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Date : 20040303

Dossier : T-2755-95

Référence : 2004 CF 311

AFFAIRE INTÉRESSANT une révocation de la citoyenneté en vertu de l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29;

ET une demande de renvoi à la Cour fédérale en vertu de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté;

ET un renvoi à la Cour commencé en vertu de l'article 920 des anciennes Règles de la Cour fédérale et poursuivi en vertu de l'alinéa 169a) des Règles de la Cour fédérale (1998) actuellement en vigueur, comme l'exige l'article 501 des Règles de la Cour fédérale (1998).

ENTRE :

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                              demandeur

                                                                       et

                                                        MALKIAT SINGH

                                                                                                                               défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION


[1]                Ces motifs sont prononcés à la suite d'une brève audience qui a eu lieu à Winnipeg (Manitoba) le lundi 9 février 2004; sur requête présentée par le défendeur, j'ai alors ajourné l'audience pour une période indéfinie, même si cinq journées complètes avaient été prévues à cette fin. C'est avec énormément de réticence que j'ai rendu cette ordonnance, et ce, pour deux raisons : en premier lieu, l'affaire traîne depuis bien des années et devrait depuis longtemps être réglée, ce qui aurait été le cas si ce n'avait été d'une série extraordinaire de circonstances qui, j'en suis convaincu, étaient largement indépendantes de la volonté des avocats et de la Cour; en second lieu, je suis convaincu que l'ordonnance était probablement incompatible avec les décisions qui, par analogie, me lient. Ces motifs visent principalement à souligner les faits qui ont été portés à l'attention de la Cour au cours des jours qui ont précédé l'audience et à l'audience elle-même, ces faits m'obligeant, comme je l'ai conclu, dans l'intérêt de la justice, à faire des distinctions à l'égard des décisions antérieures.

HISTORIQUE

[2]                Le demandeur a acquis la citoyenneté canadienne le 31 octobre 1985. Par un avis de renvoi qui a été déposé le 28 décembre 1995, le demandeur a engagé la présente instance conformément aux articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté[1]. Ces dispositions sont ainsi libellées :



10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée :

a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

(a) the person ceases to be a citizen, or

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l'a acquise à raison d'une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l'un de ces trois moyens.

[...]

(2) A person shall be deemed to have obtained citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person was lawfully admitted to Canada for permanent residence by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of that admission, the person subsequently obtained citizenship.

...



18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée :

a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;

b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

18. (1) The Minister shall not make a report under section 10 unless the Minister has given notice of his intention to do so to the person in respect of whom the report is to be made and

(a) that person does not, within thirty days after the day on which the notice is sent, request that the Minister refer the case to the Court; or

(b) that person does so request and the Court decides that the person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

(2) L'avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu'a l'intéressé, dans les trente jours suivant sa date d'expédition, de demander au ministre le renvoi de l'affaire devant la Cour. La communication de l'avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l'intéressé.

(2) The notice referred to in subsection (1) shall state that the person in respect of whom the report is to be made may, within thirty days after the day on which the notice is sent to him, request that the Minister refer the case to the Court, and such notice is sufficient if it is sent by registered mail to the person at his latest known address.

(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.

(3) A decision of the Court made under subsection (1) is final and, notwithstanding any other Act of Parliament, no appeal lies therefrom.


En somme, le demandeur sollicite une décision de la Cour portant que le défendeur a acquis la citoyenneté canadienne par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.


[3]                Avec l'assentiment du gouvernement de l'Inde, la Cour, sur une période de quatre jours au mois de mars 2002, a recueilli les dépositions par commission rogatoire à Ludhiana, au Pendjab, en Inde. Ces témoignages ont été versés au dossier en deux étapes par des ordonnances en date du 14 août 2002 et du 16 septembre 2003. La dernière ordonnance fixait à cinq jours la durée de l'audience, qui devait commencer le 9 février 2004, ce qui comme le dit expressément l'ordonnance, constitue [TRADUCTION] « le reste de l'audition de l'affaire » .

