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     T-799-95

ENTRE :

     SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     (DOUANES ET ACCISE),

     appelant,

     - et -

     SCHRADER AUTOMOTIVE INC.,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MULDOON

         Il s'agit en l'espèce d'un appel prévu par la loi, interjeté d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (ci-après, le tribunal ou TCCE). L'intimé, qui était alors le sous-ministre, avait présenté, conformément au paragraphe 68(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1, 2e suppl., une demande d'autorisation d'interjeter appel de la décision rendue par le TCCE dans l'appel AP-94-005 Schrader c. Le sous-ministre du Revenu national (Douanes et accise). Le tribunal a entendu l'appel le 9 septembre 1994 et il a rendu sa décision le 24 janvier 1995.

         L'intimée avait importé au Canada, entre les mois de novembre 1991 et d'octobre 1992, dix chargements de valves à pneus et de mandrins à air, dont un échantillon est fourni dans les pièces A-1 à A-3 et A-5 à A-8 déposées devant le tribunal. À cette époque, l'importateur avait classé ses valves sous le numéro tarifaire 8481.30.10 à titre de " clapets et soupapes de retenue - actionnés à la main " et les mandrins à air sous le numéro tarifaire 8414.90.50 à titre de " parties de pompes à air ou à vide, compresseurs d'air ou d'autres gaz et ventilateurs : ou numéro tarifaire 8414.80.00, à titre de clapets et soupapes de retenue - autres ".

         Voici un extrait de la décision du TCCE que l'on retrouve dans le dossier d'appel :

     *** La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des valves à pneus et des mandrins à air sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8481.80.91 de l'annexe I du Tarif des douanes2 à titre d'articles actionnés à la main pour tuyauteries, chaudières, réservoirs, cuves ou contenants similaires, comme l'a établi l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8481.30.90 à titre d'autres clapets et soupapes de retenue, comme l'a soutenu l'appelant.     
         Les dispositions pertinentes de l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivantes :     
         84.81          Articles de robinetterie et organes similaires pour tuyauteries, chaudières, réservoirs, cuves ou contenants similaires, y compris les détendeurs et les vannes thermostatiques.     
         8481.30          -Clapets et soupapes de retenue     
         8481.30.10      ---Actionnés à la main (à l'exception des clapets et soupapes de retenue à engrenage multiple, à chaîne ou à poulie, des raccords munis de dispositifs de robinetterie avec soupapes)     
         8481.30.90      ---Autres     
         8481.80          -Autres articles de robinetterie et organes similaires     

                 ---Autres :

         8481.80.91      ---Actionnés à la main (sauf d'autres articles de robinetterie et organes similaires à engrenage multiple, à chaîne ou à poulie, des raccords munis de dispositifs de robinetterie avec soupapes)     
         8481.80.99      ---Autres     
     ___________________________     

     ***

     2. L.R.C. (1985), ch. 41, 3e suppl.

     (Dossier d'appel, vol. II, p. 298)

         Lors de l'audition du présent appel à Toronto, le 30 juin 1997, l'avocate de l'appelant a dit, suivant la transcription :

     [TRADUCTION] La question en litige * * * consiste à déterminer si le (t)ribunal * * * a commis une erreur de droit en concluant que les marchandises en cause, les valves à pneus et les mandrins à air, doivent à bon droit être considérées comme des clapets et soupapes de retenue autres qu'actionnés à la main.     
             L'appelant soutient que le tribunal a commis une erreur en interprétant le classement tarifaire et en statuant que ces marchandises étaient visées par le numéro tarifaire, soit qu'il s'agissait de clapets et soupapes de retenue.     

