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Date : 20001013


Dossier : T-1846-00

ENTRE:

     KARLA TEALE

     Demanderesse

     - et -



     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]      Il s'agit d'une requête en vue d'obtenir une injonction interlocutoire pour empêcher le transfèrement involontaire de la demanderesse de l'Établissement de détention de Joliette vers le Centre Psychiatrique Régional des Prairies (CPRP).

[2]      Pour réussir, la demanderesse devait convaincre la Cour qu'elle avait une question sérieuse à débattre, qu'elle risquait de subir un tort irréparable si elle était transférée, et enfin, que la balance des inconvénients penchait en sa faveur.

[3]      J'examinerai d'abord les prétentions de la demanderesse à l'effet qu'elle risque de subir un tort irréparable si elle est transférée. À cet effet, la Cour doit évaluer la preuve qui lui est présentée.

[4]      La Cour a déjà décidé, lors de l'audience, de rejeter un document que le procureur de la demanderesse a tenté d'introduire, lequel n'était en fait que du ouï-dire, et n'était pas appuyé d'un affidavit.

[5]      Lors de l'audience, j'ai pris sous réserve une objection de la partie demanderesse quant au ouï-dire contenu au paragraphe 14 de l'affidavit de M. Daniel Mérineau, directeur intérimaire de l'Établissement de Joliette. Je fais donc droit à l'objection et soustrais par le fait même ce paragraphe de l'affidavit qui demeure, sous tout autre rapport, valide.

[6]      Il reste donc à la Cour, pour évaluer le tort irréparable, s'il en est, que l'affidavit de Madame Teale, la demanderesse, qui affirme, sous serment, que sa facilité d'accès à la collectivité et à ses ressources familiales, ainsi que sa vie seront mises en péril, si elle est transférée et, de plus, qu'elle aurait été victime de menaces de mort dans le passé.

[7]      La demanderesse n'a pu ni documenter, ni soumettre de preuve supplémentaire pour étayer ces affirmations.

[8]      La demanderesse affirme au paragraphe 10 de son affidavit qu'elle risque de souffrir d'une perte de sa liberté résiduelle; en fait, elle croit que sa liberté d'action sera moins grande dans son nouveau centre de détention et que ses contacts avec les autres détenues seront réduits, considérant que le centre où elle sera transférée, est un établissement à sécurité supérieure.

[9]      Le Cour a peine à comprendre qu'un environnement avec une sécurité accrue et une diminution de contacts avec d'autres détenues puisse résulter en une menace plus grande pour sa sécurité.

[10]      À mon avis, la demanderesse a échoué dans sa tentative de démontrer qu'elle risque de subir un tort irréparable, si elle est transférée.

[11]      Quant à la balance des inconvénients, elle favorise nettement la partie défenderesse qui a l'obligation de prendre toute mesure utile afin de se conformer aux dispositions de la Loi.

[12]      Le transfèrement de la demanderesse ne la prive d'aucun droit et les autorités des Services correctionnels seront mieux en mesure de procéder à l'évaluation de la demanderesse, même si cette dernière annonce, à l'avance, sa non-coopération.

[13]      Les admissions de la demanderesse quant à son refus éventuel de mise en liberté ne libère en aucune façon les Services correctionnels de leurs obligations statutaires.

[14]      Il y va de l'intérêt public que les Services correctionnels puissent remplir leur mandat.

[15]      Dans l'arrêt R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (P.G.) [1994] 1 R.C.S. 311, la Cour suprême, par la voix des juges Sopinka et Cory, précise au paragraphe 69:

[69]      Cette question de l'atteinte à l'intérêt public invoquée par une autorité publique a été abordée de diverses façons par les tribunaux. D'un côté, on trouve le point de vue exprimé par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Fishing Vessel Owners' Association of B.C., [1985] 1 C.F. 791, qui a infirmé la décision de la Division de première instance d'accorder une injonction empêchant des fonctionnaires des pêcheries de mettre en oeuvre un plan de pêche adopté en vertu de la Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, ch. F-14. Parmi d'autres motifs, la cour a souligné celui-ci (à a p. 795):
le juge a eu tort de tenir pour acquis que le fait d'accorder l'injonction ne causerait aucun tort aux appelants. Lorsqu'on empêche un organisme public d'exercer les pouvoirs que la loi lui confère, on peut alors affirmer, en présence d'un cas comme celui qui nous occupe, que l'intérêt public, dont cet organisme est le gardien, subit un tort irréparable.
Le juge Beetz a approuvé avec réserve ces remarques dans l'arrêt Metropolitan Stores (à la p. 139). Elles ont été appliquées par la Division de première instance de la Cour fédérale dans Esquimalt Anglers' Association c. Canada (Ministre des pêches et océans) (1988), 21 F.T.R. 304.
[...]
[71]      À notre avis, le concept d'inconvénient doit recevoir une interprétation large dans les cas relevant de la Charte. Dans le cas d'un organisme public, le fardeau d'établir le préjudice irréparable à l'intérêt public est moins exigeant que pour un particulier en raison, en partie, de la nature même de l'organisme public et, en partie, de l'action qu'on veut faire interdire. On pourra presque toujours satisfaire au critère en établissant simplement que l'organisme a le devoir de favoriser ou de protéger l'intérêt public et en indiquant que c'est dans cette sphère de responsabilité que se situent le texte législatif, le règlement ou l'activité contestés. Si l'on a satisfait à ces exigences minimales, le tribunal devrait, dans la plupart des cas, supposer que l'interdiction de l'action causera un préjudice irréparable à l'intérêt public.

[16]      La demanderesse ayant échoué sur deux des éléments du test, soit le tort irréparable et la balance des inconvénients, il n'est pas utile, dans les circonstances, d'examiner en profondeur le troisième élément à savoir s'il existe une question sérieuse à débattre; La Cour note, cependant, que la demanderesse réclame l'intervention de la Cour fédérale, alors que ses recours internes ne sont pas épuisés, ce qui apparaît à la face même du dossier.

[17]      Pour tous ces motifs, cette requête en injonction est rejetée.



                         Pierre Blais

                         Juge


QUÉBEC, QUÉBEC

Le 13 octobre 2000



     COUR FÉDÉRALE DE PREMIÈRE INSTANCE




Date: 20001013


Dossier: T-1846-00



Entre:



KARLA TEALE



     Demanderesse



- ET -



PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


     Défendeur



    


    



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


    



     SECTION DE 1ère INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER





NO. DE DOSSIER DE LA COUR:      T-1846-00

INTITULÉ DE LA CAUSE:          KARLA TEALE

     Demanderesse

                         ET:

                         PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                            

     Défendeur

LIEU DE L'AUDITION:              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDITION:              le 6 octobre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE                 

DE LA COUR PAR:              l'Honorable juge Blais

EN DATE DU:                  le 13 octobre 2000

COMPARUTIONS:                     

                         Me Marc Labelle      pour la demanderesse

                         Me Eric Lafrenière          pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

                     LABELLE, BOUDRAULT, COTÉ et ass.

                         Montréal (Québec)          pour la demanderesse

                        

                         MORIS ROSENBERT

                         Sous-procureur général

                         du Canada              pour le défendeur

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