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Date : 19991215


Dossier : T-1207-98


OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 15 DÉCEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS


ENTRE :


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


demandeur


et


SAU FUN LAU


défenderesse



JUGEMENT


     L'appel est rejeté avec dépens.


                                     D. McGillis

                                

                                     juge


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A, LL.B.




Date : 19991215


Dossier : T-1207-98


ENTRE :


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


demandeur


et


SAU FUN LAU


défenderesse



MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE McGILLIS


[1]      Le demandeur a formé un appel contre la décision, datée du 16 avril 1998, dans laquelle un juge de la citoyenneté a conclu que la défenderesse satisfaisait aux exigences applicables en vue d'obtenir la citoyenneté prévues au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et accordé à cette dernière la citoyenneté canadienne.

[2]      La défenderesse est née à Hong Kong en 1953. Elle est arrivée au Canada en compagnie de son époux en tant que visiteuse en décembre 1987. Le 23 septembre 1991, la défenderesse et son époux ont acheté une maison à Scarborough (Ontario). Le 24 novembre 1992, une bonne partie de leurs effets personnels a été expédiée de Hong Kong à Scarborough. Le 20 janvier 1993, la défenderesse et son fils ont obtenu le droit de s'établir au Canada en tant que résidents permanents. Le 23 janvier 1993, sa fille est arrivée au Canada. À partir de ce moment-là, tous les membres de la famille immédiate de la défenderesse se trouvaient au Canada.

[3]      Le 7 mai 1997, la défenderesse a déposé une demande de citoyenneté canadienne. Elle a mentionné que son adresse était celle de sa résidence familiale de Scarborough (Ontario). Dans sa demande, la défenderesse a déclaré avoir fait dix voyages à Hong Kong au cours de la période pertinente pour prendre soin de sa mère, qui était malade. Le premier voyage qu'elle a fait à Hong Kong pour prendre soin de sa mère remonte au 16 janvier 1994, soit environ une année après avoir obtenu le droit de s'établir au Canada. Avant la maladie de sa mère, la défenderesse n'avait fait aucun voyage à l'étranger.

[4]      À l'audition devant le juge de la citoyenneté, la défenderesse a produit des éléments de preuve pour établir qu'elle résidait au Canada, dont des photocopies de sa carte de santé, sa carte d'assurance sociale, sa carte de bibliothèque, son permis de conduire, relevés bancaires, et de ses déclarations de revenu pour les années 1993, 1994, 1995 et 1996. Elle a également produit des éléments de preuve concernant la présence de sa famille au Canada, dont des reçus ayant trait à la résidence familiale, des dossiers scolaires des enfants, et des documents relatifs à l'achat de divers biens et services au Canada. Pour établir qu'elle avait fait dix voyages à Hong Kong pour prendre soin de sa mère malade et âgée, la défenderesse a produit, entre autres, une lettre du médecin de cette dernière.

[5]      Les enfants de la défenderesse ont obtenu la citoyenneté canadienne le 16 avril 1998.

[6]      Le juge de la citoyenneté a conclu que la défenderesse avait été présente au Canada pendant 896 jours, de sorte qu'il lui manquait 199 jours pour satisfaire à l'exigence de 1 095 jours.

[7]      Les motifs du juge de la citoyenneté se présentent sous la forme d'un formulaire standard de décision sur lequel il a ajouté de courtes notes manuscrites concernant la défenderesse. Dans ses motifs, le juge de la citoyenneté a conclu, entre autres, que la défenderesse avait établi une résidence à la maison que sa famille habitait à Scarborough et qu'elle avait « centralisé son mode de vie » au Canada le 21 janvier 1993. Dans la partie du formulaire standard réservée aux commentaires, le juge de la citoyenneté a noté de façon laconique : [TRADUCTION] « pour prendre soin de sa mère malade » . Pour conclure ses motifs, le juge de la citoyenneté a dit que la défenderesse [TRADUCTION] « ...satisfait pleinement à l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, dans le cadre que le juge en chef adjoint Thurlow (tel était son titre à l'époque) a établi dans Re : Papadogiorgakis, no T-872-78 » .