     (Transcription, p. 4 et 5)

         Pour sa part, l'avocat de l'intimée a dit ce qui suit :     
     [TRADUCTION] Il faut déterminer s'il s'agit * * * de clapets et soupapes de retenue ou autres dont il est question au numéro 8481.30 ou d'articles de robinetterie et organes similaires dont il est question au numéro 8481.80.     
     Le tarif se présente évidemment sous la forme d'un classement hiérarchique * * * il faut examiner les positions avant de passer aux sous-positions. En l'espèce, la question de la position n'est pas en litige.     
     Le litige oppose donc l'appelant qui fait valoir un numéro résiduaire, autres, et l'intimée qui affirme qu'il s'agit de clapets et soupapes de retenue.     
     Pour jeter encore plus de confusion, suivant le numéro tarifaire, il s'agit d'" autres clapets et soupapes de retenue " pour l'intimée - c'est-à-dire, de marchandises dont il est question à la position 8481.30.90 - ou, dans le cas de l'appelant, d'" autres articles de robinetterie et organes similaires " de la position 8481.80.91 qui sont " actionnés à la main autres articles de robinetterie et organes similaires ", ou la position 8481.80.99 qui sont d'" autres autres autres articles de robinetterie et organes similaires ".     

     (Transcription, p. 53 et 54)

         Ceux qui composent, rédigent ou imaginent ces numéros tarifaires doivent aimer engendrer des litiges. Pourquoi ne serait-il pas possible de désigner des " valves pour pneumatiques gonflables " et des " mandrins à air pour gonfler des pneus au moyen de tuyaux de pression pneumatique "? Cela sauverait beaucoup de temps et d'argent à tout le monde et cela éviterait une surabondance de mots.

         Voici ce qu'a dit le TCCE en rendant sa décision sur l'appel interjeté devant lui par la partie intimée en l'espèce :

         En application de la Règle 1 des Règles générales, le Tribunal a examiné les termes des sous-positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. Après avoir examiné la valve à pneus et le mandrin à air déposés comme pièces à l'audience, de même que les éléments de preuve et les arguments des deux parties, le Tribunal est convaincu que les valves à pneus et les mandrins à air en cause doivent être classés dans la sous-position nE 8481.30 à titre de clapets et soupapes de retenue.     
         Le Tribunal accepte la définition d'un clapet de retenue fournie par M. Bogdanowicz, c'est-à-dire un clapet qui limite automatiquement la circulation d'un produit dans une direction et empêche la circulation dans l'autre direction. Le Tribunal ne partage toutefois pas les conclusions tirées par M. Bogdanowicz et estime que les valves à pneus et les mandrins à air correspondent à cette définition générale. Les valves à pneus et les mandrins à air sont conçus pour permettre la circulation de l'air dans un contenant, comme un pneu. Une fois que la pression de l'air à l'intérieur du contenant a atteint le niveau désiré, les valves à pneus et les mandrins à air se referment automatiquement, emprisonnant l'air dans le contenant. Les valves à pneus et les mandrins à air permettent à l'air de pénétrer dans le contenant, puis le mécanisme à ressort dont ils sont munis empêchent cet air de s'échapper à moins que le plongeur ne soit enfoncé à la main. De l'avis du Tribunal, ils permettent ainsi la circulation de l'air dans une direction et empêchent la circulation dans l'autre direction.     
         La valve à pneus fonctionne de manière que l'air ne peut la traverser que si le plongeur est enfoncé. Le Tribunal est d'avis que, lorsque le plongeur est relâché et que le mécanisme à ressort dont il est muni maintient la valve fermée pour empêcher l'air de s'échapper, ce mécanisme à ressort fonctionne automatiquement et n'est pas actionné à la main. Ce point de vue est confirmé dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position nE 84.81, qui prévoient que les marchandises qui y sont classées peuvent être actionnées par " un dispositif de déclenchement automatique, tel que ressort ". Le Tribunal conclut en outre que, puisqu'un instrument est habituellement requis pour enfoncer le plongeur de la valve à pneus, celle-ci est en fait actionnée par la pression qu'exerce cet instrument sur le plongeur.     
         Le Tribunal n'a pas à déterminer si les mandrins à air sont actionnés à la main puisque, à son avis, ils sont des raccords expressément exclus du numéro tarifaire 8481.30.10. Le Tribunal admet que, selon sa définition courante et ordinaire, un raccord est un dispositif servant à réunir deux objets, comme l'a suggéré le représentant de l'appelant. Sur la foi des descriptions de l'utilisation des mandrins à air fournies par les témoins et de son propre examen de ces dispositifs, le Tribunal est convaincu que les mandrins à air servent à réunir deux objets et, plus particulièrement, qu'ils servent le plus souvent à assurer l'assemblage d'une valve à pneus et d'une conduite d'air reliée à un réservoir d'air sous pression.     

