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Date : 19980724


T-421-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUILLET 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED

E n t r e :

     FAULDING (CANADA) INC.,

     demanderesse,

     - et -

     PHARMACIA S.P.A.,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     LA COUR, STATUANT SUR la requête présentée au nom de la demanderesse Faulding (Canada) Inc. en vue d'obtenir :

1.      Une ordonnance prescrivant que la présente instance soit gérée à titre d'instance à gestion spéciale en vertu des articles 383 et 384 des Règles de la Cour fédérale;
2.      Les dépens de la présente requête :
1.      ORDONNE que la présente instance soit gérée à titre d'instance à gestion spéciale en vertu des articles 383 et 384 des Règles de la Cour fédérale;
2.      STATUE que les dépens suivront l'issue de la cause.

     B. Reed

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19980724


T-421-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUILLET 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED

E n t r e :

     FAULDING (CANADA) INC.,

     demanderesse,

     - et -

     PHARMACIA S.P.A.,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     LA COUR, STATUANT SUR la requête présentée au nom de la demanderesse Faulding (Canada) Inc. en vue d'obtenir :

1,      Une ordonnance radiant la demande reconventionnelle déposée le 13 juillet 1998 par la défenderesse ou, à titre subsidiaire :
2.      Une ordonnance enjoignant à la défenderesse de fournir tous les détails de la demande reconventionnelle énoncés à l'annexe A dans les sept jours du prononcé de la présente ordonnance;
3.      Les dépens de la présente requête, au tarif des dépens extrajudiciaires ou, à titre subsidiaire, les dépens calculés selon la colonne V, payables sur-le-champ :
1.      RADIE la demande reconventionnelle déposée le 13 juillet 198 par la défenderesse;
2.      CONDAMNE la défenderesse aux dépens de la requête et ORDONNE que les dépens soit calculés selon la colonne III.

     B. Reed

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19980724


T-421-97

E n t r e :

     FAULDING (CANADA) INC.,

     demanderesse,

     - et -

     PHARMACIA S.P.A.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      La Cour est saisie d'une requête en radiation d'une demande reconventionnelle qui a été ajoutée à la défense le 13 juillet 1998.

[2]      Je signale, d'entrée de jeu, que la défenderesse n'aurait pas dû modifier sa défense pour y ajouter une demande reconventionnelle sans avoir d'abord obtenu la permission de la Cour. La liaison de l'instance a eu lieu le 25 août 1997, et l'interrogatoire préalable de la demanderesse s'est déroulé le 24 février 1998. La demanderesse a bien modifié deux paragraphes de sa déclaration le 22 juin 1998, mais cette mesure a été prise en réponse à la contestation réussie de ces deux paragraphes par la défenderesse (au moyen d'une requête en radiation), et elle se limitait aux conclusions de la demanderesse relatives à l'antériorité. Le droit que possédait la défenderesse de modifier sa défense en réponse ne comprenait pas le droit d'ajouter un tout nouveau droit de poursuite à l'instance.

[3]      L'action de la demanderesse vise à obtenir l'invalidation des lettres patentes canadiennes 1 291 037 (le brevet 037). L'action a été introduite le 12 mars 1997. Le brevet concerne une solution chimique utilisé pour le traitement du cancer. Le brevet porte sur des solutions composées de glycoside d'anthracycline, en tant que catégorie, ainsi que sur un procédé de fabrication de ces solutions. Le chlorhydate de doxorubicine est visé par le brevet.

[4]      En 1990, la demanderesse a soumis une présentation de drogue nouvelle (PDN) au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le ministre) en vue d'obtenir l'homologation réglementaire lui permettant de commercialiser le chlorhydate de doxorubicine sous deux formes posologiques, à savoir une poudre lyophilisée et une solution dissoute. Par suite de l'entrée en vigueur du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à l'égard du médicament tant que la demanderesse se sert du produit de la défenderesse à titre de comparaison dans sa PDN et tant qu'aucune allégation de non-contrefaçon du brevet n'a pas été déposée. Le médicament sous forme posologique de poudre a fait l'objet d'une autre instance et n'est pas pertinent en l'espèce.

