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     Date : 19980218

     Dossier : IMM-2923-97

ENTRE

     PARBATIE BALKISSOON, DAMIEON DEODATH BALKISSOON,

     INGA RESHMA BALKISSOON et KEENAN RAVI BALKISSOON,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McGILLIS

[1]          Les requérants contestent, par voie de contrôle judiciaire, la décision dans laquelle un agent de révision des revendications refusées (ARRR) a conclu qu'ils ne faisaient pas partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC).

[2]          La requérante Parbatie Balkissoon (requérante) est une femme âgée de trente-quatre ans qui est citoyenne de Trinité-et-Tobago. Les autres requérants sont ses enfants mineurs.

[3]          La requérante est arrivée au Canada le 14 juillet 1995, munie d'un visa de visiteuse. Environ un mois plus tard, elle a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention du fait des graves mauvais traitements que son mari Veejai Balkissoon lui avait infligés à la Trinité.

[4]          La requérante et son mari se sont mariés en 1980. Deux ans après leur mariage, ce dernier est devenu toxicomane et alcoolique. Par la suite, il battait, violait et maltraitait la requérante et ce, habituellement, et il battait les enfants. Il les a également menacés de mort. À un certain moment, il a tenté d'incendier leur maison alors que la requérante et les enfants s'y trouvaient. La requérante a tenté d'échapper aux mauvais traitements en allant chez son père, mais son mari a menacé de tuer son père s'il intervenait.

[5]          La requérante a demandé l'aide de la police de la Trinité à six reprises. Bien que la police ait établi un rapport chaque fois, le mari de la requérante n'a jamais été accusé d'une infraction. La requérante a également demandé la protection d'un foyer pour femmes battues à la Trinité. Toutefois, ce foyer ne la recueillerait pas à moins qu'elle n'acceptât de mettre ses enfants dans des familles adoptives. Puisque la requérante n'était pas disposée à abandonner ses enfants, le foyer a refusé de l'aider. Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, elle a quitté la Trinité pour gagner le Canada en juillet 1995.

[6]          En juillet 1996, le mari de la requérante est arrivé au Canada. Peu de temps après, il l'a battue. Il a été accusé du délit de voie de fait commis à l'aide d'une arme, et il a été expulsé vers la Trinité. Le mari de la requérante a également été déclaré coupable à la Trinité de possession de cocaïne et de voie de fait sur une autre femme.

[7]          Le 18 novembre 1996, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission) a conclu que la requérante et ses enfants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Dans ses motifs, la Commission a conclu notamment que la requérante ne s'était pas prévalue de la protection qui existait à la Trinité. Une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par la Cour.

[8]          Dans sa demande présentée en tant que membre de la CDNRSRC, la requérante a fait savoir qu'elle craignait pour sa vie, et que, à la Trinité, il n'y aurait pas de protection gouvernementale adéquate pour la protéger contre son mari.

[9]          Dans sa décision datée du 16 juin 1997, l'ARRR a conclu que la requérante et ses enfants ne seraient pas [TRADUCTION] "...sujets à un risque personnel objectivement identifiable, pour leur vie [sic], de sanctions excessives ou de traitement inhumain s'ils étaient tenus de quitter le Canada". Dans son analyse, l'ARRR a examiné plusieurs facteurs, y compris l'"Extract of Magistrates Case Book" (extrait du recueil de jurisprudence) qui [TRADUCTION] "...indique qu'il existe à [Trinité-et-Tobago] des mécanismes permettant de porter des accusations criminelles -- particulièrement en cas de voie de fait contre une femme". À cet égard, l'ARRR a dit que la requérante n'avait pas porté d'accusations criminelles contre son mari à la Trinité, qu'elle ne s'était pas adressée à un magistrat pour obtenir une ordonnance de ne pas faire ni pour demander la protection des tribunaux, ou qu'elle n'avait pas elle-même saisi un magistrat d'une plainte, malgré le fait que [TRADUCTION] "...une autre femme avait agi de cette manière...". L'ARRR a également noté que la Trinité avait des foyers pour femmes victimes de mauvais traitements, que la famille de la requérante pouvait lui fournir du soutien, qu'il n'existait pas de renseignements concernant le [TRADUCTION] "contact récente" entre la requérante et son mari, et que la [TRADUCTION] "violence faite aux femmes existe dans tous les pays y compris le Canada." En conséquence, l'ARRR a conclu que la requérante et ses enfants pouvaient, à la Trinité, se prévaloir d'une protection gouvernementale suffisante.

[10]          Au cours de l'audition, l'avocat de l'intimé a, de façon impartiale et appropriée, reconnu que l'"Extract of Magistrates Case Book" ne constituait pas la preuve qu'une action pénale pouvait être, à la Trinité, intentée par voie de plainte privée. En fait, l'examen des renseignements figurant dans l'Extract of Magistrates Case Book" indique qu'un agent de police était le plaignant contre le mari de la requérante et un autre homme relativement à une voie de fait sur une autre femme. Cette accusation de voie de fait ne se rapportait pas à la violence conjugale. De plus, la femme victime dans cette affaire-là n'avait pas porté plainte; un agent de police l'avait fait. La conclusion de l'ARRR selon laquelle il existe à la Trinité des "mécanismes" permettant à une femme d'intenter des actions pénales contre son mari n'est pas étayée par les éléments de preuve versés au dossier. En fait, la preuve tend à indiquer exactement le contraire, en ce sens qu'elle semble laisser entendre que la police dépose des plaintes pour intenter des actions pénales à la Trinité. Dans les circonstances, l'ARRR a commis une erreur de droit en tirant, à partir de l'"Extract of Magistrates Case Book" des conclusions qui n'étaient pas du tout étayées par les éléments de preuve. De plus, il a aggravé son erreur en répétant sa conclusion erronée plusieurs fois dans son analyse et en s'y appuyant. Dans les circonstances, je suis convaincue que l'erreur de l'ARRR se rapportait à une question qui était un aspect fondamental et intégral de son analyse, et que sa décision ne saurait être confirmée pour cette raison seule. Je note également que d'autres conclusions de la décision de l'ARRR, dont ses conclusions relatives à la protection fournie par des foyers pour femmes battues à la Trinité et à la protection que la famille de la requérante pouvait lui apporter, semblent avoir été tirées sans tenir compte de la totalité des éléments de preuve versés au dossier.

[11]          La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'ARRR est annulée. L'affaire est renvoyée à un autre ARRR pour qu'il procède à un réexamen. L'affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.

                                 D. McGillis

                                         Juge

Toronto (Ontario)

Le 18 février 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :                          IMM-2923-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              PARBATIE BALKISSOON ET AL.
                             et
                             MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 17 février 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :          Madame le juge McGillis

EN DATE DU                      18 février 1998

ONT COMPARU :

    Yehuda Levinson              pour les requérants
    James Brender                  pour l'intimé
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Levinson & Associates
    410-212, rue King ouest
    Toronto (Ontario)
    M5H 1K5                      pour les requérants
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19980218

     Dossier : IMM-2923-97

ENTRE

PARBATIE BALKISSOON, ET AL.

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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