         Par conséquent, l'appel est admis.

     (Dossier d'appel, p. 302 et 303)

         Pour que la Cour puisse intervenir de la manière ordinaire, il doit être démontré que le tribunal a tiré une conclusion contraire à la preuve dont il avait été saisi (ou la déformant), commettant ainsi une erreur susceptible de contrôle. Le juge Marceau a dit ce qui suit dans Sous-ministre du Revenu national c. Hydro-Québec :

         La détermination finale d'un tribunal spécialisé comme celui ici en cause ne saurait être mise de côté par cette Cour que sur la base de l'irrationalité de l'appréciation des faits sur laquelle elle se fonde, * * * [il n'y a] rien d'irrationnel dans la façon dont le Tribunal ici a compris et analysé la preuve qui lui avait été présentée.     

     (1994) 172 N.R. 247 à la p. 257 (C.A.F.)

         Le principe de droit applicable a déjà été énoncé par le juge Kellock dans l'arrêt unanime rendu par la Cour suprême du Canada dans Canadian Lift Truck Co. Ltd. c. S.-M.R.N. (1955) 1 D.L.R. (2d) 497. Le juge a écrit ce qui suit :

         [TRADUCTION] Alors que l'interprétation d'un texte législatif est une question de droit et que la question de savoir si une chose précise est d'une nature telle qu'elle se situe dans le cadre législatif ainsi défini est une question de fait, néanmoins, s'il apparaît à la Cour d'appel que le tribunal, juge des faits, a statué sans preuve ou que personne au fait du droit et exerçant des fonctions judiciaires n'aurait pu arriver à une telle décision, la Cour peut statuer en présumant que ladite décision est imputable à une conception erronée du droit : Edwards v. Bairstow, [1955] 3 All E.R. 48.         

     (p. 498)

         C'est exactement le même genre d'erreur qu'a commise le TCCE. Les deux membres puînés de ce tribunal savaient beaucoup de choses au sujet des marchandises importées, en particulier au sujet des valves à pneus qui ont été déposées comme pièces devant eux, mais ils ne savaient rien au sujet des clapets et soupapes de retenue et ils n'ont pas tenu compte des éléments de preuve qui leur ont été soumis. Ils ont tous les deux fait part de leur expérience personnelle comme on peut le constater à la lecture de la transcription de l'audience - G aux pages 35 et suivantes, et C aux pages 39 et suivantes. Le membre G avait une idée bien en tête, mais il n'écoutait pas vraiment comme l'indiquent les pages 68 et suivantes de la transcription de l'audience.

         Le témoin expert du sous-ministre, Andrzej Bogdanowicz, s'est montré on ne peut plus clair lors de son interrogatoire principal avant d'être confronté à l'idée fixe des deux membres puînés, idée qui ne devait pas être ébranlée. Voici ce qu'a dit M. Bogdanowicz lors de son témoignage :