[4]                Le 12 janvier 2004, le défendeur a été arrêté dans le centre sud de la Colombie-Britannique. Dans une lettre adressée à la Cour, l'avocat du défendeur a dit que l'arrestation était fondée sur un [TRADUCTION] « [...] mandat d'extradition demandé par le procureur général du Canada à la suite d'une demande du gouvernement de l'Inde » . Entre cette date et la date de l'audience, le 9 février 2004, le défendeur est demeuré sous garde et a uniquement comparu devant la Cour ce jour-là en raison d'une ordonnance rendue par cette dernière en vertu de l'article 45 des Règles de la Cour fédérale (1998)[2]. Un agent l'accompagnait. Dans la lettre susmentionnée, l'avocat disait également ce qui suit :


[TRADUCTION] Le fait que les procédures d'extradition ont été portées à l'attention de M. Singh sans qu'il s'y attende et sans aucun préavis est si atterrant que M. Singh et sa famille étaient en proie à l'anxiété, à la crainte et à l'inquiétude. En outre, compte tenu de l'état émotif fragile qui en a résulté pour M. Singh et les membres de sa famille, je crains fortement que les instructions soient données à l'avocat sous l'effet de l'émotion, de la crainte, de la panique et du choc plutôt que d'être fondées sur une appréciation réfléchie des avis et conseils juridiques.

[5]                L'avocat a ensuite soumis, avec l'affidavit d'un [TRADUCTION] « assistant juridique et technicien juridique spécialisé dans les litiges » le rapport psychiatrique d'un médecin et psychiatre de la Colombie-Britannique spécialisé en psychiatrie médico-légale dans lequel il était conclu ce qui suit :

[TRADUCTION] Compte tenu de tous les renseignements mis à ma disposition, je suis d'avis que M. Bhandol [désigné sous le nom de M. Singh dans l'intitulé de la cause] est atteint, à l'heure actuelle, d'un épisode de trouble dépressif majeur et qu'il manifeste des signes marqués d'anxiété. Ce trouble est clairement et fortement lié au stress causé par son incarcération, aux craintes qu'il éprouve au sujet de son avenir et surtout aux craintes qu'il éprouve au sujet du bien-être de sa famille.

De plus, l'état de mon client compromet fort sérieusement sa mémoire à court terme et sa concentration. Il est donc fort difficile de discuter avec lui d'une façon utile de sa situation, sur le plan juridique, étant donné qu'il ne semble pas être en mesure de se concentrer suffisamment pour être capable de prendre des décisions valables au sujet de sa situation juridique.

À mon avis, les problèmes de santé mentale du patient compromettent fortement à l'heure actuelle sa capacité de comprendre la situation dans laquelle il se trouve sur le plan juridique, de communiquer avec l'avocat, de donner des instructions à l'avocat, de témoigner ou de participer par ailleurs d'une façon utile aux audiences.

À mon avis, il [M. Singh Bhandol] doit faire l'objet d'une nouvelle évaluation diagnostique et thérapeutique par des membres compétents du personnel de l'établissement carcéral; l'administration d'antidépresseurs ainsi que des services de counselling lui seraient probablement profitables; cela améliorerait sa capacité de fonctionner mentalement et réduirait quelque peu ses troubles émotifs.

                                                                                                                 [Non souligné dans l'original]


[6]                Le rapport du médecin est daté du 4 février 2004, plus de trois semaines après l'arrestation du défendeur et quatre jours seulement avant la date fixée pour la reprise de l'audience. L'avocat du demandeur ne s'est pas opposé à la façon dont le rapport a été soumis à la Cour et il n'a pas demandé à avoir la possibilité de contre-interroger l'auteur du rapport.

[7]                Lorsque l'audience a commencé le 9 février, un certain nombre de membres de la famille du défendeur étaient apparemment dans la salle d'audience, en plus du défendeur lui-même et de l'agent qui l'accompagnait. L'avocat du défendeur a informé la Cour que la famille de son client avait révoqué son mandat, qu'elle avait retenu les services d'un autre avocat et qu'elle chercherait à faire nommer, en Colombie-Britannique, un tuteur à l'instance pour le défendeur. L'avocat a informé la Cour que, dans ces conditions, il n'était plus autorisé à s'adresser à la Cour pour le compte de son client, sauf pour demander un ajournement.


