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                                                  IMM-1407-96

 

 

OTTAWA (Ontario), le 7 mars 1997

 

 

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MACKAY

 

 

ENTRE

 

                  PARAMSOTHY SHIVAKUMARAN,

 

                                                   requérant,

 

                             et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                      intimé.

 

 

 

 

           Vu la demande du requérant visant à obtenir le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision en date du 29 mars 1996 dans laquelle la section du statut de réfugié a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention, compte tenu de la définition de cette expression figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée;

 

           Après avoir entendu les avocats des parties à Toronto, le 19 février 1997, date à laquelle le prononcé de la décision a été remis à plus tard, et vu les observations faites  et le nouvel examen du dossier des procédures de la section du statut de réfugié;

 

                             ORDONNANCE

 

 

           LA COUR ORDONNE QUE la demande soit rejetée.

 

 

                                     W. Andrew MacKay   

                                           JUGE

 

Traduction certifiée conforme                          

                                    Tan Trinh-viet


 

 

 

 

                                                  IMM-1407-96

 

 

 

 

ENTRE

 

                  PARAMSOTHY SHIVAKUMARAN,

 

                                                   requérant,

 

                             et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                      intimé.

 

 

 

 

 

                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

 

LE JUGE MacKAY

 

 

 

           Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision en date du 29 mars 1996 dans laquelle la section du statut de réfugié (SSR) a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention, compte tenu de la définition de cette expression figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée.

 

           La demande a été entendue à Toronto le 20 février 1997, date à laquelle la décision a été remise à plus tard.  Ayant depuis lors examiné le dossier tout entier des procédures devant la SSR, y compris la transcription de ses audiences, une ordonnance est maintenant rendue pour rejeter la demande pour les motifs qui suivent.

 

           Le requérant est un Tamoul âgé d'environ vingt ans au moment de l'audition de la SSR et originaire de Trincomalee, au Sri Lanka septentrional, dans une région où s'affrontent l'armée sri-lankaise (ASL) et les Liberation Tigers of Tamil Ealam (les LTTE).  Il est arrivé au Canada le 16 juillet 1995, et il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention.  Sa revendication a été examinée à une audience tenue par la SSR le 8 janvier 1996, et la décision rendue par celle-ci à la fin de mars fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.


 

           Le requérant a travaillé pour le gouvernement de Trincomalee en tant que conducteur de travaux, au Road Development Department, de 1990 à août 1993.  Il a alors été transféré à une ville avoisinante qui était principalement habitée par des Cingalais.  Il a refusé d'être transféré et il a démissionné de son poste.  Il l'a fait parce qu'il croyait que la région à laquelle il serait transféré était la cible d'attaques de la part des LTTE, et il ne croyait pas qu'il pouvait compter sur la protection des forces gouvernementales, n'espérant pas que l'ASL pouvait protéger les Tamouls.

 

           Après 1993, le requérant n'avait pas d'emploi. Pendant l'année suivante, il a participé à des examens de secrétariat généraux afin d'obtenir un emploi dans des organismes gouvernementaux au niveau municipal, gouvernemental ou national.  Il s'est vu refuser un nouvel emploi.

 

           En décembre 1994, il a été, selon lui, arrêté, détenu et torturé par l'ASL en tant que partisan soupçonné des LTTE.  Il prétend n'avoir pas été un tel partisan bien qu'il ait été forcé, comme tant d'autres Tamouls, de travailler pour eux dans la réparation de leurs bunkers.  Au cours de sa détention en décembre, selon lui, il a été torturé et forcé de nommer des partisans tamouls.  Il a effectivement nommé une personne avant sa libération lorsque sa mère a déposé un cautionnement, et il a accepté de se présenter de temps à autre selon les instructions que l'armée pourrait donner.

 

           En janvier, il s'est effectivement présenté à deux reprises, les 4 et 10 de ce mois.  À la première occasion, on a pris sa photo et ses empreintes digitales pour la première fois et, à la seconde occasion, il a été, selon lui, torturé par l'ASL qui l'a battu et l'a suspendu la tête à l'envers, jetant de la poudre de piment à ses yeux, alors qu'on l'interrogeait sur ses activités pour les LTTE.  Ce traitement, prétend-il, était de la routine pour les Tamouls qui devaient se présenter à l'armée.  En janvier, 1995, le demandeur a quitté sa maison où il avait vécu avec sa mère, et il s'est installé dans la maison de son oncle qui était toute proche.  Il prétend qu'il n'a pas quitté la région, malgré ses craintes, parce que le cessez-le-feu entre les LTTE et l'ASL était en vigueur.  Il y resté jusqu'en février 1995, date laquelle, après que les autorités furent venus pour le chercher de nouveau à sa maison, il a quitté la région pour gagner Kandy, une ville qui se trouve à cinq heures de voyage.