         [TRADUCTION]         
         A.      Un clapet de retenue est un clapet qui permet la circulation dans une direction et empêche la circulation dans l'autre direction. Il s'agit d'une expression communément utilisée dans ce secteur d'activité.         
         Q.      À votre avis, les valves à pneus et les mandrins à air permettent-ils la circulation de l'air dans une seule direction?         
         R.      La valve à pneus permet la circulation de l'air dans les deux directions, tout dépendant de la pression. Un clapet de retenue typique empêche la circulation dans une direction. Il ne permettrait la circulation que dans une seule direction.         
         Q.      Et qu'en est-il des mandrins à air?         
         R.      Le mandrin à air fonctionne à peu près comme la valve à pneus en ce sens qu'il permet aussi la circulation de l'air tout dépendant de la pression exercée. Si la pression dans la conduite est plus forte, le mandrin est muni d'un disque d'une certaine dimension qui bloque le passage de l'air. Toutefois, s'il y a dépressurisation et que la pression exercée à l'extérieur de la conduite est plus forte, le mandrin n'empêchera pas l'air d'entrer dans la conduite. Par conséquent, je ne crois pas qu'il puisse être considéré comme un clapet de retenue.         
         Q.      Vous avez dit au sujet des clapets de retenue que ces articles fonctionnent automatiquement. Estimez-vous que les valves à pneus et les mandrins à air fonctionnent automatiquement?         
         R.      Non. Je crois qu'il y a une soupape à commande manuelle. Et dans le cas d'une valve à pneus, c'est un mécanisme à ressort qui la fait fermer. Une intervention humaine est toutefois nécessaire pour faire fonctionner cette valve.         

     (Transcription de l'audience, p. 54 et 55)

Évidemment, cette expression communément utilisée (" check valve ") et le dispositif qu'elle décrit sont en parfait accord avec le sens du mot anglais " check ". Aux États-Unis, ce mot est presque inévitablement utilisé comme substantif, désignant la lettre de change : chèque. Il est aussi utilisé comme verbe signifiant " contrôler " comme dans l'expression " vitesse contrôlée par radar " - s'il pouvait vraiment en être ainsi! Ces usages se répandent au Canada dans la langue familière ou spécialisée (savoir " check-off "), ou encore, ces termes sont utilisés à tort mais le plus souvent combinés à d'autres termes, toutefois, ces critères ne sont pas ceux de la Cour, sauf dans certains cas où il s'agit de questions ou de témoignages spécialisés ou de témoignages rendus dans la langue courante.

Dans le cas présent, on a adopté un terme ordinaire dénué de tout sens ésotérique : " check valve " - arrête automatiquement la circulation d'un liquide ou d'un gaz sans intervention humaine.

         Les quatre premières définitions du mot " check " dans le Gage Canadian Dictionary , 1997 Canada Publishing Corp'n, sont les suivantes :

         [TRADUCTION] check v., n., interj. - 1 arrêter brusquement : ils se sont arrêtés brusquement. 2 réfréner; maîtriser; réprimer : réprimer sa colère. 3 repousser; refouler; renverser : repousser une attaque ennemie. 4 Hockey. a empêcher (le joueur en possession de la rondelle) d'avancer, en utilisant soit son bâton soit son corps. b forcer ou diriger : mettre en échec *** [les sens connexes dénotent une idée de " contrôle "].         

C'est aussi cette idée d'empêcher une personne, un liquide ou un gaz de passer qui revient le plus souvent dans le Oxford English Dictionary, 2e éd., Clarendon Press, Oxford 1989 :

         [TRADUCTION] check* * *         
         1. Échec.         
         2. Fig. et trans. Se rapportant aux échecs.         
         3. Raillerie; remarque amère. Obs.         
         4.a. Reproche, réprimande, blâme. Obs. exc. dial.         
         5.a. Une interruption brutale de la carrière ou d'un avancement par suite d'un obstacle ou d'une opposition; rebuffade, refus, revers.         
         6. Fauconnerie. a Une fausse attaque plongeante lorsqu'un faucon délaisse sa proie et pourchasse un gibier plus petit qu'il croise en vol. Obs ou Hist.         
         7.a. Arrêt brusque; arrêt momentané ou pause.         
         8. Arrêt de paiement du salaire ou amende découlant de l'inobservation ou de la transgression de règles dans le cas de domestiques de la maison royale, etc.; la somme dont le versement est retenu.         
         9.a. Empêchement découlant de l'exercice d'un pouvoir de contrôle ou de supervision.         
         b. in check : empêchement à la liberté d'action ou de mouvement; sous contrôle.         
         10.a. Toute personne ou chose qui contrôle, ou qui joue le rôle d'un contrôle ou d'un empêchement.         
         e. Phr. checks and balances : mécanisme permettant de limiter le mauvais usage d'un pouvoir administratif.         
         f. Forme d'attache sur des rênes.         
         check-, expressions [à partir du radical CHECK v.] Utilisé comme attrib. " qui sert à contrôler " comme dans check-block, -ligament, -thong, -ticket, -valve, -weight, -wheel, etc. check-valve, valve qui empêche l'inversion de l'écoulement (spéc. de l'eau dans une conduite d'alimentation)         

