lieu de s'en remettre, en bonne part, à l'appréciation du juge de la citoyenneté, j'estime qu'il appartenait à celui-ci de convaincre la Cour que, pour dire si les longues absences constatées au début de la période en cause pouvaient se justifier, il avait effectivement appliqué le critère pertinent. Dans les motifs de sa décision, le juge de la citoyenneté n'explique pas pourquoi il y avait lieu de considérer que les absences en question n'étaient que temporaires ou pourquoi on pourrait conclure que le défendeur avait établi un pied-à-terre au Canada avant novembre 1995, date à laquelle il a trouvé un véritable emploi.

[16]      L'appel est accueilli.

            

                             (signature) Paul Rouleau

                                 Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 27 juillet 1999


Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, B.A., LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DATE DE L'AUDIENCE :      Le 27 juillet 1999

No DU GREFFE :              T-1669-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Affaire intéressant Tat Yin Tsang


LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)


MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROULEAU

en date du 27 juillet 1999


ONT COMPARU :

     Emilia Péch                      pour le demandeur
     Ministère de la Justice
     Vancouver (C.-B.)
     Tat Yin Tsang                  pour son propre compte
     9435, Kilby Drive
     Richmond (C.-B.)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Morris Rosenberg                  pour le demandeur

     Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Canada (M.C.I.) c. Cheung (1998), J.C.F. no 813 (1re inst.), le juge Nadon.

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