[5]      Les renseignements qui sont communiqués au ministre dans la PDN sont confidentiels et ne sont pas publics. Comme le ministre n'a pas encore délivré d'avis de conformité, le produit de la demanderesse n'a pas encore été commercialisé. Ainsi, les renseignements portant sur la composition et la formulation du produit de la demanderesse ne sont pas publics. Au cours de l'interrogatoire préalable de la demanderesse, la défenderesse a tenté d'obtenir des renseignements au sujet de la formulation et de la composition du produit de la demanderesse. Le juge McGillis a, le 30 juin 1998, rendu une ordonnance confirmant la position de la demanderesse suivant laquelle de tels renseignements n'étaient pas pertinents à l'action en invalidation du brevet.

[6]      Ainsi qu'il a déjà été signalé, le 13 juillet 1998, la demande reconventionnelle a été ajoutée à la défense. La défenderesse y allègue que le produit de la demanderesse a contrefait et continuera à contrefaire le brevet 037. Après avoir exposé les revendications du brevet, la défenderesse affirme ce qui suit dans sa demande reconventionnelle :

     [TRADUCTION]         
     36.      À titre subsidiaire aux assertions faites aux paragraphes 3 et 9 qui précèdent [suivant lesquelles la demanderesse n'a pas la qualité pour intenter une action en invalidation], si elle sollicite présentement l'homologation réglementaire lui permettant de commercialiser une préparation pharmaceutique prête à être utilisée et injectable par voie veineuse de chlorhydate de doxorubicine, la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) a contrefait et continuera à contrefaire le brevet 037 et en particulier les revendications 1 à 6, 12 à 17, 23 à 25, 30, 31, 36, 39 à 43, 48, 51 à 55, 60 à 65, 69 à 74, 78 à 83 et 88 à 93.         
     37.      Depuis la délivrance du brevet 037 le 22 octobre 1991, la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) a fabriqué ou fait fabriquer pour elle au Canada ou à l'étranger ou a importé ou fait importer pour elle au Canada et a utilisé au Canada, une solution injectable prête à utiliser de chlorhydate de doxorubicine (la solution de la demanderesse).         
     38.      La solution de la demanderesse a été fabriquée à l'aide des procédés mentionnés aux paragraphes 34 et 35 qui précèdent et comporte les caractéristiques mentionnées aux paragraphes 32 et 33 qui précèdent (la solution contrefaite de la demanderesse).         
     39.      La demanderesse (défenderesse reconventionnelle) menace également de fabriquer ou de faire fabriquer pour elle au Canada ou à l'étranger, d'importer ou de faire importer pour elle au Canada, d'utiliser au Canada, d'offrir en vente et de vendre au Canada sa solution contrefaite.         
     40.      La demanderesse (défenderesse reconventionnelle) menace également de commencer à vendre dans un avenir rapproché au Canada sa solution contrefaite destinées à la consommation.         
     41.      La demanderesse (défenderesse reconventionnelle) a l'intention d'offrir en vente et de vendre au Canada sa solution contrefaite au moins jusqu'à l'expiration du brevet 037.         
     42.      La demanderesse (défenderesse reconventionnelle) s'est livrée aux activités susmentionnées sans la permission ou le consentement de la défenderesse (demanderesse reconventionnelle).         
     43.      En raison des activités susmentionnées, la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) contrefait à tout le moins les revendications 1 à 6, 12 à 17, 23 à 25, 30, 31, 36, 39 à 43, 48, 51 à 55, 60 à 65, 69 à 74, 78 à 83 et 88 à 93.         
     44.      En raison des activités susmentionnées de la demanderesse (défenderesse reconventionnelle), la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) a subi un préjudice et la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) a réalisé des bénéfices, et la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) continuera probablement à subir un préjudice et la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) continuera à réaliser des bénéfices, sauf si la Cour rend une ordonnance de ne pas faire à son endroit.         

