Date : 20191009
Dossier : IMM‑3766‑18
Référence : 2019 CF 1274
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 9 octobre 2019
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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CHARLES AROKKIYANATHAN
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
M. Charles Arokkiyanathan (le « demandeur »
) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle, le 26 janvier 2018, un agent d’examen des risques avant renvoi (l’« agent »
) a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi (« ERAR »
). L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la « Loi »
).
[2]
Le demandeur est un citoyen tamoul du Sri Lanka. Il est arrivé au Canada le 27 octobre 2009 à bord du navire Ocean Lady, sur lequel il était membre d’équipage.
[3]
La Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur était interdit de territoire en application de l’alinéa 37(1)b) de la Loi et a pris une mesure de renvoi contre lui.
[4]
Le demandeur a présenté une demande d’ERAR et a déposé plusieurs observations qui mettent l’accent sur son statut de réfugié sur place au Canada en tant que passeur de clandestins.
[5]
L’agent a rejeté la demande d’ERAR au motif qu’il n’était pas convaincu que le demandeur avait démontré qu’il serait exposé à un risque au Sri Lanka parce qu’il serait perçu comme un partisan des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (« TLET »
).
[6]
L’agent a également rejeté l’allégation selon laquelle il serait exposé à un risque parce qu’il avait présenté une demande d’asile sur place en tant qu’ancien migrant à bord du navire Ocean Lady.
[7]
Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable, et il présente plusieurs arguments. Il affirme entre autres que l’agent a commis une erreur dans le traitement de son profil de risque et qu’il a omis de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes propres à ce profil, notamment le fait qu’il est désigné comme un passeur de clandestins à bord du navire Ocean Lady.
[8]
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (les « défendeurs »
) soutiennent que la décision est raisonnable et que l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.
[9]
La décision d’un agent d’ERAR qui comprend des questions mixtes de droit et de fait est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir la décision Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, au paragraphe 3.
[10]
Selon le jugement rendu dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit justifiable, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[11]
L’agent a fait la déclaration suivante dans la décision défavorable d’ERAR :
[traduction]
Bien que je reconnaisse que le gouvernement canadien a indiqué avoir découvert que le demandeur est un partisan/membre des TLET, aucune preuve n’a été soumise pour démontrer quel poids les autorités du Sri Lanka accorderaient à cette information. Les autorités canadiennes n’ont pas accusé le demandeur d’être membre des TLET et ne l’ont pas reconnu coupable d’être membre de ce groupe; l’ASFC a simplement déclaré que c’était le cas.
Ayant examiné le voyage du demandeur à bord du Ocean Lady ainsi que la question de savoir si cette information a été fournie aux autorités du Sri Lanka, je conclus que celles‑ci ne considéreraient pas le demandeur comme un partisan ou un membre des TLET pour la simple raison qu’il a voyagé à bord du Ocean Lady. Étant donné que la preuve n’appuie pas la conclusion selon laquelle le demandeur a antérieurement été considéré comme ayant des liens avec les TLET par les autorités du Sri Lanka, je conclus qu’il n’a pas établi qu’il était un réfugié sur place.
[12]
Lors de l’évaluation d’une demande d’asile sur place, le décideur doit adopter le point de vue de l’État où la personne allègue qu’elle sera exposée à un risque; voir la décision Girmaeyesus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 53, aux paragraphes 28 et 29.
[13]
Une décision rendue par le gouvernement canadien et par un organisme gouvernemental du Canada pourrait bien attirer l’attention négative des autorités du Sri Lanka si le demandeur était renvoyé dans son pays.
[14]
À mon avis, les conclusions de l’agent ne sont pas raisonnables compte tenu de la preuve dont il disposait. Il n’est pas nécessaire que j’aborde les autres arguments soulevés.
[15]
La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.
[16]
Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑3766‑18
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a pas de question à certifier.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 15e jour d’octobre 2019
Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑3766‑18
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INTITULÉ :
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CHARLES AROKKIYANATHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 11 AVRIL 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 9 OCTOBRE 2019
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COMPARUTIONS :
Lorne Waldman
Charles Steven
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POUR LE DEMANDEUR
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Hillary Adams
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POUR LES DÉFENDEURS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LES DÉFENDEURSo
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