Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

    


Date: 20000628


Dossier : T-1988-99

Ottawa (Ontario), le mercredi 28 juin 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON


ENTRE :

                                    

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     demandeur

     - et -



     CHING SHAN YEUNG

     défendeur



JUGEMENT


LA COUR STATUE QUE :

     L'appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté à l'encontre d'une décision rendue par le juge de la citoyenneté D. Wicks en date du 20 septembre 1999 est accueilli.


« Eleanor R. Dawson »

                                     Juge

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.





Date: 20000628


Dossier : T-1988-99



ENTRE :


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     demandeur

     - et -



     CHING SHAN YEUNG

     défendeur




     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON


[1]          Le 8 avril 1998, M. Yeung, le défendeur dans l'instance, a rempli une demande de citoyenneté canadienne. À cette date, il avait été présent au Canada pendant 846 des 1 095 jours précédant sa demande de citoyenneté.

[2]          Le juge de la citoyenneté D. Wicks a accueilli la demande de citoyenneté de M. Yeung, dans sa décision en date du 20 septembre 1999.             

[3]          La présente instance est un appel que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a interjeté à l'encontre de cette décision en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi).

CONTEXTE FACTUEL

[4]          M. Yeung est né à Hong Kong en 1948.

[5]          Il est entré au Canada et a obtenu le statut d'immigrant ayant reçu le droit d'établissement le 27 janvier 1994.

[6]          M. Yeung a acheté une maison à Richmond Hill (Ontario) en juin 1994, mais n'a pas vendu sa maison ni sa place de stationnement à Hong Kong avant juin 1996.

[7]          L'épouse et les enfants de M. Yeung sont entrés au Canada avec M. Yeung et vivent à Richmond Hill (Ontario). Ils ont obtenu la citoyenneté canadienne en décembre 1997.

[8]          M. Yeung travaille dans son entreprise familiale.

[9]          Cette entreprise est un petit commerce qui exporte des accessoires du vêtement de Hong Kong en Afrique orientale. La soeur de M. Yeung travaille quotidiennement à l'entreprise, mais c'est lui qui en supervise la gestion. Il n'a démarré aucune entreprise au Canada.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]          Le ministre a soulevé les deux questions suivantes relativement à la décision du juge de la citoyenneté :

     [Traduction]
     1.      Le défendeur satisfaisait-il à la condition fixée par l'alinéa 5(1)c) de la Loi, selon laquelle il devait avoir résidé au Canada au moins trois ans en tout, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté?
     2.      Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur de fait ou de droit en accueillant la demande de citoyenneté du défendeur?

LA NORME DE CONTRÔLE

[1]          Dans l'affaire Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 410, le juge Lutfy, alors membre de la présente Cour, a analysé la norme de contrôle applicable lorsque la Cour tranche un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté. Voici ce qu'il dit au paragraphe 33 de ses motifs :

     [33]      La justice et l'équité, tant pour les demandeurs de citoyenneté que pour le ministre, appellent la continuité en ce qui concerne la norme de contrôle pendant que la Loi actuelle est encore en vigueur et malgré la fin des procès de novo . La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte. Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition.

[2]          Il faut donc déterminer si le juge de la citoyenneté a exprimé des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence et décidé à bon droit que les faits satisfaisaient sa conception du critère législatif prévu par l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

ANALYSE

[3]          En l'espèce, comme dans bien d'autres causes, la décision rendue par le juge de la citoyenneté sur la condition de résidence est énoncée sur un formulaire dont il a rempli les espaces laissés en blanc. Sa décision, telle qu'il l'a remplie, se lit comme suit (les renseignements soulignés ont été ajoutés par le juge) :

     [Traduction] À la suite de l'audience tenue devant moi le 20-07-99, j'ai conclu que le demandeur satisfaisait à toutes les conditions d'obtention de la citoyenneté fixées dans la Loi sur la citoyenneté (la Loi), à l'exception, peut-être de celle concernant la résidence.
     Le demandeur a résidé au Canada 249,0 jours de moins que le minimum de trois ans fixé par la Loi, en raison d'absences temporaires du Canada au cours de sa période de résidence de quatre ans (ou moins).
     Après avoir examiné le questionnaire sur la résidence et d'autres documents énumérés dans l'appendice I produit par le demandeur, ainsi que les faits présentés par le demandeur lors de l'audience ou après celle-ci, j'ai conclu que le demandeur avait établi sa résidence et centralisé son mode de vie au Canada et que, pendant ces absences temporaires, il avait conservé sa résidence et son mode de vie centralisé au Canada et n'avait pas l'intention d'établir sa résidence ailleurs qu'au Canada.
     Décision:
     J'ai conclu que le demandeur satisfait pleinement à la condition de résidence fixée par l'alinéa 5(1)c) de la Loi, et respecte le cadre établi par le juge Thurlow (alors juge en chef adjoint) dans Re : Papadogiorgakis T-872-78. J'ai donc accueilli la demande de citoyenneté de .