     (p. 68 à 70)

Le New Shorter Oxford Dictionary, Clarendon Press, 1993, donne pour le mot " check " et pour les expressions dans lesquelles il est utilisé la plupart des mêmes sens et connotations, notamment

         [TRADUCTION]
         check-valve clapet qui empêche l'inversion de l'écoulement d'un liquide dans une conduite, etc.         

     (p. 379)

Les principaux sens du mot " check " correspondent aux sens donnés ci-dessus, dans le Living Webster Encyclopedic Dictionary of the English Language [le vénérable] 1re édition; The English Language Institute of America, Inc., MCMLXXI [1971] (p. 171), y compris à la p. 172, [TRADUCTION] " check valve, n. clapet de retenue qui empêche automatiquement le flux rétrograde d'un fluide ".

         Le passage pertinent du McGraw-Hill Dictionary of Scientific And Technical Terms, 3e édition, p. 283, a été examiné par le TCCE : [TRADUCTION] check valve [angl.] Dispositif qui limite automatiquement l'écoulement dans un réseau de tuyauterie en une seule direction ".

         Maintenant, quels sont exactement les sens au sujet desquels M. Bogdanowicz a témoigné de façon experte? Il n'y a rien dans le sens de " check valve " qui dénote l'existence d'une commande manuelle du clapet fermé qui permette à un liquide ou à un gaz de refluer ou de s'écouler dans la direction opposée. Non. Une fois que le liquide ou le gaz est stoppé, il le reste parce qu'il ne peut pas inverser la direction dans laquelle il s'écoule. Pourquoi alors le TCCE a-t-il continué à vouloir faire entrer les marchandises déposées comme pièces au dossier dans la catégorie des " check valve " ou clapets et soupapes de retenue?

         Un clapet de retenue est l'une des dernières sorte de valves que l'on voudrait fixer à un pneu parce qu'il deviendrait impossible de réduire la pression de l'air si le pneu était surgonflé et de diminuer, manuellement, la pression afin de retirer le pneu de la jante, parce qu'un clapet ou une soupape de retenue empêcherait une telle inversion du flux. L'une des caractéristiques essentielles d'une valve à pneus est qu'elle n'est pas un clapet ou une soupape de retenue qui serait le comble de l'inutilité et, évidemment, ne causerait que des problèmes. M. Bogdanowicz avait parfaitement raison, mais le TCCE n'écoutait tout simplement pas. En fait, le membre C a fait preuve de partialité en introduisant le sujet des clapets des cabinets d'aisance (transcription de l'audition, p. 72), en se demandant ensuite pourquoi il était question de ceux-ci (transcription de l'audition, p. 73) et en accusant ensuite M. Bogdanowicz de chercher la petite bête (p. 73)! Le membre C n'était tout simplement pas disposé à faire preuve d'esprit juridique.

         Maintenant si on pense que le législateur voulait en réalité parler d'une valve à pneus ayant une double fonction (gonfler et dégonfler), il était et il est encore temps pour celui-ci de formuler à cette fin une expression autre que " clapet et soupape de retenue ". Toutefois, il ne faut pas attribuer une telle intention au législateur pour le simple motif que des valves à pneus et des mandrins à air sont les marchandises examinées en l'espèce, car rien dans la preuve n'indique une telle intention.