 

           Il est demeuré à Kandy, y vivant avec un ami étudiant pendant environ trois mois au début de 1995.  Pendant qu'il s'y trouvait, il a été interrogé par la police, et un agent, le sergent Silva, lui a extorqué de l'argent plus d'une fois.  À la mi-juin de 1995, Silva lui a demandé plus d'argent et il l'a informé que son nom figurait sur une liste de personnes recherchées par les forces de sécurité de Trincomalee.  Après cette rencontre, le requérant a quitté Kandy pour se rendre à Mayawa où il a séjourné pendant quelque vingt-quatre jours.  Il croyait qu'il était dangereux pour lui de rester au Sri Lanka parce que, compte tenu de l'avis qu'il avait auparavant reçu du sergent Silva, son nom figurant sur la liste des personnes recherchées par les forces du gouvernement en tant que partisan soupçonné des LTTE.  Il prétend craindre la police, l'armée et les forces EPDP ( composées de partisans tamouls du gouvernement) parce que son nom est sur la liste des personnes recherchées.  Pendant qu'il se trouvait à Mayawa, il a pris des dispositions pour quitter le Sri Lanka.  Avec l'aide d'un agent, il s'est rendu à Colombo le 9 juillet 1995.  Il y a passé la nuit et il a quitté le Sri Lanka le 10 juillet à l'aide d'un faux passeport.  Il est arrivé au Canada à la mi-juin via New York.

 

           D'après le tribunal de la SSR, il n'était pas convaincu que la crainte de persécution du demandeur reposait sur un fondement objectif valable dans l'éventualité de son retour au Sri Lanka.  Il n'a pas cru que le témoignage du demandeur était crédible concernant certains aspects de ce témoignage.  En outre, et comme motif subsidiaire, le tribunal a conclu que le requérant avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Colombo.  En dernier lieu, le tribunal a noté que le demandeur n'avait pu donner la preuve de la présence au Sri Lanka après 1989, année où un acte de naissance lui a été délivré, et que, étant donné d'importantes invraisemblances concernant les événements survenus en 1994 et 1995 sur lesquels reposait sa revendication, il a conclu que le demandeur ne se trouvait pas au Sri Lanka au moment de ces incidents allégués.

 

           Le requérant prétend que les conclusions du tribunal sont contradictoires et arbitraires, et qu'elles devraient être écartées.  En particulier, il est allégué que le tribunal ne tient pas compte d'une grande partie du témoignage du requérant sur les événements survenus en 1994 et 1995, juge son témoignage non crédible, puis procède à l'examen d'une PRI pour lui et puis conclut finalement que faisait défaut la preuve de sa présence même au Sri Lanka à l'époque.  Il est allégué que la décision du tribunal doit être conséquente et que la décision en cause ne l'est pas.

 

           Je ne suis pas persuadé qu'il existe une inconséquence entre la conclusion du tribunal quant à la crédibilité et sa décision, il s'agit à l'évidence d'un motif subsidiaire, selon laquelle il existait une PRI pour le requérant à Colombo.  Bien que la conclusion quant à l'existence d'une PRI repose sur la reconnaissance que le requérant aurait des raisons valables de craindre d'être persécuté dans une partie du pays, conclure que des motifs ne sont pas établis mais présumer que tel est le cas uniquement aux fins de considérer la motif subsidiaire d'une PRI ne permet pas, à mon avis, à la Cour d'intervenir pour annuler la décision du tribunal.

 

           Il est allégué que les conclusions du tribunal concernant la crédibilité du requérant sont arbitraires et abusives.  Elles reposent sur des invraisemblances que la décision du tribunal expose en détails significatifs relativement à huit aspects différents du témoignage du requérant.  Certes, la Cour n'aurait pu tirer les mêmes conclusions relativement à toutes les questions tranchées par le tribunal, mais je ne suis pas persuadé qu'on puisse dire que toutes les conclusions du tribunal, ou un nombre important de celles-ci, reposant sur des invraisemblances sont déraisonnables.  À moins que tel soit le cas, la Cour ne devrait pas intervenir.

