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Date: 19971124


Dossier: T-137-97


AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

L.R.C. (1985), ch. C-29


ET un appel formé contre la décision

d"un juge de la citoyenneté


ET


Wai Cheong (William) Lee,


appelant.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Gibson

[1] Le présent appel a été entendu devant moi à Toronto (Ontario) le 5 novembre 1997. L"appelant interjette appel contre la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a le 29 novembre 1996 refusé sa demande de citoyenneté pour le motif qu"il ne répondait pas aux conditions de résidence établies pour la citoyenneté canadienne par l"alinéa 5(1) c) de la Loi sur la citoyenneté . Il lui manquait environ 688 jours des 1 095 jours requis durant la période de quatre ans qui avait précédé la date de sa demande de citoyenneté.

[2] Selon la preuve dont disposait le juge de la citoyenneté et dont je dispose moi-même, l"appelant est arrivé au Canada avec ses parents et ses frères et soeurs le 9 décembre 1992 et il a obtenu le droit d"établissement ce jour-là. Durant quelques années auparavant, l"appelant avait étudié au Royaume-Uni. Il venait d"obtenir un diplôme de premier cycle de la Manchester Metropolitan University.

[3] Une fois obtenu leur droit d"établissement, l"appelant et les membres de sa famille s"installèrent à Richmond Hill (Ontario). L"appelant voulut entreprendre des études supérieures à l"Université de Toronto, mais il fut rapidement informé qu"il n"y serait pas admissible sans une expérience professionnelle au Canada et sans une année complémentaire d"études de premier cycle. Il se renseigna, semble-t-il, à une autre université canadienne, ou à plusieurs autres, avec des résultats analogues. L"appelant a ouvert un compte bancaire, demandé des cartes de crédit, obtenu une carte de bibliothèque et accompli d"autres démarches qui en général attestent l"intention de s"établir au Canada.

[4] En mars 1993, l"appelant est retourné au Royaume-Uni pour voir s"il lui serait possible d"entreprendre des études supérieures à l"université où il avait obtenu son diplôme de premier cycle. Ses démarches produisirent des résultats. Il revint au Canada au milieu de mai 1993 et y passa l"été. Selon la preuve, il s"est peu intégré dans la collectivité où il vivait avec ses parents et ses frères et soeurs. Il est retourné au Royaume-Uni, brièvement, en septembre 1993, puis est revenu au Canada et finalement a commençé des études universitaires supérieures au Royaume-Uni à la fin d"octobre 1993.

[5] Ce n"est qu"à la fin de novembre 1995 que l"appelant revint au Canada. Au cours de ses études, il avait gardé une chambre dans la maison de ses parents. Il y conservait la plupart de ses effets personnels, n"ayant emporté avec lui au Royaume-Uni que ce qui lui était nécessaire pour la durée de ses études. Au Royaume-Uni, il habitait un logement en location. Pendant la durée de ses études, il conserva sa carte de bibliothèque et d"autres signes attestant une intention de s"établir au Canada. Il prit soin d"obtenir un visa de retour pour résident permanent qui lui donnerait le droit d"entrer de nouveau au Canada après ses études.

[6] L"appelant termina ses études supérieures à la fin de l"été ou au début de l"automne de 1995. Après un voyage en Europe, il retourne chez ses parents au Canada. En dépit de plusieurs démarches, il lui fut impossible de trouver un emploi où il aurait pu mettre à profit les connaissances acquises au cours de ses études. En octobre 1996, il accepta un emploi d"agent de voyages. À la date du présent appel, il occupait encore cet emploi, tout en reconnaissant qu"il ne lui permettait pas de subvenir entièrement à ses besoins. Devant moi, il a déclaré qu"il souhaitait obtenir un jour au Canada un emploi où il pourrait utiliser ses connaissances.

[7] Encore une fois, pour la période qui a suivi son retour au Canada et jusqu"à la date de l"audition du présent appel, l"appelant n"a pu apporter la preuve convaincante d"une véritable intégration dans la société canadienne.

[8] Dans les motifs que j"avais rédigés à la suite d"appels en matière de citoyenneté, les affaires Chi Tai Wong et Chi Yuen Wong1, j"avais adopté l"extrait suivant du jugement Re Lee1 :         
         Je ne doute nullement que l"appelante serait une excellente citoyenne du Canada. Elle étudie en Angleterre depuis l"âge de seize ans, et elle achève actuellement des études médicales à l"University of Cambridge. Elle est venue au Canada le 24 mai 1991 en même temps que ses parents et ses frères et soeurs. La famille tout entière a obtenu à cette date le statut d"immigrants ayant obtenu le droit d"établissement. L"appelante est partie deux jours plus tard pour retourner au Royaume-Uni afin d"y continuer ses études.         
         Elle a demandé la citoyenneté le 4 juillet 1994. Dans la période de quatre ans précédente, elle avait résidé au Canada pendant 165 jours. Il lui manquait 930 jours pour avoir les 1 095 jours de résidence requis par la Loi sur la citoyenneté. Même en faisant un gros effort d"imagination, on ne peut dire qu"elle a satisfait aux conditions de résidence posées par la Loi.         
         Il est allégué que son mode d"existence centralisé se trouve au Canada parce que sa famille y est et parce qu"elle a résidé au Royaume-Uni seulement en tant qu"étudiante. Je ne saurais tirer une telle conclusion. Elle n"est pas mineure. Sa profession choisie est celle à l"égard de laquelle il est bien connu qu"il existe des obstacles considérables à l"admission au Canada pour les personnes qui ne sont pas formées au Canada. Elle est une étudiante au Royaume-Uni depuis maintenant bien des années. Peut-être un jour viendra-t-elle au Canada et remplira t-elle les conditions de résidence. Dans ce cas, elle aura droit à la citoyenneté. J"espère sincèrement qu"elle le fera puisque, ainsi que je l"ai fait savoir, j"estime qu"elle constituerait un excellent enrichissement de l"ensemble de nos citoyens.         
                                 