         Le mandrin à air est toujours fixé sur la partie travaillante d'un boyau à air comprimé. Le mandrin est une valve qui empêche l'air comprimé de s'échapper jusqu'à ce qu'on utilise le mandrin à air en appuyant sur la plaque de pression qui permet à l'air de s'échapper; toutefois, cette simple condition de fonctionnement démontre que le mandrin à air n'est pas un clapet ni une soupape de retenue. Il peut être difficile d'imaginer que la pression de l'air ambiant extérieur soit plus forte que celle de l'air dans le boyau à air, mais si tel était le cas, le fonctionnement du mandrin à air permettrait à l'air extérieur de pénétrer dans le boyau. Cela pourrait vraisemblablement se produire si l'appareil à pression d'air ne fonctionnait plus et si la valve à pneus contre laquelle le mandrin à air était appuyé maintenait le surgonflage du pneu.

         La Cour conclut, en se fondant sur l'arrêt Lift Truck de la Cour suprême où cette dernière a conclu que le tribunal avait adopté une conception erronée du droit, que le tribunal en l'espèce a agi d'une manière telle que " personne au fait du droit et exerçant des fonctions judiciaires n'aurait pu arriver à une telle décision ", à savoir que les marchandises en question sont des clapets ou des soupapes de retenue. Pour reprendre les termes de la Cour d'appel fédérale dans Sous-ministre du Revenu national c. Hydro-Québec , la Cour conclut à l'" irrationalité de l'appréciation des faits " sur laquelle le TCCE s'est fondé. La Cour conclut que les marchandises en cause ne sont pas des clapets et soupapes de retenue, et que le TCCE a commis une erreur de droit en arrivant à une telle conclusion.

         Les avocats des parties ont fait valoir la question d'un classement plus précis. Ils ont toutefois reconnu que la position tarifaire 84.81 s'applique :

         Articles de robinetterie et organes similaires pour tuyauteries, chaudières, réservoirs, cuves ou contenants similaires, y compris les détendeurs et les vannes thermostatiques.         

De plus, l'intimée soutient que le numéro tarifaire 8481.30 s'applique, mais la Cour conclut que le TCCE a eu tort de souscrire à une telle interprétation. Perpétuant son erreur, le TCCE a conclu que le numéro tarifaire 8481.30.90 " --- Autres ", est le numéro précis qui s'applique. Il continue l'erreur parce qu'il renvoit aux " autres " clapets et soupapes de retenue.

         Par contre, évitant l'erreur du tribunal, l'appelant soutient qu'en vertu du numéro tarifaire 8481.80 " autres articles de robinetterie et organes similaires ", le numéro tarifaire 8481.80.91 " . . . Actionnés à la main (sauf * * * des raccords munis de dispositifs de robinetterie avec soupapes) " est le numéro tarifaire applicable aux valves à pneus. S'il fallait plusieurs minutes et même des heures pour gonfler un gros pneu, des raccords fixes pourraient être utilisés pour garder ensemble le mandrin à air et la valve à pneus, mais ce ne serait là qu'un exemple de valves munies de raccords qui ne seraient pas visées par l'exclusion prévue au numéro tarifaire 8481.80.91.

         L'appelant soutient qu'étant donné que le mandrin à air n'est pas un clapet ni une soupape de retenue, il devrait être classé sous le numéro tarifaire 8481.80.99, " --- Autres ". C'est une concession à l'endroit de l'intimée et c'était en fait l'argument subsidiaire de l'intimée. Il est évident que, même si la valve à pneus et le mandrin à air ne sont pas des clapets ni des soupapes de retenue, ils ne sont néanmoins pas identiques en ce sens que la valve à pneus permet habituellement le passage de l'air comprimé dans les deux sens et que le mandrin à air le permet rarement sinon jamais, même s'il peut le faire.

