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     Date : 19980612

     Dossier : IMM-2605-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 12 JUIN 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

ENTRE :

     Talal (Idress) METWLY,

     Muna AMHDY,

     Smarwa (Marwa) TALAL,

     Saga (Safa) TALAL,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     VU la demande des demandeurs pour obtenir le contrôle judiciaire de la décision rendue par Mary Moylum et Derek Blackburn, de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié);

     VU les pièces versées au dossier et les observations présentées par l"avocat des demandeurs et l"avocat du défendeur;

     PAR LA PRÉSENTE, LA COUR ORDONNE QUE :

     La demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur Talal (Idress) Metwly est accueillie. La décision de la Commission en date du 30 mai 1997 se rapportant à M. Metwly est annulée et l"affaire, quant à M. Metwly, est renvoyée à la Commission pour qu"un tribunal différemment constitué statue sur elle d"une façon qui n"est pas incompatible avec les présents motifs.

     La demande de contrôle judiciaire des autres demandeurs est rejetée.

     Aucune question n"est certifiée.

     William P. McKeown

     _________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

     Date : 19980612

     Dossier : IMM-2605-97

ENTRE :

     Tatal (Idress) METWLY,

     Muna AMHDY,

     Smarwa (Marwa) TALAL,

     Saga (Safa) TALAL,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MCKEOWN

[1]      Le demandeur, son épouse et leurs deux enfants sont citoyens du Soudan et demandent le contrôle judiciaire d"une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 30 mai 1997, selon laquelle ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      La question est de savoir si la conclusion de la Commission concernant la crédibilité peut être confirmée au vu des nombreuses erreurs qu"elle a faites en tirant cette conclusion. La Commission a examiné la revendication du demandeur séparément de la revendication de son épouse. Je dois par conséquent commencer mon examen par le demandeur.

[3]      La Commission affirme à la page 2 de ses motifs : [TRADUCTION] " la Commission a considéré que la crédibilité est une question majeure quant à ces revendications ". La Commission a ensuite commis des erreurs qui sautent aux yeux. À la page 4, la Commission affirme :

         [TRADUCTION] Le demandeur a affirmé dans son témoignage oral, mais pas dans son FRP, qu"il avait été emprisonné en avril 1990 et détenu jusqu"en août 1992, et " accusé, pendant que j"étais en prison, d"essayer de renverser le régime, alors que j"étais en prison pour la deuxième fois ". Il a été libéré à la suite d"un appel lancé par des organismes internationaux de défense des droits de la personne tels que Amnistie Internationale pour que des pressions soient exercées en vue de sa libération.                 
         Le demandeur contredit son témoignage oral à la question 23 de la page 4 de son FRP, où il affirme que du 6 juillet 1990 au 12 août 1990 il était à l"extérieur du pays, en voyage de noces. Aussi en contradiction avec le témoignage de son emprisonnement est son témoignage rendu lors d"une audience tenue à une autre date, où il a dit qu"il avait été envoyé en Libye et en Égypte pour une formation de vol spécialisée donnée de septembre 1990 à janvier 1991.                 

[4]      La Commission s"appuie clairement sur le fait que le demandeur a été emprisonné d"avril 1990 à août 1992. La preuve révèle que ce fut le témoin Abdellatief (Vol. 5, page 890) qui a été emprisonné au cours de cette période. Il est clair que le fait que le demandeur était à l"extérieur du pays pour son voyage de noces et le fait qu"il a suivi la formation de vol spécialisée n"entrent pas en contradiction.

[5]      La Commission ajoute alors :

         [TRADUCTION] Cependant, son propre témoignage révèle que l"année où il affirme avoir tenté de démissionner, il a été promu au grade de capitaine. Entre 1992 et 1994, il a été promu au grade de lieutenant-colonel dans les Forces soudanaises et aussi commandant de l"escadron Puma de l"Aviation.                 

[6]      Une fois de plus, la preuve révèle clairement qu"il n"a jamais été promu lieutenant-colonel dans les Forces armées soudanaises ou commandant de l"escadron Puma de l"Aviation. C"est le témoin Abdellatief à nouveau, dont le témoignage commence à la page 885, qui avait le grade de lieutenant-colonel dans les Forces armées soudanaises et était commandant de l"escadron Puma de l"Aviation.

[7]      Ni le demandeur ni ses deux témoins n"ont identifié le demandeur comme un lieutenant-colonel ou le commandant de l"escadron Puma. À de nombreuses reprises, le demandeur et les deux témoins ont identifié le demandeur comme étant un pilote ou un pilote du grade de capitaine.

[8]      Ces erreurs sont très importantes parce qu"elles biaisent par la suite le point de vue de la Commission quant à la crédibilité du demandeur. La Commission a fait d"autres erreurs secondaires telles que de dire que le demandeur avait présenté quatre fois sa démission des Forces armées, au lieu de trois. La Commission a aussi imputé au demandeur le fait que des renseignements précis concernant l"armement du MI24 avaient été révélés. J"ai des réserves quant à savoir si les réponses à quelques questions, données en des termes assez vagues, constituent des renseignements précis. Je ne m"appuie sur ni l"une ni l"autre de ces erreurs pour conclure que la conclusion de la Commission quant à la crédibilité est erronée. Les conclusions de la Commission quant aux hélicoptères au Soudan posent aussi des problèmes, mais un tribunal différemment constitué pourra examiner la preuve et tirer ses propres conclusions. La Commission n"a tiré aucune conclusion défavorable quant au comportement du demandeur. Je suis incapable de déterminer si la Commission aurait tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur si elle n"avait pas tiré ces autres conclusions quant aux contradictions.