[8]      Pour déterminer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision du juge de la citoyenneté, j'ai examiné les observations écrites des avocats des parties, de même que la jurisprudence. Je souscris de façon générale à l'analyse que le juge Lutfy (tel était alors son titre) a faite dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] J.C.F. no 410, T-1310-98 (26 mars 1999) (1re inst.), et à la conclusion qu'il a tirée, au paragraphe 24, selon laquelle la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision d'un juge de la citoyenneté doit se rapprocher de celle de la décision correcte, le juge devant faire preuve d'une légère retenue à l'égard de la décision. Je fais remarquer que plusieurs autres juges de notre Cour ont également appliqué cette norme de contrôle. [Voir, par exemple, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tseng , [1999] J.C.F. no 1127, T-1434-98, T-1437-98 (9 juillet 1999) (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chen, [1999] J.C.F. no 424, T-1531-98 (1er avril 1999) (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Yang, [1999] J.C.F. no 423, T-1414-98, (1er avril 1999) (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Lam, [1999] J.C.F. no 651, T-1524-98 (28 avril 1999) (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Wu, [1999] J.C.F. no 640, T-1247-98 (30 mars 1999) (1re inst.); Sio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] J.C.F. no 422, T-1700-98 (1er avril 1999); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Kuo, [1999] J.C.F. no 967, T-1046-98, (18 juin 1999) (1re inst.)]

[9]      À l'audition, l'avocate du Procureur général du Canada a soutenu, entre autres, que le ministre avait commis une erreur de droit et de fait lorsqu'il a conclu que la défenderesse avait centralisé son mode de vie au Canada le 21 janvier 1993, [TRADUCTION] « la journée même où elle a obtenu le droit de s'établir au pays » . Je ne saurais accepter cette prétention. D'emblée, je fais remarquer q'une telle conclusion est tout à fait compatible avec la conclusion que le juge en chef Thurlow (tel était alors son titre) a tirée dans Re Papadogiorgakis (1978), 88 D.L.R. (3d) 243, à la p. 249 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, il a été conclu que l'appelant avait centralisé son mode de vie au Canada en mai 1974, ayant obtenu le statut de résident permanent le 13 mai 1974. En conséquence, le juge de la citoyenneté n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a appliqué la démarche que le juge en chef adjoint Thurlow avait adoptée dans la décision Re Papadogiorgakis, précitée.

[10]      En l'espèce, il ressort d'un examen de la preuve au dossier que la date à laquelle la défenderesse a obtenu le droit de s'établir au pays était celle de l'arrivée de ses enfants au Canada. En d'autres termes, à la date à laquelle la défenderesse a obtenu le droit de s'établir au pays, tous les membres de sa famille immédiate, ainsi que ses effets personnels, se trouvaient au Canada, où elle était copropriétaire d'une demeure, en compagnie de son époux, depuis 1991. La défenderesse était demeurée au Canada pendant un an, sans faire de voyages à l'étranger, jusqu'à ce que sa mère tombe malade, l'obligeant ainsi à se rendre plusieurs fois à Hong Kong. Pendant ses absences, la défenderesse avait toujours eu l'intention de revenir vivre avec sa famille dans la demeure qu'elle possédait au Canada. De plus, il ressort de ses habitudes de présence physique qu'elle revenait à la maison à la fin de chaque voyage au cours duquel elle prenait soin de sa mère. En bref, la défenderesse a établi qu'elle avait été présente au Canada pendant une période considérable.

[11]      Après avoir appliqué la norme de contrôle énoncée dans Lam et soupesé toutes les observations que l'avocate du Procureur général du Canada a faites, je n'ai pas été convaincue que le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit du fait qu'il a omis d'appliquer les principes juridiques appropriés en matière de résidence aux faits dont il avait été saisi.



[12]      L'appel est rejeté avec dépens.

                                     D. McGillis

                                

                                     juge




OTTAWA

Le 15 décembre 1999









Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  T-1207-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c.                          Sau Fun Lau

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 21 septembre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE McGILLIS

EN DATE DU :                  15 décembre 1999



ONT COMPARU :


Mme A. Leena Jaakkimainen              pour le demandeur

M. Stephen W. Green                  pour la défenderesse


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Morris Rosenberg                  pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Green and Spiegel                  pour la défenderesse

Barristers and Solicitors

Toronto (Ontario)

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