         Ces deux dispositifs ont un point commun en ce sens qu'ils sont actionnés à la main - que ce soit par la pression exercée à la main sur leur plongeur respectif ou par la pression exercée sur ceux-ci à l'aide d'un crayon à bille, d'une clé ou à l'aide de l'ongle du pouce ou d'un doigt. L'avocat de l'intimée connaît sûrement bien la décision qui doit être appliquée en l'espèce : Praher Canada Products Ltd. et autre c. Le sous-ministre du Revenu national (Douanes et accise), A-476-95, 25 avril 1996 (C.A.F.). Le juge Hugessen, qui a rédigé les motifs de décision de la Cour, a statué brièvement ce qui suit :

         La seule question qui se pose dans cet appel est celle de savoir si certains robinets tournants à bille et à tige simple, dont les marchandises en question sont des pièces, doivent être classés sous le numéro tarifaire 8481-80-91 (" à la main ") ou sous le numéro 8481-80-99 (" autres ").     
         Les appelantes admettent que les robinets en question peuvent actionnés à la main, au moyen d'une clef ou d'un autre outil du genre, et qu'ils en fait conçus pour cela. À notre avis, cela règle la question, et le fait que les robinets puissent être actionnés par un moteur (et qu'ils soient aussi conçus pour cela) ne peut aider la cause des appelantes. Les robinets sont certainement actionnés à la main à première vue, et s'il y avait le moindre doute qu'ils puissent aussi être classés à bon droit dans la catégorie " autres ", l'application de la règle 3a ) des Règles générales [Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé, faisant partie de l'annexe I du Tarif des douanes, L.R.C. (1985), ch. C-54.01. 3. Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2b) ou dans tout autre cas, le classement s'opère comme suit : a) La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale [...]], comme l'a fait le Tribunal, conduit au même résultat.     
         L'appel sera rejeté avec dépens.     

         Le TCCE a statué qu'étant donné que la valve à pneus est munie d'un mécanisme à ressort qui la maintient fermée, elle fonctionne automatiquement et n'est pas actionnée à la main (dossier d'appel II, p. 302, 3e paragraphe). Le tribunal a commis deux erreurs. Premièrement, la valve est utilisée ou permet le passage de l'air seulement lorsqu'elle est ouverte, et elle est ouverte par une pression de la main visant à relâcher le mécanisme à ressort (et la pression interne du pneu). Ce qui fait qu'elle est actionnée à la main. Deuxièmement, c'est principalement la pression interne du pneu et la pression interne du tuyau qui normalement maintient la valve de chaque dispositif fermée. En l'absence de pression interne, leur mécanisme à ressort respectif les garde étroitement fermés. En fait, le mandrin à air, pièce AP-94-05 A-3, n'est muni d'aucun ressort; il peut être ouvert manuellement sans résistance, ou il est même possible d'y faire pénétrer de l'air s'il n'est pas relié à la conduite d'air d'un compresseur.

         Lorsqu'ils sont utilisés, ces deux dispositifs sont ouverts principalement par la pression exercée à la main et ils sont donc actionnés à la main à première vue.

         Les constatations qui précèdent permettent de conclure que les deux dispositifs peuvent être classés sous le numéro tarifaire 8481.80.91. La Cour ne doute nullement que les valves à pneus doivent être ainsi classées, mais l'appelant demande la même " concession " que lors de l'audience devant le TCCE (transcription, p. 52), savoir que le mandrin à air doit être classé sous le numéro tarifaire 8481.80.99. Qu'il en soit ainsi.

         L'appel est accueilli avec dépens.

         L'appelant peut, conformément à la règle 337(2)b), préparer un projet de jugement approprié pour donner effet aux conclusions de la Cour en l'espèce et, après l'avoir soumis aux avocats de l'intimée pour commentaires ou corrections, le présenter à la Cour pour qu'elle fixe les termes du jugement et prononce le jugement.

                                 F.C. Muldoon
                    
                                     Juge

Ottawa (Ontario)

8 septembre 1997

Traduction certifiée conforme     
                                 Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DE GREFFE:                  T-799-95
INTITULÉ DE LA CAUSE:          Sous-ministre du Revenu national c. Schrader Automotive Inc.
LIEU DE L'AUDIENCE:          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE:          30 juin 1997

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Muldoon en date du 8 septembre 1997

ONT COMPARU:

Anne Turley              pour l'appelant
Brian Barr                  pour l'intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

George Thomson              pour l'appelant

Sous-procureur général du Canada

MacLaren, Corlett          pour l'intimée

Ottawa (Ontario)


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