[8]                Il importe de noter que ce n'est pas le défendeur lui-même qui a révoqué le mandat de son avocat et que, de fait, il était peut-être bien incapable de le faire. À coup sûr, les membres de la famille n'étaient pas autorisés en droit à mettre fin au mandat de l'avocat. On n'avait déposé devant la Cour aucun document qui puisse influer sur le mandat de l'avocat ou mettre fin à son rôle d'avocat du défendeur inscrit au dossier. L'avocat qui venait censément d'être désigné pour représenter le défendeur n'a pas comparu et n'a pas déposé de documents devant la Cour. On n'a donné à la Cour aucune garantie, à part celles fournies par l'avocat, qui affirmait ne pas avoir reçu d'instructions, que l'on chercherait avec diligence à faire nommer un tuteur à l'instance pour le compte du défendeur. On n'avait certes pas cherché à le faire avec diligence pendant la période de près d'un mois qui s'était écoulée entre la date de l'arrestation du défendeur et la date de la reprise de l'audience.

[9]                Enfin, l'avocat du demandeur a informé la Cour que son client ne s'opposait pas à l'ajournement. Selon la transcription de l'audience, l'avocat du demandeur aurait informé la Cour de ce qui suit :

[TRADUCTION] Compte tenu des autres remarques que mon savant collègue a faites ce matin, dont je viens à peine d'être informé, à savoir, la question de la révocation de son mandat, je crois que cela nous met dans une situation fort difficile. Je ne crois pas avoir à ajouter quoi que ce soit sur ce point[3].

ANALYSE


[10]            L'avocat du défendeur a assuré la Cour qu'un bref ajournement seulement était demandé, sans toutefois en préciser la durée. Il a implicitement soutenu que l'ajournement demandé ne constituait pas une suspension de l'instance. En réponse, la Cour a indiqué quatre points qui la préoccupaient ou qui suscitaient de l'incertitude : premièrement, la question de savoir si la nouvelle évaluation, le traitement et le soutien recommandés par l'auteur du rapport susmentionné seraient acceptés par le défendeur et par les membres de sa famille; deuxièmement, si ces mesures étaient acceptées, la question de savoir si elles allaient inévitablement porter fruit; troisièmement, à supposer que ces mesures soient fructueuses, la question de savoir si elles allaient l'être à court terme; et quatrièmement, la question de savoir si l'on allait chercher avec diligence à faire nommer un tuteur à l'instance pour le défendeur et si la chose allait être accomplie avec célérité[4]. La Cour a donc dit qu'elle hésitait à accepter toute garantie que l'ajournement demandé serait de courte durée.

[11]            Dans l'affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Fast[5], le juge Pelletier, maintenant juge à la Cour d'appel fédérale, était saisi d'une requête visant la suspension d'une instance comme celle qui nous occupe, à l'appui de laquelle la Cour avait devant elle une preuve établissant que le défendeur était atteint d'une forme de maladie d'Alzheimer qui, selon la preuve, l'empêchait effectivement d'être physiquement et intellectuellement présent et d'être en mesure de communiquer et de participer au mieux de ses capacités à la préparation et à la conduite de son dossier. Le juge Pelletier a examiné les faits et l'argumentation dont il disposait plutôt longuement et avec beaucoup de compassion, mais il a en fin de compte conclu que les décisions faisant autorité l'obligeaient à refuser la demande de suspension. Les paragraphes ci-dessous reproduits sont tirés du sommaire de cette décision et je suis convaincu qu'ils indiquent d'une façon fort juste et beaucoup plus succincte la substance de la décision :


