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Date : 20191115


Dossier : IMM-1455-19

Référence : 2019 CF 1441

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

DUH HASSAN BARUD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Duh Hassan Barud est un ressortissant somalien vivant en Afrique du Sud. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et au titre de celle des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières.

[2]  Un agent des visas a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait pas été honnête dans sa demande et pendant son entrevue. L’agent a conclu que ce manque d’honnêteté du demandeur avait miné sa crédibilité relativement à l’intégralité de sa demande d’asile, et il a donc rejeté la demande en vertu des articles 11 et 16 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[3]  Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

[4]  L’unique question en litige en l’espèce consiste à déterminer si la décision de l’agent est raisonnable. Le demandeur soutient que cette décision devrait être infirmée, puisqu’elle était fondée sur une considération non pertinente, à savoir une conclusion en matière de crédibilité concernant une question dénuée de pertinence pour sa demande d’asile. C’est là l’essentiel de l’argument voulant que la décision soit déraisonnable.

[5]  L’appréciation de l’appartenance d’un demandeur à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières ou à celle des personnes de pays d’accueil commande l’application de la norme de la décision raisonnable : Tesfamichael c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 337, au par. 8.

[6]  Les faits principaux ne sont pas contestés. Le demandeur a quitté la Somalie à un jeune âge et a vécu en Éthiopie. Dans ses formulaires de demande et au cours de la première partie de son entrevue avec l’agent des visas, il a affirmé être arrivé en Afrique du Sud en 2004. Au cours de l’entrevue, l’agent a fait remarquer que le demandeur avait présenté d’autres documents qui contredisaient cette affirmation, notamment un certificat d’études de l’Éthiopie indiquant qu’il avait obtenu son diplôme en 2008, ainsi qu’un document du ministère sud-africain des Affaires intérieures montrant qu’il était arrivé là-bas en 2011. Le demandeur a maintenu sa version voulant qu’il y soit arrivé en 2004. Mais il a fini par admettre qu’il avait menti et qu’il était effectivement arrivé en Afrique du Sud en 2011. Il a expliqué qu’il avait essayé de suivre ce qui était écrit sur son formulaire.

[7]  Dans la lettre de décision, l’agent a relaté ces faits et affirmé ce qui suit : [traduction] « Ces incohérences sont importantes et entachent la crédibilité de votre demande d’asile. » L’agent a noté que le demandeur s’était vu offrir l’occasion d’aborder ces questions, mais que ses réponses n’avaient pas atténué les préoccupations exprimées. L’agent déclare : [traduction] « Par conséquent, je ne suis pas convaincu que vous satisfaites à l’exigence prévue au paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui dispose que l’auteur d’une demande doit répondre véridiquement à toutes les questions qui lui sont posées [...] ». L’agent conclut : « Après avoir soigneusement évalué tous les facteurs applicables à votre demande, je ne suis pas convaincu que vous apparteniez à l’une des catégories réglementaires, parce que je ne suis pas convaincu de votre crédibilité. »

[8]  Le demandeur soutient que la décision de l’agent est déraisonnable, puisque la conclusion défavorable quant à la crédibilité est fondée uniquement sur les écarts concernant la date de son arrivée en Afrique du Sud, mais que ces écarts n’ont rien à voir avec son affirmation sous-jacente selon laquelle il court un risque à son retour en Somalie. Il est selon lui déraisonnable de fonder une conclusion générale quant à la crédibilité sur des circonstances qui ne sont pas « centrales à la revendication » (Biokeite c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 478, au par. 40). Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte des risques qu’il courait à son retour. Il avance également que l’agent s’est trompé en ne fondant pas le rejet sur une conclusion selon laquelle il était incapable de déterminer si le demandeur était interdit de territoire.

[9]  Le défendeur fait valoir qu’il y a lieu de faire preuve d’une grande retenue à l’égard de l’évaluation de la crédibilité faite par l’agent, et que, compte tenu des faits de l’espèce, le fait que le demandeur ait admis avoir menti dans ses formulaires de demande et pendant l’entrevue constitue un fondement clair aux conclusions de l’agent. Le défendeur souligne que le demandeur n’a pas simplement mélangé les dates à quelques endroits dans les formulaires de demande, mais que la tromperie était plus élaborée que cela encore, parce que les formulaires contenaient des déclarations incorrectes au sujet de ce que le demandeur aurait fait et de l’endroit où il aurait vécu en Afrique du Sud, et ce, pendant une période où il n’y était pas réellement. L’agent avait raison de conclure que ce manque d’honnêteté avait nui à la crédibilité globale de la demande.

