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Date : 19990602

Dossier : T-2244-98

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

L.R.C. (1985), ch. C-29

ET un appel d'une décision d'un

juge de la citoyenneté

ET

NORGIA DOROGA,

demanderesse,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]    La décision que je rends dans la présente demande de contrôle judiciaire est fondée sur les conclusions en matière d'interprétation que j'ai tirées dans l'affaire MCI c. Wing Tung Thomas Yeung (C.F. 1re inst., décision no T-1256-98 rendue le 3 février 1999)1.

[2]    J'estime que le juge de la citoyenneté a appliqué le bon critère et qu'il a correctement appliqué ce critère aux éléments de preuve dont il disposait. En conséquence, j'estime qu'il n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle.

[3]    En conséquence, le présent appel est rejeté.

[4]    Des dépens ne sont pas adjugés.

                                                          « Douglas Campbell »          

                                                            J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

Le 2 juin 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

                                                               

1.[1]        Je souscris à la décision que le juge Rouleau a rendue dans l'affaire MCI c. Hin Keung Hung (C.F. 1re inst., décision no T-1345-98 rendue le 21 décembre 1998) selon laquelle, en vertu des nouvelles règles, les appels en matière de citoyenneté ne sont plus des procès de novo et, par conséquent, sont assujettis au par. 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale. À cet égard, pour qu'une décision d'un juge de la citoyenneté soit annulée, il est nécessaire qu'une erreur susceptible de contrôle ait été identifiée. Outre les erreurs de droit manifestes, lesquelles se produisent rarement, les fondements des appels en matière de citoyenneté interjetés en vertu des nouvelles règles se trouvent à l'al. 18.1(1)d), à propos duquel le juge Rouleau dit, à la p. 4 de la décision Hung :

L'alinéa 18.1(4)d) codifie la façon dont les cours de justice envisagent les conclusions de fait tirées par les tribunaux administratifs. Dans l'arrêt Kibale c. Transports Canada (1988), 90 N.R. 1 (C.A.F.) (autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée (1989), 101 N.R. 238 (C.S.C.)), le juge Pratte a déclaré, à la p. 4, que « même si la Cour est convaincue qu'une décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, elle ne peut intervenir à moins qu'elle ne soit également d'avis que le tribunal inférieur, en tirant cette conclusion, a agi de façon absurde, arbitraire ou sans égard à la preuve » . Non seulement la conclusion de fait doit avoir été tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans égard à la preuve soumise à l'arbitre, mais la Cour doit également tirer pareille conclusion pour pouvoir intervenir en vertu de l'alinéa 18.1(4)d).

[2]            La présente affaire porte sur la question de savoir si le juge de la citoyenneté a correctement interprété l'al. 5c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi), dont voici le libellé :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

f) n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20. [Je souligne.]

[3]            Les avis des juges de notre Cour sont partagés en ce qui concerne la façon dont il convient d'interpréter l'exigence en matière de résidence prévue à l'al. 5c). J'estime que les motifs exposés par le juge Thurlow dans In re Papadogiorkakis, [1978] 2 C.F. 208, à la p. 214 s'imposent et, en conséquence, j'accepte que le critère applicable est le suivant :

                Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] « essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question.

[4]            Compte tenu de In re Papadogiorkakis, il est clair que pour satisfaire à l'exigence en matière de résidence prévue à l'al. 5c) de la Loi, la personne doit avoir un « foyer établi » au Canada et elle ne doit pas avoir cessé d'y résider. Cependant, il importe également de souligner qu'il ressort des motifs du juge Thurlow que la norme, prévue à l'al. 5c) de la Loi, selon laquelle la personne doit avoir résidé au Canada pendant une période de 1 095 jours avant la date du dépôt de sa demande de citoyenneté n'est pas de nature stricte.

[5]            En ce qui concerne la question de savoir si la personne a établi un foyer au Canada ou, dans l'affirmative, si elle a cessé d'y résider, je souscris entièrement à l'approche que le juge Dubé a décrite dans Re Banerjee (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.), à la p. 238 :

Toutefois, chaque cas est un cas d'espèce. C'est la qualité de l'attachement au Canada qui doit être examinée. Aucun élément particulier, ni aucun nombre d'éléments, ne saurait être déterminant dans quelque cas que ce soit [...]. La durée des absences en soi n'est pas déterminante. Toutefois, lorsque l'on considère l'ensemble des circonstances qui entourent ces absences, leur durée peut constituer un facteur d'appréciation de la qualité de l'attachement au Canada de la personne en cause [...]. [Citations omises.] [Je souligne.]


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                                                         T-2244-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                            NORIGA DAROGA,

demanderesse,

                                                                                                                                                            - c. -

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                                                                                ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE MERCREDI 2 JUIN 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE LA COUR RENDUS PAR LE JUGE CAMPBELL

EN DATE DU :                                                             MERCREDI 2 JUIN 1999

ONT COMPARU :                                                     Mme Catherine Bruce et

                                                                                    M. Ben Trister

                                                                                                Pour la demanderesse

                                                                                    M. Brian Trimeth

                                                                                                Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                   Bhardwaj, Pohani Law Office

                                                                                    Barristers & Solicitors

                                                                                    2161, rue Yonge, pièce 806

                                                                                    Toronto (Ontario)

                                                                                    M4S 3A6

                                                                                                Pour la demanderesse

                                                                                    Morris Rosenberg

                                                                                    Sous-procureur général

                                                                                    du Canada

                                                                                                Pour le défendeur

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