Au vu du dossier, le défendeur ne serait pas en mesure de participer utilement à l'examen des allégations faites contre lui. La question consiste alors à savoir s'il serait justifié d'ordonner la suspension de l'instance en se basant sur l'article 7 de la Charte. Dans l'arrêt Singh et autres c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'immigration), la Cour suprême du Canada a déclaré que les revendicateurs du statut de réfugié avaient droit au bénéfice de l'article 7 de la Charte. Par conséquent, il a été décidé que toute personne assujettie au droit canadien et se trouvant physiquement présente au Canada avait la qualité nécessaire pour invoquer l'article 7, et que le risque qu'il soit porté atteinte à la sécurité de sa personne suffisait à déclencher l'application de l'article 7. En l'espèce, il est évident que la citoyenneté du défendeur était en jeu dans cette instance en révocation, considérée globalement. Même si la citoyenneté n'est pas un droit protégé par l'article 7 de la Charte, une fois attribuée, elle donne le droit d'entrer au Canada et d'y demeurer, comme le reconnaît l'article 4 de la Loi sur l'immigration. La perte de la citoyenneté entraîne donc celle du droit de vivre au Canada et la possibilité, voire la certitude, d'être expulsé. Dans l'arrêt Godbout c. Longueuil (Ville), on a statué que le droit de choisir son lieu de résidence était protégé par la Constitution (article 7 de la Charte, sous la rubrique du droit à la liberté). Il s'ensuit que le droit d'un citoyen de vivre au Canada doit bénéficier lui aussi de la même protection. De la même façon que l'article 7 de la Charte s'applique à tous les revendicateurs du statut de réfugié, cet article s'applique en l'espèce que les allégations portées contre lui par le ministre soient fondées ou non. Par conséquent, si la question se posait pour la première fois, il faudrait conclure que le défendeur a droit à la protection de l'article 7 de la Charte pour ce qui est de l'instance introduite devant la Cour fédérale. Ce résultat serait considéré comme équitable par le citoyen ordinaire, puisque le citoyen qui risque de perdre sa citoyenneté devrait bénéficier d'une protection constitutionnelle au moins égale à celle dont bénéficie le revendicateur du statut de réfugié qui souhaite entrer au Canada. Par ailleurs, la nomination d'un tuteur à l'instance ne serait pas suffisante en soi pour garantir la conformité aux principes de justice fondamentale. Le cas en l'espèce se distingue de la situation typique où l'on nomme un tuteur à l'instance dans une action pour indemnisation pécuniaire. Lorsque des droits fondamentaux sont en jeu, comme dans le cas présent, la nomination d'un tuteur à l'instance constituerait une protection inadéquate. L'absence de mesure de protection appropriée ne saurait être considérée comme acceptable dans une société libre et démocratique.

Qui plus est, l'analyse des facteurs auxquels renvoie l'arrêt Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.) (intérêts en jeu, complexité de l'instance et capacité de la partie) mènerait à la conclusion que l'équité exige que le défendeur soit en mesure de participer de façon utile à l'examen des allégations portées contre lui. De plus, compte tenu de l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), si l'instance introduite devant la Commission des droits de la personne est assujettie à la Charte, même si la Commission ne prononce pas de décision susceptible de porter atteinte aux droits garantis par la Charte, on pourrait penser que le même raisonnement vaut pour l'instance en révocation introduite devant la Cour fédérale.


Toutefois, dans une jurisprudence constante dont l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Obodzinsky a été le point culminant, la Cour d'appel a toujours jugé que l'article 7 de la Charte ne s'appliquait pas aux instances en révocation de la citoyenneté introduites devant la Cour fédérale. Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge des requêtes qui avait rejeté tous les arguments soulevés ici par le défendeur. L'arrêt Obodzinsky ne pouvant être distingué de la présente espèce, il doit par conséquent lier la Cour.

En ce qui concerne l'invitation faite à la Cour à exercer le pouvoir que lui reconnaît l'equity d'accorder une suspension d'instance lorsque l'intérêt de la justice l'exige, ce pouvoir discrétionnaire ne peut être exercé que selon les principes établis. En outre, tous les éléments examinés dans cette affaire étaient présents dans l'arrêt Obodzinsky et, dans cet arrêt, la Cour d'appel a approuvé la façon dont le juge des requêtes a exercé son pouvoir discrétionnaire en rejetant la demande de suspension[6].


