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Date: 19990920


Dossier: T-2240-98

Ottawa, (Ontario), ce 20ième jour de septembre 1999

Présent(s) :      L'HONORABLE JUGE LEMIEUX


Entre :

     Rajae CHENTOUI

     Demanderesse

     - et -

     Le ministre de la citoyenneté et de l'immigration

     Défendeur



     ORDONNANCE


     Pour les motifis énoncés, l'appel est rejeté.

    

    

     J U D G E









Date : 19990920


Dossier : T-2240-98



Entre :

     Rajae CHENTOUI

     Demanderesse

     - et -

     Le ministre de la citoyenneté et de l'immigration

     Défendeur


     MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE LEMIEUX:


[1]      La demanderesse, Rajae Chentoui, interjète appel de la décision du juge de la citoyenneté, Barbara Seal, en date du 11 août 1998 qui rejette sa demande de citoyenneté canadienne pour motifs que la demanderesse ne satisfaisait pas les exigences en matière de résidence prévues à la Loi sur la citoyenneté. L'alinéa 5 1)(c) se lit comme suit:

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

. . .

     c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:
         (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,
         (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

. . .

     (c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:
         (i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
         (ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

[2]      Les faits essentiels sont ceux-ci. La demanderesse obtient son droit d'établissement le 1er décembre 1990; elle accompagne son mari, citoyen canadien. Le couple loue un appartement à Montréal. Trois mois plus tard, le 10 février 1991, la demanderesse retourne au Maroc et demeure dans ce pays jusqu'au 13 septembre 1994, une période de trois ans et sept mois. Son mari, importateur au Maroc de produits canadiens, se rend aussi au Maroc en même temps pour régler des difficultés majeures survenues lors d'une transaction relative à la livraison de miel québécois. Au Maroc, la demanderesse habite à Meknes dans la maison familiale pendant deux ans et trois mois. Le bail de l'appartement à Montréal est annulé.

[3]      Le couple retourne au Canada le 13 septembre 1994. La demanderesse dépose une demande de citoyenneté canadienne le 22 septembre 1996. Selon la Loi, la période de résidence nécessaire se calcule entre le 22 septembre 1992 et le 22 septembre 1996. Je note que durant cette période la demanderesse était absente du Canada pendant deux ans.

[4]      Le 10 août 1998, la demanderesse remplie un questionnaire du gouvernement du Canada sur la résidence. Voici ce que le formulaire dit à l'intention d'un requérant:

Afin d'aider le juge de la citoyenneté à déterminer si vous remplissez les conditions prévues dans la Loi sur la citoyenneté au regard de la résidence, nous vous invitons à remplir ce questionnaire EN ENTIER et à le retourner au bureau de la citoyenneté avant votre audience devant le juge.
Le terme "résidence" n'étant pas défini dans la Loi sur la citoyenneté ni dans son règlement d'application, nous devons nous référer aux décisions de la Cour fédérale pour en interpréter le sens. Celle-ci a statué que la période de résidence au Canada aux fins de la citoyenneté ne se limite pas à la seule présence physique. La notion de résidence est plutôt liée à la mesure dans laquelle le requérant s'est établi au Canada, y a maintenu et centralisé son mode de vie, et ce pendant la période requise de 3 ans dans les 4 années qui précèdent le dépôt de sa demande de citoyenneté. En d'autre mots, le requérant doit prouver qu'il a élu domicile au Canada et qu'il a gardé, pendant ses absences à l'étranger, suffisamment de liens avec celui-ci pour montrer le caractère permanent de sa résidence.

[5]      À la question "[V]euillez décrire les liens sur le plan professionnel, familial et social que vous avez établis au Canada depuis votre admission jusqu'à votre première absence du Canada . . . qui . . . aideront le juge à déterminer si vous vous êtes véritablement établi(e) au Canada ou si vous vous y avez centralisé votre mode de vie", la demanderesse écrit ceci:

Étant donné on a quitté le Canada pour affaire je n'avais pas le temps de travailler mais, j'avais établi des contacts avec des amis.

[6]      À la question "avez-vous maintenu une base résidentielle ou un pied-à-terre au Canada?", la demanderesse répond:

Non. Compte tenu des problèmes rencontrés dans nos affaires (financiers) mon mari est retourné au Canada pour annuler le bail. On ne pouvait payer deux loyers parce qu'on n'avait pas de revenu.

[7]      La demanderesse indique que son départ était temporaire et que l'absence s'est prolongée plus longtemps que prévu à cause des difficultés survenues dans les transactions commerciales de son mari, y compris un litige.

[8]      Le juge de la citoyenneté refuse la demande de la demanderesse essentiellement pour motifs que la demanderesse n'avait pas centralisé son mode de vie au Canada avant son absence prolongée de trois ans et sept mois. Le juge de la citoyenneté fonde sa décision sur les critères élaborés dans l'arrêt Re Koo, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.). L'analyse faite par le juge Reed dégage bien, à mon avis, l'intention du législateur et la tendance jurisprudentielle. À la page 293, le juge Reed s'exprime comme suit:

     La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante: le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant "vit régulièrement, normalement ou habituellement". Le critère peut être tourné autrement: le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence?

[9]      À mon avis, le juge de la citoyenneté a, à juste titre, conclu que la demanderesse n'avait pas établi son foyer au Canada avant son départ prolongé au Maroc. Il n'y a rien au dossier qui indique qu'avant son départ, la demanderesse avait "centralisé son mode de vie habituelle avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances" au Canada (In re Papadogiorgakis , [1978] 2 C.F. 208 à la page 214.

[10]      Le juge Nadon, dans les arrêts Choi c. Canada (M.C.I.), T-1638-96, 29 mai 1997, et Cheung V. Canada (M.C.I.), T-2841-96, 10 juin 1998, souligne la nécessité pour un demandeur de citoyenneté canadienne de démontrer l'établissement de son foyer canadien avant qu'une absence temporaire puisse être comptabilisée comme temps de résidence pour fins de la Loi.

[11]      J'ajoute ceci. Il me semble que la demande de la demanderesse est prématurée. Elle a choisi un très mauvais temps pour faire sa demande. Depuis son retour au Canada le 13 septembre 1994, et suite à la naissance de ses deux enfants en 1995 et 1996, la preuve documentaire suggère que le Canada est réellement devenu le foyer de la demanderesse. Ces éléments, avec d'autres, donnent espoir de succès à la demanderesse d'une nouvelle demande de citoyenneté.

[12]      Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

     "François Lemieux"

    

     J U G E

Ottawa (Ontario)

le 20 septembre 1999

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