[7]      Outre le fait que la défenderesse n'a pas demandé et obtenu l'autorisation de la Cour avant d'ajouter les conclusions qui précèdent à sa défense, celles-ci doivent être radiées pour les motifs qui suivent. En premier lieu, la défenderesse n'articule pas suffisamment de faits pertinents au soutien de ses conclusions. Ainsi, aux paragraphes 32 et 33 de sa demande reconventionnelle, la défenderesse relate une foule d'éléments variables

qui feraient selon elle partie de l'invention du brevet 037. Or, la défenderesse n'est pas en mesure de préciser la combinaison d'éléments que la demanderesse lui aurait usurpés. Une condition préalable à la validité de toute conclusion de contrefaçon de brevet est l'identification précise des éléments spécifiques de l'invention qui auraient été usurpés (voir les décisions Chart Industries Ltd. c. Hein-Werner of Canada Ltd., (1988), 21 F.T.R. 266 et Gaf Corp. c. Hanimex (Canada) Ltd., (1972), 4 C.P.R. 110). La défenderesse ne peut satisfaire à cette exigence parce qu'elle ne connaît ni la formulation ni la composition du produit de la demanderesse. Qui plus est, la défenderesse tente en fait de contourner l'ordonnance par laquelle le juge McGillis lui a refusé la communication préalable de ces renseignements.

[8]      De plus, la demande reconventionnelle repose sur des hypothèses et est prématurée. La défenderesse y affirme que la demanderesse [TRADUCTION] " continuera à contrefaire " le brevet 037 et elle y fait des affirmations au sujet des agissements futurs de la demanderesse. Elle allègue que la demanderesse [TRADUCTION] " menace " de fabriquer ou de faire fabriquer, d'importer ou de faire importer un produit qui contrefera le brevet. Elle ajoute que la demanderesse [TRADUCTION] " menace " de commencer à vendre un produit contrefait. Les allégations de contrefaçon fondées sur des agissements futurs imprécis relèvent du domaine de la spéculation. Elles sont de ce fait prématurées et doivent être radiées (Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. , (1997), 72 C.P.R. (3d) 515, Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. (1997), 74 C.P.R. (3d) 202). De même, les conclusions fondées sur l'" intention " qu'a quelqu'un d'accomplir certains actes sont irrégulières et doivent être radiées (Amsted Industries Inc. et al. c. Wire Rope Industries Ltd. , (1988), 23 C.P.R. (3d) 541; 32 C.P.R. (3d) 334).

[9]      Il y a également lieu de tenir compte du fait que le paragraphe 55.2(1) de la Loi sur les brevets, qui est entrée en vigueur le 12 mars 1993, dispose :

         55.2(1) Il n'y a pas contrefaçon de brevet lorsque l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d'une invention brevetée se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d'information qu'oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l'utilisation ou la vente d'un produit.                 

[10]      Et finalement, l'ajout d'une demande reconventionnelle à cette étape-ci de l'instance retarderait probablement l'instruction de l'action en invalidation. Le présent procès se caractérise par des questions complexes se rapportant à la présumée invalidité du brevet de la défenderesse et il est déjà passablement avancé. L'introduction d'une cause d'action complètement nouvelle à ce moment-ci retarderait l'instruction rapide de la présente affaire. Si l'action en invalidation est rejetée, et si la demanderesse réussit par la suite à obtenir un avis de conformité et qu'elle commence à commercialiser un produit qui, selon ce qu'estime la défenderesse, contrefait son brevet, une action en contrefaçon sera sans nul doute engagée. À ce moment-là, la défenderesse pourra obtenir les renseignements factuels pertinents. Les faits articulés jusqu'à maintenant ne sont tout simplement pas suffisants pour étayer une action en contrefaçon.

[11]      En conséquence, pour les motifs exposés, la requête de la demanderesse sera accueillie.

    

                                 Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 juillet 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-421-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          FAULDING (CANADA) INC. c.
                         PHARMACIA S.P.A.
LIEU DE L'AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          21 JUILLET 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Reed le 24 juillet 1998

ONT COMPARU :

Me Susan Beaubien                      pour la demanderesse
Me Gunars Gaikis                      pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Shapiro Cohen                      pour la demanderesse

Ottawa (Ontario)

Smart & Biggars                      pour la défenderesse

Toronto (Ontario)

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