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                                                                                                                                           T-1912-96

 

 

                        AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                                                          L.R.C. (1985), ch. C-29

 

 

                                                       ET un appel d'une décision

                                                        d'un juge de la citoyenneté

 

 

                                               et KENNETH KWOK HO CHUNG,

 

                                                                                                                                            appelant.

 

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

                                                   (prononcés oralement à l'audience

                                                 le 28 mai 1997 à Vancouver (C.-B.))

 

LE JUGE WETSTON

            Il s'agit d'un appel d'une décision rendue par un juge de la citoyenneté au sujet de la demande de citoyenneté canadienne de Kenneth Chung. À l'époque, le juge a conclu que M. Chung satisfaisait à toutes les exigences de la Loi sur la citoyenneté sauf à celle concernant la résidence.

 

            Aux termes de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, le requérant doit, dans les quatre ans qui ont précédé sa demande, avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans, c'est-à-dire 1 095 jours. M. Chung était représenté dans la présente affaire et un amicus curiae a également comparu pour aider le tribunal au sujet du présent appel interjeté en matière de citoyenneté.

 

            Il est constant que les absences du requérant du Canada totalisaient environ 842 jours au cours des quatre ans précédant sa demande, qui est datée du 24 octobre 1995. Il semblerait que M. Chung n'ait été présent au Canada qu'environ 338 jours.

 

            M. Chung s'était inscrit à l'Oregon State University en vue d'obtenir un diplôme en études commerciales et il avait fréquenté cette université pendant environ quatre ans et demi. Cette période a été interrompue par un programme d'échange d'environ un an qui l'a amené au Japon dans le cadre de ses études. Les membres de sa famille ont obtenu le droit d'établissement au Canada le 31 juillet 1992 et il accompagnait ses parents et ses deux frères et sa soeur à ce moment-là. M. Chung est le fils aîné et il a environ 25 ans aujourd'hui.

 

            Le 19 septembre 1992, moins de deux mois après son établissement, M. Chung est retourné en Oregon où il étudiait à l'Oregon State University depuis 1990. Il a obtenu son diplôme de cette université en mars 1995 et est immédiatement rentré au Canada en avril. À quelques exceptions près, il a vécu sans interruption au Canada depuis cette date et il poursuit une carrière d'expert-comptable. Il commencera à travailler dans ce domaine et entreprendra des études en vue de devenir expert-comptable en septembre 1997.

 

            L'avocat du requérant a cité à la Cour la décision bien connue que le juge en chef Thurlow a rendue en matière de citoyenneté dans l'affaire Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208. Dans cette décision, le juge Thurlow a, de façon générale, interprété les exigences contenue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté au sujet des termes « résidence » et « résident ».

 

            Notre Cour a de toute évidence écarté la méthode d'interprétation littérale pour interpréter le terme « résidence » contenu à l'alinéa 5(1)c). De façon générale, notre Cour a estimé qu'une personne est une « résidente » si elle s'établit au lieu en question ou y conserve ou y centralise son mode de vie habituel, avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances. Si l'on formule le critère quelque peu différemment, peut-on dire qu'en pensée et en fait, l'appelant a établi sa résidence au Canada?

 

            En règle générale, la question de la résidence et de l'évaluation quantitative du temps passé au Canada doit être considérée dans le contexte de la question de savoir si les absences étaient temporaires ou nécessaires au sens de la loi.

 

            Les membres de cette famille ont émigrés de Hong-Kong avant de s'établir au Canada. M. Chung a témoigné qu'il considérait que Hong-Kong était son pays. Après 1992, il a considéré le Canada comme son pays malgré le fait qu'il poursuivait ses études dans une université américaine.

 

            On a affirmé, en l'espèce, que M. Chung était venu au Canada en tant que personne à charge. Malgré le fait qu'il avait plus de 18 ans, on a affirmé qu'il était néanmoins à la charge de sa famille étant donné qu'il désirait poursuivre ses études dans une université américaine. Au cours de l'instance, j'ai demandé s'il se trouvait au Canada à cause de sa famille par opposition à la question de savoir s'il avait l'intention de se fixer au Canada en y centralisant son mode de vie habituel. À mon avis, ces concepts sont, en l'espèce, indissociables. Il a de toute évidence déménagé avec sa famille, a obtenu le droit d'établissement avec sa famille et a poursuivi ses études, je présume, grâce au fait que sa famille subvenait à ses besoins.

 

 

            J'ai demandé à M. Chung s'il avait sérieusement envisagé la possibilité d'étudier dans une université canadienne pour resserrer ses liens avec le Canada. Il a répondu que ses cours risquaient de ne pas lui être crédités s'il changeait d'université. Bien qu'il n'ait pas fait des démarches très poussées pour savoir si tel serait effectivement le cas ou non, j'estime que le fait que M. Chung n'a pas interrompu ses études universitaires ne signifie pas nécessairement qu'il n'a pas, en pensée et en fait, centralisé son mode de vie habituel au Canada avec sa famille.

 

            Je signale la décision que le juge MacKay a rendue dans l'affaire Cheung, (1990), 532 F.T.R 245, à la page 252, où il déclare, et je cite :

 

 

Vu les circonstances de l'espèce, je conclus que l'appelante a été admise au Canada à titre de résidente permanente en même temps que ses parents, qu'elle n'a rien fait pour renoncer à ce statut et qu'en fait elle a fait tout ce qu'on pouvait raisonnablement s'attendre que fasse quelqu'un qui était toujours à la charge de ses parents et qui poursuivait des études à l'étranger, pour établir sa résidence ici avec sa famille et qu'elle avait l'intention de revenir au Canada à la fin de ses études, ce qu'elle a fait. À mon sens, elle était résidente du Canada aux termes du paragraphe 5(1) de la Loi à partir de son entrée au pays en octobre 1984 et cette résidence n'a pas été interrompue par ses absences à l'étranger pour terminer ses études.

 

            Je me reporte également à la décision du juge Denault qui a été versée au dossier par l'amicus curiae, en l'occurrence la décision Christian Antoine Khoury, [1995] F.C.J. 1518 (Q.L.), dans laquelle le juge Denault cite et approuve la décision rendue par le juge Mackay dans l'affaire Cheung.

 

            Bien que d'autres précédents aient été cités à la Cour, je ne crois pas qu'il soit nécessaire, pour les besoins de la présente affaire, que je les mentionne.

 

            En conclusion, après avoir examiné les règles de droit applicables et après avoir entendu la preuve et examiné les faits, je conclus que l'appel interjeté relativement à la décision du juge de la citoyenneté doit être accueilli.

 

 

 

                                                                                                                                          H. Wetston              

J.C.F.C.

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 3 juin 1997

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                         

Christiane Delon, LL. L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

No DU GREFFE :T-1912-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Loi sur la citoyenneté

c. Kenneth Kwok Ho Chung

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (C.-B.)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :28 mai 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Wetston le 3 juin 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Me Ken Jangpour l'appelant

 

 

Me Julie Fisherpour l'amicus curiae

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jang Cheung Leepour l'appelant

avocats et procureurs

Vancouver (C.-B.)

 

 

Me Julie Fisherpour l'amicus curiae

avocate et procureur

Vancouver (C.-B.)

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