[8] Je suis persuadé que, de manière générale, le même raisonnement est applicable en l"espèce. On ne saurait dire, en ce qui concerne l"appelant, qu"il existe "des obstacles considérables à l"admission au Canada pour des personnes non formées" au Canada dans son domaine d"études, mais il n"en reste pas moins que, jusqu"à aujourd"hui, il n"a pu trouver un emploi au Canada dans sa spécialité. Compte tenu de la preuve, je ne suis pas persuadé qu"il a activement cherché un tel emploi. D"ailleurs, il ne ressort pas de la preuve qu"il a véritablement cherché à s"intégrer dans la société canadienne et le mode de vie canadien. La preuve montre plutôt que ses attaches sont des attaches à sa famille, qui vit ici au Canada, plus que des attaches au Canada lui-même.         
[9] L"avocat de l"appelant m"a renvoyé à plusieurs décisions de la Cour fédérale, dont les faits étaient semblables à ceux de l'espèce et où l"appel interjeté par le candidat à la citoyenneté avait été accueilli. Je ne me référerai qu"à l"une de ces décisions, celle qu"a rendue M. le juge Nadon dans l"affaire Émilie Ernestine Ebba Hooft1. Dans sa décision, M. le juge Nadon cite l"extrait suivant des motifs rédigés par M. le juge Muldoon dans l"affaire Re Pourghasemi1. M. le juge Muldoon s"exprime ainsi :         
              On peut poser la question : "Mais si le candidat à la citoyenneté suit des études à l"étranger ? Qu"y a-t-il de si urgent ?" Si le candidat ne peut trouver une école ou université à sa convenance au Canada, qu"il suive les études à l"étranger puis revienne au Canada pour satisfaire à la condition de résidence.                 
                         

[10] Je fais miens les propos qui précèdent. La citoyenneté canadienne est un privilège ; il est juste qu"elle soit méritée. Si un délai supplémentaire est requis pour cela lorsqu"un candidat tel que l"appelant décide d"étudier à l"étranger, alors soit.

[11] Je ne suis pas persuadé que l"appelant a effectivement établi son lieu de résidence au Canada avant de prendre la décision de retourner au Royaume-Uni pour y faire des études universitaires supérieures, et avant de partir pour s"y consacrer véritablement. Je ne suis pas persuadé non plus que la qualité des attaches de l"appelant pendant la durée de ses études et jusqu"à la date de sa demande de citoyenneté suffisait à rendre admissible comme période de résidence au Canada le temps qu"il a consacré à ses études.

[12] L"appelant est revenu au Canada. Il accumule aujourd"hui des jours de résidence au Canada, qu"il pourra comptabiliser s"il décide plus tard de demander à nouveau la citoyenneté canadienne. Je suis d"avis que la demande de citoyenneté canadienne qui a conduit au présent appel était nettement prématurée.

[13] C"est pourquoi j"ai rejeté le présent appel, par un jugement en date du 5 novembre 1997.

                         FREDERICK E. GIBSON

                     ___________________________________

                             Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                            Date : 199711--
                            Dossier : T-137-96
                
                 Entre :
                
                
                 AFFAIRE INTÉRESSANT laLoi sur la citoyenneté,
                 L.R.C. (1985), ch. C-29
                
                 ET un appel formé contre la
                 décision d"un juge de la citoyenneté
                
                 ET
                
                 WAI CHEONG (WILLIAM) LEE,

appelant.

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                 MOTIFS DU JUGEMENT
                
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             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                  T-137-97
INTITULÉ :                      AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté,
                         L.R.C. (1985), ch. C-29
                         ET un appel formé contre la décision d"un juge
                         de la citoyenneté
                         ET WAI CHEONG (WILLIAM) LEE
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 5 NOVEMBRE 1997
LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE GIBSON

EN DATE DU                  NOVEMBRE 1997
ONT COMPARU :                          M. Christopher J. Roper,
                                         pour l"appelant
                                 M. Peter K. Large,
                                         Amicus Curiae
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      Bureau 700,
                                 1 First Canadian Place
                                 100, rue King ouest
                                 Toronto (Ontario)
                                 M5X 1C7
                                         pour l"appelant
                                 Peter K. Large
                                 Avocat
                                 610-372, rue Bay
                                 Toronto (Ontario)
                                 M5H 2W9
                                         Amicus Curiae
__________________

1      [1997] F.C.J. No 1266 (QL)

2      [1996] F.C.J. No 33 (QL)

3      [1997] F.C.J. No 812 (QL)

4      [1993] F.C.J. No 232 (QL)

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