[9]      Qui plus est, la Commission a aussi conclu que les témoignages de MM. Abdellatief et Abdalla n"étaient pas crédibles. La Commission cite un extrait du témoignage de M. Abdellatief à la page 7 et au début de la page 8. Encore une fois, le problème provient du fait que le témoignage a été rendu par M. Abdalla et non par M. Abdellatief. M. Abdellatief n"a pas rendu un témoignage semblable.

[10]      L"intimé a affirmé que l"ensemble de la preuve étaye la conclusion de la Commission. Je suis incapable d"être d"accord avec cette affirmation étant donné que, comme je l"ai dit précédemment, de nombreuses conclusions sont fondées sur la crédibilité du demandeur et des deux témoins et que la Commission a clairement tiré des conclusions de fait erronées quant à leur crédibilité, conclusions que l"on peut qualifier d"abusives et d"arbitraires.

[11]      La Commission a aussi tiré une conclusion quant à savoir si le demandeur était membre du Commandement légitime. La Commission a dit à la page 5 de ses motifs :

         [TRADUCTION] À l"avant-dernière audience, il a allégué qu"il était devenu membre du Commandement légitime, une organisation opposée au gouvernement. Comme il n"avait pas mentionné cela dans son FRP ni dans son témoignage lors des trois premières audiences, le demandeur principal a tenté d"expliquer l"omission de ce renseignement crucial par le fait que son ami Adil avait présenté un petit livre. [La Commission a considéré que cette explication n"avait pas de sens.] Le demandeur a affirmé avoir mis sa vie en péril en se joignant au Commandement légitime, où il avait pour fonction d"enquêter sur les opinions politiques de ses collègues et de faire du recrutement. Lorsque l"ACR lui a demandé pourquoi il avait ainsi mis sa vie et la vie des membres de sa famille en danger, il a répondu : " Je croyais qu"il s"agissait d"une cause pour laquelle il valait la peine d"offrir sa vie ". Cependant, depuis son arrivée au Canada, il a cessé de faire partie du Commandement. Bien qu"il ait affirmé avoir écrit au Commandement et en avoir reçu de nombreuses lettres, il n"a pu en déposer aucune lors de son témoignage ou par après.                 

[12]      La Commission a aussi affirmé, à la page 10 de ses motifs :

         [TRADUCTION] Le témoin Fathi Ahmed Ali a déposé une lettre qui indique que le demandeur principal a été membre du Commandement légitime à compter de 1990. Il n"était pas présent et n"a pu témoigner oralement pour confirmer certaines questions telles que sa relation avec le demandeur principal. Le tribunal a accordé peu de poids à cette lettre.                 

[13]      Cependant, la Commission a affirmé, au volume 8, accepter deux choses. Et l"une d"elles était que le demandeur était membre du Commandement légitime. Je ne peux pas voir comment une conclusion comme celle tirée aux pages 5 et 10 peut être conciliée avec l"acceptation de cette position par la Commission. Cela ne peut tout simplement pas affecter la crédibilité du demandeur lorsque la Commission fait une telle déclaration.

[14]      La revendication du demandeur est renvoyée à la Commission pour qu"un tribunal différemment constitué statue sur elle d"une façon qui n"est pas incompatible avec les présents motifs.

[15]      La Commission a aussi considéré que la crédibilité de la demanderesse était un facteur, mais il n"y a aucune erreur semblable quant à la demanderesse. La Commission a bien commis une erreur, qui n"est pas cruciale pour ses conclusions, à la page 17 de ses motifs, lorsqu"elle a affirmé :

         [TRADUCTION] À ce moment-là, son père, le général Hussein El Khadero, et un de ses anciens étudiants, un militaire haut gradé encore au service du régime, les ont aidés à quitter le pays.                 

Le général Hussein El Khadero n"est pas son père. En fait, il a été exécuté en 1990 et était l"oncle du demandeur. C"est par erreur qu"on a pris ce nom pour le nom de son père. Cependant, son père a été brigadier dans les Forces armées, et la preuve a montré que son père et un de ses anciens étudiants, un militaire haut gradé encore au service du régime, les ont aidés à quitter le pays. Il ne s"agit pas d"une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

[16]      À mon avis, aucune autre erreur n"est à prendre en considération quant à savoir si la conclusion de la Commission était manifestement déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire en ce qui a trait à demanderesse et aux deux enfants est rejetée.

[17]      Le demandeur a soumis la question suivante :

     Est-il approprié que la Section de première instance de la Cour fédérale rende des décisions distinctes à l"égard de demandeurs multiples en matière de contrôle judiciaire, alors que la Commission de l"immigration et du statut de réfugié n"a rendu qu"une seule décision à l"égard de ces demandeurs à la suite d"une audience collective?         

À mon avis, il est bien établi en droit qu"il est toujours loisible à une cour de révision de modifier en partie la décision d"un tribunal. Par conséquent, aucune question n"est certifiée.

     William P. McKeown

     _______________________________

     Juge

OTTAWA (Ontario)

12 juin 1998.

Traduction certifiée conforme:

Jacques Deschênes

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DE DOSSIER :                          IMM-2605-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :                  TALAL (IDRESS) METWLY ET AUTRES
                                 c.
                                 MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :                      OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :                      15 AVRIL 1998
MOTIFS D"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :      LE JUGE MCKEOWN
DATE :                              12 JUIN 1998

ONT COMPARU :

M. Mike Bell                              pour les demandeurs
Mme Josephine Palumbo                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Bell, Unger, Morris                          pour les demandeurs

Ottawa (Ontario)

M. George Thomson                          pour le défendeur

Sous-procureur général

du Canada

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