[10]  Aux dires du défendeur, la jurisprudence établit qu’une conclusion défavorable quant à la crédibilité peut jeter sur la véracité de la demande d’asile d’un demandeur un doute tel qu’il est impossible pour l’agent de déterminer si la personne est interdite de territoire. Dans un tel cas, l’agent n’est pas tenu d’évaluer les risques allégués par le demandeur. Je suis d’accord.

[11]  Il s’agit de la conclusion précise tirée dans un certain nombre de décisions, dont la plus récente a été résumée et appliquée par le juge Henry Brown dans la décision Samandar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1117 [Samandar]. Dans cette affaire, il a été conclu que le demandeur avait fourni des renseignements incohérents dans plusieurs demandes et qu’il avait omis de divulguer les périodes pendant lesquelles il avait vécu à l’étranger par le passé, mais aussi le fait que les agents canadiens de l’immigration lui avaient déjà refusé l’admission au pays. L’agent avait refusé sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières étant donné que le demandeur n’avait pas dit la vérité comme l’exige le paragraphe 16(1) de la LIPR. L’agent n’a pas été en mesure de déterminer s’il était interdit de territoire, suivant le paragraphe 11(1).

[12]  Le juge Brown a résumé la jurisprudence (qui correspond en grande partie à la jurisprudence citée en l’espèce) et a conclu que, lorsqu’une conclusion défavorable quant à la crédibilité « remet en question la véracité de l’ensemble des réponses du demandeur[,] […] il n’[es]t pas nécessaire d’analyser [s]es allégations […] concernant [le] risque [...] » qu’il court (Samandar, au par. 22).

[13]  Cette décision est directement applicable à la présente affaire. L’agent a conclu que le fait que le demandeur ait admis délibérément et à maintes reprises qu’il n’avait pas dit la vérité, tant dans ses formulaires de demande qu’à son entrevue, jetait le doute sur la véracité de l’ensemble de sa demande. Étant donné que le demandeur n’a pas dit la vérité comme l’exige le paragraphe 16(1) de la LIPR, l’agent n’a pas été en mesure de s’acquitter de l’obligation, prévue au paragraphe 11(1), de déterminer s’il était interdit de territoire.

[14]  J’estime que la conclusion de l’agent est raisonnable et qu’elle appartient aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Le raisonnement est clair et transparent, et il est étayé par la preuve. C’est tout ce que l’examen du caractère raisonnable exige.

[15]  Le défendeur a soutenu que les faits de l’espèce sont remarquablement semblables à ceux de l’affaire Garcia Porfirio c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 794, dans laquelle le demandeur avait admis avoir menti sur la façon dont il avait été informé de la possibilité d’emploi faisant l’objet de sa demande de permis à titre de travailleur qualifié. Sa demande avait été rejetée parce qu’il n’avait pas répondu véridiquement aux questions qui lui avaient été posées, contrairement au paragraphe 16(1) de la LIPR. Sa demande de contrôle judiciaire du refus a donc été rejetée.

[16]  Je conviens que les deux affaires sont semblables et, en conclusion, je me contenterai d’adopter le passage suivant de la décision du juge David Near, au paragraphe 46 :

En mentant à l’entrevue, le demandeur s’est effectivement tiré dans le pied. Il y avait manifestement un fondement raisonnable à la décision de l’agente. Le système d’immigration canadien repose sur le fait que toutes les personnes qui présentent une demande en vertu de la Loi fournissent des renseignements véridiques et complets (Cao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 450, 367 F.T.R. 153), et il m’est donc impossible de conclure que l’agente a commis une erreur.

[17]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[18]  Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et l’espèce n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1455-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 2e jour de décembre 2019.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-1456-19

 

INTITULÉ :

DUH HASSAN BARUD c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 octobre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

Le 15 novembre 2019

 

COMPARUTIONS :

David Matas

 

Pour le demandeur

Sydney Pilek

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

Pour le défendeur

 

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