[4]          Cette décision n'exprime malheureusement pas de motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence ou qui analyse en quoi les faits satisfont au critère appliqué par le juge en chef adjoint Thurlow dans Re : Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.).

[5]          Le dossier qui m'a été présenté indique que M. Yeung a obtenu le droit d'établissement au Canada le 27 janvier 1994 et qu'il est demeuré au pays jusqu'au 7 avril 1994, date à laquelle il est retourné à Hong Kong pendant 57 jours. Il est ensuite revenu au Canada, où il a acheté sa maison de Richmond Hill, entre son retour le 3 juin et son départ suivant, le 19 juillet. Son absence débutant le 19 juillet a duré 21 jours. Il est revenu le 9 août et il est demeuré au Canada jusqu'au 11 octobre, puis il est reparti à Hong Kong, en voyage d'affaires, et il y est resté 87 jours.

[6]          En m'appuyant sur ce dossier, et en l'absence de motifs quelconques exprimés par le juge de la citoyenneté, je ne suis pas en mesure de déterminer ce qui a convaincu le juge que M. Yeung avait établi sa résidence et centralisé son mode de vie au Canada, puis y avait conservé sa résidence.

[7]          Toutes les absences subséquentes de M. Yeung à l'extérieur du pays découlaient de ses activités dans l'entreprise familiale à Hong Kong. La décision de conserver cet intérêt commercial emportait nécessairement que M. Yeung ne pourrait rester au Canada que pendant un nombre limité de jours. Je le répète, le juge de la citoyenneté n'a pas analysé ces faits.

[8]          À l'appui de la décision, M. Yeung invoque le fait que sa famille vit ici, qu'il est propriétaire de sa maison et d'automobiles libres de toute dette, qu'il ne s'est absenté que pendant 34 jours en 1999 et qu'il ne pouvait pas vendre sa maison à Hong Kong plus tôt en raison des conditions du marché là-bas.

[9]          En ce qui concerne ces deux derniers points, comme je l'ai déjà mentionné à M. Yeung au cours de l'audition de l'appel, la Loi sur la citoyenneté exige que les jours de résidence soient calculés pour la période qui précède immédiatement la date de la demande de citoyenneté, ce qui fait que sa conduite en 1999 n'est pas pertinente quant à l'appel. Aucune preuve n'a été produite devant la Cour pour expliquer le moment de la vente de sa maison à Hong Kong.

[10]          M. Yeung a de plus fait valoir que, lors de sa rencontre avec le juge de la citoyenneté, celle-ci lui a posé de nombreuses questions et doit donc avoir jugé ses réponses satisfaisantes. Malheureusement, je ne suis pas en mesure d'évaluer la nature des questions et l'opportunité des réponses à partir des motifs exprimés par le juge de la citoyenneté.

[11]          M. Yeung a souligné que, dans beaucoup de cas où la Cour a examiné la condition de résidence, les absences du demandeur à l'extérieur du pays étaient beaucoup plus prolongées que celles de M. Yeung. Il en est sans aucun doute ainsi, mais il demeure que M. Yeung devait convaincre le juge de la citoyenneté qu'il avait établi sa résidence et centralisé son mode de vie au Canada et qu'il y avait conservé sa résidence et son mode de vie pendant ses absences du Canada.

[12]          En l'absence de tout élément indiquant que le juge de la citoyenneté a compris la jurisprudence et décidé à bon droit que, d'après les faits, M. Yeung satisfaisait à la condition de résidence, je ne peux faire preuve de retenue à l'égard de sa décision.

[13]          Pendant la période s'échelonnant entre le 7 avril 1994 et le 12 décembre 1997, M. Yeung s'est absenté du Canada pour affaires pendant 614 jours. Le dossier dont je dispose ne me convainc pas que M. Yeung satisfaisait à la condition de résidence.

[14]          M. Yeung a précisé que, s'il ne réussissait pas à faire confirmer la décision du juge de la citoyenneté, il présenterait simplement une nouvelle demande de citoyenneté et serait maintenant en mesure de satisfaire à la condition de citoyenneté.

[15]          Il se peut bien que la présente demande de citoyenneté soit prématurée et que M. Yeung ait gain de cause en présentant une nouvelle demande de citoyenneté. Ma décision ne vise aucunement à exprimer une opinion négative concernant M. Yeung qui, je l'espère, deviendra un bon citoyen.

[16]          Pour les motifs qui précèdent, l'appel doit être accueilli.


                                 « Eleanor R. Dawson »

     Juge

Ottawa (Ontario)

28 juin 2000

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :              T-1988-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. CHING SHAN YEUNG
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :              le vendredi 2 juin 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :                  jeudi 28 juin 2000


ONT COMPARU :

                                

Me Marissa Bielski                  POUR LE DEMANDEUR

M. Ching Shan Yeung              POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Morris Rosenberg              POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

M. Ching Shan Yeung              POUR LE DÉFENDEUR

Richmond Hill (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.