[12]            Compte tenu de tous les éléments de preuve dont disposait la Cour dans le cadre de la requête en ajournement ainsi que des arguments des avocats, en particulier ceux concernant la situation fort difficile, sinon tout à fait intenable, dans laquelle l'avocat du défendeur se trouvait, du fait qu'en réalité la présente cour était saisie d'une demande d'ajournement plutôt que de suspension, même s'il s'agissait d'un ajournement d'une durée indéterminée, et de la position compréhensive adoptée par l'avocat du demandeur à l'égard de la position de l'avocat du défendeur, le demandeur ne s'opposant pas à la demande d'ajournement, j'ai conclu, en me reportant au dernier paragraphe précité du sommaire de la décision Fast qu'il fallait accueillir l'appel dont la Cour est ici saisie compte tenu de la compétence que possède la Cour en equity d'accorder un ajournement lorsque l'intérêt de la justice l'exige, et ce, même si la Cour ne doit exercer son pouvoir discrétionnaire à cet égard que selon les principes établis.

[13]            Je suis convaincu que les facteurs existants en l'espèce n'étaient pas tous présents dans l'affaire Obodzinsky puisqu'il y avait un facteur additionnel, à savoir que l'on avait assuré à la Cour que le défendeur lui-même n'était pas en mesure de donner des instructions à un avocat, assertion qui, à mon avis, était raisonnable, compte tenu de mon observation du défendeur à l'audience. En outre, la famille du défendeur ne voulait tout simplement pas donner d'instructions à l'avocat qui était présent dans la salle d'audience, même si elle était autorisée à le faire.

[14]            Enfin, je suis convaincu qu'il est loisible à la Cour, eu égard aux faits de l'espèce, de surveiller de près les mesures prises par le défendeur et, ce qui est peut-être encore plus important, par les membres de la famille du défendeur, pour remédier dans un délai relativement court à la situation. La Cour a eu la possibilité, et elle s'en est prévalue, de faire clairement savoir aux avocats, en présence des membres de la famille, qu'elle réservait son droit de veiller à ce que le défendeur et les membres de la famille du défendeur cherchent avec diligence à corriger la situation et à faire entendre l'affaire le plus tôt possible. Si les rapports reçus ne sont pas satisfaisants, la Cour n'hésitera pas à reprendre l'audience et à prendre les mesures appropriées.


CONCLUSION

[15]            Par conséquent, l'ajournement sine die demandé sera accordé. La Cour mettra en place un programme de surveillance visant à assurer que l'ajournement ne dure pas plus longtemps que ce qui est absolument nécessaire, eu égard aux circonstances.

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario),

le 3 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-2755-95

INTITULÉ :                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

MALKIAT SINGH BHANDOL

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 9 février 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

CONCERNANT LES DÉPENS :                  le juge Gibson

DATE DES MOTIFS :                                   le 3 mars 2004

COMPARUTIONS :

Harry Glinter                                                     pour le demandeur

Martin S. Minuk                                                pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice du Canada                      pour le demandeur

Bureau régional de Winnipeg

301 - 310 Broadway

Winnipeg (Manitoba)

Par : Robert Gosman

Piblado pour le défendeur

Avocats

2500 - 360, rue Main

Winnipeg (Manitoba)

Par : Martin S. Minuk



[1]            L.R.C. 1985, ch. C-29.

[2]            DORS/98-106.

[3]               Transcription, page 8.

[4]            Transcription, page 10.

[5]            [2002] 3 C.F. 373 (C.F. 1re inst.).

[6]            Les décisions citées sont : Singh et al. c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), [1999] 3 R.C.S. 46; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307; et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Obodszinsky, [2001] A.C.F. no 797 (C.A.) (QL), confirmant (2000), 14 Imm. L.R. (3d) 184 (C.F. 1re inst.).

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