 

           Dans l'examen de l'existence d'une PRI pour le requérant à Colombo, le tribunal a examiné les événements survenus au Sri Lanka depuis août 1994 lorsqu'un nouveau gouvernement a été porté au pouvoir à la suite des élections.  Cela a été fait sur la base de la preuve documentaire, en particulier d'un rapport annuel de novembre 1994 établi par le Haut-commissariat du Canada à Colombo, d'une allocution du professeur Matthews à l'intention de la CISR à Toronto et des articles d'avril 1995 parus dans le New York Times et le Toronto Star.  Ce dernier a traité des circonstances ultérieures à la rupture d'une trêve entre le gouvernement et les Tigres.

 

           L'avocat du requérant attaque la conclusion quant à l'existence d'une PRI sur deux points.  Il est allégué que le tribunal n'a pas tenu compte de la crainte du requérant des abus et de la détention imposés par les forces de sécurité gouvernementales.  Toutefois, cette crainte reposait sur la croyance du requérant selon laquelle son nom figurait sur la liste des personnes recherchées par les autorités gouvernementales, et le tribunal a conclu que le fondement de sa croyance qu'il était sur une telle liste était invraisemblable.  Il n'existait pas de preuve objective qu'il était sur une telle liste, et les invraisemblances trouvées dans son récit étaient telles que le tribunal n'a pas conclu que sa crainte reposait sur un fondement objectif.

 

           Le second argument invoqué contre la conclusion quant à l'existence d'une PRI porte sur le fait que le tribunal s'appuie sur la preuve documentaire sélective, méconnaissant la preuve de la violation continue des droits de la personne, particulièrement après la vague de violence d'avril 1995 à la suite d'une trêve.  En bref, il est allégué que le tribunal n'a pas tenu compte de la situation actuelle à Colombo et au Sri Lanka lorsqu'il a conclu qu'il existait une PRI pour le requérant.  Bien que le tribunal ne fasse pas expressément état dans sa décision de documents sources après avril 1995, son examen de la situation du Sri Lanka est clairement étayée par les éléments de preuve dont il disposait.  De plus, en l'absence d'un fondement objectif permettant de conclure que le requérant figurait sur la liste des personnes recherchées par les autorités, il n'existait pas de détails se rapportant au requérant qui sembleraient faire de lui l'objet de la persécution, au moins à l'extérieur du nord du Sri Lanka.   À titre d'exemple, le requérant n'a connu aucune difficulté à Colombo car il n'y a passé qu'une seule nuit.

 

           Il incombe au requérant de démontrer qu'il y a lieu de conclure qu'il est un réfugié au sens de la Convention, de démontrer aussi qu'il serait déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, y compris celles lui étant particulières, de s'attendre à ce qu'il trouve un refuge sûr, c'est-à-dire une PRI, au sein de son propre pays, loin de la région où il avait habituellement vécu.  J'estime qu'il n'est pas établi en l'espèce que la conclusion du tribunal est déraisonnable.

 

Conclusion

 

           À mon avis, les conclusions du tribunal quant à la crédibilité du témoignage rendu par le requérant et ses conclusions concernant l'existence d'une PRI ne permettent pas à la Cour d'intervenir.  Je ne commente pas les remarques finales du tribunal selon lesquelles le requérant n'a pas établi qu'il se trouvait au Sri Lanka en 1994 et en 1995.

 

           Par ces motifs, il sera rendu une ordonnance portant rejet de la demande de contrôle judiciaire.

 

                                                W. Andrew MacKay   

                                                     JUGE

 

OTTAWA (Ontario)

Le 7 mars 1997

 

Traduction certifiée conforme                          

                                    Tan Trinh-viet


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-1407-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :PARAMSOTHY SHIVAKUMARAN c. M.C.I.

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 19 février 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MACKAY

 

 

EN DATE DU7 mars 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Raoul Boulakia                       pour le requérant

 

Ann Margaret Oberst                  pour l'intimé

                                   

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raoul Boulakia                       pour le requérant

Toronto (Ontario)

 

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                                     pour l'intimé

 

 

 

 

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